Résumés
Résumé
Cet article propose de restituer la procédure et une partie des résultats d’une recherche intitulée « Comment te sens-tu dans ton école? », menée auprès d’élèves âgés de 6 à 11 ans d’un département français (les Yvelines), afin de rendre compte – à deux reprises de la même année scolaire (en octobre 2018 et en juin 2019) – de leur bien-être à l’école avec un accent sur l’empathie. Pour rendre plus particulièrement compte du niveau d’empathie, un dessin, illustrant une scène de cour de récréation et représentant un élève à l’écart de ses camarades, a été présenté aux élèves afin qu’ils donnent leur avis sur ladite situation. Ce protocole avait pour objectif de saisir leurs propensions à se projeter dans l’univers émotionnel et mental de leurs camarades, c’est-à-dire à être interpellés émotionnellement et/ou cognitivement par un camarade en situation de détresse empathique.
Mots-clés :
- École,
- empathie,
- élèves,
- évaluation
Corps de l’article
Introduction
Dans le cadre d’une enquête par questionnaire intitulée « Comment te sens-tu dans ton école? » et menée auprès d’élèves de 6 ans (classe de CP – cours préparatoire), 7 ans (CE1 – cours élémentaire 1re année), 8 ans (CE2 – cours élémentaire 2e année), 9 ans (CM1 – cours moyen 1re année), 10 ans (CM2 – cours moyen 2e année) et 11 ans (6e – 1re classe du collège) des Yvelines (France), nous avons souhaité rendre compte, à deux reprises au cours de la même année scolaire (en octobre 2018 et en juin 2019), de leur manière d’exprimer leur empathie et leur bien-être subjectif. Ces données sont intéressantes à plus d’un titre. En premier lieu, elles révèlent leur expérience personnelle. Par ailleurs, elles rendent compte des transformations et permettent d’observer de manière dynamique les changements – rarement linéaires – liés à la socialisation, l’éducation et la maturation combinées. Les variations liées à l’âge, au sexe et au lieu de scolarisation (éducation prioritaire – EP – et hors éducation prioritaire – HEP)[1] ont également été l’occasion de mettre en saillance le poids de ces variables dans les transformations.
Pour rendre plus particulièrement compte du niveau d’empathie, le dessin reproduit à la Figure 1, illustrant une scène de cour de récréation, a été présenté aux élèves. Cette situation avait pour objectif de saisir leurs propensions à se projeter dans l’univers émotionnel et mental de leurs camarades, c’est-à-dire à être interpellés émotionnellement et/ou cognitivement par un camarade en situation de difficulté.
Utiliser un dessin pour rendre compte du niveau d’empathie est souvent plus parlant pour les élèves lorsque la situation donnée à voir résonne avec ce qu’ils ont pu vivre ou observer dans la cour de récréation ou en classe. Dans ce cas, c’est la puissance de l’expérience qui est en oeuvre, autrement dit un vécu qui a laissé des traces mnésiques et/ou somatiques (Damasio, 1995) susceptibles d’être réactivées en fonction de contextes plus ou moins résonants (Rosa, 2018). Ce faisant, cet outil est plus à même de saisir au plus près et dans le même temps l’empathie émotionnelle et cognitive, et donc de mieux en observer les transformations entre le début et la fin d’une année scolaire. Ainsi objectivés, les résultats de ce type d’enquête pourraient servir d’aide à la décision à l’institution scolaire et plus largement aux politiques publiques en matière d’éducation aux compétences sociales et relationnelles – parmi lesquelles la disposition à voir le monde avec les yeux des autres.
Dans les lignes qui suivent, nous proposons dans la première partie de définir la notion d’empathie dont tout le reste découle. Dans la deuxième partie, les effectifs concernés par cette enquête sont précisés et les modalités de traitement des données et de construction de cet outil d’évaluation sont rappelées en prise avec la réalité de terrain. Une troisième partie – plus conséquente – restitue et analyse les niveaux d’empathie des élèves à partir de leurs discours.
1. L’empathie, entre émotion et cognition
L’empathie a d’abord été décrite « en phénoménologie allemande à la fin du XXème siècle par l’utilisation du terme Einfühlung, qui signifie littéralement “se sentir dans” » (Berthoz, 2020, p. 114). Par la suite, elle traduira ce qu’une personne ressent de manière spéculaire à la vue d’un semblable en situation de vivre une émotion (Elie, 2009). En d’autres mots, « nous sommes dans l’empathie parce que nous avons un corps, tout simplement. Entre l’autre et moi, tout est d’abord affaire de mouvement, d’émotions et de corps » (Tisseron, 2010, pp. 20-21).
L’empathie est donc d’abord émotionnelle. Ainsi, c’est parce que nous vivons, dans notre corps, par résonance les gestes et les émotions perçues chez autrui que le paysage intérieur de ce dernier peut advenir dans notre corps – par le truchement des émotions – et dans notre esprit. Ces émotions et ces gestes perçus opèrent comme un langage symbolique (Mead, 2006) en ce sens où autrui est reconnu comme « un alter ego qui, malgré sa persistance différente, vise le même monde que moi » (Boulanger & Lançon, 2006, p. 500). Cette empathie émotionnelle suppose une forme de mise en vibration mutuelle, c’est-à-dire une « relation au monde associant af-fection et é-motion […] dans laquelle le sujet et le monde se touchent et se transforment » (Rosa, 2018, p. 200). Dans cette acception de la relation au monde, « exister, c’est être affecté de telle ou telle manière » (Pelluchon, 2020, p. 51), soit réagir aux états émotionnels des autres.
L’empathie cognitive fait, quant à elle, référence à la capacité à se mettre cognitivement à la place de l’autre. Elle se traduit par la capacité d’inférer les états mentaux d’autrui, à deviner ses intentions. C’est cette opération qui est en oeuvre dès lors que nous tentons de nous représenter la représentation mentale d’autrui. À ce titre, cette dimension de l’empathie, lorsqu’elle est dépourvue d’émotion, est à elle seule incapable d’induire un comportement moral empreint de valeurs (Vincenzo (De), 2017). En effet, seule la présence des corps (ou a minima leur représentation) est susceptible de rendre compte de l’état émotionnel, car « la vie sociale exige bien plus que l’instance froide de la loi, elle requiert également le lien chaud des usages partagés des normes morales » (Prairat, 2017, p. 40) qui mobilisent l’être dans sa totalité. Finalement, l’empathie commande
d’être en même temps soi et quelqu’un d’autre. Le passage de la première à la troisième personne exige à la fois une coopération et une compétition entre plusieurs réseaux dans notre cerveau et celui d’autrui, dans une interaction dynamique. L’empathie est donc un des comportements fondamentaux de vicariance sociale.
Berthoz, 2013, p. 150
2. Un outil d’évaluation en prise avec la réalité de terrain
Recueillir le vécu personnel des élèves, appréhender leurs relations avec les pairs, dans la cour de récréation notamment, à l’aide d’un questionnaire afin d’apprécier leurs ressentis n’est pas toujours chose aisée, particulièrement lorsque l’on s’adresse à de jeunes enfants. Le risque d’imposer nos propres représentations est en effet toujours latent. Dès lors, et pour pallier ce biais « adultocentriste » (Rayou, 1999, p. 8), il est important de donner la parole à des principaux concernés. Par ailleurs, et afin de saisir au mieux les vécus par le biais d’un questionnaire, le chercheur doit s’assurer de sa bonne réception, eu égard à l’âge des interviewés, de la qualité du support de passation, de la bonne compréhension des mots et des situations, de la pluralité possible des interprétations. Mais la pertinence d’un questionnaire ne tient pas seulement à son contenu et à sa construction. Les modalités de passation constituent également des gages méthodologiques. C’est pourquoi nous proposons de revenir sur le processus de conception de cet outil pour en saisir la portée heuristique.
2.1 Trouver un outil pour rendre compte du bien-être des élèves
Historiquement, ce sont les psychologues qui, les premiers, se sont intéressés aux modalités de la mesure de l’empathie. Les outils les plus connus sont : l’échelle d’empathie; le Questionnaire Measure of Emotional Empathy (QMEE), qui donnera ensuite la Balanced Emotional Empathy Scale (BEES) (Mehrabian, 1996) et inspirera la conception du test Contagion, Empathie, Coupure (CEC – Favre, 2005); l’Empathy Quotient (EQ) de Baron-Cohen et Wheelwright, qui a été initialement créé afin d’étudier la question de l’autisme en tant que possible trouble de l’empathie; la Basic Empathy Scale (BES); l’Interpersonal Reactivity Index (IRI) ou, en français, l’index interpersonnel de réactivité, qui est l’un des tests les plus utilisés par les chercheurs actuellement.
Parmi ces tests, deux types de mesures sont généralement distingués. D’un côté, des mesures situées évaluant les réactions empathiques dans des situations données, et de l’autre, des mesures de traits de caractère plus ou moins stables chez l’individu. Le premier type consiste à poser des questions sur des situations particulières, préalablement présentées. Le second procède par questionnaires associés à des échelles d’empathie. L’un comme l’autre, parce qu’ils utilisent des stimuli relativement artificiels qui diffèrent qualitativement des indices sociaux que les personnes rencontrent habituellement, mais également parce qu’ils passent la plupart du temps par le truchement de la verbalisation – par une possible mise à distance des émotions donc –, témoignent davantage de l’empathie cognitive ou dispositionnelle (Brunel & Cosnier, 2012). Or, si l’on souhaite saisir les effets induits par les corps en interaction – c’est le cas le plus courant en situation pédagogique –, il faut opter pour un autre mode opératoire; un mode autorisant l’observation du processus d’empathie émotionnelle et cognitive en acte.
Dans la présente recherche, pour construire l’outil d’évaluation de l’empathie en prise avec la réalité, nous nous sommes inspirés des travaux précités, mais aussi du questionnaire mis en place lors du programme « De l’empathie pour lutter contre le harcèlement à l’école » (Zanna, 2015) mené dans 20 classes d’élèves âgés de 9 et 10 ans en 2012-2014 dans le département de la Sarthe (France) (Kerivel, 2015).
La scène de la cour de récréation a été présentée à 101 classes (du CP à la 6e, soit des élèves âgés de 6 à 11 ans) de 12 établissements avec l’aide d’enseignants volontaires de différents territoires du département des Yvelines. À noter que pour homogénéiser les conditions de passation, les enseignants ont été briefés oralement lors d’une après-midi de présentation de la recherche. Ils ont par ailleurs, à deux reprises (octobre 2018 et juin 2019), reçu un vade-mecum précisant les modalités d’administration en classe. Ils devaient notamment lire avec les élèves les consignes et les questions. Ils devaient également veiller à ce que les élèves répondent individuellement aux questions fermées et ouvertes, répondre à leurs interrogations et au besoin les aider à formuler leurs réponses. S’agissant d’une évaluation comparative, les enseignants avaient, bien entendu, compris qu’il ne fallait évoquer ni le dessin ni le reste du questionnaire auprès des élèves avant la seconde passation en juin 2019. À noter également que les enseignants ayant accepté de réaliser des passations dans leur classe ont été sollicités en amont pour donner leur avis sur le temps de passation, le design, la capacité de leurs élèves à renseigner les différents outils… Concernant le dernier aspect, certains ont considéré que « leurs élèves » de CE2 (généralement âgés de 8 ans) étaient tout à fait capables de répondre aux questions ouvertes initialement réservées aux élèves de CM1 (âgés de 9 ans) et au-delà, c’est-à-dire aux élèves de cycle 3. C’est suite à ces discussions que le principe du cycle proposé par l’Éducation Nationale[2] a fait l’objet d’un réaménagement, et c’est ainsi que le niveau CE2 s’est retrouvé placé en cycle 3. Aussi, dans la suite du texte, le cycle 2 correspond donc aux élèves de CP (6 ans) et de CE1 (7 ans) et le cycle 3 aux élèves de CE2 à la 6e (8 à 11 ans).
Le choix de la scène présentée aux élèves ne s’est pas fait au hasard. Afin de saisir le processus d’empathie émotionnelle et cognitive en acte, il fallait en effet trouver une situation scolaire suffisamment probable afin que les élèves puissent s’y projeter et en dire quelque chose. Partant de nos expériences de chercheure et chercheurs, d’enseignants, de conseiller principal d’éducation, associées aux résultats de focus groups réalisés au cours de différentes formations à l’adresse d’enseignants, nous avons finalement retenu la scène illustrée dans l’introduction dans la mesure où elle est suffisamment éloquente pour bon nombre des élèves. Précisons encore un point au sujet de ce dessin : il a été conçu par un graphiste à partir d’un schéma réalisé par nos soins et a fait l’objet de plusieurs rectifications afin de veiller à ne pas racialiser ni genrer les personnages, notamment celui de gauche, pour ne pas influencer les réponses.
Au moment de la première évaluation en octobre 2018 (volet 1 – noté V1 dans la suite du texte), ce sont donc 2 384 questionnaires à l’adresse des élèves qui ont été transmis dans les 12 établissements scolaires. Mais ce ne sont finalement que 2 183 questionnaires qui nous ont été retournés. Il y a plusieurs raisons à cela : le jeu des mutations fait qu’un certain nombre d’enseignants volontaires en juin 2018 n’étaient plus sur les établissements à la rentrée de septembre. De nouveaux collègues ont donc hérité d’un projet qu’ils découvraient. Il faut aussi signaler une déperdition entre la prise de position en juin et l’engagement effectif une fois venu le temps de la passation. Notons également que parmi les retours, 438 questionnaires étaient incomplètement renseignés. Ils ont par conséquent été retirés du corpus. Au final, nous avons saisi 1 745 questionnaires.
S’agissant d’une étude comparative, seules les classes ayant été enregistrées au volet 1 ont à nouveau reçu un questionnaire dans le cadre de la campagne de juin 2019. Soit 101 classes pour un total de 1 745 questionnaires. Les retours de juin ont permis de récupérer 1 458 questionnaires d’élèves parmi lesquels 1 353 étaient exploitables. Là encore, plusieurs raisons peuvent justifier ces baisses d’effectifs entre le début et la fin de l’année scolaire. Le différentiel de retours s’explique d’abord par le fait que quelques enseignants s’étaient fait, pour diverses raisons (maladies, congés…), remplacer en cours d’année. Ensuite, certains n’ont pas, légitimement, souhaité y participer. Enfin, comme pour le volet 1, certains tests du volet 2 (juin 2019 – noté V2 dans la suite du texte) étaient inexploitables. Le Tableau 1 donne une image précise du corpus finalement retenu pour l’analyse.
À la suite d’un traitement lexicographique et d’un recodage, les réponses des élèves – après avoir été organisées en catégories – ont été saisies sur le logiciel Sphinx.
2.2 À propos du recodage des écrits des élèves
Le recodage consiste à transformer une question ouverte en question fermée avec comme objectif de regrouper les réponses sous des catégories préalablement définies eu égard à une problématique. Dans le cas présent, pour chaque question ouverte, deux d’entre nous ont dans un premier temps lu 150 verbatim environ. Un temps de confrontation des catégories respectivement pressenties a suivi avant de s’accorder sur celles à retenir. Un autre temps a été consacré à la relecture de tous les verbatim afin de préciser davantage les catégories les plus pertinentes.
Pour se prémunir des « biais de disponibilité » (Bronner, 2020, p. 47) qui empêchent de faire preuve de la plus grande rigueur scientifique, plutôt que de passer en revue et recoder l’ensemble des catégories seulement par les deux chercheurs les ayant construites, deux nouvelles étapes ont été inscrites dans le processus d’élaboration des catégories. Dans un premier temps, afin d’en peaufiner le contenu sémantique, toutes ont été présentées et discutées avec trois étudiants de Master 2 STAPS. Toujours à dessein d’éviter les biais, chaque question a été systématiquement recodée par les trois étudiants (A, B et C) auxquels les catégories retenues ont été clairement explicitées. Le recodage a emprunté le déroulé suivant : l’étudiant A a réalisé un premier recodage des verbatim relatifs à une question ; l’étudiant B a repris la lecture de l’ensemble des verbatim associés à la même question pour confirmer ou infirmer le choix de A; puis ce fut au tour de l’étudiant C de lire toutes les réponses et, le cas échéant, de les recoder en confirmant ou infirmant les propositions de ses camarades A et B. Dans un deuxième temps, une fois ces trois séquences terminées, le premier chercheur a repris la lecture de l’ensemble des verbatim et a à son tour confirmé ou infirmé les propositions des trois étudiants (A, B et C). Une ultime vérification a été réalisée par le second chercheur qui a relu une dernière fois les verbatim en tenant seulement compte du recodage du premier chercheur. Pour finaliser l’ensemble, et à des fins d’accord, les deux chercheurs ont pris un temps commun pour discuter des quelques recodages pour lesquels ils n’avaient pas la même réponse. Ce sont les résultats de cette dernière confrontation qui ont servi de base à l’analyse.
Afin de donner du sens aux questions ouvertes (bulle « Enfant seul » et bulle « Enfant avec le groupe »), le recodage suivant a été finalement retenu.
2.2.1 Recodage de la bulle « Enfant seul »
« Je » : L’élève se met à la place du personnage seul sans nécessairement penser aux causes de la situation : « Oh, je me sens si seule, si triste. »
« Je et les autres » : L’élève comprend la situation, il se met à la place du personnage seul tout en essayant de trouver des explications à la situation : « Elle se sent seule, les autres ne veulent pas qu’elle joue. »
2.2.2 Recodage de la bulle « Enfant avec le groupe »
« Moi sans le groupe » : L’élève se met à la place d’une personne du groupe sans prendre en compte l’élève seul ni les autres élèves du groupe : « Je m’amuse trop. »
« Moi avec le groupe » : L’élève parle de lui et de ses copains du groupe : « C’est trop bien de jouer tous ensemble. » Il a en outre une vision globale de la situation puisqu’il est capable de considérer l’élève seul, et ce, de manière positive : « Et si on jouait avec lui? »
« Prise en compte de l’autre – moins[4] » : L’élève a une vision globale de la situation et notamment de l’exclusion de l’élève seul, mais de manière négative : « Elle est méchante et pas gentille. »
Partant de ces quelques considérations, observons les propos des élèves…
3. Des résultats qui révèlent la prise de parole des élèves pour exprimer leur empathie
Dans un premier temps sont présentés et analysés les propos rédigés par les élèves dans la bulle « Enfant seul »; ceux de la bulle « Enfant avec le groupe » suivent dans un deuxième temps.
3.1 Les propos relevés dans la bulle « Enfant seul »
Comme on peut le voir sur l’histogramme ci-dessous (Figure 2) représentant les réponses des élèves formulées en octobre 2018, la modalité « Je » regroupe une majorité de réponses (63,1 %). Cela signifie que la plupart des répondants sont capables de vivre ce que vit l’enfant seul, mais, point important pour la suite de l’analyse, sans pour autant tenir compte du contexte global de la situation. Les autres figurants de la scène ne sont visiblement pas présents dans l’esprit (et donc sous la plume) des élèves. Tout se passe comme si ces derniers étaient dans l’incapacité de penser le monde en dehors de ce qu’ils vivent hic et nunc.
Ces résultats permettent certes de dire que les élèves font preuve d’une forme d’empathie, mais cette empathie, (trop) empreinte d’émotion, s’apparente bien plus à de la contagion émotionnelle, soit à un comportement de sympathie dans lequel l’enfant peine à faire la différence entre lui et les autres. En somme, pour une majorité des élèves, tout se passe comme si, en pareilles situations, seule la dimension émotionnelle sert de boussole à l’action. À la vue d’un pair triste, isolé, sans amis, ces élèves ont du mal à faire la différence entre eux et autrui. Plus précisément, ces réponses nous renseignent sur un point : la majorité des élèves simulent en eux (à la première personne donc) l’état de l’élève seul sans pouvoir changer de point de vue, c’est-à-dire se placer à la troisième personne. On retrouve ici la position autocentrée décrite par Alain Berthoz pour évoquer le phénomène de sympathie où l’individu resterait « en quelque sorte collé à soi, pas seulement égocentré mais autocentré, c’est-à-dire qu’il ne peut pas prendre l’autre comme référence » (2020, p. 15), comme en témoignent les quelques propos suivants recueillis dans la bulle « Enfant seul » : « Je suis très triste quand je suis toute seule et ça me rend très triste »; « Je suis toute seule, je n’ai pas de copines, c’est trop nul »; « Je n’aime pas être seul »; « Je n’ai pas d’amis »… Dans de telles situations, « la sympathie a trait essentiellement aux émotions, son champ est plus réduit que celui de l’empathie qui, elle, se réfère à l’appréhension des aspects tant cognitifs qu’émotionnels de l’expérience d’autrui » (Berthoz, 2013, p. 145).
Ainsi, confronté à une détresse empathique égocentrique, voire quasi égocentrique[5], l’enfant est certes interpellé par la situation vécue par un pair (tristesse, exclusion, douleurs, solitude…), mais il peine à s’en distinguer émotionnellement. Dans de telles situations, il se trouve confronté à une difficulté à juguler l’effusion d’émotions qui gît en lui. Cela se traduit par l’éclipse d’autrui. La phase quasi égocentrique ne se solde donc pas par un détournement, mais une difficulté à saisir ce que vit et pense son camarade, et à s’en différencier. Tout bien considéré, dans ce cas précis, le comportement des répondants relève de la sympathie et non de l’empathie. En effet,
l’empathie consiste à se mettre à la place de l’autre sans forcément éprouver ses émotions, comme lorsque nous anticipons les réactions de quelqu’un; la sympathie consiste inversement à éprouver les émotions de l’autre sans se mettre nécessairement à sa place, c’est une contagion des émotions […]. Autrement dit, on peut être empathique sans éprouver de sympathie de même qu’on peut avoir de la sympathie sans être empathique.
Berthoz & Jorland, 2004, pp. 21-22
L’empathie serait donc cette capacité à prendre la perspective d’autrui, là où la sympathie consisterait à localiser l’autre en soi. Dit autrement, « alors que la sympathie lie les hommes entre eux, l’empathie renvoie à la relation du moi au non-moi en général » (Elie, 2009, p. 12).
La sympathie se limite donc parfois à la seule résonance émotionnelle au cours de laquelle les individus ne discernent pas clairement ce qui relève de leurs états émotionnels de ceux des autres. Si la sympathie et l’empathie désignent des modes relationnels, elles se distinguent néanmoins l’une et l’autre au regard de la distance que l’une et l’autre établissent…
La sympathie et l’empathie passent par la reconnaissance, et toutes deux forgent un lien, mais l’une est étreinte quand l’autre est une rencontre. La sympathie triomphe des différences par des actes d’identification imaginatifs; l’empathie consiste à prêter attention à l’autre en se plaçant sur son terrain […] L’empathie est pourtant un exercice plus exigeant, tout au moins dans l’écoute : l’auditeur doit sortir de lui.
Sennett, 2014, p. 37
Ainsi, n’ayant pas encore acquis la capacité à faire la différence entre l’état émotionnel supposé de l’enfant seul et le leur, faute de pouvoir inhiber leur réaction première – pour se mettre à distance de soi –, les élèves sont épris de sympathie pour autrui. On retrouve ici la théorie développée – dans le sillage de Jean Piaget (1932) et de Daniel Kahneman (2012) – par Olivier Houdé (2015) et Alain Berthoz (2020), pour qui penser, c’est avant tout être capable d’inhiber, c’est-à-dire apprendre à résister à ses automatismes. En somme, confrontés à la situation décrivant l’enfant seul, 63,1 % des élèves n’arrivent pas à inhiber leur premier élan de sympathie.
Intéressons-nous maintenant aux résultats de la modalité « Je et les autres ». Un peu plus du tiers des élèves ayant été classés dans cette catégorie, soit 36,9 % d’entre eux, trouvent à se décentrer, à prendre de la distance à l’égard de leurs émotions pour appréhender plus globalement et sereinement la situation; autrement dit, à se penser soi parmi les autres et donc « soi-même comme un autre » (Ricoeur, 1990). L’association dans les écrits des élèves des mots moi et je avec il,eux, les autres et copains dans la même phrase témoigne de cette disposition au décentrement. C’est en tout cas ce que révèlent les propos des élèves : « Pourquoi ils ne viennent pas jouer avec moi? »; « Moi, j’ai envie de jouer avec les copains »; « J’aimerais jouer avec eux »; « Ça ne se fait pas, eux ils jouent et moi je suis tout seul »…
Ces propos font écho aux propositions théoriques de Martin Hoffman (2008) décrivant le processus gradué qui fait passer le jeune enfant de l’empathie comme mimétisme ou contagion à des formes plus indirectes et médiatisées, dont l’évolution est corrélée à celle des capacités conceptuelles ou linguistiques. En d’autres termes, l’enfant passe du mimétisme (soit la sympathie), où, en localisant l’autre en lui, il en épouse totalement le modèle (il ressent avec autrui, Mitfühlung), à une forme de mimesis (soit l’empathie), où l’autre est pris comme modèle pour voir le monde à partir de sa perspective (il ressent dans l’autre, Einfühlung). Ce mécanisme de distinction entre soi et autrui est évidemment capital. Il se consolide au cours de l’enfance et aboutit, au moment de l’adolescence, à une représentation plus ouverte aux vécus de ceux qui ne nous ressemblent pas, qui ne sont pas comme « moi », « comme nous », c’est-à-dire tous ceux qui ne nous sont ni proches, ni familiers. Et c’est sans doute ce processus de maturation qui conduit les élèves à répondre différemment.
Ces résultats révèlent des élèves majoritairement centrés sur leurs ressentis et moins ouverts à ceux des autres en octobre 2018. Qu’en est-il huit mois plus tard? Comme le montre la Figure 3, les propos des élèves ont évolué vers une plus grande prise en compte d’autrui. La progression de plus de 11 points de la modalité « Je et les autres » en témoigne.
À des fins de comparaisons, le Tableau 2 regroupe les résultats d’octobre 2018 et de juin 2019 (synthèse des propos recueillis dans la bulle « Enfant seul »).
Le premier constat qui s’impose est le nombre d’élèves inscrits dans la modalité « Je » qui baisse de plus de 11 points entre octobre 2018 (63,1 %) et juin 2019 (51,4 %). Ainsi, en l’espace de huit mois, les élèves sont relativement plus ouverts sur le monde des autres. Si l’on tient compte du travail réalisé par les enseignants au cours de l’année, des effets de la socialisation parentale (et plus largement des adultes qui côtoient les enfants)[6] et de la socialisation entre pairs à l’école et en dehors, cette évolution apparaît somme toute logique dans la mesure où elle rend compte des effets développementaux mis en oeuvre à cette période de la vie (Golse, 2015; Hoffman, 2008; Mead, 2006). Entre 3 et 12 ans (c’est-à-dire entre le début du stade préopératoire[7] et la fin du stade opératoire concret), l’enfant passe d’une position autocentrée où les autres occupent une place très périphérique à une position hétérocentrée où les autres – dont il peut progressivement envisager et comprendre le point de vue – deviennent des versions possibles de lui-même. Et c’est plus précisément, selon Martin Hoffmann, à partir de la 6e ou 7e année que l’enfant accède au stade de l’empathie mature, soit cette capacité à considérer émotionnellement et cognitivement le monde interne d’autrui, sans pour autant s’y confondre. À cet âge et par la suite, l’affect (dimension émotionnelle) est agencé avec la perception et la représentation (dimension cognitive). L’enfant est par conséquent capable de prendre la perspective d’autrui tout en gardant une distance optimum entre lui et le monde intérieur des autres.
Pour revenir à l’analyse comparative, disons que pour la modalité « Je et les autres » les variations entre octobre 2018 et juin 2019 trouvent des explications dans le fait que la moyenne d’âge des élèves augmente inévitablement entre les deux périodes. En fin d’année scolaire, les élèves étant tous âgés de huit mois de plus – empan non négligeable à cette période de la vie –, les effets combinés de l’éducation (au sens large) et du développement sont là.
Si globalement les transformations sont finalement en phase avec les connaissances relatives au développement de l’empathie, comment cela se donne-t-il à voir dès lors que le regard se pose sur l’âge, le sexe ou bien encore les lieux de scolarisation?
3.1.1 Des élèves de 8 à 11 ans (cycle 3) plus à même de considérer leurs pairs
Comme le montre le Tableau 3, dès le V1, l’âge opère des discernements dans les propos des élèves. Ceux âgés de 6 et 7 ans (cycle 2) mobilisent en effet davantage la modalité « Je » (66,9 % contre 60,7 % pour le cycle 3) alors que les élèves âgés de 8 à 11 ans (cycle 3) sont plus nombreux à s’inscrire dans la modalité « Je et les autres » (39,3 % contre 33,1 % pour le cycle 2). Acceptons pour le moment que plus les élèves avancent en âge, plus ils s’ouvrent au monde des autres et passons à la comparaison avec les résultats du V2.
En octobre, les élèves des cycles 2 et 3 affichent des résultats sensiblement différents (environ 6 points de variation pour chaque modalité). En juin, quel que soit le cycle, les chiffres font apparaître une transformation vers une plus grande considération d’autrui. Pour la modalité « Je et les autres » par exemple, les élèves du cycle 2 passent de 33,1 % à 42,2 % et de 39,3 % à 53,1 % pour ceux du cycle 3, soit une variation de 9 points pour le premier et, fait remarquable, de 14 points pour le second. Ces différences indiquent que les élèves de cycle 3 se sont davantage transformés en la matière. Cela rejoint les observations faites précédemment en ce qui concerne le développement de l’enfant. La décentration se mettant en oeuvre progressivement au moment de l’entrée dans le stade opératoire concret, c’est-à-dire à partir de 7 ans, ce sont inévitablement les plus âgés qui vivent les transformations les plus remarquables dans ce domaine.
3.1.2 Des filles toujours et encore plus empathiques que les garçons
L’observation de la variable sexe est d’emblée instructive. Comme le montre le Tableau 4, les filles, tous niveaux confondus, sont, dès le mois d’octobre (V1), plus ouvertes aux autres (39,4 % à la modalité « Je et les autres » contre 34,4 % pour les garçons). Ces résultats révèlent le processus de distinction en oeuvre dès le plus jeune âge pour faire des filles des individus davantage tournés vers le care, c’est-à-dire le soin, l’attention affectueuse, le souci des autres (Bourdieu, 1998; Dorlin, 2017; Duru-Bellat, 2010). Elles apprennent en effet très tôt « le souci du relationnel, voire un altruisme nécessaire, tandis que les garçons peuvent se consacrer à leurs propres passions, et développer un égocentrisme serein » (Duru-Bellat, 2017, p. 39).
Les filles sont donc – pour des raisons de socialisation différentielle (Passeron & de Singly, 1984) liées aux cultures et à l’histoire – assurément plus soucieuses des autres en situation de vulnérabilité. Qu’en est-il de cette différence en juin?
Si en octobre les différences entre filles et garçons étaient de l’ordre de 4,9 points en faveur des filles pour la modalité « Je et les autres », 8 mois plus tard la différence reste sensiblement la même (4,7 points). Cela dit, les résultats pour la modalité « Je et les autres » entre les deux périodes progressent substantiellement et de manière homothétique pour les deux sexes (augmentation de 11,5 points pour les filles et de 11,7 points pour les garçons). Finalement, en matière d’évolution de la sensibilité à l’égard d’autrui, en huit mois les garçons accusent toujours le même retard, au départ comme à l’arrivée, en comparaison aux filles. Cette variation persistante met au jour une éducation sexuée différente en matière, entre autres, de sollicitude et d’empathie. Elle informe par ailleurs sur la manière dont les adultes continuent à penser et à (re)produire la différence quand ce ne sont pas des inégalités. Rappelons à ce sujet qu’être un garçon ou une fille n’est pas une donnée naturelle, mais bel et bien le résultat d’une intériorisation – régulière et répétée – de tout un faisceau d’assignations déclaratives et subliminales à se comporter et à penser de telle ou telle manière. Cette « police du genre » (Duru-Bellat, 2017) – sous-tendue par l’ensemble de ces assignations et dont le corollaire est le maintien de l’ordre sexué – est en oeuvre sur les corps comme sur les esprits dès la naissance et tout au long de la vie. Nous en devenons tous les agents dès lors que nous nous laissons envahir par les stéréotypes de genre encore très largement répandus au sein de nos sociétés. Et l’école n’y échappe pas! Nombre de travaux insistent sur les effets de ces assignations de rôles (Duru-Bellat, 2004).
Si en matière de rapport à autrui, le sexe discrimine, qu’en est-il des lieux de scolarisation?
3.1.3 Des élèves scolarisés en éducation prioritaire qui gagnent en ouverture aux autres
Apparemment, les élèves scolarisés en éducation prioritaire (EP)[8] (âge et sexe confondus) sont, comme le montre le Tableau 5, plus enclins à une centration sur soi (65 % contre 59,6 % pour les autres).
La différence de 5,4 points entre les deux populations lors du V1 tient sans doute aux conditions de vie. L’aisance financière associée à un capital culturel constitue en soi un étayage social (Bruner, 1981) sur lequel l’enfant vient progressivement construire ses assises narcissiques (Morhain & Martineau, 2001) et une bonne estime de soi (André & Lelord, 2008). Or s’il n’y a « pas de conquête de soi sans estime de soi » (Prairat, 2017, p. 79), on peut également dire qu’il n’y a pas d’ouverture vers les autres sans estime de soi. Autrement dit, pour être à même de prendre la perspective d’autrui, il est, au préalable, nécessaire d’avoir un soi propre et consistant. Cela est d’autant plus vrai que la « représentation de soi et [la] représentation d’autrui sont consubstantiellement liées » et qu’à « l’inaccessibilité de l’autre correspond souvent une profonde altération de l’expérience de soi » (Vicenzo (de), 2017, p. 49). Un minimum de confiance, de connaissance de soi et de conscience de soi (Rimé & Le Bon, 1984) est nécessaire pour structurer une solide identité. En somme, s’ouvrir aux autres, faire preuve d’empathie à leur égard, est étroitement lié au sentiment de sécurité (affective et matérielle) ressenti.
Disons-le clairement, en l’absence de sécurité affective, le besoin d’appartenance, d’estime de soi et d’accomplissement ne peut être totalement satisfait. Les individus ont en effet besoin « de combler leurs principaux besoins afin d’être capables de mieux se concentrer et d’être en mesure d’offrir une certaine disponibilité aux autres » (Tremblay, 2003, p. 28). Or, dans la mesure où les cercles sociaux les mieux dotés en capitaux économique et social offrent, à « leurs petits », bon nombre d’occasions d’extension de leur univers (voyage, culture, sport…), leur confiance en soi au sein de l’école – un univers parmi d’autres pour eux – est de fait plus assurée. Les conditions de vie comme les conditions de socialisation des élèves ne sont en effet pas identiques eu égard aux milieux sociaux d’appartenance. Leurs manières d’appréhender le monde au même âge sont par conséquent très différentes. Dans les classes moyennes et supérieures, par exemple,
les vacances donnent régulièrement lieu à des pratiques qui contribuent à l’enrichissement du capital culturel des enfants (excursion dans des lieux historiques, visites d’églises, de musées ou de châteaux, etc.). Les activités pratiquées pendant les vacances, les modes d’hébergement (en famille, en camping ou à l’hôtel), ainsi que les destinations (plus ou moins lointaines, rares et prestigieuses) ont en outre des valeurs symboliques inégales et contribuent à faire éprouver aux enfants la place qu’ils occupent dans la hiérarchie sociale.
Court, 2017, p. 83
En somme, l’assertion suivante est ici tout à fait idoine : « les enfants vivent au même moment dans la même société, mais pas dans le même monde » (Lahire, 2019, p. 11). Les enfants ne constituent effectivement pas une catégorie homogène. Certains arrivent à l’école préparés aux habitudes scolaires depuis la toute petite enfance, voire dès la naissance. En clair, quand bien même les enfants partageraient des expériences communes, ils « ne vivent pas tous la même enfance. D’un lieu à l’autre de l’espace social, ils évoluent dans des univers extrêmement différents et bénéficient de conditions de vie très inégales » (Court, 2017, p. 65). Et ce qui vaut pour le milieu social vaut également pour la composition de la famille, en ce sens où « ce n’est pas la famille qui socialise l’enfant, mais des individus déterminés au sein de ce groupe » (Court & Henri-Panabière, 2012, p. 5), où le rôle des frères et soeurs, des grands-parents et parfois des voisins est déterminant.
Finalement, en EP, l’émotion (non socialisée) parfois menaçante, voire bouleversante, l’emporte sur la raison (émotion apprivoisée). Est-ce toujours le cas en juin? Comme le montrent les résultats, rien n’est moins sûr. Les lieux de scolarisation révèlent en effet des résultats sensiblement différents (5,4 points de variation en octobre entre EP et HEP pour « Je et les autres »). En juin, et toujours pour la modalité « Je et les autres », cette variation passe à 3,8 points. Si cette différence reste faible, l’évolution des résultats est quant à elle beaucoup plus significative puisque les scores évoluent de 35 % à 50,1 % (soit une progression de 15,1 points) pour les établissements en EP et de 40,4 % à 46,3 % (soit une progression de 5,9 points) pour ceux scolarisés en HEP. Ainsi, en l’espace de huit mois, ce sont les élèves scolarisés en EP qui gagnent en ouverture et en sensibilité à l’égard d’autrui. Ces résultats confirment l’hypothèse selon laquelle la sécurité affective nécessaire au déploiement des compétences sociales et relationnelles – offerte par l’école notamment – joue davantage pour les établissements situés en EP. Sans doute faut-il voir à l’oeuvre dans ces résultats les effets sécurisants du sanctuaire scolaire, mais également le souci des enseignants ayant fait le choix d’exercer leur métier dans ces établissements de faire preuve, ici et peut-être plus qu’ailleurs, d’une « éthique de la présence » (Prairat, 2017, p. 70) et de « l’hospitalité scolaire » (Prairat, 2019, p. 44), c’est-à-dire d’envisager une manière d’habiter l’école et la classe pour être au plus près des attentes des élèves qui en ont le plus besoin.
En somme, cette première bulle informe qu’en matière de prise en compte de l’autre, nombre d’élèves de cycle 2 notamment, confrontés à des situations où la résonance émotionnelle est mise en oeuvre, ont, en octobre, davantage de mal à adopter une posture hétérocentrée, soit à prendre la perspective d’autrui. Cette disposition – capitale pour faire société – se consolide au cours de la socialisation primaire. Elle se traduit progressivement par une capacité plus prononcée à voir le monde avec les yeux des autres, avec les yeux de ceux qui ne nous ressemblent pas, qui ne sont pas comme « moi », « comme nous ». Et c’est ce processus de maturation qui conduit les élèves à répondre différemment entre octobre et juin.
Pour résumer l’analyse de cette première bulle, retenons que la comparaison entre les deux périodes livre plusieurs enseignements : des élèves de cycle 3 plus enclins – sous l’effet de la maturation – à se transformer en matière de sensibilité; des filles et des garçons progressant de manière concomitante dans le domaine de la prise en considération d’autrui et des garçons toujours « à la traîne » dans ce domaine; des élèves scolarisés en EP qui – sans doute grâce à des enseignants plus à l’écoute – gagnent davantage que les autres en ouverture et sensibilité à l’égard d’autrui. Si les écrits des élèves, lorsqu’ils tentent de se mettre à la place du personnage isolé dans la cour de récréation, révèlent des différences, qu’en est-il dès lors qu’ils se projettent dans la peau d’un ou de plusieurs camarades jouant en groupe?
3.2 La perception des pensées de l’« Enfant avec le groupe »
Comme le montre la Figure 4, la modalité « Moi avec le groupe » est celle regroupant le plus grand effectif (69,9 %) en octobre. À cette période, les élèves s’inscrivent d’emblée dans une logique groupale. Ils sont, en pareille situation de jeu, attirés par le groupe qui fonctionne à cet âge comme un aimant. Sans compter que les élèves, comme tout individu en situation de jeu d’ailleurs, ont spontanément tendance à se mettre au diapason et/ou à calquer les autres (Bandura, 1976). Leurs propos illustrent leurs états d’esprit dans ces moments-là : « Venez, on joue au ballon »; « On aime être ensemble »; « On se sent bien »; « Nous sommes des copains »… Quand bien même pris par le jeu, ils n’oublient pas pour autant de se soucier de l’élève seul, ce dont témoignent leurs écrits : « Je pense que ce petit garçon est timide. Il faudra le laisser choisir ce qu’il veut faire »; « On va jouer avec lui, c’est triste pour lui »; « Tu peux jouer avec nous »; « Je pourrais aller jouer avec elle »…
Ainsi, pris par le groupe, les élèves ayant abondé dans le sens de la modalité « Moi avec le groupe » se projettent dans la farandole sans jamais perdre de vue les autres, tous les autres. Cela n’est pas le cas des élèves dont les réponses ont été associées à la modalité « Moi sans le groupe » (16,8 %). Autocentrés, gagnés par l’émotion, les membres du groupe ou l’enfant seul n’ont pas de place dans leur discours. Seul compte leur plaisir. Un plaisir qui peut s’avérer délétère dans la mesure où il est susceptible d’éclipser leurs camarades. On retrouve ici le comportement déjà plusieurs fois observé dans nos travaux pour expliquer le passage à l’acte violent des mineurs délinquants (Zanna, 2010) pour lesquels l’éclipse de l’autre se produit lorsque l’émotion ressentie est trop intense faute de ne pas avoir appris à l’apprivoiser. Tant et si bien qu’elle se « transforme en un intense sentiment de détresse personnelle, qui est susceptible de sortir entièrement la personne du mode empathique » (Hoffman, 2008, p. 254). Les écrits des élèves sont symptomatiques de cette incapacité momentanée à voir au-delà de soi : « Je suis heureuse »; « Je suis content, je m’amuse »; « Je suis trop content »…
En ce qui concerne la modalité « Prise en compte de l’autre – moins », le taux est plus faible, mais reste non négligeable (13,4 %). Tout en jouant avec le groupe, les élèves ayant opté pour ce genre d’attitude ont conscience de la situation d’exclusion de l’élève seul et la justifient en ces termes : « C’est mieux qu’il ne joue pas. Avant c’était notre ami, maintenant ce n’est plus mon ami »; « Ils ne veulent pas jouer avec le garçon parce qu’il les a embêtés »; « Ce n’est plus notre ami »; « On ne veut pas jouer avec elle parce qu’elle est trop nulle »…
Finalement, s’agissant des propos associés à la bulle « Enfant avec le groupe » lors du V1, les résultats révèlent des élèves majoritairement (69,9 %) enclins à prendre en considération les camarades du groupe et – point important – l’enfant seul. Qu’en est-il huit mois plus tard? Le Tableau 6 donne à voir l’évolution des propos des élèves en fin d’année scolaire.
Les réponses des élèves associées à la modalité « Moi avec le groupe » sont celles qui progressent le plus entre octobre 2018 et juin 2019 : 5,6 points contre 4 points pour la catégorie « Moi sans le groupe » et 1,7 point pour la catégorie « Prise en compte de l’autre – moins ». Visiblement, huit mois plus tard, les élèves sont toujours et encore plus à même de s’ouvrir aux autres (l’enfant seul y compris). Ici, comme pour les résultats de la bulle « Enfant seul », les variations entre le V1 et le V2 s’expliquent en partie par des raisons développementales, associées, bien sûr, aux effets de l’éducation scolaire, parentale, et de la socialisation entre pairs. Si ces transformations sont globalement la traduction de ces critères, comment cela se manifeste-t-il eu égard à l’âge, au sexe et au lieu de scolarisation?
3.2.1 Tous les élèves plus à même de considérer leurs pairs
Comme le montre le Tableau 7, à l’instar des réponses relevées dans la bulle « Enfant seul », l’âge discrimine également. En octobre 2018, les élèves de cycle 2 (CP et CE1) sont relativement moins nombreux (61,3 %) que ceux des classes supérieures (74 %) à être attentifs au groupe.
En juin 2019, les résultats pour la modalité « Moi avec le groupe » augmentent pour les deux cycles (de 8,1 points pour le cycle 2 et de 4,9 points pour le cycle 3). Que signifient ces variations?
À la différence des résultats de la première bulle, où seuls les élèves de cycle 3 avaient tiré avantage des 8 mois (plus de 14 points) en matière d’ouverture à autrui, ici ce sont tous les élèves qui gagnent dans ce domaine. On retrouve à nouveau la puissance contenante et sécurisante du groupe. Mais d’où vient ce tropisme des élèves à se regrouper?
Un élément de réponse peut être donné par le contexte scolaire qui, s’il développe l’individualisme dans sa conception d’un apprentissage qui passe par un travail et des performances individuels, propose aussi une certaine conception du groupe à travers un respect de l’autre et parfois une entraide […] supposant une certaine entente entre eux. Plus généralement, la vie en collectivité, par les activités et les règles communes qu’elle impose aux enfants, les habitue à faire ensemble.
Delalande, 2002, pp. 27-28
3.2.2 Une prise en compte de l’autre différente en fonction du sexe et du lieu de scolarisation
Si l’âge apporte son lot d’enseignements sur les comportements des élèves confrontés à une situation de détresse empathique, les variables sexe et lieu de scolarisation sont, comme on peut le voir aux Tableaux 8 et 9, également intéressantes puisqu’une progression non négligeable s’observe (plus de 5 points dans le sens d’une plus grande ouverture) entre les deux périodes pour la modalité « Moi avec le groupe » à la faveur des filles et des élèves scolarisés HEP.
Comme pour la bulle « Enfant seul », les filles se maintiennent en position de tête dès lors qu’il s’agit d’être à l’écoute d’autrui. Quant aux résultats liés au lieu de scolarisation, ils diffèrent de ceux observés pour la bulle « Enfant seul ». Ainsi, les enfants scolarisés en EP témoignent d’une transformation plus prononcée que ceux scolarisés HEP dans le cas de la bulle « Enfant seul ». Et c’est l’inverse qui se produit dans les propos tenus dans la bulle « Enfant avec le groupe ». N’ayant pas, pour le moment, d’explication à formuler pour saisir ces différences, il serait intéressant d’étayer ce constat dans le cadre d’une enquête plus large et plus précise afin de voir si ces différences sont effectivement en lien avec les conditions sociales de vie.
Pour résumer les analyses des contenus de la bulle « Enfant avec le groupe », retenons que les élèves, en situation de cour de récréation, tiennent majoritairement compte de leurs camarades dès qu’ils se pensent dans un groupe. Cette inclination à la considération d’autrui progresse entre octobre et juin de manière concomitante pour tous les élèves (et davantage pour les filles et les élèves des établissements HEP) et de manière différentielle en fonction de l’âge.
Conclusion
Cet article basé sur une enquête par questionnaire intitulée « Comment te sens-tu dans ton école? » et menée auprès d’élèves âgés de 6 à 11 ans scolarisés dans le département des Yvelines (France), avait pour objectif de montrer que l’évaluation du niveau d’empathie des élèves – souvent appréhendé par des tests standardisés – pouvait également se réaliser à partir d’autres méthodes. La proposition d’un dessin illustrant une scène de cour de récréation en fait partie. Cette situation avait pour objectif de saisir au plus près la propension des élèves à se projeter dans l’univers émotionnel et mental de leurs camarades, c’est-à-dire à être interpellés émotionnellement et/ou cognitivement par un camarade en situation de difficulté. En plus de confirmer la thèse du développement de l’empathie, les verbatim croisés avec les variables âge, sexe et lieu de scolarisation introduisent de la finesse dans les résultats.
Pour poser une conclusion provisoire au sujet des propos des élèves décrivant leurs états respectifs au regard de deux situations présentées, gardons à l’esprit ceci : les deux bulles révèlent qu’en matière de prise en compte de l’autre, bon nombre d’élèves confrontés à ce genre de situations inclinent tantôt vers la sympathie (bulle « Enfant seul »), tantôt vers de l’empathie (bulle « Enfant avec le groupe »). Dans le premier cas, il est néanmoins à noter qu’il existe des différences pour ce penchant eu égard à l’âge, au sexe et au lieu de scolarisation. Dans le second, si la variable âge discrimine nettement les élèves, les deux autres (sexe et lieu de scolarisation) sont également très significatives. Se projeter au sein d’un groupe s’accompagne visiblement d’une plus grande ouverture aux vécus des autres. Enfin, c’est le processus de maturation associé à l’intervention bienveillante des adultes, les enseignants notamment, qui est ici en oeuvre.
Retenons également que les élèves scolarisés en EP sont, par mimétisme, plus enclins au souci de l’autre et que cette prise de considération d’autrui se manifeste par une effusion émotionnelle (chez les plus jeunes notamment). Enfin, précisons que les filles, davantage socialisées dans le domaine de la prise en compte d’autrui, manifestent plus de souci envers leurs camarades. En matière d’écoute (au sens étymologique « d’accueillir favorablement ce que dit quelqu’un » et « prêter attention à… »), elles sont donc toujours en première position en octobre (2018) comme en juin (2019).
Parties annexes
Notes
-
[1]
En France, « la politique d’éducation prioritaire a pour objectif de corriger l’impact des inégalités sociales et économiques sur la réussite scolaire par un renforcement de l’action pédagogique et éducative dans les écoles et établissements des territoires qui rencontrent les plus grandes difficultés sociales » (ministère de l’Éducation nationale, de la Jeunesse et des Sports, 2021a).
-
[2]
En France, « les enseignements sont conçus par cycle, d’une durée de trois ans :
Le cycle 2, ou cycle des apprentissages fondamentaux, comprend le cours préparatoire (CP), le cours élémentaire première année (CE1) et le cours élémentaire deuxième année (CE2).
Le cycle 3, ou cycle de consolidation, comprend le cours moyen première année (CM1) et le cours moyen deuxième année (CM2); le cycle de consolidation se poursuit au collège, en classe de sixième » (ministère de l’Éducation nationale, de la Jeunesse et des Sports, 2021b).
-
[3]
Si le chiffre indiqué au bas du tableau ne correspond pas avec la somme filles – garçons, cela tient au fait que le sexe n’a parfois pas été renseigné.
-
[4]
Au sens de « prise en compte négative de l’autre ».
-
[5]
Dans le modèle de Martin Hoffmann (2008), ce type de détresse correspond aux deuxième et troisième phases, le modèle en comptant 5 : 1) le « cri réactif du nouveau-né », décrit comme une réaction innée à la détresse ou souffrance d’une autre personne; 2) la « détresse empathique égocentrique », constituant un comportement destiné à réduire sa détresse face à celle d’autrui; 3) la « détresse empathique quasi égocentrique », où une réponse empathique envers autrui est observée bien que l’individu ait encore des difficultés à cerner les états mentaux de l’autre et à les différencier des siens; 4) la « détresse empathique véridique », où l’individu comprend les intentions, les besoins ou encore les émotions d’autrui et est en mesure d’apporter une aide adaptée; 5) la « détresse empathique au-delà de la situation », où l’individu peut se montrer empathique envers d’autres personnes qui ne se situent pas dans son environnement immédiat. Il s’agit d’une forme de compassion envers autrui.
-
[6]
Bon nombre de recherches insistent sur le fait que c’est d’abord au sein de la famille et à l’école que l’enfant, en adoptant l’attitude de l’autre envers lui-même ou envers son propre comportement, (re)construit en son for intérieur le monde extérieur dont les autres sont constitutifs (Born & Thys, 2001; Kourilsky-Augeven, 1997; Lahire, 2019). Une (re)construction qui, selon George Herbert Mead, consiste pour l’enfant à s’identifier aux autres de diverses façons émotionnelles, jusqu’à faire naître implicitement chez lui les mêmes sensations, les mêmes réactions qu’elles font naître explicitement chez ces autres (2006).
-
[7]
Nous avons bien conscience que la formulation par étapes proposée par Jean Piaget est actuellement remise en cause. Mais elle reste néanmoins un bon modèle permettant de placer des repères.
-
[8]
Les zones d’éducation prioritaires (ZEP) sont devenues en 2015 des réseaux d’éducation prioritaire (REP). Elles sont définies selon des caractéristiques comme les catégories socioprofessionnelles, le taux d’élèves boursiers, le taux de redoublement avant l’entrée en sixième.
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