Résumés
Résumé
Les besoins de recherche des groupes francophones offrant des services directs ou indirects en immigration sont peu étudiés et connus. Le texte présente les résultats d’un sondage sur le sujet réalisé pour l’Observatoire en immigration francophone au Canada en 2024. Les données montrent que la majorité des organismes utilise des données de recherche pour mettre en place de nouveaux services, organiser de nouvelles activités, adapter l’offre de services et d’activités existantes et élaborer leur planification stratégique. Les résultats révèlent aussi que près de la moitié des répondants ont des priorités de recherche dans leurs plans stratégiques ou plans d’action. Ces priorités portent sur l’ensemble du continuum en immigration, incluant les étapes du recrutement et de la sélection ainsi que la rétention. Cependant, les deux tiers des répondants considèrent les données de recherche comme étant peu accessibles ou pas du tout accessibles. Les données révèlent ainsi l’existence de défis majeurs en matière de rayonnement et de diffusion des connaissances en immigration francophone auprès des milieux communautaires. Ainsi, le sondage permet de confirmer l’importance de mieux comprendre les besoins de recherche en immigration francophone des groupes travaillant dans ce secteur afin de leur permettre de faire avancer leurs dossiers.
Mots-clés :
- immigration francophone,
- francophonie canadienne,
- besoins,
- recherche,
- accessibilité
Corps de l’article
Introduction
L’Observatoire en immigration francophone au Canada (Observatoire) a été conçu dès 2019 dans le contexte de la création de l’Université de l’Ontario français à Toronto. Ses objectifs sont : 1) de constituer un espace interdisciplinaire et multisectoriel d’échanges et de partage de connaissances en matière d’immigration francophone; 2) de mobiliser, analyser, faire rayonner et diffuser les connaissances en immigration francophone au Canada et en favoriser le développement; 3) de fournir aux acteurs et actrices, intervenants et intervenantes communautaires, décideurs et décideuses politiques, chercheurs et chercheuses, des analyses, des données et des outils pour appuyer et promouvoir l’immigration francophone en contexte minoritaire. Lancé le 8 novembre 2023, soit quatre ans plus tard, l’Observatoire a bénéficié de l’appui et de l’apport de nombreux partenaires et collaborateurs, dont le ministère de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté du Canada (IRCC) qui a financé son démarrage. Parmi ses partenaires clés, mentionnons aussi la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada, le Centre francophone du Grand-Toronto, le Réseau en immigration francophone du Centre-Sud-Ouest de l’Ontario, l’Accueil francophone du Manitoba et l’Alliance des femmes de la francophonie canadienne. En milieu universitaire, l’équipe de la Chaire de recherche du Canada en immigration et intégration de l’Université métropolitaine de Toronto a participé de façon étroite à l’élaboration du projet[2]. Des collègues des universités de Concordia, de Moncton, d’Ottawa et Simon Fraser ainsi que du collège La Cité ont été consultés tout au long de l’avancement du dossier. En 2024, l’ensemble de ces établissements forme le noyau de l’Observatoire, dont la principale caractéristique est de reposer sur la mise en commun des expertises universitaires, communautaires et gouvernementales en vue de proposer des travaux pratiques et scientifiques pertinents pour contribuer à la réalisation des objectifs de la politique d’immigration francophone du gouvernement canadien[3]. Entre autres, il veut mieux circonscrire les dynamiques migratoires, en particulier pour accroître la compréhension des barrières systémiques à l’immigration francophone en contexte minoritaire, et ce, pour toutes les formes de migrations.
En 2024, des chercheurs ont réalisé un premier sondage en ligne pour l’Observatoire afin de mieux comprendre les besoins de recherche en immigration francophone des groupes offrant des services directs ou indirects en immigration. Le sondage a été effectué auprès de 101 organismes. Le taux de réponse a été de 65 %, soit 66 répondants. Le texte présente la méthodologie utilisée pour le sondage, l’échantillon, les principaux résultats du sondage et analyses ainsi que nos conclusions.
1. Méthodologie
Le sondage avait pour objectif d’identifier les besoins en recherche de la part des groupes offrant des services directs et indirects en immigration en contexte minoritaire francophone. Pour les fins de l’étude, nous avons défini la notion de besoins de façon large pour y inclure à la fois des thématiques, des activités et des outils de diffusion de la recherche. La notion de besoins en recherche englobe donc les éléments suivants :
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Des travaux de recherche sur les enjeux associés au phénomène migratoire au sein de la francophonie canadienne ;
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Des ressources pour accéder aux travaux existants ou en cours en immigration francophone ;
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Des outils de diffusion et de promotion de la recherche.
Trois hypothèses de travail ont également guidé notre démarche :
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Les organismes communautaires francophones utilisent les différents produits de la recherche (ex. : rapports, données statistiques, récits, études de cas).
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Les organismes communautaires ont des besoins en matière de recherche en immigration francophone (ex. : données, études, outils, accessibilité).
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Les organismes communautaires voient dans la recherche un levier d’action (par exemple pour préparer des demandes de financement, intervenir dans les médias, participer à des consultations).
Le questionnaire
Le questionnaire comprenait 25 questions réparties en quatre sections principales. La première partie comprenait huit questions visant à nous permettre de brosser le portrait des groupes répondants (portée du mandat, situation géographique, clientèle cible, nombre d’employés, offre de services et bailleurs de fonds). Nous voulions aussi voir si les besoins en matière de recherche variaient en fonction de la portée du mandat des organismes interrogés, le type de services offerts (directs ou indirects) ou encore, selon la province ou le territoire.
La deuxième section comprenait neuf questions pour déterminer l’état de la recherche au sein des groupes. Elles visaient à identifier les fins pour lesquelles les organismes utilisent des données de recherche ainsi que le type de données utilisé et les outils à leur disposition pour accéder aux données de recherche. Nous souhaitions ainsi voir s’il y avait un lien entre les besoins en matière de recherche, le contexte de leur utilisation et l’évaluation de leur accessibilité. La troisième section portait sur les thèmes de recherche d’importance pour les répondants. Les trois questions de cette partie ont servi à identifier des thèmes de recherche prioritaires. Enfin, la quatrième section comprenait des questions sur la connaissance de l’Observatoire par les répondants.
La préparation du questionnaire a pris appui sur les recensions des écrits publiés depuis le début des années 2000 sur le sujet de l’immigration francophone, dont celles de Cardinal et Deschênes-Thériault (2020), Forest et Deschênes-Thériault (2021), Traisnel (2017), Fourot (2016), Esses et al. (2016) et Farmer et Da Silva (2012). Ces écrits ont révélé une forte présence des thèmes liés à la question de l’établissement. Cela s’explique en partie du fait que le ministère de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté du Canada (IRCC) a, jusqu’à présent, constitué le principal bailleur de fonds de la recherche en immigration francophone. En effet, IRCC a accordé une nette importance aux enjeux liés à l’établissement – voir les recensions de Bacher et Koumaglo (2022) et de Diouf et Koumaglo (2022).
Les résultats du sondage s’ajoutent aux données déjà existantes qui ont été recueillies lors des consultations réalisées auprès de différentes parties prenantes de l’Observatoire depuis 2019. Certes ces rencontres ont révélé des préoccupations de recherche liées à l’établissement des immigrantes et immigrants, mais également à leur recrutement et à leur sélection. Cependant, les thèmes comme ceux des compétences du futur, des ruptures dans les parcours professionnels des personnes immigrantes, des relations fédérales provinciales en matière d’immigration et de la rétention pour ne nommer que les plus connus faisaient aussi parties des thématiques suscitant l’intérêt des participants et participantes aux consultations.
L’échantillon
Pour délimiter notre échantillon, nous avons utilisé le critère du financement. Nous avons choisi les groupes financés par IRCC qui offrent des services directs et indirects en matière d’immigration. Une liste de 101 groupes nous a été transmise par la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada. Comme cela a déjà été mentionné plus haut, le taux de réponse est de 65 %, soit 66 répondants. Compte tenu que la population potentielle était de 101 groupes, nos résultats ont une marge d’erreur de plus ou moins 7 % à un intervalle de confiance de 95 %.
Le questionnaire a été envoyé dès le 5 février 2024 et a été suivi de deux relances avec une semaine d’intervalle entre chaque envoi. Les responsables de la recherche ont effectué des relances personnalisées auprès des organismes qui n’avaient pas encore rempli le questionnaire à quelques jours de la date de clôture. Les responsables de la recherche ont aussi présenté le questionnaire le 20 février au Forum des réseaux en immigration francophone à Moncton.
Le questionnaire, qui comprenait 21 questions fermées et 4 ouvertes, a pris en moyenne de 10 à 15 minutes à répondre. Les questions ouvertes ont permis de recueillir des données de nature qualitatives. À moins d’indications contraires, la présentation des résultats est exprimée en proportion. Pour certaines questions, le total peut dépasser 100 %, ce qui s’explique par le fait que les répondants pouvaient indiquer plus d’un choix de réponse.
2. Profil des groupes et de leurs clientèles
Les données pour cette section portent sur la nature des groupes qui ont répondu au questionnaire, les types de clientèles qu’ils desservent en plus du nombre d’employées et d’employés et leurs bailleurs de fonds. La figure 1 montre que les groupes du Nouveau-Brunswick et l’Ontario ont en majorité répondu au questionnaire. Ce sont les deux provinces qui comptent le plus grand nombre d’organismes en immigration francophones financé par IRCC. Ainsi, la répartition géographique des répondants correspond fidèlement à la répartition réelle des organismes de la francophonie canadienne oeuvrant en immigration.
La figure 2 révèle aussi que 51 % des groupes répondants ont un mandat de portée provinciale ou territoriale, alors que 25 % ont indiqué que leur mandat était de portée locale, 14 % ont un mandat de portée nationale et 11 %, un mandat de portée régionale. L’échantillon est ainsi représentatif de la réalité des groupes sur le terrain. De plus, les deux tiers des groupes répondants offrent des services directs (65 %) et le tiers (35 %) fournit uniquement des services indirects. Les données à la figure 3 montrent que parmi les services directs, les groupes indiquent les connexions communautaires (58 %), l’information et l’orientation (58 %), l’évaluation des besoins et l’aiguillage (44 %) ainsi que l’aide à l’emploi ou à l’entrepreneuriat (39 %). Étant donné la préoccupation du gouvernement canadien à l’égard de la question de l’apport économique des personnes immigrantes au sein de leur nouvelle société d’accueil, les données invitent à nous interroger de façon plus pointue sur l’incidence des actions des groupes qui offrent de l’aide à l’emploi ou à l’entrepreneuriat en milieu minoritaire francophone auprès des immigrantes et immigrants francophones.
Les organismes ont plus d’un type de clientèle. Les données à la figure 4 indiquent que les groupes répondants desservent en majorité les résidentes et résidents permanents (62 %), ce qui n’est pas surprenant en soi, puisque le financement reçu d’IRCC en matière d’établissement cible cette clientèle. Les groupes desservent aussi la population en général (59 %), suivi des personnes réfugiées (50 %), des travailleurs et travailleuses temporaires (45 %), et des étudiantes et étudiants internationaux (41 %). En outre, IRCC n’est pas l’unique bailleurs de fonds en matière d’immigration. Les résidentes et résidents temporaires reçoivent divers services d’établissement, mais ceux-ci peuvent être financés par d’autres sources, comme les gouvernements provinciaux (voir aussi la figure 7). Enfin, la figure 5 montre qu’un peu plus de la moitié (52 %) des répondants offrent des services à des groupes en quête d’équité, notamment les membres de minorités visibles (49 %) et les femmes (43 %).
Les données à la figure 6 font état du nombre de personnes employées par les organismes. Presque le tiers de ces derniers comptes moins de 10 personnes, le tiers en a entre 10 et 29, et un autre tiers, 30 ou plus. En croisant les réponses à cette question avec celle sur la portée du mandat, les données révèlent que les organismes qui ont un mandat local emploient moins de personnes comparativement aux organismes avec un mandat provincial ou national.
IRCC est le principal bailleur de fond pour la majorité des répondants, sauf pour une minorité de groupes (11 %). Les organismes reçoivent généralement plus d’un type de financement, comme la figure 7 le démontre. En effet, les groupes sont aussi financés par les gouvernements provincial ou territorial (65 %) et d’autres ministères fédéraux (59 %). Entre autres, les sources de financements additionnelles peuvent permettre à ces groupes de desservir les résidentes et résidents temporaires, une clientèle qui n’est pas admissible aux services financés par IRCC.
3. L’état de la recherche au sein des organismes communautaires
Nous avons invité les répondants à nous dire comment leur groupe utilisait les données de recherche à leur disposition. Nous leur avons aussi demandé comment ils accédaient aux travaux en immigration francophone.
3.1 L’utilisation des données de recherche par les organismes communautaires
Tous les groupes répondants ont déclaré utiliser des données de recherche à différentes fins. La majorité des organismes utilise des données en appui à leur programmation, notamment pour mettre en place de nouveaux services et activités (89 %), adapter l’offre de services et d’activités existantes (75 %) et élaborer une planification stratégique (78 %) (voir la figure 8). Les données et les produits de la recherche sont aussi considérés utiles à la préparation de demandes de financement (83 %) et pour la représentation des groupes auprès des gouvernements (63 %). Enfin, un peu moins de la moitié des groupes répondants souligne recourir à des recherches dans le cadre de leurs activités de communication, comme des présentations publiques (47 %) ou des interventions dans les médias (41 %).
Cependant, nous constatons que les organismes de petite taille, ceux qui comptent moins de 10 personnes, ont moins tendance à utiliser les produits et les données de la recherche que ceux de moyenne ou de grande taille. De fait, les plus petits organismes communautaires ont moins recours aux produits de la recherche en appui à leur programmation, notamment pour mettre en place de nouveaux services et activités (61 %) ou pour adapter leur offre de services ou d’activités existantes (61 %). Ces groupes ont peut-être moins d’occasions d’accéder aux produits de la recherche, moins de temps et de ressources pour exploiter les données qui pourraient être pertinentes à leur programmation, ou encore moins d’activités qui nécessitent des données de recherche.
La figure 9 concerne les ressources les plus souvent utilisées par les groupes : ce sont les rapports gouvernementaux et les sondages, et dans une moindre mesure les travaux d’expertises-conseils. Ces ressources sont respectivement utilisées souvent ou très souvent par 62 %, 56 % et 48 % des groupes répondants. Les publications scientifiques sont les ressources les moins mobilisées. Elles sont utilisées souvent ou très souvent par le tiers seulement de l’échantillon (32 %). Il s’agit aussi des ressources qui sont le plus souvent mentionnées comme n’étant jamais utilisées (15 %).
Les résultats en ce qui a trait à l’utilisation des travaux scientifiques par les groupes nous incitent à nous demander pourquoi ces derniers sont moins utilisés. Est-ce parce qu’ils sont moins accessibles aux groupes comparativement à d’autres ressources de recherche? Ou si ce sont des ressources qui pourraient moins bien répondre aux besoins des groupes. Enfin, lorsque l’on ventile les données selon la taille des organismes, nous constatons aussi que ceux qui emploient moins de dix personnes ont moins tendance que les autres à recourir aux rapports gouvernementaux (45 %) ainsi qu’aux ouvrages et articles scientifiques (23 %).
3.2 L’accès aux données et aux produits de la recherche sur l’immigration francophone
Comme en témoigne la figure 10, tous les organismes utilisent des données et des produits de la recherche sur l’immigration francophone dans le cadre de leur travail. Néanmoins, aucun répondant ne les considère comme étant très accessibles et seulement le tiers (34 %) comme étant accessibles. Ainsi, dans la perspective des deux tiers des répondants, les données et les produits de la recherche sont considérés comme étant peu accessibles (64 %) ou pas du tout accessibles (2 %). De plus, il n’y a pas de différences significatives dans les réponses à la question selon la taille du groupe. La question semble d’autant plus pertinente que les trois quarts (75 %) des répondants n’ont pas de personne responsable de la recherche parmi le personnel de leur organisme. Cette proportion est de 83 % pour les organismes qui emploient moins de dix personnes.
Les résultats indiquent que l’accessibilité des données et des produits de la recherche sur l’immigration francophone ainsi que leur rayonnement et diffusion auprès des milieux communautaires constituent un enjeu de taille. Cependant, il existe différents moyens par lesquels les répondants accèdent aux données et aux produits de la recherche. La figure 11 montre qu’une forte majorité utilise l’Internet (78 %), mais plus des deux tiers des organismes consultés ont aussi accès aux données et aux produits de la recherche par l’intermédiaire d’organismes communautaires (70 %), des gouvernements (64 %) ou lors de conférences (66 %), comme le Symposium annuel en immigration francophone. Moins de 40 % accèdent à des données et des produits de la recherche par le moyen d’une infolettre. Enfin, un peu moins de la moitié des répondants a accès aux données directement auprès d’expertes-conseils et experts-conseils (45 %) et de chercheures et chercheurs (44 %) – une donnée qui laisse néanmoins voir que des liens existent entre les milieux académique et communautaire.
3.3 La participation à des projets de recherche
Tous les groupes répondants ont déjà pris part d’une façon ou d’une autre à des projets de recherche en immigration francophone. La figure 12 montre que la majorité a déjà participé à une recherche, soit en répondant à un sondage (89 %) ou en prenant part à des entretiens ou à des groupes de discussion (72 %). Plus de la moitié des répondants a aussi déjà appuyé des chercheures ou chercheurs dans leurs travaux, soit en aidant au recrutement de personnes immigrantes pour des entretiens ou des groupes de discussion (56 %), soit en diffusant un sondage à sa clientèle (69 %) ou encore en partageant des statistiques sur leurs activités ou sur leur clientèle (58 %). Les organismes ont autant tendance à participer ou à appuyer des recherches, peu importe le nombre de personnes qu’ils emploient.
Les organismes communautaires apparaissent ainsi comme des sources d’information privilégiée par les chercheures et chercheurs en immigration francophone en plus de constituer d’importants partenaires en agissant comme courroie de transmission pour rejoindre la population immigrante. Par ailleurs, un peu plus du tiers des organismes a déjà pris part à une recherche partenariale, soit en étant membre d’un comité de gestion d’un projet de recherche (38 %) ou d’un partenariat de recherche université-communauté (36 %). Ainsi, un bon nombre d’organismes a déjà pris part à différents modèles de partenariats.
3.4 Le financement des projets de recherche
La figure 13 révèle que 39 % des répondants ont déjà financé des projets de recherche en immigration francophone. La majorité d’entre eux finance un projet ou moins par année. Seulement cinq répondants financent plus d’un projet de recherche annuellement. C’est près de la moitié (45 %) des répondants qui ne finance pas de projet de recherche et n’envisage pas de le faire pour le moment, alors que 16 % n’en ont encore jamais financé, mais souhaitent le faire. Rappelons que l’accès au financement et le manque de ressources pour accomplir leur mandat sont des enjeux prioritaires pour les organismes du secteur de l’établissement francophone (CCNÉF, 2021), ce qui peut limiter la capacité à financer et à gérer des projets de recherche.
En 2024, au moment de répondre au questionnaire, 11 organismes avaient un ou des projets de recherche en immigration francophone en cours. Les deux thèmes les plus recherchés étaient l’inclusion des personnes immigrantes en contexte scolaire (3) et l’organisation des services dans le secteur de l’immigration francophone (3). Les autres thèmes mentionnés comprennent :
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Le parcours d’intégration des personnes immigrantes et l’accès aux services d’établissement (2);
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La reconnaissance des acquis (1);
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La santé des personnes immigrantes (1);
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Le parcours de la population étudiante internationale (1);
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Les réalités des femmes immigrantes francophones (1);
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Le portrait sociodémographique de la population immigrante (1).
3.5 Les priorités de recherche dans les plans stratégiques et les plans d’action
Près de la moitié (47 %) des organismes consultés ont des priorités de recherche dans leur plan stratégique ou leur plan d’action. Nous avions proposé cinq catégories de priorités en recherche : i) le parcours d’intégration des personnes immigrantes, ii) les groupes en quête d’équité, iii) le recrutement et la sélection des personnes immigrantes, iv) le parcours de résidentes et résidents temporaires, et v) le profil sociodémographique de la population immigrante.
Les priorités de recherche qui ont été identifiées en ce qui a trait à la question de l’intégration sont la rétention géographique, l’accès aux services d’établissement par les personnes immigrantes et leurs besoins en la matière, l’intégration économique et la reconnaissance des acquis. En ce qui concerne les groupes d’équité, les réalités des personnes immigrantes LGBTQ+ ou de minorités visibles ont été mentionnées comme étant des questions prioritaires. La priorité la plus souvent mentionnée quant à la sélection et au recrutement est le besoin de main-d’oeuvre étrangère et les entraves au recrutement international dans le secteur des professions spécialisées. Le tableau 1 dresse la liste des thèmes de recherche mentionnés dans les plans d’action et les plans stratégiques des organismes.
3.6 Les thèmes considérés comme étant prioritaires dans la recherche
Les répondants ont identifié les thèmes de recherche prioritaires pour eux jusqu’à concurrence de six choix. La moitié d’entre eux a indiqué trois thèmes de recherche en lien avec le parcours d’intégration. Ce sont l’intégration économique (60 %), l’intégration culturelle et sociale (53 %) et les capacités d’accueil des communautés francophones (53 %) (voir le tableau 2). Il s’agit de questions directement liées à l’établissement et associées au mandat des fournisseurs de services directs. De fait, le thème de l’intégration économique constitue un des objectifs de la Politique en matière d’immigration francophone qui est de favoriser le développement économique des communautés francophones par l’immigration. Le sentiment d’appartenance à la communauté francophone (40 %), les besoins du secteur francophone de l’établissement (39 %) et la rétention géographique (37 %) sont aussi considérés comme étant des thèmes prioritaires par plus du tiers des répondants, tandis que le parcours des travailleuses et travailleurs temporaires a été mentionné par le quart (27 %). Nous n’avons pas observé de différences importantes dans les réponses selon la taille ou la portée du mandat de l’organisme, outre un intérêt accru des petits organismes (moins de 10 personnes) pour le parcours des travailleuses et travailleurs temporaires (45 %) et la population étudiante internationale (27 %) ainsi qu’un plus grand intérêt des groupes de taille moyenne (10 à 29 personnes) pour les questions de cohésion sociale au sein des communautés francophones (41 %) et des politiques publiques en immigration francophone (32 %).
3.7 Les types de ressources recherchées
La figure 14 montre que les types de ressources les plus recherchées par les répondants sont les études de cas (68 %), les données statistiques (68 %) et les récits de vie (47 %). Plus du tiers des organismes consultés ont aussi exprimé le besoin d’analyses de politiques (39 %) et le quart aimerait plus d’évaluations des besoins des personnes immigrantes (29 %) et des infographies (26 %). Il n’y a pas de distinctions significatives quant au type de ressources recherché selon la taille de l’organisme. Cependant, nous ne pouvons pas dire à quoi servent ces ressources de façon plus précise dans la programmation des groupes. Les données confirment que les répondants utilisent les produits de la recherche à différentes fins (voir la figure 12), mais il faudrait approfondir comment les ressources recherchées sont utiles aux groupes selon les activités qu’ils organisent.
4. L’Observatoire en immigration francophone au Canada
Au moment de répondre au questionnaire, un peu plus de la moitié (57 %) des organismes consultés avait déjà entendu parler de l’Observatoire. Les réponses révèlent qu’il suscite un grand intérêt auprès des organismes communautaires. Tous les répondants (100 %) estiment que l’Observatoire apportera une valeur ajoutée au secteur de l’immigration francophone et la très grande majorité (87 %) souhaite obtenir plus d’information à son sujet lorsque sa mise en oeuvre sera plus avancée.
La très grande majorité des répondants considère aussi que les activités de l’Observatoire pourraient être utiles à leur organisme. Pour chacune des activités identifiées, de 88 % à 95 % des répondants les considèrent comme pouvant être utiles ou très utiles. Ces données révèlent que la programmation de l’Observatoire pourra éventuellement répondre à des besoins concrets au sein des milieux communautaires.
Analyse et conclusion
Le sondage avait pour objectif d’identifier les besoins en recherche en immigration chez les groupes francophones en contexte minoritaire financés par IRCC. Dans un premier temps, nous avions supposé que les organismes communautaires francophones étaient des utilisateurs de données et de produits de la recherche (ex. : rapports, statistiques, récits) pour accomplir leur mandat. Or les données ont montré que les répondants font principalement l’utilisation de rapports gouvernementaux ou encore de données transmises lors de rencontres en immigration francophone.
Dans un deuxième temps, nous avions suggéré que les organismes communautaires avaient des besoins en matière de recherche en immigration francophone (ex. : données, outils, accessibilité). Les résultats ont confirmé que ces besoins sont multiples. Ils comprennent la production de données sur des thématiques précises, des outils de diffusion et des moyens pour accéder à la recherche. Les groupes indiquent avoir particulièrement besoin d’études de cas, de données statistiques, de récits de vie et d’analyses de politiques et, dans une moindre mesure, d’évaluations de besoins et d’infographies. Ces réponses illustrent la diversité des besoins des groupes communautaires. Ils sont à la recherche de travaux comprenant à la fois des données de nature quantitatives et qualitatives. Dans un troisième temps, nous avions pensé que les organismes communautaires utilisaient la recherche en appui à leurs actions, comme préparer des demandes de financement, intervenir dans les médias, participer à des consultations. Comme nous l’avons vu, les groupes communautaires cherchent à appuyer leur programmation, leur planification stratégique et leurs demandes auprès des gouvernements sur des données de la recherche.
Les résultats du sondage reflètent assez bien la réalité vécue par les groupes communautaires, tant en ce qui a trait à l’accès et à l’utilisation de la recherche en immigration francophone qu’aux priorités et besoins en la matière. Ils révèlent aussi certaines distinctions selon la taille des groupes, en particulier pour ce qui est de l’accès aux données et à leur utilisation.
Cependant, les organismes communautaires n’ont pas toujours les ressources nécessaires pour réaliser des recherches qui leur permettraient de répondre à leurs besoins et à leurs priorités. Rappelons que seulement cinq des répondants financent plus d’un projet de recherche annuellement et que la majorité n’en a jamais financé, même si certains expriment le souhait de le faire. En outre, nous constatons que les priorités de recherche portent sur l’ensemble du continuum en immigration, des étapes du recrutement et de la sélection à celle de la rétention au sein des communautés francophones. Les données sur l’utilisation de la recherche par les groupes communautaires témoignent aussi de liens qui existent entre les milieux académiques et communautaires. Près de la moitié des répondants accède à des recherches par l’entremise d’experts-conseils et de chercheurs, et la grande majorité a déjà participé à des projets de recherches.
Nous observons, par ailleurs, que les priorités de recherche identifiées par les répondants reflètent la réalité du financement historique par IRCC dans le milieu, principalement axé sur les questions d’établissement (Bacher et Koumaglo, 2022). Plusieurs des thèmes identifiés comme étant prioritaires dans le sondage ont déjà fait l’objet de plusieurs travaux et publications. À titre d’exemple, la question de la capacité d’accueil des communautés a été étudiée par Dalley et Tcheumtchoua (2022), Sall (2019), Fourot (2016) et Bélanger et al. (2015). Le thème de l’intégration économique a aussi déjà fait l’objet de travaux, comme les études de Dalley et al. (2022), Sall et Bolland (2021), Forest et al. (2020), Ba (2018) et Madibbo (2014). Celui de l’intégration culturelle et sociale a été étudié par Delaisse et al. (2023), Huot et al. (2022), Sall et al., (2021), Jacquet et André (2020) et Veronis et Huot (2018). Le thème du sentiment d’appartenance à la communauté francophone a été documenté par Huot et al. (2023), Madibbo (2019), Lacassagne (2017) et Benimmas et al. (2014), tout comme celui des besoins du secteur francophone de l’établissement par le CCNÉF (2023), Forest et Duvivier (2019) et Johnson et al. (2018) puis celui de la rétention géographique (Traisnel et al., 2020; Frenette, 2018).
Le thème le plus souvent mentionné comme étant prioritaire par les répondants est celui de l’intégration économique. Malgré les travaux existants sur le sujet, la question demeure d’actualité et les questions évoluent. Entre autres, lors des consultations avec les groupes, le thème des barrières à une insertion en emploi réussie pour les personnes immigrantes francophones a été souvent mentionné, tout comme ceux de la reconnaissance des acquis, de l’adéquation entre le profil des personnes recrutées et les besoins en main-d’oeuvre au sein des communautés francophones, de l’entrepreneuriat immigrant ou encore du rôle des employeurs dans le parcours d’intégration. Certes ces questions ne sont pas récentes, mais elles font partie des préoccupations de la nouvelle politique en immigration francophone.
Les résultats du sondage invitent aussi à renouveler le dialogue entre les chercheurs et les différentes communautés de pratiques afin de poursuivre le travail de compréhension des barrières systémiques à l’immigration. Enfin, combinés aux sources de données déjà existantes, les résultats du sondage confirment la pertinence de développer une infrastructure comme celle de l’Observatoire afin de rendre plus accessible la recherche sur des thématiques si importantes à l’essor démographique et économique de la francophonie canadienne.
Parties annexes
Notes
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[1]
Le sondage dont il est question dans cet article a été financé par le ministère de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté du Canada (IRCC), que nous remercions de leur appui. Nous remercions également tous les organismes de leur participation au sondage ainsi que les membres du comité de gouvernance de l’Observatoire de leur appui tout au long du projet.
- [2]
- [3]
Bibliographie
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- Bacher, S. et Koumaglo, É. (2022, novembre). Enjeux et défis liés à l’accueil, l’intégration et la rétention des immigrants de langue officielle en situation minoritaire [communication]. Conférence Voies vers la prospérité, Ottawa.
- Bélanger, N., Farmer, D. et Cyr, L. (2015). Immigration et francophonie au Nouveau-Brunswick : les représentations d’acteurs face à un instrument d’action publique. Dans L. Cardinal et É. Forgues (dir.), Gouvernance communautaire et innovations au sein de la francophonie néobrunswickoise et ontarienne (pp. 173-195). Presses de l’Université Laval.
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