Résumés
Résumé
Les communautés jongueiras sont envahies par une multitude de chercheurs équipés d’appareils visuels. Si les gens de ces communautés perçoivent les chercheurs comme des personnes susceptibles de les aider en diffusant leurs revendications, leurs histoires et leurs quêtes de droits, ils veulent aussi savoir comment les images prises par ceux-ci seront utilisées et quels seront les avantages et les bénéfices qui en résulteront pour leurs communautés. Pour régler ce problème, ces communautés ont commencé à diffuser des produits audiovisuels visant à créer et à contrôler un ensemble d’images qui divulguent leurs luttes, leur culture et leurs traditions. Cet article décrit et analyse quelques stratégies élaborées par des communautés jongueiras dans le but de créer quelques produits audiovisuels montrant leur quotidien. De cette manière, elles divulguent des renseignements importants qui servent à modifier leur quotidien, à diffuser leurs histoires et leurs traditions et à se construire une nouvelle identité.
Abstract
Jongueira communities are constantly being invaded by a multitude of researchers equipped with visual devices. While the people from these communities see the researchers as people who could help them publicize their demands, their stories, and their quests for rights, they also want to know how the pictures will be used, and what advantages and benefits these pictures could bring to their communities. To solve this problem, these communities have begun disseminating audiovisual products in order to create and control a set of images that disclose their struggles, their culture, and their traditions. This article describes and discusses some strategies developed by the jongueira communities in order to create audiovisual products showing their daily lives. In this way, they disclose important information that can serve to change their lives, to share their stories and traditions, and to build a new identity.
Corps de l’article
Des visiteurs et des chercheurs se promènent dans un quilombo[1], guidés par un membre de la communauté. Le groupe s’arrête devant une maison construite en argile, au toit de paille, et une jeune chercheuse, appareil photo en main, entre dans la maison sans demander la permission de la propriétaire, une vieille dame de plus de quatre-vingts ans. Le guide, dérangé par cette situation, s’interpose et demande à la vieille dame : « Dona Soninha, cette fille veut rentrer chez vous. Le lui permettez-vous ? » La jeune chercheuse s’arrête, embarrassée.
Le fils d’un jongueiro[2] décédé se plaint de gens qui ont enregistré des images de son père sans jamais remettre de copies, soit au jongueiro de son vivant, soit à sa famille après la mort de celui-ci.
Apercevant les caméras et les appareils photos qui saisissaient des images de sa communauté, l’homme se dirigea vers les visiteurs et demanda : « Qu’est-ce que vous allez faire des ces images ? Combien est-ce que vous nous paierez pour chacune de ces images ? »
Ces trois anecdotes illustrent la façon dont les rapports entre la caméra et les interviewés peuvent poser des problèmes au cours de travaux de recherches sur le terrain.
Depuis le début du XXe siècle, plusieurs anthropologues ont utilisé des outils audiovisuels dans leurs recherches. Malinowski, par exemple, prit des photographies au cours de ses recherches dans les îles Trobriand durant les années 1910. Ces photographies constituent peut-être l’un des éléments les plus savoureux de son ouvrage Les Argonautes du pacifique occidental. Actuellement, les moyens audiovisuels sont de plus en plus utilisés par les anthropologues, sociologues, historiens et autres chercheurs. Pourtant, malgré l’insistance de Rouch et Mac Dougall quant à l’importance pour le chercheur de partager ses images avec ceux qui y figurent (Predal 1996 ; MacDougall 1992 ; Fulchignoni 1981), il reste encore des chercheurs qui ne retournent jamais chez leurs informateurs pour les leur montrer ou leur en donner une copie.
Considérés comme des alliés par ceux qui font « l’objet » d’études, les moyens audiovisuels utilisés sur le terrain suscitent aussi de nombreuses questions. Les gens des communautés où les recherches ethnographiques sont effectuées savent que les images pourront servir leurs luttes, leurs revendications, appuyer leurs messages et qu’elles pourront contribuer à la diffusion de leurs récits. Cependant, ils tiennent à savoir comment seront utilisées ces images et quels seront les avantages qu’ils pourront en retirer. Ils veulent exercer un contrôle sur l’utilisation de celles-ci et choisir eux-mêmes la manière dont elles seront présentées aux étrangers. Ils veulent enfin pouvoir en disposer dans le but de présenter eux-mêmes leurs pratiques politiques et culturelles.
Aujourd’hui, quelques communautés noires commencent à élaborer elles-mêmes des produits audiovisuels visant à créer et à contrôler un ensemble d’images porteuses d’un message. Parmi ces communautés, on trouve celles où le jongo, rythme et danse d’origine afro-brésilienne[3], est encore pratiqué (nous les appellerons dorénavant dans cet article communautés jongueiras). Celles-ci ont créé des produits audiovisuels qui sont parvenus à modifier la manière dont elles étaient perçues par la société nationale brésilienne.
Cet article décrit et analyse quelques stratégies élaborées par certaines communautés jongueiras pour créer des produits audiovisuels montrant leur quotidien. Ceux-ci visent à divulguer des renseignements que ces communautés considèrent importants pour améliorer ce quotidien, diffuser leurs histoires et leurs traditions et pour se construire une nouvelle identité.
Les communautés jongueiras
L’origine des ces communautés découle de la présence de nombreux esclaves en provenance de différentes régions dans le Sudeste brésilien au XIXe siècle. Durant cette période, les anciens esclaves dansaient et chantaient le jongo dans les grandes exploitations agricoles où l’on cultivait du café. Tout au long du XXe siècle, l’urbanisation et la migration vers les grandes villes brésiliennes firent pratiquement disparaître le jongo. Il n’était plus pratiqué que dans de petites villes pauvres qui connurent à cette époque une récession économique après l’abolition de l’esclavage et le déclin de la culture du café, et dans certaines favelas de Rio de Janeiro qui avaient recueilli une partie des migrants originaires de ces petites villes. Aujourd’hui, la population afro-brésilienne de ces localités utilise le jongo pour se construire une identité et une mémoire dans le contexte de grands mouvements d’affirmation politique et culturelle.
Malgré la grande diversité des traits propres à chacune des communautés jongueiras connues[4], quelques caractéristiques leur sont communes, notamment leur localisation régionale. D’après les recherches de plusieurs folkloristes, anthropologues et historiens (Ribeiro 1984 ; Stein 1990 ; Lara et Pacheco 2007 ; Carneiro 1982), le jongo est une pratique caractéristique de la région du Sudeste du Brésil, de la vallée du fleuve Paraíba do Sul qui traverse presque tout l’État de Rio de Janeiro, le nord de l’État de São Paulo et la Zona da Mata de l’État de Minas Gerais, régions des grandes exploitations agricoles caféières du XIXe siècle. Le jongo est également pratiqué au sud de l’État d’Espírito Santo. Au XIXe siècle, le café était le principal produit d’exportation de l’Empire brésilien[5]. Les plantations caféières étaient exploitées par de riches maîtres d’esclaves, dont le pouvoir et la richesse étaient si considérables qu’ils purent continuer à acheter de nouveaux esclaves même après la promulgation du Bill d’Aberdeen[6] qui interdisait pourtant la traite transatlantique des esclaves. Quelques-uns de ces planteurs consacrèrent une partie de leur fortune à construire des ports clandestins servant à la contrebande d’esclaves africains afin de contourner cette interdiction.
La grande majorité des esclaves qui arrivèrent dans le Sudeste du Brésil au XIXe siècle provenait du centre-ouest de l’Afrique, en l’occurrence des ports de Luanda, Cabinda et Benguela (Heywood 2002). Ils appartenaient à plusieurs peuples d’Afrique centrale[7] et partageaient des éléments culturels communs. De plus, au cours du grand périple depuis la région où ils étaient capturés jusqu’aux ports où ils montaient à bord des navires négriers qui les amenaient au Brésil, les échanges interculturels s’intensifiaient entre ces individus originaires de cultures et de peuples différents, ce qui permit une interaction sociale et culturelle entre ces groupes et individus. Le jongo était pratiqué parmi ces esclaves. Certaines caractéristiques du jongo se retrouvent dans les cultures des peuples d’origine bantoue. Les jongueiros, les gens qui pratiquent le jongo, utilisent beaucoup de mots d’origine kongo, mbundu ou ovimbundu (Slenes 1982) au moment de « jeter un ponto »[8]. La structure du jongo — l’improvisation du ponto, la danse en cercle, l’adaptation des événements et des métaphores africaines à la réalité quotidienne de l’esclavage au Brésil, pour ne nommer que ces éléments — reflétait aussi certaines structures des rituels et de la vie laïque de certaines sociétés bantoues.
Des récits d’étrangers qui voyagèrent dans cette région au cours du XIXe siècle font état de fêtes et de réunions de Noirs[9] qui dansaient au rythme du fandango ou du batuque. Ce dernier terme, très générique, désigne toutes les danses exécutées par les esclaves (Abreu et Mattos 1982 : 73). Parmi ces voyageurs, il y avait des peintres, qui ont fixé ces danses sur la toile. Il existe une grande ressemblance entre les images qu’ils produisirent et le jongo dansé aujourd’hui.
Le tableau « Fandango no Rio de Janeiro » (figure 1.1), d’Augustus Earle, datant des années 1820, montre une réunion d’esclaves lors d’une danse dont la chorégraphie s’apparente grandement à celle d’une démonstration du Jongo da Serrinha[10] réalisée dans la cour du quilombo São José da Serra[11] en 2003 (figure 1.2). On peut y voir une partie du cercle [roda] en portugais[12] qui entoure le couple « soliste » qui est au centre. Durant le jongo, les gens qui composent le cercle répètent les paroles [ponto] chantées par le jongueiro ou maître jongueiro. Le groupe situé dans le cercle tape des mains pour accompagner le rythme joué par les tambours. Le couple soliste exécute l’umbigada : mouvement de rapprochement des nombrils de l’homme et de la femme, sans qu’ils puissent aller jusqu’à se toucher (Carneiro 1982).
La photographie prise dans ce quilombo lors de l’exécution d’une roda montre bien ce qu’est une fête de jongo aujourd’hui. On peut y voir le cercle, les tambours et le couple soliste, mais aussi l’environnement rural du jongo : la cour extérieure en terre battue et une maison construite en argile au toit de paille[13]. On y remarque les costumes blancs utilisés par les danseurs du Jongoda Serrinha et les enfants qui participent à la fête. Les membres des groupes de jongo d’aujourd’hui revêtent des costumes « africanisés »[14] pour danser le jongo.
Dans le tableau intitulé Batuque de Johann Mauritz Rugendas (figure 1.3), peint en 1835, on peut apercevoir le cercle et quelqu’un qui porte un chapeau sur son dos. L’individu semble chanter et d’autres personnes on l’air de danser. Un homme habillé entièrement en jaune danse au centre du cercle. On y voit aussi ceux qui marquent le rythme de la main.
Des tambours sont présents aussi bien dans le tableau d’Earle que dans la photographie prise dans le quilombo. Leurs tailles sont aussi très semblables[15]. Le tambour figurant dans le tableau est joué couché par terre, alors que le tambour montré dans la photographie est joué debout.
L’un des éléments remarquables du tableau d’Earle (figure 1.1) est la présence d’un enfant parmi les adultes. D’après les ethnographes et les historiens, de même que d’après plusieurs entretiens récents que j’ai réalisés auprès d’aînés jongueiros, les adultes interdisaient autrefois aux enfants de participer aux rodas de jongo à cause de la magie. On disait que les jongueiroscumba[16], ceux qui connaissaient bien la culture du jongo, étaient des sorciers qui pouvaient jeter des sorts à leurs ennemis ou encore à ceux qui ne respectaient pas les participants à la roda ou les règles du groupe. La sorcellerie permettait au groupe social d’exercer un contrôle sur ses membres et sur ceux qui participaient au jongo. Elle constituait l’un des éléments les plus importants du jongo, mais elle fut pourtant également l’un des éléments responsable de sa quasi disparition au XXe siècle : la crainte que les enfants soient ensorcelés amenait le groupe à leur interdire d’y participer. Pour cette raison, la transmission intergénérationnelle des connaissances devint impossible et les jeunes se désintéressèrent du jongo. Malgré toutes les ressemblances entre le tableau d’Earle et le jongo contemporain, on peut se demander si ce tableau illustre une roda de jongo ou si, à cette époque-là, la culture jongueira était encore en train de se construire et si on interdisait déjà aux enfants de participer. Quelques historiens pensent que le jongo et sa culture ont pris véritablement forme vers les années 1850 (Abreu et Mattos 1982)[17] et que cet ensemble résulta de l’interaction entre la culture des Africains nouvellement arrivés dans le Sudeste brésilien, la culture des Africains déjà présents au Brésil, la culture des Noirs nés au Brésil et enfin la culture des maîtres d’esclaves. Cela veut dire qu’il fallut quelques années pour que l’interaction de ces nombreux acteurs influe sur le développement de la culture jongueira. Par contre, de nos jours, les enfants jouent un rôle très important parce que les membres de ces communautés savent que sans eux le jongo risquerait de disparaître ; sans eux, il n’y aura à l’avenir plus personne pour le chanter, le danser et jouer du tambour. À présent, les éléments magiques ont quasiment disparu, mais continuent de se transmettre à travers les récits des aînés, lesquels contribuent à la construction de l’authenticité et de la légitimité de chaque groupe. Ces éléments font partie de la mémoire collective et de l’histoire liées à cette pratique.
Le tableau de Rugendas (figure 1.3), qui aurait été peint cinq ans après celui d’Earle, montre une danse qui se rapproche encore davantage du jongo contemporain. À l’arrière-plan du tableau, on peut voir la maison du maître d’esclaves, le propriétaire de la ferme, ce qui permet de supposer que ce tableau a été réalisé dans une région rurale, peut-être dans une exploitation caféière.
En plus d’avoir en commun la région de la vallée du fleuve Paraíba do Sul, toutes ces communautés partagent également un état de pauvreté. Après l’abolition de l’esclavage en 1888 et le déclin de la culture du café, les villes caféières, jadis riches et prospères, connurent une période de récession économique et la main-d’oeuvre noire commença à quitter ces localités pour aller s’établir dans les grandes villes. Cependant, même avant l’émancipation des esclaves, la production caféière déclinait déjà dans la vallée du Paraíba do Sul. Les rapports de production de type esclavagiste — fondés à la fois sur la monoculture extensive et amenant la destruction des forêts, car il fallait étendre les surfaces cultivables, et également sur le recours à une main-d’oeuvre constituée d’esclaves — épuisèrent la capacité productive des sols de la région. Les effets nocifs de cette exploitation des sols se font encore sentir aujourd’hui. Depuis 1888, la structure agraire a beaucoup changé : là où l’on cultivait autrefois le café, sur les lieux des grandes exploitations, ne se trouvent plus aujourd’hui que de petits propriétaires pratiquant l’agriculture ou l’élevage sur de petites superficies, ainsi que des propriétés de petite ou de moyenne taille qui ne sont plus des exploitations agricoles, mais plutôt des résidences d’été de riches citadins. Après le déclin de la culture du café, les Noirs qui ne purent pas quitter les lieux connurent une vie misérable parce qu’ils n’avaient plus de travail. Quelques maîtres donnèrent à leurs esclaves une partie ou la totalité de leurs propriétés. Cependant, une grande partie de ces dons ne fut jamais officialisée et certains membres de la nouvelle élite qui s’installa au pouvoir après l’avènement de la République en 1889, se les approprièrent. D’autre part, ceux qui reçurent effectivement une propriété en don n’eurent pas la possibilité de l’exploiter parce qu’ils n’avaient pas de capital à y investir. La fuite des capitaux mit un frein au développement économique de cette région et ce jusqu’à nos jours, à l’exception de trois ou quatre villes de cette partie de la vallée du fleuve Paraíba do Sul. Les conditions géographiques de cette dernière y contribuèrent également.
Cette région est constituée de collines et de montagnes reliées par de petites routes non goudronnées. Dans les vallées en contrebas se trouvent de petits villages et agglomérations qui ont conservé leurs modes de vie et leurs pratiques culturelles, dont le jongo parmi les aînés. Toutefois, la proximité de Rio de Janeiro a incité beaucoup de jeunes à préférer la culture urbaine et à assimiler le jongo à une pratique du passé, et les aînés, à des « ringards ». Pendant longtemps, les jeunes ont eu honte des ces manifestations culturelles. Notons par ailleurs que le taux d’analphabétisme est longtemps resté très élevé parmi les aînés et les jeunes. En raison de cette situation conjuguée à un passé esclavagiste et à un présent de misère et de pauvreté, cette population n’a pas bénéficié d’un contexte favorable au développement d’une citoyenneté solide ni d’une organisation sociopolitique propice à la lutte contre les préjugés, le racisme et l’exclusion sociale.
Cette situation commença à changer au cours des années 1970 lorsque le taux d’analphabétisme recula, surtout parmi les jeunes. Le Brésil fut par ailleurs confronté à un renforcement des mouvements de lutte pour les droits des Noirs. L’une des stratégies politiques principales de ces mouvements fut, dès le départ, d’amorcer la « résistance culturelle », en récupérant les éléments de la tradition afro-brésilienne (la samba, le jongo, la mémoire des aînés, notamment celle liée à l’esclavage, etc.) pour les mettre au service de l’affirmation identitaire. Influencée par cette stratégie politique, la génération qui s’intéresse au jongo aujourd’hui valorise les traditions afro-brésiliennes et cherche à changer la réalité de ces communautés en développant des projets sociaux visant l’amélioration de la qualité de vie des aînés et la construction d’une identité affirmée pour les jeunes. Le jongo est un élément très important de ce processus.
Les communautés jongueiras utilisent les images produites par Rugendas, Frond et d’autres artistes étrangers pour légitimer leurs stratégies politiques et leurs pratiques culturelles, ainsi que pour renforcer le lien historique entre leur passé et leur présent. Leurs stratégies politiques sont basées sur le droit à la terre et sur la reconnaissance du jongo en tant que pratique ancienne qui a contribué à façonner les caractéristiques de la brésilianité (ce qui est considéré comme particulier à l’identité nationale brésilienne) manifeste dans la région du Sudeste du Brésil, la région la plus développée du pays sur le plan économique et social. Les jongueiros peuvent dorénavant revendiquer l’importance de leur contribution — de même que celle de leurs ancêtres — dans la construction du Brésil actuel. Cette reconnaissance, qui contraste avec la pauvreté qui affecte la majorité des jongueiros, leur permet d’exiger du gouvernement brésilien l’adoption de politiques de réparation comme celles qui garantissent la propriété de la terre aux communautés noires[18] et celles qui visent aussi à préserver et promouvoir la diversité culturelle brésilienne[19]. En outre, les images de cette reconnaissance établissent un lien entre le jongo d’aujourd’hui et les batuquesefandangos dansés par les esclaves. Elles permettent aussi le façonnement d’un continuum généalogique entre les esclaves d’autrefois et les jongueiros d’aujourd’hui, en soulignant donc, sans qu’aucun doute ne soit permis, l’existence d’un rapport entre ces derniers et leurs communautés et les esclaves et leurs communautés.
La « réapparition » du jongo
Dès 2001, les communautés jongueiras commencèrent à organiser un réseau d’appui[20] afin d’établir, de renforcer et de resserrer les liens existant parmi les différentes communautés, ainsi que les chaînes d’interactions qui les relient à la société brésilienne. Ainsi, le Rede de apoio ao jongo e ao caxambu [Réseau d’appui au jongo et au caxambu][21] fut mis en place pour aider les communautés à obtenir le nécessaire pour changer leur quotidien. Comme il s’agit de groupes sociaux pauvres, les besoins quotidiens sont divers. Malgré toutes les difficultés rencontrées[22], le réseau atteignit des objectifs importants. Il contribua à ce que le jongo fusse mieux connu hors des petites villes où il est enraciné et des bidonvilles où il était condamné à disparaître.
Depuis trente ans, le renouveau du jongo a pris tellement d’ampleur que les jeunes descendants des anciens jongueiros l’ont « recréé » dans quelques communautés où il n’existait plus du tout. C’est le cas des communautés de Piquete et de Campinas, des villes de l’État de São Paulo, et de Quissamã et de Campos dos Goitacazes, de l’État de Rio de Janeiro. À Piquete, Gilberto Augusto da Silva (surnommé Gil do Jongo) est instituteur dans une école publique. Il avait connu le jongo quand il était petit. Mais les vieux jongueiros moururent au cours des années 1970 et le jongo resta « endormi » jusqu’à ce qu’il se réveille à Piquete quelques années plus tard. Gil do Jongo réunit les anciens jongueiros encore vivants et organisa une roda de jongo. Il entreprit ensuite un travail de transmission et de préservation du rythme, des pontos et de la danse avec leurs descendants.
À Campinas, Alessandra Ribeiro a créé un groupe de jongo[23] et lui a donné le nom de son grand-père, Benedito Ribeiro ou Dito Ribeiro. Selon elle, ce dernier était un jongueiro célèbre et elle voulait ainsi lui rendre hommage. Ce groupe a une caractéristique très particulière : il est constitué de jeunes universitaires. Parmi les participants, beaucoup sont blancs, n’ont pas d’ascendance noire et ont un niveau de scolarité très haut par rapport aux membres d’autres groupes de jongo et d’autres communautés jongueiras.
Le même processus se déroule à Quissamã et à Campos dos Goitacazes, villes situées au nord de l’État de Rio de Janeiro. Contrairement aux villes du sud, ces deux communautés se trouvent dans une région où beaucoup d’esclaves travaillaient dans les grandes exploitations sucrières. Là aussi, le jongo a été récemment « récréé ».
Ce mouvement de renaissance résulte du mouvement de renouvellement du jongo entrepris dans les années 1970, dont l’un des aspects les plus remarquables est la visibilité qu’il gagna au moyen de l’organisation de spectacles et de la parution de nouvelles dans les journaux, les magazines et à la télévision. Les gens de ces communautés mettent aujourd’hui à profit cette exposition médiatique pour diffuser les perspectives liées à leurs luttes.
La production des livres-CD par les communautés jongueiras.
Pour lutter contre l’exclusion sociale et pour tenter de modifier l’image négative de pauvreté et de violence que les groupes sociaux hégémoniques appliquent aux communautés jongueiras, ces dernières ont élaboré une stratégie d’action qui passe par la production et/ou par le contrôle des images qui les concernent. Au cours des huit dernières années, cette production a augmenté de façon significative et, aujourd’hui, ces communautés s’impliquent énormément dans la production de matériel audiovisuel. Les thèmes de la mémoire et la tradition sont omniprésents dans ces produits audiovisuels, notamment dans les livres-CD créés spécifiquement par les communautés jongueiras. Depuis 2003 trois livres de ce type ont été publiés présentant les histoires des communautés jongueiras et l’histoire du jongo de façon plus générale. Il s’agit de : Jongo da Serrinha (2002) qui raconte l’histoire de Serrinha et du groupe Jongo da Serrinha ; de Jongo do Quilombo São José (2004) qui raconte l’histoire du quilombo São José da Serra ; et de Jongos do Brasil (2006) qui raconte l’histoire de plusieurs communautés jongueiras situées dans les États de Rio de Janeiro et de São Paulo. Ces trois publications contiennent un livre illustré présentant les histoires des gens de la communauté, des photographies et quelques illustrations, dont des images relatives à l’esclavage et d’autres représentant les lieux où vivent les communautés, ainsi qu’un CD d’enregistrement de plusieurs pontos. Parmi les illustrations se trouvent des visages de Noirs et la représentation d’un navire négrier peint par Johann Mauritz Rugendas où l’artiste fait figurer symboliquement les différentes ethnies africaines ayant débarqué au Brésil. Les histoires qui racontent l’origine et la définition du jongo tissent ce que l’on pourrait appeler un mythe d’origine commun à toutes ces communautés.
Le mythe exposé dans les livres-CD met l’emphase sur la présentation de six éléments : le jongo, son histoire, une ethnographie de la fête (la roda de jongo), une ethnographie de la danse, les instruments et quelques renseignements sur les pontos. Le jongo est décrit comme une pratique appartenant au patrimoine culturel brésilien et qu’on retrouve au Sudeste du pays et de façon prédominante dans l’État de Rio de Janeiro. On le définit comme l’un des « pères » de la samba et de l’une des plus importantes contributions des Noirs à la culture brésilienne ainsi qu’à la création de la MPB[24]. La MPB fut façonnée par plusieurs rythmes et il est sûr que la samba lui servit de creuset. Le jongo surgit au XIXe siècle et la samba dans les années 1910[25]. Ceux qui chantent et/ou composent des sambas sont nommés sambistas. Les premiers sambistas étaient des fils ou des petits-fils d’esclaves et connaissaient beaucoup de rythmes afro-brésiliens, y compris le jongo. Puisque le jongo est plus ancien que la samba et que les gens qui participaient à son expansion étaient, surtout à Rio de Janeiro, presque tous les mêmes, on considère que le jongo eut une influence sur le développement de la samba. À l’instar du jongo, la samba est reconnue comme dança de umbigada (Carneiro 1982 ; Moura 1983 ; Vianna 1995). Les livres-CD présentent l’histoire du jongo et rapportent que celui-ci existait déjà dans la région du Congo et de l’Angola en Afrique centrale. Selon la tradition orale, les esclaves l’auraient apporté d’Afrique dans le Sudeste brésilien. Il est important pour la mémoire et l’identité de chaque communauté de recourir à l’origine africaine, parce que cela témoigne du lien ancestral ; on établit un lien entre les jongueiros d’aujourd’hui et ceux du passé, entre les esclaves et leurs descendants. Dans chaque communauté, il se trouve une personne capable de rétablir la lignée ancestrale jusqu’à l’esclavage et jusqu’à un ancêtre africain. Si, auparavant, les liens avec les esclaves et le jongo étaient dissimulés en raison de la honte et des préjugés, il semble maintenant opportun de les récupérer.
La fête (roda de jongo) est décrite en soulignant ses aspects les plus « ruraux ». On dira, par exemple (dans les trois livres-CD), que « les Noirs font un feu de camp et illuminent la cour avec des torches ». Le jongo permettrait aussi de se mettre en liaison avec les âmes des ancêtres. Ainsi, la danse ne pourrait vraiment débuter que vers minuit, heure à laquelle les âmes des ancêtres apparaîtraient et participeraient à la danse. Les âmes des ancêtres viendraient regarder les descendants des anciens jongueiros lors des manifestations. Avant minuit, les gens s’amusent en dansant sur d’autres rythmes afro-brésiliens. « À minuit » (selon les trois livres-CD), la femme la plus âgée « arrête le bal et marche vers la cour de terre battue. Elle allume le feu de camp et organise la roda ». La présence de la femme est accentuée dans ce récit : en réalité, le feu et la roda peuvent être commencés par n’importe qui. Mais, le matriarcat étant considéré comme une caractéristique importante des sociétés bantoues, il est souligné ici pour affirmer l’africanité présente dans la fête. Cependant, cela résulte aussi d’un aspect démographique : après que les processus d’urbanisation ont été amorcés à la fin du XIXe siècle, les hommes quittèrent ces communautés appauvries pour aller chercher du travail dans les grandes villes du Sudeste et les femmes devinrent les chefs de famille. Aujourd’hui, de nombreuses femmes occupent d’importantes fonctions dans les communautés jongueiras et elles jouent des rôles essentiels dans tout le processus de transmission de la tradition jongueira. D’autre part, malgré les liens entre les femmes et la sorcellerie, même en Afrique, les histoires « de magie » font souvent intervenir des personnages masculins. Dans les récits de sorcellerie, parmi les jongueiros, les femmes jouent presque toujours le rôle d’objets de désir des hommes, motif qui pousse ceux-ci à se disputer. Les histoires sur les jongueiroscumbas ont beaucoup à dire sur les hommes et presque rien sur les femmes.
La danse, les instruments et les pontos sont décrits conformément aux récits de plusieurs chercheurs (Simonard 2005 ; à paraître ; Gandra 1995 ; Lara et Pacheco 2007 ; Slenes 2007 ; Stein 1990). Les tentatives de modernisation du jongo, comme celle de Mestre Darcy[26] par exemple, ne sont pas mentionnées, parce qu’elles ne sont pas vraiment acceptées par tous les jongueiros.
Cette production discographique et visuelle a progressivement légitimé le jongo et les productions culturelles des communautés jongueiras en créant un espace particulier à partir duquel ils ont acquis une autorité pour diffuser leurs mémoires, leurs récits, leurs luttes et leurs traditions. Le groupe Jongo da Serrinha réalisa plusieurs spectacles en 2002 pour présenter au public son livre-CD. Cela attira l’attention de la presse qui publia plusieurs reportages sur ce groupe, ses chanteurs et danseurs, ainsi que sur sa communauté d’origine. Par conséquent, le jongo qu’ils pratiquent, la culture de la communauté, sa tradition, etc., sont désormais bien connus du grand public. La visibilité ainsi obtenue permit au groupe et à la communauté de se faire entendre auprès d’organisations privées et étatiques qui les aidèrent à satisfaire certains besoins de la communauté. Il en a été de même pour la communauté quilombola de São José da Serra : après la parution de son livre-CD, elle reçut une visibilité suffisante pour rallier certaines personnes à leurs causes.
Les images des aînés
Les couvertures de tous les livres-CD présentent des photographies des aînés des communautés jongueiras. La première de couverture du « Jongo da Serrinha » montre une photo en noir et blanc de Tia Maria do Jongo[27] (Maria de Lourdes Mendes), la participante la plus âgée de ce groupe (figure 2.1). Elle danse vêtue d’un costume « africanisé » au centre d’un cercle déployé au quilombo São José da Serra. La quatrième de couverture présente la photo de feu Mestre Darcy (figure 2.1), celui qui renouvela le jongo, vêtu d’un veston blanc et coiffé d’un chapeau blanc. Il était déjà décédé au moment où ce livre-CD fut mis sur le marché, mais nous devons tout de même souligner qu’il fut le leader de ce groupe pendant près de trente ans. Pourquoi son image n’est-elle pas en première de couverture de ce livre-CD ? Nous croyons que la réponse tient à la question de la tradition. Le travail de Mestre Darcy fut très controversé. Ceux qui travaillaient avec lui l’aimaient et le soutenaient. Par contre, beaucoup de gens l’accusaient de ne pas avoir su respecter la tradition et d’avoir trop modifié la structure du jongo. Au moment où ce livre-CD parut, les jeunes leaders de la Serrinha qui avaient appuyé ses efforts de revalorisation et de renouvellement du jongo étaient dans une position très difficile. Leur légitimité était contestée par les membres des autres familles « fondatrices » de Serrinha. Ils évitèrent pour ces raisons d’utiliser des éléments susceptibles de raviver les critiques. Placer la photo du feu leader sur la quatrième de couverture constituait à la fois un geste prudent et un hommage au vieux jongueiro. Par contre, mettre en évidence la photographie de Tia Maria do Jongo visait à attirer la sympathie de toute la communauté, le leadership et l’importance de ce personnage étant reconnus par presque tous les habitants de la communauté et par certains organes de la Mairie de Rio de Janeiro[28]. Les éléments qui composent ces images furent soigneusement choisis pour corroborer les liens du Jongoda Serrinha avec la tradition du jongo de cette communauté.
La photographie en première de couverture du livre-CD « Jongo do Quilombo São José » (figure 2.2) montre une roda de jongo. Au milieu du cercle, Tio Mané (Manoel Seabra) danse avec un autre habitant du quilombo. Au fond du cercle, à côté des tambours, se trouve la nouvelle dirigeante religieuse de la communauté, Mãe Tetê (Terezinha do Nascimento Fernandes). Tio Mané était le frère de Mãe Zeferina, la dirigeante religieuse décédée moins de trois ans auparavant, et il est l’oncle de Mãe Tetê. Ce dernier et Mãe Zeferina sont les arrière-petits-enfants de Tertuliano et Miquelina qui arrivèrent en tant qu’esclaves dans cette propriété vers 1860[29]. Aujourd’hui, chaque maison de la communauté compte au moins un descendant de l’un des cinq fils de ce couple. À l’heure actuelle, Tio Mané est l’un des habitants les plus âgés et il est très respecté en raison de sa grande connaissance de l’usage des herbes et des plantes médicinales, du jongo, d’autres rythmes afro-brésiliens et de l’histoire de ses ancêtres. Il est l’un des gardiens de la mémoire de cette communauté. Presque tous les documentaires qui ont été réalisés dans ce quilombo[30] présentent des entrevues de lui et de Mãe Tetê. Celle-ci partage l’autorité et le leadership avec son frère, Toninho Canecão (Antonio do Nascimento Fernandes). Elle s’occupe des questions liées à la religion, tandis que lui s’occupe de tisser des liens entre la communauté et la société brésilienne. Par exemple, c’est lui qui mène la lutte de la communauté pour obtenir la propriété de la terre où ils vivent. Il fut vereador[31] de la ville de Marquês de Valença, située dans la vallée du Paraíba do Sul, au sud de l’État de Rio de Janeiro.
Tous ceux qui figurent sur cette photographie sont vêtus de blanc. Cette couleur joue un rôle très important dans les manifestations culturelles afro-brésiliennes. Elle est associée à la pureté et à l’ancestralité. Elle est aussi utilisée dans la capoeira et lors des rituels de l’umbanda, du candomblé et d’autres religions afro-brésiliennes.
Jongos do Brasil est le titre du troisième livre-CD. Sa première de couverture montre une image des aînés de São José da Serra en habits blancs : Tio Mané, Mãe Tetê et les autres. Ils sont tous debout devant une maison en adobe (figure 2.3). Cette même photographie est utilisée dans le livre-CD « Jongo do Quilombo São José ». Bien qu’il s’agisse d’une photographie de gens du quilombo, on espère mettre l’emphase sur les aspects plus généraux du jongo parce que cette image évoque la mémoire, la tradition, l’identité et les aspects ruraux de ce rythme.
L’objet de ce livre-CD est de présenter toutes les communautés jongueiras qui participent régulièrement aux Encontros de Jongueiros ainsi qu’au Rede de Memória do Jongo e do Caxambu[32]. Pourquoi, donc, utiliser une photographie du quilombo ? Parce que le mode de vie de ses habitants paraît plus proche de celui des esclaves du XIXe siècle. L’usage de cette photographie joue aussi un important rôle politique : ce quilombo mène une lutte pour la propriété de la terre. Aussi, en utilisant cette image, on insuffle une énergie à cette lutte et on montre qu’il existe une certaine unité politique dans les communautés qui participent au réseau d’appui aux communautés jongueiras.
Les livres-CD regroupent de très courtes biographies des personnages importants de chaque communauté. Le livre-CD Jongo da Serrinha place en premier les biographies des membres de la famille Monteiro, celle de Mestre Darcy, en commençant par celles de Vovó Maria Joana Rezadeira (figure 3.1) et de Pedro Monteiro, les parents de Mestre Darcy. On remarque que Vovó Maria Joana Rezadeira connut le jongo et d’autres traditions afro-brésiliennes dans la cour de la ferme où elle naquit. À l’âge de vingt-sept ans, elle devint « mère-de-saint » de l’umbanda. À la mort de son mari, elle créa le terreiro Tenda Espírita Cabana de Xangô où elle exerçait ses activités religieuses. Pedro Monteiro était, lui aussi, jongueiro et sambista. Il était débardeur sur les quais du port de Rio de Janeiro. D’après sa biographie, il participait à beaucoup de projets sociaux et il contribua à la création de l’Império Serrano, l’école de samba de la communauté, qui est l’une des plus importantes de Rio de Janeiro. Toutes les familles qui vivaient sur cette colline durant les années 1910 et 1920, les pionniers de Serrinha, comptent au moins un membre ayant participé à la création de cette école de samba. On remarque que ce couple figure parmi les premiers habitants de cette communauté.
Cette liste de biographies comprend également celles de Mestre Darcy (Darcy Monteiro) (figure 3.2) et de sa soeur Tia Eva (Eva Emily Monteiro), en soulignant que le frère et la soeur ont hérité des aptitudes de leur mère. Mestre Darcy s’occupait de la préservation et de la transmission des traditions laïques (le jongo, la samba, les travaux sociaux) et sa soeur s’occupait de la question religieuse ainsi que des travaux sociaux. Il fut celui qui élabora une stratégie de préservation qui fit d’un rythme méconnu, un rythme en vogue chez les jeunes de la classe moyenne, et qui fait à présent l’objet de beaucoup de recherches dans les universités (Simonard 2005 ; à paraître). Tia Eva est décrite comme étant liée aux traditions religieuses, au jongo et à l’école de samba Império Serrano.
Suivent ensuite les biographies d’autres aînés importants, accompagnées de leurs photographies. Les textes signalent leurs liens avec le religieux, le jongo, la samba, l’Império Serrano et les familles de ceux qui furent les premiers habitants de Serrinha.
Le livre-CD Jongo do Quilombo São José présente des photographies d’aînés qui accentuent leurs liens avec les traditions du jongo, de l’umbanda et les ancêtres. Certaines montrent des aînés avec des jeunes et des enfants en suggérant ainsi la transmission des traditions. Les aînés sont posés comme l’incarnation de la transmission orale de la tradition, de la mémoire, et contribuent à construire une identité affirmative pour les jongueiros. Les textes mettent l’accent sur les liens entre les aînés et la communauté où ils vivent et, surtout, sur leurs connaissances de la tradition et de la culture afro-brésiliennes, particulièrement leur connaissance du jongo. Les textes racontent aussi l’histoire du jongo et de la communauté, et exposent également la généalogie de ses habitants.
Le livre-CD Jongos do Brasil présente des photographies des leaders plus jeunes et d’autres montrant les costumes et les rodas de jongo de chaque communauté, ainsi que des tambours. Les articles racontent quelques histoires de chaque communauté, de ses leaders, et présentent les calendriers des fêtes (les jours des rodas de jongo) en plus de présenter les principaux projets développés par chaque communauté (formation professionnelle, transmission du jongo et d’autres traditions afro-brésiliennes, etc.).
Les images des aînés jouent un rôle très important parce qu’elles récupèrent et valorisent l’ancestralité. Les aînés rappellent les liens des jongueiros avec leurs ancêtres qui furent esclaves et, de plus, avec les Africains qui arrivèrent au Brésil durant quatre siècles. En outre, les plus jeunes les tiennent pour les gardiens de toute la tradition de chaque groupe, transmise oralement. Dans les activités politiques et culturelles des communautés, on remarque toujours la participation des aînés. Les compositions des photographies qui les représentent mettent en évidence leurs liens avec la tradition et la culture afro-brésilienne. Pour cette raison, leurs vêtements et l’ambiance des photographies furent soigneusement choisis pour correspondre à des stéréotypes « africains » qui peuplent l’imaginaire de tous les Brésiliens. Quand les jeunes leaders produisent ces images et les utilisent dans les livres-CD, ils souhaitent établir une liaison incontestable entre eux et les aînés, entre les aînés et les esclaves, entre le jongo d’aujourd’hui et celui d’autrefois, entre la culture des esclaves et celle des jongueiros.
Les images de l’esclavage
Des images de l’esclavage sont exposées dans plusieurs livres-CD. Le tableau Pilagem de café [Noirs pilant des grains de café], de Victor Frond, est ainsi présent dans les trois livres-CD (figure 4.1). Deux femmes noires pilent des grains de café dans un gros contenant près d’une porte, peut-être celle de la cuisine de la maison dont le mur apparaît au fond de l’image. À leurs pieds, un enfant s’occupe d’un petit bébé. Il est possible qu’il s’agisse de leurs enfants. Dans l’imaginaire jongueiro, cette image rassemble deux éléments importants et profondément liés : l’esclavage et le café. Elle a été insérée dans un passage du texte traitant de l’histoire du jongo et des communautés de manière à renforcer la liaison entre le café, l’esclavage et le jongo. L’image montre une scène des travaux domestiques quotidiens dans une exploitation de café. Les femmes qui y figurent avec leurs enfants sont les mêmes que celles qui dansaient pendant les soirées jongueiras.
D’autres images figurant également dans les trois livres-CD sont celles de visages d’esclaves venus de Benguela, du Congo, de Monjolo et de l’Angola, peints par Johann Mauritz Rugendas (figure 4.2). Cet artiste a produit beaucoup d’images des différents peuples autochtones brésiliens, ainsi que des différents peuples africains, dont étaient issus les individus qui arrivèrent captifs au Brésil. Pour les livres-CD, on a choisi des images d’individus d’Afrique centrale, des Noirs bantous, pour bien marquer « l’origine » du jongo et ainsi concrétiser les rapports entre ceux-ci et ce rythme. On y trouve aussi le célèbre tableau Navio negreiro [Nègres à fond de cale], du même peintre (figure 4.2). Ce tableau illustre et dénonce les conditions inhumaines qui régnèrent durant des siècles à bord des navires négriers qui traversaient l’Atlantique en direction du Brésil à l’époque de la traite des esclaves. Un Noir à fond de cale demande une calebasse d’eau à quelqu’un sur le pont du navire. Beaucoup de Noirs sont assis ou couchés pendant que trois hommes blancs portent dans leurs bras un Noir qui semble malade ou mort.
Bien que les jongueiros valorisent davantage l’esclavage que l’Afrique, ces images rappellent l’origine commune de tous leurs ancêtres et la souffrance qu’ils subirent. Aussi jouent-elles, dans les livres-CD, un rôle de rattachement historique au passé ; par conséquent, elles légitiment la lutte actuelle pour des actions de réparation des problèmes causés par l’esclavage.
Les images des lieux et des objets.
Les images des lieux et des objets font également partie des livres-CD, sauf de celui intitulé « Jongos do Brasil » dont les images ont déjà été décrites ci-dessus. Elles composent l’imaginaire que les communautés veulent construire et disséminer. Dans le livre-CD Jongo da Serrinha, une photographie probablement prise d’un hélicoptère, montre au loin les lieux importants de cette communauté, mais elle élude certains endroits, tout aussi importants. À côté de cette photographie, une carte de Serrinha (figure 5.1) identifie treize lieux observables sur la photographie. Le premier est le Centro Cultural Jongo da Serrinha, où sont élaborés les projets sociaux et où se donnent les cours de jongo, de capoeira et autres manifestations culturelles afro-brésiliennes. Ce centre est administré par l’ONG Grupo Cultural Jongo da Serrinha, créée en 2002 par des jeunes leaders liés à Mestre Darcy. C’est un espace dédié à la préservation et à la transmission des traditions et de la mémoire. Le deuxième est le funiculaire utilisé pour atteindre les endroits les plus élevés de la colline, repère qui aide à découvrir d’autres lieux importants. Il fut construit par la Mairie de Rio de Janeiro qui contribua à la publication du livre-CD. L’appui de la municipalité légitime aussi le travail des jeunes leaders, puisque cela démontre qu’ils ont un certain pouvoir et qu’ils sont capables d’attirer l’attention et de proposer des améliorations pour la communauté. Le troisième est la carrière de Xangô où se déroulaient des rituels d’umbanda et d’offrandes aux dieux [orixás]. Xangô était l’orixá de Vovó Maria Joana Rezadeira[33]. Le quatrième est la maison de Vovó Maria Joana Rezadeira, qui abritait aussi son terreiro. La première quadra[34] de l’école de samba Império Serrano est repérée par le numéro cinq. Le numéro douze signale la garderie Tia Maria do Jongo et le numéro treize, la garderie Vovó Maria Joana. Les autres endroits identifiés sont les maisons des anciens jongueiros de Serrinha. L’ONG Grupo Cultural Jongo Serrinha, qui a produit ce livre-CD, a signalé les endroits considérés comme importants pour la majorité des habitants de Serrinha qui ont des liens avec le groupe lié à la famille de Mestre Darcy. Cela fait partie de la lutte pour la maîtrise de l’image qui se développe dans cette communauté (Simonard 2005).
Les images du quilombo São José da Serra montrent la ferme où se trouvent des maisons en adobe, des tambours et le syncrétisme religieux de ses habitants. La vallée où se situe le quilombo fut photographiée du haut d’une colline (figure 5.2). On peut y voir quelques arbres, les collines environnantes et des prés. C’est une photographie ancienne, prise du fond de la propriété en regardant vers l’entrée. On ne peut pas y voir la chapelle ni les maisons des quilombolas[35] situées à l’entrée de la communauté. L’atmosphère bucolique et rurale de cette photographie est remarquable. On n’y voit ni routes, ni maisons, ni même de signes d’habitation (pas de poteaux et de fils électriques, de rues, de voitures, etc.). Sur les collines, il n’y a ni cultures ni animaux. C’est un lieu très pauvre économiquement. Aujourd’hui, il y a de l’électricité dans toutes les maisons et les quilombolas construisirent une école, une chapelle et un lieu pour les fêtes tout près de l’entrée de la propriété. Certains jeunes suivent actuellement une formation pour pouvoir enseigner aux plus jeunes et aux adultes non alphabétisés. Pourquoi a-t-on choisi une photographie qui occulte tous les atouts propres au quilombo ? La communauté est actuellement en lutte pour devenir propriétaire de la terre. Le fait de mettre l’accent sur les difficultés des gens qui y vivent est une stratégie servant à chercher de nouveaux appuis.
Les maisons en adobe (figure 5.3) contribuent à façonner l’image rurale du quilombo et servent aussi à accentuer le rapport avec l’Afrique. La maison en adobe associe les communautés jongueiras à l’Afrique puisque cette façon de bâtir y est très répandue. Tio Mané possède une maison construite en béton et en brique, plus confortable que les autres. C’est la seule maison de ce type au quilombo, à l’exception de celle du propriétaire de la ferme. Cependant, dans l’optique de marquer la mémoire et l’identité liées à l’esclavage, elle ne joue pas de rôle important parce qu’elle a été construite selon une méthode élaborée par les maîtres et non par les esclaves.
Les tambours (figure 5.4) servent eux aussi à signifier ce rapport. La communauté possède deux tambours très anciens qui furent fabriqués selon une méthode africaine : on coupe un arbre et on utilise du feu pour faire un trou au centre du tronc coupé. Au jongo, les tambours jouent un rôle magique. On dit qu’ils entament la communication entre les vivants et les âmes des ancêtres. Les tambours font donc la liaison entre le monde des âmes et le monde des hommes, entre les jongueiros de jadis et ceux d’aujourd’hui.
Le livre-CD Jongo do Quilombo São José présente également une photographie de l’autel de la chapelle (figure 5.5) construite par les quilombolas, qui montre bien le syncrétisme religieux de ses habitants. On peut y voir des statues de saints catholiques, dont quelques-uns représentent des orixás dans les rituels de l’umbanda : saint Georges est Ogum, sainte Barbara est Iansã, saint Lazare et saint Roch représentent Omulu. On peut y voir les entités de l’umbanda : les pretos-velhos [les vieux noirs] qui représentent les ancêtres masculins, les pretas-velhas [les vieilles noires] qui représentent les ancêtres féminins, les caboclos qui représentent les esprits des Autochtones. Les rapports entre le Brésil et l’Afrique, entre les quilombos et les esclaves, entre les quilombos d’aujourd’hui et les traditions afro-brésiliennes sont très explicites dans ces images.
On trouve encore dans les livres-CD une image digne d’être mentionnée : des dessins de bananiers et de feuilles de bananiers. Le bananier joue un rôle très important dans le domaine de la magie, d’après une histoire racontée par les membres de toutes les communautés et que l’on retrouve même dans les écrits des historiens, des folkloristes et des anthropologues. D’après cette histoire, à minuit, les jongueiroscumbas plantent un pieu en terre. Au cours de la nuit, ce bout de bois devient un bananier qui donne une grappe de bananes servant à nourrir tous les participants à la fête (Ribeiro 1984 : 57 ; Slenes 2007 : 133). En Afrique, « dans la région des kongos, le bananier symbolise la capacité procréatrice des êtres humains, outre l’aspect éphémère de leurs vies et de leurs cycles de vie. Pour montrer leur pouvoir d’obtenir la prospérité pour leur peuple, les chefs africains et les sorciers plantaient des bananiers » (Slenes 2007 : 134). Ces dessins attestent donc d’une connaissance de la culture jongueira, des éléments magiques, bien qu’ils ne soient presque pas utilisés aujourd’hui, et d’une liaison avec le passé. Connaître des histoires sur la fonction magique des bananiers révèle la connaissance de certains éléments venus d’Afrique, éléments qui furent amenés au Brésil par les Africains.
Les trois livres-CD se terminent par les paroles des pontos chantés par chaque communauté. Certains sont plus anciens et insistent davantage sur les liens avec le passé, d’autres sont plus récents. Ces derniers démontrent la vitalité du jongo, le fait que la transmission de la culture jongueira mais aussi des traditions des ancêtres se déroule bel et bien, et que le risque de leur disparition est écarté, du moins pour le moment. Le fait qu’il y ait des gens capables de créer de nouveaux pontos signifie que le jongo est bien enraciné dans la communauté. La création d’un ponto relevant de l’improvisation, il faut que le jongueiro connaisse bien sa communauté, les gens qui y demeurent, leur quotidien et leurs histoires afin de disposer des éléments à partir desquels il pourra improviser.
Les Afro-brésiliens « à l’intérieur » des Brésiliens.
Depuis les années 1930, plusieurs auteurs brésiliens reconnaissent l’importance des Noirs dans le processus de la formation de la culture brésilienne. Deux d’entre eux publièrent des ouvrages essentiels à la compréhension de ce processus et à la contribution des Noirs à sa formation. Le premier est Gilberto Freyre, auteur de Casa-grande e senzala qui fut publié au début des années 1930. Dans ce livre, publié en français sous le titre Maîtres et esclaves (2005), Freyre analyse la contribution des Noirs à la formation de la famille et de la société brésiliennes. Il développa l’idéologie de la démocratie raciale brésilienne selon laquelle le Brésil n’est pas du tout un pays raciste, mais un lieu où les Noirs, les Blancs et les Indiens vivent en harmonie. Darcy Ribeiro, le deuxième auteur, reconnaît l’importance des Noirs dans la formation de la catégorie « Brésilien ». Dans son livre O povo brasileiro. A formação e o sentido do Brasil, il affirme que si la langue nationale brésilienne est le portugais, c’est grâce aux Noirs (Ribeiro 1995). Ceux-ci étaient obligés de le parler parce qu’ils travaillaient dans les secteurs économiques qui produisirent toute la richesse de la colonie et de l’Empire brésilien : le sucre, les mines d’or et d’argent, et le café. Ils n’avaient pas la possibilité de s’éloigner des Portugais et de retourner vers leurs villages comme pouvaient le faire les Autochtones. Les Noirs ne pouvaient que s’intégrer à la société qui était en train de se façonner, même quand ils résistaient et se réfugiaient dans les quilombos[36]. Il leur fallut parler portugais pour pouvoir négocier et organiser une résistance avec des alliés contre les Portugais. Les Noirs contribuèrent tellement à l’expansion du portugais parlé au Brésil que celui-ci fut très vite envahi par des mots d’origine africaine. Freyre attribue aux Noirs la diction particulière du portugais du Brésil : « une manière de demander plus douce, plus polie » que celle du portugais du Portugal (Freyre 2005 : 321).
Le Noir né au Brésil n’était ni Africain, ni Blanc, ni Autochtone. Il se construisit une identité qui lui appartenait : il était un « proto-brésilien par nécessité » (Ribeiro 1995 : 131), ayant dû se construire une toute nouvelle identité pour se faire entendre dans la société en formation.
L’identité brésilienne s’approprie quelques éléments symboliques et matériels de la culture afro-brésilienne. Dans la musique, le carnaval, le football et les mets nationaux (feijoada, acarajé, vatapá, etc.), on peut noter la présence de cette culture. Malgré cela et malgré l’idéologie de la démocratie raciale, les Afro-brésiliens dénoncent l’exclusion sociale, les préjugés et le racisme qui les affectent. Ils ne refusent pas l’identité générique de « Brésiliens », mais ils veulent exprimer qu’il y a autre chose au-delà de celle-ci. En tant que Brésiliens, ils font partie de la société brésilienne, mais ils y occupent une position de subordonnés et d’exclus. En tant qu’Afro-brésiliens, ils exigent la reconnaissance de cette conjoncture politico-culturelle et la mise en oeuvre de politiques de réparation et d’inclusion sociale. En tant que Brésiliens, ils font l’objet d’une manipulation des classes hégémoniques ; en tant qu’Afro-brésiliens, ils se font les protagonistes des luttes politiques, culturelles et sociales. Dans l’imaginaire dominant de la société brésilienne, les Afro-descendants habitent des favelas et des quartiers dangereux. Ils sont liés au trafic de drogue et à d’autres activités criminelles. Produire des livres-CD, des documentaires vidéo et d’autres produits audiovisuels revient à combattre cet imaginaire et à en construire un autre, complètement différent.
À la violence, les livres-CD opposent le mode de vie paisible de chaque communauté. Leurs habitants sont montrés comme des gens qui travaillent, qui organisent des activités de loisirs, qui ont un sens religieux très fort et qui sont prêts à recevoir quiconque désire les connaître.
Ces communautés veulent être reconnues comme étant des lieux dynamiques et souhaitant participer à un nouveau projet de pays. Elles croient que leurs traditions aideront à le façonner. Les Afro-brésiliens veulent y participer, mais en fonction d’un programme élaboré par tous les Brésiliens et pas seulement par les élites brésiliennes.
À la pauvreté, ces produits audiovisuels opposent la richesse culturelle et la grande capacité créative des gens de ces communautés. Ils montrent que l’exclusion économique peut être vaincue si les possibilités qui sont données aux classes sociales hégémoniques sont également mises à la portée de ceux qui habitent les communautés jongueiras. C’est pour cela qu’elles commencent à se battre pour l’élaboration et la promotion de politiques d’actions affirmatives.
Au moment où elles façonnent leurs propres représentations et des produits leur permettant de diffuser une nouvelle image de leurs habitants et des règles qui les régissent, les communautés jongueiras fuient leur passé, en quête de l’Afrique et de leurs ancêtres. Elles ont besoin de signifier leurs liens avec l’esclavage, la culture afro-brésilienne et les religions afro-brésiliennes. Ces trois éléments se sont développés en territoire brésilien et sont profondément enracinés dans la culture brésilienne. Ils participent au processus de création de la société et de la culture brésiliennes. Puisque les Afro-brésiliens participèrent à la formation de la société, de la culture nationale hégémonique et de la brésilianité telle qu’elle se présente dans le Sudeste brésilien, pourquoi les personnes des communautés jongueiras éprouvent-elles le besoin de reconstruire leurs liens avec l’esclavage pour se lancer dans des actions affirmatives ? Elles vivent aujourd’hui un quotidien d’exclusion sociale et politique, et l’esclavage faisait vivre aussi un quotidien d’exclusion. Nous croyons que la réponse se rapporte à la brésilianité. Pour la société nationale hégémonique, la contribution des Noirs au façonnement du Brésil se cantonne au plan culturel : la danse, les rythmes, le football, les religions. L’importance du travail des esclaves et des Noirs dans la richesse du pays n’est pas prise en considération. Par exemple, on reconnaît plus aisément la contribution des immigrants européens et japonais — qui ne commencèrent à arriver au Brésil qu’au cours de la seconde moitié du XIXe siècle — que celle des esclaves et des Noirs qui vivent au Brésil depuis les années 1550. Aussi les jongueiros utilisent-ils un élément particulier du champ culturel (le jongo), dans lequel l’importance de leurs contributions est bien reconnue par tous les Brésiliens, pour demander des droits qui leur sont refusés. L’élément nouveau dans cette stratégie est l’usage du jongo comme instrument qui éveille la conscience ethnique et qui offre aux communautés jongueiras plus de visibilité. Il faut donc montrer que les esclaves produisirent toute la richesse du pays, de la Colonie jusqu’à l’Empire, puisque les Blancs ne travaillaient presque pas durant les quatre premiers siècles de l’histoire du Brésil (Freyre 2005). Il faut aussi montrer que le sentiment d’appartenance au Brésil fut, et est encore, fondé sur des éléments sociaux et culturels dans lesquels la contribution des Noirs est forte et vivante. Pour bien faire remarquer tout cela, il faut chercher dans le passé des donnés historiques qui soutiennent les revendications du présent. Il faut aussi montrer que le Brésil n’a pas encore inséré les Noirs parmi ses citoyens. La mémoire de l’esclavage fournit des éléments qui leur permettent de se valoriser, de valoriser leurs connaissances et leurs traditions. Le fait de recourir à un passé esclavagiste a pour but de rappeler que c’est la main-d’oeuvre noire qui a construit le Brésil. Le recours à leurs traditions vise à montrer que certains signes de la brésilianité sont fondés sur leurs modes de vie et leurs traditions. Ils influencèrent jusqu’à la langue nationale. Par conséquent, d’après eux, le pays a besoin de développer des politiques d’action affirmative pour que les Noirs, devenus Afro-brésiliens, jouissent de la pleine citoyenneté.
En ce moment, cette lutte ressemble encore à celle de David contre Goliath, mais peu à peu les communautés jongueiras réussissent à rassembler des gens qui exposent leurs points de vue et à agrandir le réseau d’appui qui les aide à faire avancer leurs projets. Leur lutte vient de commencer.
Parties annexes
Note biographique
Pedro Simonard
Pedro Simonard est un documentaliste et anthropologue brésilien spécialiste de l’anthropologie visuelle. Il suit un postdoctorat en anthropologie au CÉLAT/Université Laval. Ses champs d’intérêt de recherches portent sur le jongo, qui est un rythme et une danse afro-brésiliens ; sur la transmission de la tradition dans quelques communautés afro-brésiliennes ; et sur la représentation que les personnes qui habitent ces communautés se font d’elles-mêmes. Un autre volet de ses recherches porte sur le cinéma brésilien, sur les documentaires et sur l’anthropologie visuelle. Il est chargé de cours responsable du cours à distance Brésil pluriel. Il vient de terminer deux documentaires qui portent sur la représentation de l’Afrique et de l’esclavage dans un terreiro de candomblé et sur la négritude dans ce même terreiro, localisé dans une ville proche de Rio de Janeiro. Maintenant, il commence le montage d’un documentaire dont le sujet est l’institutionnalisation du jongo dans la communauté jongueira de Pinheiral.
Pedro Simonard is a Brazilian documentalist and anthropologist specializing in visual anthropology. He is presently a postdoctoral fellow in anthropology at CELAT/Laval University. His research interests include the jongo, an Afro-Brazilian dance rhythm; the transmission of tradition in several Afro-Brazilian communities; and the images the people of these communities have of themselves. Another part of his research is directed toward Brazilian cinema, documentaries, and visual anthropology. He is the instructor of a correspondence course on Brazilian diversity. He has recently completed two documentaries on the image of Africa and of slavery in a candomblé terreiro and of blackness in this same terreiro, in a city near Rio de Janeiro, and is presently editing a documentary on the institutionalization of jongo in the jongueira community of Pinheiral.
Notes
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[1]
Dans cet article, on appelle quilombo le territoire occupé par les descendants des esclaves et des communautés composées d’une population à majorité afro-brésilienne et y demeurant depuis plusieurs générations.
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[2]
Jongueiro(a) est celui qui danse, chante, joue des instruments ou qui participe constamment aux rodas de jongo dans les communautés où le jongo est pratiqué.
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[3]
Pour des informations sur le jongo, voir Simonard 2005 ; à paraître ; Ribeiro 1984 ; Stein 1990 ; Gandra 1995 ; Lara et Pacheco 2007.
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[4]
Selon la Rede de Memória do Jongo e do Caxambu [Réseau de mémoire du jongo et du caxambu], il existe environ vingt communautés jongueiras dans la région du Sudeste au Brésil.
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[5]
Le Brésil devint un pays indépendant le 7 septembre 1822. Le 12 octobre 1822, Dom Pedro, fils du roi João VI du Portugal, se proclama empereur du Brésil sous le nom de Pedro Ier. Son fils, Pedro II, lui succéda et régna jusqu’au 15 novembre 1889, moment où il fut destitué et où le Brésil devint une république fédérale.
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[6]
Le Bill d’Aberdeen fut promulgué par le gouvernement britannique en 1845 ; il assimilait la traite des esclaves à la piraterie et autorisait la flotte anglaise à faire la police des côtes brésiliennes et à saisir les navires négriers jusque dans les eaux brésiliennes.
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[7]
Slenes affirme que 75% des Africains qui arrivèrent dans le Sudeste brésilien entre 1811 et 1850 provenaient de l’Afrique centrale (1982 : 116).
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[8]
On appelle ponto tout ce qui est parlé ou chanté par le maître jongueiro, celui qui organise et/ou contrôle la fête.
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[9]
Dans cet article, j’utiliserai le terme « Noir » pour désigner les non-Blancs représentés dans les oeuvres des artistes du XIXe siècle et pour désigner l’ensemble de la population qui n’est pas blanche. J’utiliserai l’adjectif « afro-brésilien » pour désigner les éléments culturels résultants des rapports sociaux entre les Noirs brésiliens et les Africains, ainsi que l’ensemble de la population noire qui demande ses droits et sa citoyenneté.
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[10]
Le Jongo da Serrinha est un groupe originaire de la favela da Serrinha, localisée dans un quartier ouvrier de Rio de Janeiro. Ce groupe fut créé par Mestre Darcy do Jongo (Darcy Monteiro), l’un des maîtres jongueiros de cette communauté, pour répandre le jongo à partir de représentations données dans des théâtres et des salles de concert. Il cherchait à faire du jongo un rythme connu comme l’est, par exemple, la samba aujourd’hui. Un autre de ses objectifs était de préserver le jongo qui était menacé de disparition, surtout à Rio de Janeiro, à l’époque où il a créé ce groupe.
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[11]
Ce quilombo est habité par près de deux cents Noirs qui descendent d’un même couple d’esclaves arrivé dans cette exploitation caféière vers 1860. Cette lignée y demeure depuis plus de 140 ans.
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[12]
On appelle roda de jongo la réunion organisée pour danser et chanter le jongo à cause du cercle que les participants font autour du couple soliste.
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[13]
Au Brésil, on appelle ce type de constructions casa detaipa, du nom de la paille qui couvre le toit, ou casa de tapa ou casa de sopapo, à cause de la méthode utilisée pour bâtir les murs de la maison : on fait une charpente en lattes de bois. Deux personnes, une dans la maison et l’autre en dehors commencent à remplir, en même temps, les espaces entre les lattes avec de l’argile mouillée, en donnant des coups du plat de la main (tapa ou sopapo, « gifle » en portugais) pour la modeler et l’aplanir. Les murs peuvent être aussi faits en adobe, une technique un peu différente mais dont les matéraux sont les mêmes.
-
[14]
J’utilise ce mot entre guillemets parce que les jongueiros utilisent des stéréotypes sur l’Afrique qui sont très répandus au Brésil pour faciliter la communication entre eux et ceux qu’ils veulent atteindre. Pour l’usage des stéréotypes « africains » comme stratégie de communication, voir Simonard 2005 ; à paraître ; pour une approche des stéréotypes, voir Bhabha 1994.
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[15]
On joue le jongo avec au moins deux tambours. L’un d’entre eux s’appelle angoma. Selon Slenes, ce mot provient du mot ngoma (« presque un étymon universel de “tambour” dans toutes les langues bantoues ») qui désigne un type de grand tambour, recouvert d’un seul côté par une peau d’animal et qui s’accorde en rapprochant du feu son côté couvert (Slenes 1982 : 124).
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[16]
Parmi les nombreuses significations du mot cumba (autre mot d’origine bantoue courant dans la culture jongueira), les dictionnaires de portugais brésilien en donnent la signification de « sorcier », « violent », « personne importante, puissante, rusée ».
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[17]
L’historien Flávio dos Santos Gomes est également d’accord avec cette date (communication personnelle).
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[18]
Dans la Constitution brésilienne, promulguée en 1988, se trouve un article qui établit que tous les habitants des terres où se trouvent des descendants des communautés noires, esclaves ou non, ont droit à la propriété de ces terres (article 68 de l’Acte des dispositions constitutionnelles transitoires de la Constitution de la République Fédérative du Brésil de 1988).
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[19]
Arrêté n°156 du 6 juillet 2004 du Ministère de la Culture du Brésil.
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[20]
Pour une petite histoire et une analyse de ce réseau d’appui, voir Simonard à paraître.
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[21]
Caxambu est le nom sous lequel le jongo est connu dans les communautés localisées au nord de l’État de Rio de Janeiro. C’est aussi le nom du tambour le plus grand, celui qui a le son le plus grave.
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[22]
Le réseau a pour but d’organiser un rendez-vous mensuel avec la participation des leaders de toutes les communautés. Ces réunions servent à resserrer les liens de sociabilité et à organiser les Encontros de Jongueiros (des rencontres annuelles où les communautés se joignent pour danser, chanter, échanger des expériences, essayer d’organiser des actions politiques communes et renforcer le réseau d’aide mutuelle). Cependant, le réseau n’a pas encore de structure qui lui permette cette « mobilité ». Un problème reste à résoudre tous les mois : le déplacement des jongueiros vers le lieu du rendez-vous. Les billets d’autobus sont chers pour ceux qui sont pauvres. Il faut avoir de l’argent pour les acheter et pour loger et nourrir les jongueiros qui arrivent des autres communautés. Mais le réseau n’a pas d’organisation formelle ni, par exemple, de compte bancaire permettant de faire des versements ; il n’a même pas de fonctions directives définies, de conseil directeur, de trésorier, etc. Chaque mois, il faut réunir des fonds pour toutes ces activités et ce travail est à la charge des ONG. Cette situation a créé un conflit au sujet de la gestion des fonds. Les personnes chargées de les trouver avaient proposé d’en attribuer une partie au paiement des frais les plus fréquents (déplacement, alimentation, logement etc.), ce qui ne fut pas bien reçu par les jongueiros qui considéraient que cet argent serait mieux employé dans le quotidien de leurs communautés. Les personnes qui avaient fait cette proposition n’acceptèrent pas cet argument aisément parce que cette tâche n’est pas facile à remplir. Elle exige toujours beaucoup de temps et d’efforts. Tous ceux qui travaillent dans le réseau sont bénévoles ; on y trouve des anthropologues, des sociologues, des historiens, des photographes, des documentaristes et des gens des communautés jongueiras. Cependant, la structure peu développée ne permet pas au réseau d’utiliser toutes les possibilités offertes par cet ensemble de bénévoles.
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[23]
Un groupe de jongo est un ensemble de personnes qui se rassemblent pour danser et chanter le jongo. Il peut arriver qu’ils aient une organisation professionnelle et qu’ils donnent des représentations dans des théâtres et des salles de concert (voir le Jongo da Serrinha), sans qu’ils appartiennent forcément à une communauté jongueira.
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[24]
MPB est un acronyme signifiant música popular brasileira [musique populaire brésilienne] qui est utilisé pour définir tous les rythmes et les artistes qui ne sont pas liés à la musique « régionale », celle que l’on joue dans certaines régions du pays. Bien que la samba soit un rythme afro-brésilien, on la joue dans tout le Brésil.
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Donga (Ernesto Joaquim Maria dos Santos) est l’auteur (avec Mauro de Almeida) de Pelo telefone, la première samba enregistrée au Brésil en 1916.
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[26]
Mestre Darcy, dans son groupe le Jongo da Serrinha, utilisait pour jouer le jongo des instruments occidentaux comme la guitare, le saxophone, la basse électrique et d’autres instruments, mais il a été beaucoup critiqué par des personnes liées à quelques factions des mouvements luttant pour les droits des Noirs qui disaient qu’il ne suivait pas la « tradition » du jongo. Il leur répondait que s’il faisait des changements, c’était parce qu’il connaissait très bien la tradition, ce qui légitimait les changements qu’il proposait. Selon l’optique de ses détracteurs, il semble que le rythme ne suffise pas pour dire qu’une musique est d’origine afro-brésilienne : il faut que même les instruments soient ceux qui « vinrent » d’Afrique.
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[27]
Au Brésil, surtout dans les classes populaires ou parmi les fidèles des religions afro-brésiliennes, on utilise les mots pai [père], mãe [mère], tio [oncle], tia [tante], vô/vovô [grand-père], vó/vovó [grand-mère] en signe de respect et de déférence envers les aînés ou les prêtres ; au sujet des religions afro-brésiliennes, voir Capone 1999.
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[28]
Dans une rue menant à la butte de Serrinha, la Mairie de Rio de Janeiro a construit une garderie nommée « Tia Maria do Jongo ». L’école toute proche se nomme l’école « Mestre Darcy do Jongo ».
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[29]
Ce livre-CD présente une généalogie des membres de la communauté qui permet de bien comprendre tous les liens de parenté entre tous ses habitants.
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[30]
On trouve beaucoup de ces documentaires sur YouTube, auxquels on accède par une recherche au moyen des termes « jongo » et « quilombo São José ».
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[31]
Au Brésil, chaque ville a une assemblée municipale élue dont les membres, les. vereadores, promulguent les lois et les taxes qui régissent la vie de la ville.
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[32]
Lors de la cinquième édition des Os Encontros de Jongueiros (rencontres des jongueiros), dans la ville d’Angra dos Reis, en 2000, les jongueiros de plusieurs communautés, des ONG, des chercheurs et des personnes s’intéressant au jongo ont commencé à mettre sur pied un réseau d’appui qui eut une grande répercussion. Le but était d’établir, de fortifier et de resserrer les liens de sociabilité qui existaient parmi les différentes communautés et de fortifier les chaînes d’interaction qui les lient à la société brésilienne. Ce réseau s’appelle Rede de apoio ao jongo e ao caxambu [Réseau d’appui au jongo et au caxambu]. Il apporte également son aide pour l’obtention des biens et des services nécessaires pour améliorer le quotidien de chaque communauté et, ces communautés étant pauvres, les besoins quotidiens y sont très divers. Pour une analyse de ces rencontres et de ce réseau, voir Simonard à paraître.
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[33]
Chaque père-de-saint ou mère-de-saint (prêtres) dans les religions afro-brésiliennes est voué à un orixá. Celui de la mère de Mestre Darcy était Xangô. Son terreiro, l’endroit où se déroulent les cérémonies, s’appelait Tenda Espírita Cabana de Pai Xangô.
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[34]
Lieu où les participants d’une école de samba se regroupent pour chanter et danser la samba, ainsi que pour se préparer pour le défilé annuel des écoles de samba, compétition qui fait partie de l’agenda touristique de Rio de Janeiro depuis les années 1930.
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Les habitants du quilombo.
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Jusqu’au XIXe siècle, le mot quilombo désignait les communautés formées par les esclaves qui s’étaient enfuis des exploitations et des mines, ainsi que par des Autochtones, des Métis, et des Blancs appauvris. C’était un lieu de résistance qui rassemblait tous les exclus de la société coloniale et de l’Empire. Les quilombos n’étaient pas isolés de la société brésilienne en formation. Ils avaient des liens commerciaux avec des fermes et des exploitations, des Autochtones, des villes et des villages à proximité ; voir Gomes 1995 ; Gomes et Reis 1996 ; Arruti 2006.
Références
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- Associação Brasil Mestiço, 2004, Jongo do Quilombo São José (livre-CD). Rio de Janeiro, Associação Brasil Mestiço.
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- Bhabha, Homi, 1994, The Location of Culture. New-York, Routledge.
- Capone, Sefania, 1999, La quête de l’Afrique dans le candomblé. Pouvoir et tradition au Brésil. Paris, Éditions Karthala.
- Carneiro, Edison, 1982, « Samba de Umbigada ». Folguedos Tradicionais. Rio de Janeiro, Funarte.
- Dos Santos Gomes, Flavio, 1995, Histórias de quilombolas. Mocambos e comunidades de senzalas no Rio de Janeiro, século XIX. São Paulo, Companhia das Letras.
- Dos Santos Gomes, Flavio et Reis, J. José (dir.), 1996, Liberdade por um fio. História dos quilombos no Brasil. São Paulo, Companhia das Letras.Freyre, Gilberto, 2005, Maîtres et esclaves. La formation de la société brésilienne. Paris, Gallimard.
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- Lara, Silvia Hunold et Gustavo Pacheco (dir.), 2007, Memória do jongo. As gravações históricas de Stanley J. Stein. Vassouras, 1949. Folha Seca, Campinas/Cecult.
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- Ribeiro, Darcy, 1995, O povo brasileiro. A formação e o sentido do Brasil. São Paulo, Companhia das Letras.
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- Simonard, Pedro 2005, A construção da tradição no « Jongo da Serrinh ». Uma etnografia visual do seu processo de espetacularização. Thèse de doctorat, PPCIS/UERJ.
- Simonard, Pedro, (à paraître), « Le jongo et la nouvelle performativité afro-brésilienne ». Anthropologie et sociétés.
- Slenes, Robert W., 2007, « Eu venho de muito longe, eu venho cavando. Jongueiros cumbas na senzala centro-africana ». Dans Lara, Silvia Hunold et G. Pacheco (dir.), Memória do jongo. As gravações históricas de Stanley J. Stein. Vassouras, 1949. Folha Seca (Rio de Janeiro), Campinas/Cecult :109-156.
- Slenes, Robert W., 1991-1992, « Malungo, Ngoma vem ! África coberta e descoberta do Brasil ». Revista USP 12, Dossiê 500 Anos da América : 48-67.
- Stein, Stanley J., 1990, Vassouras. Um município brasileiro do café, 1850-1890. Rio de Janeiro, Nova Fronteira.
- Vianna, Hermano, 1995, O mistério do samba. Rio de Janeiro, Zahar.