Corps de l’article

Par l’approche méthodologique de l’ethnographie multi-site, ce livre de Joseph Ronald Dautruche, Haïti, Culture et patrimoine dans la construction d’une destination touristique, offre un angle de vue non fermé de la culture haïtienne et de ses représentations dans l’histoire mondiale. Cette publication fait la promesse aux lecteurs/lectrices de montrer comment l’image d’Haïti comme destination touristique a été conçue dans le temps et dans l’espace. Ce faisant, parmi les manifestations constitutives de l’offre touristique haïtienne, les récits sur le vodou et la peinture comme pratiques et marqueurs touristiques ont retenu son attention. En ces termes, son terrain non délimité, non clairement localisé, emploie la technique du following, au sens où le chercheur s’est mis à « suivre les choses, les personnes, les métaphores, les récits, etc., à travers le temps et l’espace » étudiés (p. 7).

Découlant de sa thèse de doctorat en ethnologie et patrimoine soutenue en 2013 à l’Université Laval, cette étude porte sur la « dynamique de la construction d’Haïti comme destination touristique ». La temporalité de la construction de l’image d’Haïti à laquelle l’auteur fait référence se situe entre les années 1920-2008, ce qui correspond à une image soigneusement centrée autour de l’affirmation d’une authenticité, d’une « essence haïtienne » coincée entre des référents du monde rural haïtien et l’Afrique des grands royaumes[1]. Pour lui, cette construction coïncide avec le développement de l’indigénisme[2] haïtien.

Bien ancrée dans les disciplines de l’anthropologie et de l’ethnologie, cette publication est structurée en cinq chapitres qui témoignent de l’approche multi-site choisie. Tel qu’indiqué dans la quatrième de couverture, Dautruche propose une lecture « fine, étendue et critique des jeux et enjeux de la valorisation des patrimoines et du développement du tourisme en Haïti ». Son analyse critique de la perspective indigéniste, croisant celle de Ulysse (2020), renvoie aux théories des destinations touristiques, de l’identité et de la culture haïtienne. Du général au particulier, en plusieurs chapitres relativement indépendants les uns des autres, l’auteur livre au public une revue critique des rapports à soi, à l’« Autre », aux patrimoines culturels et à chaque morceau de territoire considéré dans son étude. Avec les contenus identitaires de cette « culture » pour toile de fond, chaque chapitre traite de l’aspect d’une image consolante d’Haïti, vécue comme étant « authentique », d’une région particulière du territoire. Par exemple, lors de l’Exposition internationale de 1949, commémorant le bicentenaire de la fondation de Port-au-Prince, le regard construit sur la peinture haïtienne comme marchandise par excellence de l’époque perçoit cet « art-haïtien » comme intemporel. La peinture est présentée et vendue comme une « essence », une pureté exceptionnelle. Parcourant l’ouvrage, on note que le quartier du Bicentenaire, le carnaval de Jacmel, le Rara de Léogâne, les pratiques vodou aux Gonaïves sont autant de sous-thèmes analysés sous des angles de vue ouverts sur l’avenir de ces sites et pratiques. Cette posture de l’auteur, tel un photographe, laisse interpréter sa position par rapport à son objet d’étude.

Pour bâtir sa théorie critique de l’« image-construite » d’Haïti comme destination touristique, l’auteur expose dans le premier chapitre la complexité des notions de « culture » et d’« identité ». Afin d’élaborer son argumentaire, Dautruche s’appuie notamment sur les éclairages théoriques de Clifford (1996 [1988]) et Friedman (2004). En outre, je remarque que le sous-titre « le désir de l’« Autre » ou désir d’exploiter l’« Autre » (p. 12) est bien ancré dans les travaux de l’anthropologue suisse Kilani (2014 [2009, 2000]). Cet « Autre » y est présenté comme « l’homme « authentique », le « bon sauvage » [qui] remplace l’homme « primitif », le « mauvais sauvage » […] » (p. 13). Mais « en fabriquant une image idyllique de l’autre on contribue à nouveau à l’enfermer » (loc.cit.) L’auteur souligne, en écho à MacCannell (2011), que l’«Autre se réfère toujours à une catégorie d’humain qui est classée d’une manière ou d’une autre » (p. 12).

Au début et à la fin du livre, ces explorations théoriques permettent à l’auteur de développer sa subtile critique de l’indigénisme en tant que cadre nourricier de la pensée identitaire haïtienne. Entre autres, l’ouvrage révèle la dualité du discours indigéniste. Selon lui, d’un côté, il sert à « galvaniser un groupe d’intellectuels du pays autour d’un intérêt commun qui est de débarrasser le pays de l’occupation des Etats-Unis et lutter contre l’impérialisme culturel étatsunien, d’un autre, il cultive un discours producteur d’exclusion et d’essentialisme culturel […] » (p. 33). Dès son entrée et son développement dans les milieux lettrés, cette manière d’interpréter la culture haïtienne fait le tri de ce qu’est l’« identité haïtienne » et de ce qu’elle n’est pas. Ceci explique qu’elle a fait bonne recette, d’autant que le contexte international était favorable à la culture « nègre », souligne l’auteur. En termes de bilan, sa revue des récits et penseurs de ce courant incite à sortir du repli identitaire, du narratif de l’enfermement de l’« Autre». Face au constat d’une « haïtianité construite entre douleur et excès » (p. 30), Dautruche propose plutôt d’inscrire l’indigénisme haïtien dans un mouvement plus vaste qui a touché toute l’Amérique, et dont les différentes tendances ont été traversées par le désir de valoriser les cultures populaires, tel qu’en témoignent l’étude d’Herskovits (1948) et la position contemplative d’André Breton (1946), relatée dans un entretien avec Jean Duché lors d’une conférence tenue à Port-au-Prince (p. 39).

La montée du tourisme international en Haïti est concomitante à la consolidation de la vision dominante des culturalistes haïtiens des années 1920-1950. Si Acacia (1993) « pense qu’on a trop réduit l’indigénisme à un culturalisme », je retiens cependant que ce cadre de référence à l’haïtianité a été renforcé par le regard de Breton sur la peinture haïtienne (p. 102). Entêté à identifier un garant de l’« authenticité totale », ce critique de l’époque illustre son argumentaire avec la figure d’Hector Hyppolite. Plus tard, l’auteur cite une critique de Célius (2007) selon laquelle « Hector Hyppolite répond mieux à ce que doit être un peintre haïtien. Cela sous-tend qu’on est ici dans la continuité de la logique qui veut que l’Occident soit rationnel et matérialiste et le non occidental émotionnel et spirituel » (p. 42). Cette construction de l’image d’Haïti comme destination touristique recourt souvent au mode de vie des « non semblables », des catégories sociales qui sont perçues comme « authentiques ». Pour contredire cette vision, l’auteur rappelle la pensée d’Emmanuel C. Paul (1962), pour qui « il ne s’agit pas de réappropriation mais juste d’un élan de sympathie d’un groupe à part – le groupe des favorisés, intellectuels, des élites dirigeantes – pour un « autre » – les masses urbaines défavorisés, les paysans pauvres […] » (p. 31).

À l’occasion de l’évocation du bicentenaire de la fondation de la ville de Port-au-Prince, lieu de l’Exposition internationale, Dautruche contextualise dans le chapitre 2 le renouvellement urbain dans le quartier du front de mer de la capitale. En mettant en évidence l’optimisme du président Dumarsais Estimé (16 août 1946 – 10 mai 1950) et celui de son secrétaire d’État au tourisme, Robert Baussan, l’auteur démontre l’espérance de cette administration d’ouvrir le pays au tourisme international en tant que principale clé de son développement. En dépit du succès reconnu de cette action publique, en filigrane, l’ouvrage fait ressortir le choix de développement du régime urbain d’Estimé. Un extrait de son discours d’inauguration l’indique clairement : « […] Des probabilités troublantes imposent au gouvernement le devoir de rompre avec la routine, de divorcer avec le repos, de ne pas compter seulement sur l’agriculture » (p. 1). En témoignent certaines actions publiques entreprises comme la transformation de certaines maisons en hôtel de luxe, des avantages incitatifs à l’importation de certains produits et aux constructions dans le centre historique, etc. Le livre expose l’objectif, l’historique et l’appropriation de ce projet de développement. Cette riche démonstration permet de remonter aux moments forts de cet « événement-prétexte » (p. 84) dans la construction de l’image touristique du pays. Cependant, avec l’avènement au pouvoir de François Duvalier (1957-1971), surgit le déclin de cette image touristique forte de Port-au-Prince à partir de 1959. La dégradation à l’étranger de l’image d’Haïti comme destination touristique est liée aux soubresauts sociopolitiques auxquels s’ajoute plus tard la propagande internationale autour du Sida. L’esprit de ce chapitre laisse comprendre que ces aléas et conséquences en termes de précipitations ont tous contribué à la chute libre de l’industrie du tourisme en Haïti.

C’est dans ce contexte d’incertitude que des « Plans de Développement Tourisme » (PDT) ont été élaborés (voir chapitre 3). Leur orientation croise les enjeux discutés et adoptés à la Conférence mondiale du tourisme en 1980. En dépit du fait que selon les pouvoirs publics, les collaborateurs nationaux et internationaux le tourisme est un pilier de la « culture », une ressource, l’auteur attire l’attention du public sur le fait qu’aucun des « Plans Directeurs du tourisme » (PDT) datant de 1972, 1996, 2008 n’a encore été appliqué. Or, les livrables cités sont aussi les fruits de la coopération internationale.

En effet, aux défis globaux et spécifiques de chaque territoire, Dautruche rapporte la décision de l’Organisation mondiale du tourisme (OMT) de 1980 positionnant les aspects culturels sur les facteurs économiques. La citation qui suit offre un cadre pour définir et faire atterrir plus tard ce tourisme dans les relations internationales. Le « tourisme culturel » qui sera développé y trouve l’argument nécessaire à sa germination : « Le tourisme a acquis outre ses dimensions quantitatives bien connues une dimension culturelle et morale qu’il importe de protéger contre les distorsions négatives dues à des facteurs économiques » (OMT, cité p. 5). Bien qu’au chapitre 5 l’auteur livre une critique éclairante du concept de « tourisme culturel », ici, il reconnaît que ce cadre global [dé]hiérarchise le regard sur la culture, diversifie le menu culturel en encourageant cette industrie à intégrer dans ses produits et services les éléments culturels populaires comme les lieux, le patrimoine « immatériel », « vivant », « ethnologique » ou « ethnique ».

Dans l’ensemble, cet ouvrage mobilise un certain nombre de concepts qui sont contemporains aux enjeux géopolitiques de l’après-guerre. Après autant de pertes, comment garantir durablement le « vivre ensemble » ? Cette perspective permet à l’auteur de se référer aux notions d’« identité vivante et [de] diversité culturelle », présentées comme de nouvelles normes sociales et politiques pour [co]habiter le monde. Le tourisme comme ressource y est vu comme le pilier de la « culture ». Dans le cas d’Haïti, ces [re]ajustements de discours ou de « valeurs » expliquent qu’à chaque fois qu’un organe international se réunit en vue de réfléchir au possible relèvement d’Haïti, les réponses envisagées affirment souvent que « la culture est une ressource à capitaliser pour développer le pays ; faire de la culture du pays le moteur de la reconstruction » ; « bâtir un autre pays en faisant de la culture le berceau de la renaissance » (p. 6-10).

Dans ce contexte l’auteur fait un flashback sur l’ancrage de cette rhétorique qui, selon lui, remonte au Courrier de l’UNESCO (1966). Parmi des flots de discours médiatiques portant sur la catastrophe du 12 janvier 2012, il rapporte que le « tourisme culturel » est un trésor inexploité pour le « développement économique » (p. 4) qui peut permettre de « transformer les biens culturels en bien économiques » (loc.cit.). Si l’auteur n’a pas évalué l’applicabilité de ces énoncés dans la définition des politiques publiques culturelles, il soulève néanmoins un certain nombre de préoccupations d’ordre épistémologique portant sur la nécessité pour Haïti d’identifier l’orientation de cette « culture ». Je me permets de reformuler l’une d’entre elles. Comment miser uniquement ou non sur la « culture » pour le développement touristique, voire même le développement économique du pays ? Plus tard, il signale un revirement dans les discours voire une opposition entre pays sous-développeurs récepteurs et « pays émetteurs de touristes » (loc.cit.).

Ce bouillonnement de discours internes et externes de la culture et du patrimoine dans la construction d’une destination touristique donne lieu en Haïti à des plans et discours de développement. Contrairement à la rhétorique indigéniste, cette ouverture permet à l’auteur de [re]mettre l’accent sur la transnationalité du patrimoine haïtien en tant que « produit des bouleversements historiques constitutifs de notre monde : l’installation des peuples autochtones aux modes de migrations actuelles en passant par l’esclavage et les missions civilisatrices occidentales » (p. 7). Au carrefour des circonstances, de rencontres géopolitiques qui ont façonné la problématique de l’organisation de l’espace haïtien (voir Anglade 1982 : 88), l’auteur n’isole pas la « culture haïtienne » de l’histoire de l’humanité. Pour attester son assertion, il invite à faire une halte sur les usages de la notion de « culture » dans les politiques identitaires et touristiques, et les relations internationales. Cette publication offre une belle perspective pour analyser les perturbations de l’élargissement de la « culture haïtienne » en général et du narratif néo indigéniste en particulier.

S’appuyant sur un corpus de publications de presse de l’époque et les chroniques de Georges Corvington (1991, 2009), le chapitre 2 fait aussi l’historique et l’inventaire des infrastructures et performances de l’Exposition internationale de Port-au-Prince. Si cette transformation par « baguette magique »[3] du président Estimé a fait la renommée de Port-au-Prince comme destination touristique dans les Caraïbes pendant une dizaine d’années (1949-1959), l’auteur n’a pas examiné les conséquences des retombées et leurs modes d’appropriations dans le renforcement de l’encéphalie de la ville de Port-au-Prince. Après avoir identifié l’objectif de cette exposition puis démontré sa dimension innovante, fédératrice et son accueil réussi à Port-au-Prince comme à l’étranger, Dautruche pose une question tout à fait significative : « Et si cette époque n’a pas été assombrie par les bouleversements politiques ? » (p. 85). Sans directement y répondre, je crois qu’il invite à réfléchir sur les limites de cet « évènement-prétexte » dont l’un des objectifs était de retrouver « le respect dû au pays dans le concert des Nations », pour reprendre les mots du président Estimé (p. 63). Sur ce point, il me semble que l’auteur explore la dimension sensible de sa problématique. Car, s’agissant d’une construction, d’un renouvellement urbain quelconque, son appropriation durable dépend de l’état de la cohésion sociale et de l’ouverture à l’« Autre ». Or, dans le cas présent, entre les masses urbaines et les élites de Port-au-Prince, cette possibilité d’une appropriation non discriminante d’un bien culturel fait encore défaut.

Après analyse du contexte d’élaboration des « Plans de développement du tourisme » (PDT) depuis 1972, leur stratégie de compter sur le patrimoine historique, urbain et paysager dans le département du Nord pour l’offre touristique de la nouvelle image de marque du pays, l’auteur rappelle que leur mise en oeuvre n’a jamais eu lieu. C’est peut-être pour cette raison qu’il se garde de formuler l’hypothèse de leur validité ou non. Au-delà de la question d’image de la destination touristique, sa conclusion prend la forme d’une question : « est-ce qu’Haïti peut espérer des visiteurs étrangers sans une nette amélioration de ses infrastructures ? » (p. 85).

Comparativement au plan touristique d’Estimé (1948-1950), au plan soutenu par l’OEA et plus tard celui intitulé « Plan de développement du tourisme de 1972 », le Plan Directeur Tourisme de 2007 visant à présenter Jacmel comme destination touristique me paraît beaucoup plus inclusif en termes de mobilisation de ressources patrimoniales (tangibles et intangibles). Son élaboration pariait sur le « nous » des populations de Jacmel et de ses environs comme socle identitaire pour fabriquer cette image exclusive d’Haïti qu’on souhaitait offrir au monde. Poursuivant ce parcours multi-site, le chapitre 4 fait le point sur l’histoire et la mémoire territoriale des « Indiens d’Haïti », de Yaguana, l’actuelle ville de Léogâne, située à 37 km de la ville de Port-au-Prince. Des entrecroisements de la culture autochtone, coloniale et post-post-coloniale se développe une pratique culturelle immatérielle festive dénommée « Rara ». Après avoir dressé le portrait de ce patrimoine intangible, son calendrier, ses fonctions, ses modes d’appropriation et son remodelage dans le temps, l’auteur identifie ses atouts religieux, culturels politiques, économiques et sociaux comme potentiellement valables pour participer à la construction d’une destination touristique du pays.

Cette mémoire territoriale et sa réactualisation mènent l’auteur à étudier un aspect du potentiel touristique du département de l’Artibonite. Du point de vue de l’histoire et de la mémoire des lieux, Gonaïves, dans le département de l’Artibonite n’est pas exclusivement une « zone-vodou ». Cependant, en référence aux trois « lakou vodou » emblématiques qui s’y trouvent : Badjo, Souvenans et Soukri, le chapitre 5 de l’ouvrage présente cette spatialité comme telle. A la suite des lectures de Métraux (1958), Dautruche analyse le binôme vodou/tourisme sur la base de ses études précédentes menées à Jacmel, à Léogâne puis complétées par la synthèse d’une série d’entretiens avec des pratiquants à Souvenans. Si le résultat de la recherche ethnographique de ce chapitre ne permet pas d’attester la vision des « sévitè »[4] et « eritye »[5] du « lakou »[6] en question, le lecteur ou la lectrice ignore la vision des principaux acteurs dudit « lakou » au sujet du binôme tourisme/vodou. En tant que responsables directs de la gestion de ce site religieux, leur point de vue sur cet alliage serait utile. En effet, avec l’émiettement et le mode de « peuplement » de l’espace haïtien (Anglade 1995 : 146), on sait combien est compliqué le changement de statut d’un bien familial. La compréhension des eritye, habitant ou non le site, concernant la mise en tourisme de ce lieu de production, de spiritualité et de vie apporterait un certain équilibre au résultat de l’enquête ethnographique. Toutefois, ce point ne peut cacher la richesse des propos recueillis. Les réponses permettent à l’auteur de dresser un bon portrait de l’appropriation du vodou, ses fonctions sociales, culturelles et identitaires et son ancrage dans des réseaux nationaux et internationaux. Cette ethnographie démontre les engagements et les stratégies des communautés locales pour changer l’image négative du vodou.

À la fin de l’ouvrage, l’auteur précise tout un corps de concepts qui ont servi de cadre à son étude. Tourisme culturel, écotourisme, tourisme de mémoire au tourisme durable, son analyse critique [dé]qualifie les pratiques du tourisme. Cette partie de l’ouvrage discute la rhétorique respective de chaque qualificatif. Il rappelle que le tourisme était originellement culturel. Donc, dire tourisme culturel n’apporte rien à l’entendement. Dans sa conclusion générale, Dautruche fait remarquer que dans la réception, le tourisme culturel « se réduit généralement aux voyages que les habitants des pays du Nord effectuent dans les pays du Sud dans le but de rencontrer des cultures et des patrimoines authentiques, même des gens authentiques pour les regarder, les toucher ou partager leurs expériences » (p.143). Par conséquent, « ces cultures et ces patrimoines – matériels ou immatériels – méritent, en ce sens, d’être conservés pour le plaisir des touristes étrangers » (loc.cit.). Alors que « les habitants de ces pays sont aussi appelés à conserver leur mode de vie (habitat, mode d’occupation, de l’espace, agriculture traditionnelle, costumes traditionnels, façon de s’habiller et de se nourrir, etc.) pour ne pas perdre leur attrait touristique et subséquemment l’apport économique de ce secteur » (loc.cit.). Cette lecture percutante de Dautruche à propos de la culture et du patrimoine dans la construction d’une destination touristique offre une nouvelle opportunité de réinterpréter le narratif de l’indigénisme haïtien, les stratégies des communautés locales, les énoncés et actions de l’État et de la coopération internationale pour changer l’image d’Haïti à l’extérieur et pour l’extérieur.