Corps de l’article

En cette ère de réconciliation et de défis inédits – mentionnons, par exemple, le rapport qui a fait date, ainsi que les recommandations, de la Commission de vérité et réconciliation au Canada (Niezen 2013 ; TRCC 2015) ; l’effort conjoint des Aborigènes et de Parks Australia d’interdire l’Uluru au tourisme en 2019 (Everingham, Peters et Higgins Desbiolles 2021) ; l’actuelle pandémie de Covid-19 qui a provoqué autant de crises dans les communautés autochtones, comme celle des Dimé (Navajo) aux États-Unis ou des Yanomami au Brésil, que dans les communautés non autochtones à travers le monde (voir, entre autres, Smith 2021 ; Wang 2021) ; et les menaces que font peser depuis des décennies l’extraction des énergies fossiles sur la santé des autochtones et leurs droits fonciers, en Équateur comme en Alaska (voir, entre autres, Berry 1975 ; Coates 1991 ; Coyne et Hopfinger 2011 ; Herrmann 2019 ; Postero et Tockman 2020) –, les diverses manières dont les autochtones conçoivent le gouvernement, les programmes sociaux communautaires et le développement économique ont inévitablement pris de nouvelles formes dans lesquelles fusionnent la perpétuation culturelle et les changement stratégiques ou contraints.

Nonobstant les opportunités et les défis communs auxquels sont confrontés tous les peuples autochtones du monde, l’histoire idiosyncratique de chaque communauté autochtone, de même que le contexte social, politique et économique particulier à chacune, ont permis de les aborder de façon individualisée à chaque fois, pour réviser périodiquement leur gouvernance et leurs pratiques de développement. Cette idée du caractère unique dans un contexte local a été approfondie par des chercheurs tels que Benjamin Gregg (2020), qui est allé jusqu’à remettre en question l’applicabilité du terme autochtone sur une grande échelle, au niveau international – remettant du même coup en doute l’efficacité d’instruments de protection tels que la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (Nations Unies 2007). Gregg concevait plutôt l’État, et son instrument politique correspondant, « l’État des droits autochtones » (2020 : 106, passim), comme l’unique contexte légal et politique au sein duquel les droits autochtones, qui sont toujours internes et jamais internationaux, puissent être reconnus au niveau constitutionnel en fonction du type d’État et de l’histoire unique, ainsi que du statut, des peuples autochtones au niveau local. Le point de vue de Gregg contredit les notions plus répandues voulant que les peuples autochtones et l’autochtonie soient des acteurs valables, sinon nécessaires, de l’arène internationale décolonisée (voir, entre autres, Lightfoot 2016 ; Sarson 2019 ; Simpson 2014 ; Tucker 2013).

Sémantique à part, les cultures et les pratiques autochtones contemporaines d’autogouvernance sont issues de divers aspects du vécu autochtone, tout en s’entrecroisant avec ce dernier, et cela comprend l’identité (voir, parmi beaucoup d’autres, Alfred 2009 ; Poliandri 2011), la conservation à l’identique ou le changement des chefferies coutumières et des pratiques politiques locales (voir, entre autres, Hania et Graben 2019 ; Nas, Nurlinah et Haryanto 2019), le développement économique (voir, entre autres, Hotte et al. 2018), les relations avec les États, les organismes politiques internationaux et les grandes entreprises (voir, entre autres, Chase 2019 ; Shadian 2017, 2018), le développement durable et la préservation des ressources (voir, entre autres, Artelle et al. 2019 ; Diver et al. 2019 ; Lee et al. 2019), la nationalité autochtone et la construction nationale autochtone (voir, entre autres, Cornelle 2015 ; Poliandri 2016 ; Seelau et Seelau 2014), les migrations et l’activisme, sans ordre d’importance particulier si l’on considère tous ces éléments d’un point de vue général. Ces dynamiques, qui se sont créées en réaction à, et/ou en collaboration avec, des organismes politiques non autochtones internationaux, nationaux, régionaux ou locaux, ont souvent affecté ou altéré les contextes sociaux et culturels et le vécu quotidien des membres des communautés autochtones.

En même temps, le fait que certaines communautés autochtones fassent de cet ordre une priorité (que ce soit à l’intérieur des frontières d’un État moderne ou à travers de multiples États, et qu’elles en retirent par conséquent une approche sur-mesure de la gouvernance) prend une importance primordiale lorsque l’on considère des cas individuels dans certains contextes sociogéographiques et politiques particuliers. En conservant en toile de fond l’aspect politique de ces processus, ce numéro thématique d’Ethnologies présente une suite d’études de cas qui abordent plusieurs aspects du vécu des autochtones, en examinant la façon dont les membres des communautés autochtones à travers le monde ont conservé ou ajusté leurs pratiques sociales et culturelles pour affronter les difficultés et tirer parti des opportunités que présente l’époque actuelle.

Identités

L’identité – que l’on pourrait définir comme l’intersection de l’auto-identification, de l’identification par les autres et de l’identification des autres dans la cartographie sociale mentale du locuteur (Poliandri 2011) – est une dimension de l’expérience humaine qui a affecté le développement des relations intra- et intercommunautaires de beaucoup de peuples autochtones à travers le monde, sinon de tous. Les questions de savoir « qui est » et « qui n’est pas » ont fonctionné comme des barrières, des abris ou des sources de pouvoir et de représentation (et de représentation de soi) qui, en retour, ont façonné ou grandement affecté les vies des autochtones, au niveau des individus ou des groupes.

Dans ce numéro, Indrakshi Tandon montre comment les images stéréotypées et paternalistes des peuples autochtones de l’Inde, qui se sont cristallisées à l’époque coloniale britannique, ont perduré dans l’Inde postcoloniale où elles façonnent les relations entre les peuples tribaux (ou adivasi) et non tribaux, ainsi qu’entre les peuples tribaux et l’État. De telles images – dont certaines présentent les peuples tribaux comme arriérés, délinquants, dépendants des aides sociales et irresponsables financièrement – servent à maintenir en place les hiérarchies sociales existantes qui considèrent les peuples tribaux comme déshérités par rapport aux communautés de castes.

Tandon fait aussi la lumière sur le mécanisme par lequel les stéréotypes et les identités imaginaires non seulement façonnent les relations entre le peuple tribal Bihl et les populations non tribales, mais affectent également la façon dont les Bihls construisent leur identité. L’auteur montre comment, par moments, les Bihls choisissent stratégiquement de s’aligner sur les identités majoritaires afin d’obtenir des avantages et des ressources en nature – stratégie qui, bien qu’elle puisse révéler l’acceptation d’un statut social inférieur, n’en témoigne pas moins d’un degré d’agir et de résistance dans des conditions socioéconomiques défavorables.

Dans ce numéro également, William Bissou évoque le maintien des droits autochtones sur la terre, en lien avec les pratiques coutumières et l’occupation traditionnelle du sol avant la période coloniale et durant cette dernière, dans l’actuelle ville de Douala, au Cameroun. Ces droits avaient été établis durant la période coloniale allemande et ont été consolidés après l’indépendance par une volonté gouvernementale de reconnaître les droits autochtones. De tels efforts, qui ont été inscrits dans une série d’amendements constitutionnels dans les années 1980, ont signifié la politisation de l’autochtonie par le gouvernement, celui-ci désirant s’attirer le vote autochtone contre l’opposition non autochtone. En outre, une telle politisation de l’autochtonie a eu pour résultat l’instauration d’une nouvelle politique selon laquelle les maires de Douala doivent être d’ascendance autochtone. Cela garantit aux autochtones une partie du pouvoir dans la gestion des terres et les transactions qui s’y rapportent. Par conséquent, l’identité autochtone s’est inextricablement liée au développement urbain et aux titres fonciers.

Dans cette perspective, Bissou jette un éclairage sur la façon dont les peuples autochtones ont pu faire de leur identité autochtone un outil politique, tant sur le plan des revendications des droits sur la terre que sur celui du pouvoir. Il démontre que l’utilisation stratégique des identités autochtones est devenue un outil de gouvernance dans les mains des communautés autochtones, aussi bien qu’un moyen de gagner en autonomie en réaction à la privation de leurs droits durant les périodes coloniale et postcoloniale.

Cela, bien sûr, ne va pas sans difficultés, car différents groupes autochtones sont en concurrence pour le contrôle des terres et du pouvoir sur différents projets d’aménagement à Douala. Par moments, une telle situation a provoqué l’impossibilité de mener à terme des projets d’aménagement urbain qui exigeaient certains compromis et le partage des bénéfices. Mais il est néanmoins encourageant de voir qu’un tel cadre implique toutefois certaines formes d’agir de la part de la population autochtone.

Leadership autochtone

Le rôle que joue (ou devrait jouer) le leadership autochtone dans la montée actuelle de la gouvernance autochtone varie suivant les contextes géopolitiques. Qu’ils soient des ponts entre leur peuple et les institutions et pouvoirs extérieurs, des guides pour leur communauté dans des contextes politiques et économiques en voie de transformation rapide, ou, alors qu’ils sont dépouillés de l’autorité qu’ils détenaient autrefois, lorsqu’ils revendiquent une telle légitimité traditionnelle, ces chefs autochtones sont sans nul doute liés au développement de la gouvernance dans leur communauté.

Susan Chand et Lemmel Thomas, dans ce numéro, illustrent la complexité d’un tel scénario en examinant le rôle des toshaos (capitaines), chefs traditionnels présidant aux conseils des villages en tant que médiateurs entre leur peuple et les mesures anti-Covid imposées par le gouvernement au Guyana. Les toshaos garantissent une « continuité culturelle » qui fait entrer en jeu leur rôle de guides pour leur peuple lorsqu’il s’agit de recourir aux pratiques et aux croyances traditionnelles dans le monde actuel (où l’espace n’est pas exclusivement autochtone).

Chand et Thomas, ce dernier étant lui-même un toshao, emploient le terme de « résilience » pour définir la façon dont les toshaos abordent la gouvernance. En cela, ils reprennent le principe que Hanrahan avait identifié dans le cas des Premières Nations canadiennes, principe selon lequel « […] sans concordance culturelle, la gouvernance [autochtone] est condamnée », de même que l’idée selon laquelle « les nouveaux modèles de gouvernance peuvent avoir l’air très différents des modèles précédant la colonisation, ou des débuts de la colonisation. Ce sont les valeurs [autochtones], par conséquent, qui doivent donner forme à la gouvernance autochtone ; les pratiques et les structures actuelles n’ont pas à être reproduites – et en fait, ne peuvent pas être reproduites, en général » (2016 : 81-82, traduction libre).

Chand et Thomas mettent en lumière divers styles et approches du leadership qu’ont adoptés les toshaos lorsqu’ils ont dû s’attaquer au sujet sensible de la présentation et, finalement, de la mise en oeuvre des mesures exigées par l’État au beau milieu des difficultés qu’a représentées la pandémie de Covid-19 pour les communautés autochtones du Guyana. Ces styles de leadership vont de l’observance absolue des programmes gouvernementaux et de la déférence envers ces derniers, jusqu’au recours à une approche créative en cas de rejet des protocoles gouvernementaux au sujet de la Covid-19. Cela implique que les toshaos doivent assumer de façon créative un rôle de médiateurs entre le gouvernement et leur communauté afin de trouver une correspondance, ou concordance, culturelle avec des mesures imposées par l’extérieur telles que le port du masque, la distanciation sociale et le fréquent lavage des mains – concordance culturelle qui permet d’accroître le soutien apporté à ces mesures et l’observance des consignes. L’accomplissement d’une tâche si difficile dans le contexte de la crise sanitaire actuelle en dit beaucoup sur l’importance du leadership des toshaos dans ce modèle réussi de gouvernance autochtone.

De nombreux gouvernements autochtones se sont engagés dans ce qu’Angela Riley (2007) appelle « la bonne gouvernance indigène » ; il s’agit d’une perspective théorique qui associe la gouvernance autochtone effective avec ces pratiques qui accordent aux citoyens la liberté de partir ou de contester, pratiques qui sont basées sur des principes autochtones, procurent aux membres du groupe et aux gens de l’extérieur des forums pour résoudre les différends et, plus important, concordent culturellement avec le système de valeurs du groupe autochtone. La perspective de Riley se fonde sur des modèles (et leur apporte un complément) tels que celui, aujourd’hui classique, de l’économiste kanien’kehá:ka (mohawk) Dean Howard Smith (1994a ; 1994b ; 2000), qui avait théorisé la nécessité d’une forte composante économique pour que puisse réussir l’exercice d’une souveraineté autochtone à concordance culturelle. Bien que Riley se soit concentrée sur la (re)création d’une gouvernance autochtone plutôt que sur le développement économique comme l’avait fait Smith, elle ne lui faisait pas moins écho, et a inspiré l’idée majeure de Hanrahan selon laquelle les institutions ayant une concordance culturelle bénéficient d’un fort degré de soutien de la part des communautés autochtones et que, par conséquent, elles ont de plus grandes chances d’être efficaces lorsqu’elles abordent les problèmes et les besoins des autochtones, car elles ont au préalable identifié et déterminé elles-mêmes les priorités des communautés autochtones.

L’étude de cas, par Karen Lopez Hernandez, du peuple Wayuu de Colombie, dans ce numéro, met en exergue l’intersection des idées et pratiques traditionnelles de la gouvernance autochtone avec les besoins qui se font jour dans l’action politique et sociale actuelle. Lopez Hernandez illustre en particulier la difficulté de concilier des formes traditionnelles de gouvernance autochtone avec des formes de leadership plus efficaces lorsqu’il s’agit de négocier avec des institutions étatiques et des grandes entreprises.

Au XXIe siècle, la chefferie décentralisée des Wayuu a dû s’adapter à une nouvelle réalité, à savoir que les programmes étatiques et les projets d’extraction de grandes entreprises affectent toutes les communautés à une échelle plus grande que celle des simples communautés locales dirigées par des chefs héréditaires dans les villages. Lopez Hernandez discute de la façon dont la mise en oeuvre effective des récentes clauses constitutionnelles, qui permettent des financements et des opportunités de développement pour les communautés autochtones de Colombie, a ouvert la voie à la création d’associations, comprenant plusieurs communautés wayuu, dirigées par de tous nouveaux médiateurs. Dans ce contexte, la création d’un tel leadership leur a permis d’avoir plus facilement accès aux subventions publiques et a conféré un plus grand pouvoir décisionnel aux communautés membres de ces associations ; cependant, cela a également provoqué des conflits internes et, par moments, une perte d’influence des chefs traditionnels, ce qui a fini par miner la culture politique traditionnelle des Wayuu. Cette divergence recoupe également (et est soumise à) des questions relatives à la méfiance que provoquent, soit l’identité de tels médiateurs (qui sont souvent en partie wayuu, qui ont été élevés hors des communautés wayuu et qui, dans certains cas, ne parlent pas la langue wayuu), soit les rumeurs, fondées ou non, voulant que ces médiateurs agissent en fonction de leurs intérêts personnels.

Les chefs wayuu ont élaboré des stratégies différentes, parfois conflictuelles, pour naviguer dans les eaux politiques en contexte local, régional et national. Dans le même temps, certaines communautés ont réagi en abandonnant le modèle associatif pour renouveler leur confiance à l’autorité traditionnelle en cas de négociations directes. D’autres communautés ont conservé leurs médiateurs et, en certaines circonstances, ont provoqué des conflits avec des communautés voisines, ou ont souffert de ces conflits, pour cause d’intérêts concurrents.

Il semble que la plupart des pratiques de gouvernance traditionnelle des Wayuu soient en grande partie inadaptées lorsqu’il s’agit de négocier avec des institutions gouvernementales ou des multinationales. Dans ce contexte, il apparaît que le défi que doivent relever ces communautés autochtones réside dans la dichotomie entre, d’un côté, le développement de nouvelles formes de leadership plus étendu, mieux outillé pour servir les intérêts des communautés autochtones vis-à-vis de l’État et des grandes entreprises et, de l’autre côté, la préservation de la chefferie et des pratiques de gouvernance traditionnelles, qui paraissent assez mal adaptées à la structure actuelle des interactions avec les institutions gouvernementales et les forces économiques.

On peut certainement trouver rassurant que la nouvelle réforme constitutionnelle en Colombie ait fait preuve d’un grand intérêt pour le bien-être des communautés autochtones et que, pour y parvenir, elle ait placé un plus grand degré d’agir dans les mains des peuples autochtones, permettant ainsi la création de ces nouvelles institutions dirigeantes. Lopez Hernandez suggère que les communautés autochtones wayuu paraissent désormais disposer d’un plus grand pouvoir que jamais et que, par conséquent, elles semblent mieux outillées pour relever le défi de l’adaptation de leur culture et de leurs pratiques politiques traditionnelles à leurs besoins actuels.

Développement, culture de gouvernance et relations communautaires

Dans ce numéro, Guillermo López Varela et María Cristina Manzano-Munguía discutent des processus actuels de construction de la gouvernance chez les Ngigua de San Marcos Tlacoyalco, une communauté autochtone de l’État de Puebla, au Mexique. Les auteurs mettent en lumière les actions citoyennes qui ont permis aux chefs ngigua de recourir à un certain nombre d’éléments spécifiques – à savoir une série de pratiques de conservation et d’utilisation des ressources naturelles, une station de radio communautaire et une pratique de partage de la nourriture pour pallier la pénurie alimentaire en cas de nécessité – pour la définition et la mise en oeuvre d’un développement efficace qui corresponde à leur culture, afin de façonner la gouvernance chez les Ngigua sur le principe du bien commun. Ce modèle autochtone de développement vise à nouer et entretenir les relations sociales sur un plan horizontal – ce que López Varela et Manzano-Munguía désignent sous le nom de « modèle en rhizome » – où les bénéfices sont générés et mis à la disposition de la communauté par tous ses membres.

Pour ces auteurs, à San Marcos Tlacoyalco, cette forme de développement horizontal et le renforcement de la communauté qui en a résulté peuvent être illustrés par trois initiatives communautaires. Il s’agit premièrement de l’entretien collectif du jagüey, un canal artificiel d’acheminement de l’eau pour la communauté, qui est lié aux pratiques de conservation et d’utilisation des ressources naturelles. La deuxième de ces initiatives est le travail pour la radio communautaire, Radio Ngigua 89,7, qui procure aux Ngigua un outil permettant de promouvoir la solidarité, et de rechercher un soutien financier et émotionnel au sein du Mexique en même temps que de la part des Ngigua émigrés au-delà de la frontière entre le Mexique et les États-Unis. En outre, cet outil médiatique donne une voix aux Ngigua et à leurs alliés, leur permettant de partager leurs expériences de vie et de raconter directement leurs propres histoires, privilège qui, en général, n’est pas accordé aux peuples autochtones, ce qui a souvent des conséquences négatives en termes d’image et d’exactitude des récits (Norman et al. 2020). Enfin, ce développement horizontal est illustré par la pratique récurrente des « paniers de solidarité », des festins communautaires où l’on partage la nourriture et qui permettent à la communauté de San Marcos de parvenir au contrôle de ses propres ressources alimentaires ainsi que de lutter contre la pauvreté, selon les valeurs de bien commun et de réciprocité des Ngigua qui leur permettent d’échapper au principe de l’accumulation capitaliste.

Ces initiatives et, plus largement, les principes des Ngigua qui les sous-tendent, ont récemment procuré à ces derniers une alternative à des siècles de relations de pouvoir basées sur l’assimilation des peuples autochtones par l’État mexicain. Cela démontre, s’il en était besoin, que les communautés autochtones peuvent survivre et même, en fait, prospérer en utilisant des modèles de développement basés sur leurs propres épistémologies. Cette perspective, bien sûr, n’élude pas la façon dont les structures de pouvoir locales, étatiques, voire mondiales influencent de tels processus de développement ; elle considère plutôt ces forces externes comme un cadre au sein duquel les peuples autochtones ont la possibilité de retrouver un certain degré d’agir dans la définition de leurs objectifs et des stratégies pour les atteindre. Le cas de San Marcos Tlacoyalco démontre donc que le développement orchestré par les autochtones eux-mêmes joue un rôle important dans l’élaboration d’une culture de la gouvernance autochtone.

Coopération et confrontation avec les forces gouvernementales et économiques

La nature des relations entre les communautés autochtones et les forces politiques et économiques à travers le monde a oscillé entre coopération et confrontation, sur toute la gamme des variations possibles. Il a été prouvé, encore et encore, entre autres selon les termes de von der Porten et De Loë, que pour que la gestion des terres et des ressources naturelles soit efficace (sans même parler d’être juste et équitable), « la théorie et la pratique de la gouvernance collaborative doit reconnaître les points de vue distincts, les objectifs et les droits des peuples autochtones » (2013 : 3).

De même, Cornell et Jorgensen (2019) ont proposé d’étendre le modèle « d’inclusion sociale » de la gouvernance – que le Canada et les États-Unis ont prôné (quoiqu’avec des résultats mitigés) en tant que stratégie pour élever le niveau de participation des populations désavantagées à la vie économique, sociale et politique de la nation – aux peuples autochtones, sur le mode du concret plutôt que sur celui de l’assimilation. Ils avancent que le fait de pallier cet élément manquant pourrait accroître l’empreinte de la gouvernance autochtone effective dans les deux pays, ce qui pourrait aboutir « à des résultats plus équitables pour les citoyens autochtones » (Cornell et Jorgensen 2019 : 293).

Plusieurs chercheurs, tels que McKivett et al. (2021) ont affirmé que les bénéfices d’une telle approche inclusive allaient au-delà de l’aspect politique de la gouvernance pour inclure des domaines tels que les soins de santé autant que la résolution des inégalités devant la santé dont souffrent de nombreux autochtones, individuellement ou au niveau des communautés. À partir d’une analyse des mérites et des insuffisances d’un programme gouvernemental visant à améliorer les communications entre les praticiens de la santé et les Aborigènes australiens, McKivett et ses collègues concluent que « le fait d’inclure et de donner la priorité aux voix des autochtones dans la conception et la mise en forme d’institutions vitales telles que l’enseignement médical et les soins de santé peut oeuvrer à l’amélioration du bien-être collectif de la communauté autochtone » (2021 : 6473).

La promulgation, en 1989, de la 169e Convention de l’Organisation internationale du travail (International Labour Organization 1989), qui visait la protection des groupes autochtones en même temps que leur participation aux projets de développement et de conservation des habitats et des ressources naturelles, a représenté un grand pas vers la reconnaissance des liens légitimes des peuples autochtones avec les territoires et les ressources traditionnelles. Cependant, des universitaires tels que Veronika Chase (2019) ont avancé qu’il y avait un écart entre la théorie et la pratique, sur le plan de ce que les autochtones pouvaient utiliser, ou de ce à quoi ils pouvaient avoir accès, sur leurs terres traditionnelles. Plus largement, c’est-à-dire en allant au-delà des simples questions d’accès au territoire et d’utilisation des ressources naturelles, Maura Hanrahan avait synthétisé l’un des plus grands obstacles aux opportunités de participation auxquels les Premières Nations du Canada étaient sans cesse confrontées, à savoir que « le consentement de l’État est exigé pour quasiment tous les changements politiques significatifs pour les peuples autochtones » (2016 : 75).

En décrivant l’instauration réussie d’un système hybride de gouvernance (qui faisait fusionner des formes traditionnelles de gouvernance – lire « conseil des Anciens » – avec une branche exécutive alignée sur la loi nationale bolivienne), chez les Guaranis de la municipalité de Charagua Iyambae en 2017, Postero et Tockman (2020) ont dit de cette autonomie à laquelle ils venaient de parvenir qu’elle était « à double tranchant ». Du côté aiguisé, le gouvernement bolivien avait délégué une grande partie du pouvoir décisionnel aux autorités locales autochtones, conférant ainsi aux Guaranis de Charagua un plus haut niveau d’autodétermination. Mais du côté émoussé, l’exercice réel de la gouvernance par les Guaranis de la municipalité de Charagua est resté limité pour deux raisons : tout d’abord, les institutions de gouvernance des Guaranis restaient fortement dépendantes des subventions gouvernementales ; et deuxièmement, leur droit d’être consultés, et de donner leur consentement préalable libre et éclairé aux projets d’extraction des hydrocarbures sur leur territoire, degré de véritable exercice d’autodétermination selon les termes de la Convention des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, est resté lettre morte en pratique.

Néanmoins, le niveau de réussite d’une collaboration effective entre les chefs autochtones du monde entier d’un côté, et les forces étatiques et économiques de l’autre, continuent alternativement de monter au plus haut et de descendre au plus bas, comme depuis les premiers temps de la colonisation.

Coopération (positive)…

Chand et Thomas, que nous mentionnons à nouveau, nous présentent le cas d’une relation positive, voire constructive, entre le gouvernement étatique et la chefferie traditionnelle autochtone au Guyana. Ce sont en fait les actions d’autorité des toshaos, agissant comme médiateurs entre leur peuple et le gouvernement, qui ont assuré un fort taux d’observance, de la part de leurs communautés, des mesures anti-Covid imposées par l’État, ce qui, en retour, a résulté en un bénéfice de santé publique pour ces communautés. Le rôle fondamental que jouent aujourd’hui les toshaos dans les villages autochtones du Guyana représente à la fois le témoignage et la garantie de la « continuité culturelle » qu’implique leur rôle de guides pour leur peuple dans l’utilisation des pratiques et des croyances traditionnelles dans le monde actuel (qui n’est pas exclusivement un espace autochtone). En ce sens, Chand et Thomas dressent un portrait de la gouvernance autochtone différent de celui que Hanrahan, parmi beaucoup d’autres, avait brossé des Premières Nations canadiennes, selon lequel « les politiques coloniales ont détruit des gouvernements autochtones autant que leurs pratiques de gouvernance à coups discrets et brutaux d’oppression politique » (2016 : 76-77, traduction libre).

Dieufort Deslorges, dans ce numéro, nous donne un autre exemple d’une telle relation positive. Il illustre la façon dont, en Haïti, et en particulier dans la réserve bioculturelle de La Salle, les communautés locales contestent les mesures inefficaces qui avaient été adoptées par le passé dans une gouvernance verticale, puis, plus récemment, par des politiques gouvernementales décentralisées afin de conserver et mettre en valeur la diversité bioculturelle. Bien qu’elles se fussent investies dans les initiatives financées par l’État visant à garantir le développement durable, culturel et environnemental, de leur territoire, telles que le programme « reforestation par l’éducation » (qui permettait une exemption des frais de scolarité en échange d’un temps de travail consacré à la plantation d’arbres), ces communautés se sont résignées à constater les limites des efforts gouvernementaux, tant venus du haut que de la base. Elles ont fini par identifier, comme solution la plus viable, un modèle de gouvernance mixte. Un tel mode de gouvernance en appelle à la réinstauration de la surveillance et du contrôle centralisé de l’État (ce qui, bien sûr, inclut financement et direction politique, qui avaient disparu à la fin des années 1980), de pair avec un pouvoir décisionnaire réellement dévolu aux autorités locales et aux habitants de l’endroit (chargés de fournir les principes culturels et pratiques du développement durable et de la bonne gestion de l’environnement forestier).

Cela, pour le moment, reste à faire. Reste à savoir si un tel modèle pourra réellement se concrétiser devant les obstacles anciens et récurrents que sont l’inefficacité, la corruption, les intérêts privés et la concurrence pour l’accès aux rares ressources et qui font partie de l’histoire récente d’Haïti. Néanmoins, l’article de Deslorges nous démontre amplement que ces communautés locales ont renouvelé leur capacité d’agir et qu’elles sont à présent capables de faire entendre leurs préoccupations, en même temps que de proposer une solution de gouvernance qui n’exclurait forcément ni l’État ni les autorités locales de la prise de décision. Il s’agit déjà là d’un premier pas vers une inclusion des communautés locales dans le processus de gouvernance.

Confrontation (négative)…

Il existe aussi d’autres cas, innombrables, où les relations entre les communautés autochtones et les forces gouvernementales et économiques se sont caractérisées par des désaccords, voire des confrontations. Nikolakis et Nelson (2019) ont fait valoir que la confiance – qu’il s’agisse de la confiance interindividuelle entre membres des communautés, de la confiance politique envers les institutions étatiques ou autochtones, ou de la confiance sociale en sa propre communauté dans les temps difficiles – est une composante nécessaire de l’élaboration d’une gouvernance autochtone effective. Là où, ou lorsque, cette confiance ne s’est pas développée, en particulier envers l’État et les organismes et politiques institutionnels –, les communautés autochtones se sont tournées vers des méthodes de gouvernance alternatives pour faire valoir leurs intérêts et leur bien-être.

Tel est le cas de Cherán (Michaocán), au centre du Mexique, qu’illustre Mónica Piceno Hernández dans ce numéro. Dans ce village, l’abattage d’arbres perpétré illégalement par des cartels de la drogue, et entrepris avec succès avec « l’approbation » tacite du gouvernement local et des fonctionnaires de police, a compromis le développement environnemental durable et, par conséquent, le développement de la communauté. En 2011, les habitants autochtones de Cherán, femmes en tête, excédés par la présence violente des « narcos » et l’abattage illégal dans la région, se sont soulevés contre eux ainsi que contre la police et le gouvernement local corrompus. La communauté a constitué son propre système autonome de gouvernement, basé sur la démocratie directe (autogouvernement), tout en refusant de voter et de participer au système politique national et régional. À présent, la communauté est régie collectivement, avec des patrouilles paramilitaires constituées de volontaires pour protéger les terres et les forêts de leur village (voir Lianes 2021).

… et toute la gamme entre les deux

Dans certains autres contextes, la nature des relations entre les peuples autochtones et les forces étatiques et économiques est plus complexe, et il s’y trouve autant d’opportunités de collaboration que d’obstacles à celle-ci. Cela contraint en général les communautés autochtones à prendre des décisions difficiles, ou à être affectées par celles-ci, sur des questions telles que le degré d’autonomie qu’elles peuvent acquérir ou conserver dans leur pouvoir décisionnel, la conservation ou le changement des structures de gouvernance traditionnelle, et la création de nouvelles relations internes entre les membres des communautés et les institutions autochtones, qu’elles soient déjà existantes ou nouvelles.

Manohisoa Rakotondrabe, Miezaka Razafindralamabo et Fabien Girard nous présentent un tel cas à Madagascar, où l’État a récemment ajouté le Protocole bioculturel communautaire (Community Biocultural Protocol, CBP) – instrument administratif créé pour décentraliser encore davantage la gestion des ressources naturelles en consolidant le droit à l’autodétermination des communautés locales – au Transfert de la gestion des ressources naturelles (Natural Ressources Management Transfer, NRMT), instrument préexistant, rédigé en 1996, qui reconnaît les droits coutumiers territoriaux des communautés locales et a créé un organisme légal (les « Communautés de base » ou Vondron’olona ifotony) qui agit comme représentant des communautés dans les négociations portant sur la protection des ressources naturelles.

Le CBP venait combler certaines lacunes de réglementation du NRMT, en étendant le pouvoir décisionnaire à la totalité des communautés plutôt qu’en le confinant aux « Communautés de base » – qui ont été entachées par certaines allégations de corruption et de favoritisme, comme cela se produit souvent dans de nombreuses institutions locales et autochtones (voir à ce propos, entre autres, Aliye 2020 pour une discussion comparable sur ce sujet) –, mais il n’en a pas moins créé de nouvelles difficultés qui pourraient entraver l’exercice du pouvoir dévolu aux communautés locales dans la gestion de la terre et des ressources. Les auteurs ont analysé ce qu’impliquait la coexistence de ces deux instruments dans deux municipalités de l’Ouest, Mariarano et Betsako, et ont révélé que, bien que d’un côté le CBP ait renforcé la prise de décision au niveau de la communauté entière, basée sur des principes traditionnels, ce qui éloigne la menace de la partialité, d’un autre côté, il a miné le pouvoir des « Communautés de base » qui, jusqu’ici, représentaient la seule entité autochtone légale et reconnue par l’État.

Cette actualisation des réglementations présente certainement plusieurs aspects positifs, dont il est probable qu’ils apparaîtront plus clairement dans les années à venir. Cependant, elle a eu pour résultat immédiat de montrer un plus grand degré d’incompatibilité entre les protocoles de réglementation de l’État et les pratiques coutumières locales. Un tel scénario met en lumière une fois de plus les difficultés de l’exercice d’une gouvernance effective auxquelles sont confrontées les communautés autochtones et locales et, parallèlement, la nécessité pour ces dernières de toujours équilibrer, et souvent d’ajuster, les pratiques de gouvernance traditionnelle aux protocoles de réglementation de l’État et des entités économiques (voir, entre autres, Hendrix et al. 2020).

Ceux qui partent et ceux qui restent

C’est aujourd’hui un truisme que d’affirmer que les migrations transnationales relèvent d’une stratégie de survie ou d’une nécessité inévitable pour de nombreux groupes autochtones dans de nombreuses régions du monde. Cependant, récemment, une approche alternative s’est fait jour et, dans de nombreux cas, est parvenue à donner aux populations locales (pas uniquement autochtones) de régions désavantagées sur le plan économique, social et politique, le choix de rester sur leur terre d’origine tout en étant capables de subvenir à leurs besoins. Ces programmes du « droit de rester » ont abordé les défis de la migration en promouvant la création de conditions socioéconomiques durables dans les lieux où les habitants (souvent autochtones) envisageraient d’émigrer. Des organismes tels que le Front autochtone d’organisations binationales (Frente Indigena de Organizaciones Binacionales, FIOB) – qui a depuis oeuvré tant au Mexique qu’aux États-Unis pour protéger les droits des peuples autochtones du Mexique des deux côtés de la frontière, pour qu’ils puissent soit émigrer, soit revenir à leur localité d’origine (Ramirez 2007) – ont proposé de plus en plus de soutien juridique et logistique aux migrants, de fait ou potentiels, de même qu’ils ont plaidé pour des changements de politiques afin de créer des opportunités économiques pour les gens désavantagés dans leur lieu d’origine, afin qu’ils ne soient plus contraints d’émigrer pour survivre.

En même temps, les migrations transnationales de quelques individus d’une famille ont également constitué une stratégie à laquelle ont recouru les familles pour permettre à certains de leurs membres de demeurer dans leur localité d’origine, où la vie et le commerce peuvent être viables grâce à l’argent que ces migrants envoient chez eux (voir, entre autres, Borraz 2005 ; Conway et Cohen 2008 ; Garcia Zamora 2020). Il s’agit là de cas où le « droit de rester » est en fait garanti par le droit concurrent d’émigrer qui, en retour, crée des opportunités pour ceux qui restent. Telle est la réalité, par exemple, de nombreux migrants mexicains aux États-Unis, dont le soutien financier qu’ils adressent à leur famille restée sur place présente une alternative viable à la migration. Dans ces cas, où il s’agit de déplacer de l’argent ou d’autres formes de soutien matériel plutôt que des gens, les liens restent solides (Llano 2022).

Briana Nichols, dans ce numéro, évoque le travail de Nuestro Futuro, une organisation maya à but non lucratif qui se consacre à créer des opportunités locales comme alternatives à la migration transnationale au Guatemala. Dans son analyse, Nichols s’écarte de la dichotomie entre « ceux qui vivent » et « ceux qui restent » ; elle se concentre plutôt sur le processus de création de capital politique dans les communautés mayas où s’entrecroisent migration, développement et autochtonie. Ce faisant, Nichols attire l’attention du lecteur sur les manières par lesquelles les acteurs autochtones politisent la réalité, et sur les effets perçus des vastes migrations qui perturbent les modèles extérieurs du développement qui se basent encore sur le paradigme moderne/arriéré (lire occidental/autochtone).

Cela se produit, par exemple, lorsque Nuestro Futuro, dont le travail s’enracine dans une conception maya du développement qui est aux antipodes de l’accumulation capitaliste, utilise stratégiquement des conceptions essentialisées et convenues de l’autochtonie – qui soulignent l’harmonie culturelle, la vie en commun et la proximité avec la nature – pour se gagner ou conserver le précieux soutien de donateurs extérieurs (étrangers). Ce processus implique de négocier, et de reformuler de façon créative (ce que Nichols appelle le « bricolage perturbateur ») les vieux modèles de développement et d’action communautaire. De ce point de vue, il constitue une forme d’autonomisation des communautés autochtones impliquées dans la création d’une pratique alternative de gouvernance basée sur des conceptions alternatives de la migration, du développement, de l’identité et de l’appartenance.

Pris dans leur ensemble, les articles de ce numéro thématique d’Ethnologies nous présentent une série de réflexions différentes, qui se recoupent parfois, sur le statut actuel de la gouvernance autochtone et de ses différentes nouvelles configurations dans différents contextes géographiques, sociaux, politiques et économiques. En outre, les auteurs illustrent les réponses qu’apportent les communautés autochtones de ces régions du monde particulières à de tels développements, ainsi que les stratégies qui sous-tendent ces réponses. Tout en nous apportant de nouvelles connaissances et une meilleure compréhension de ces cas spécifiques, ce recueil d’articles représente un forum qui fait avancer les débats en cours au sujet de la gouvernance autochtone, en même temps qu’il lance de nouvelles discussions. Ce numéro d’Ethnologies souhaite également procurer une visibilité et, dans l’idéal, une voix aux peuples autochtones.