Corps de l’article
À l’aube d’une nouvelle présidence américaine, Michael Armacost nous plonge dans l’histoire de la politique étrangère américaine depuis 1948, tout en nous offrant des outils pour analyser plus finement les enjeux liés aux élections présidentielles. L’étude des Relations internationales se voit donc enrichie par cet ouvrage, plus empirique que théorique, qui décrit étape par étape une campagne présidentielle américaine, décryptant au moyen d’illustrations évocatrices les interactions de la politique étrangère avec le système électoral.
Parcourant l’ensemble du processus électoral, du lancement de la campagne aux premiers mois d’une nouvelle présidence, l’auteur examine la place qu’occupe la politique étrangère comme enjeu partisan ou obstacle politique. Ainsi, l’ouvrage débute par un rappel des principales règles constitutionnelles régissant les élections présidentielles. Armacost met ensuite en évidence l’évolution des conventions et des coutumes à travers l’histoire des États-Unis depuis 1948. Les élections présidentielles sont ainsi devenues avec le temps un réel test d’endurance au vu de la longueur de la campagne électorale. Si elles mettent à l’épreuve la résistance et la persévérance des candidats, elles testent également la patience de l’électorat. Être élu président est désormais plus long, plus coûteux et demande de s’entourer d’un plus grand nombre de spécialistes.
L’auteur dresse ensuite le portrait des deux grands partis américains : les Démocrates et les Républicains. Il identifie leurs principales différences en termes de vision du monde, de vision de l’intervention des États-Unis et de l’économie, entre autres. Les Démocrates sont, par exemple, considérés comme étant plus risk averse, ils sont enclins à élargir les préoccupations sécuritaires américaines à des questions liées au réchauffement climatique ou aux pandémies internationales. Les Républicains, quant à eux, ont tendance à se focaliser sur la national security policy, les préoccupations géopolitiques et les menaces militaires.
Le chapitre suivant immerge le lecteur au coeur de la campagne présidentielle, en commençant par la première étape qui est, pour un candidat, la quête de l’investiture de son parti. En fonction de l’individu, plusieurs cas de figure apparaissent ; un président encore en fonction peut se poser la question de se représenter, ou non, sachant que la campagne sera également l’heure de son bilan de politique intérieure et extérieure. Ceux qui décident de se lancer dans la course pourront se trouver sérieusement défiés par des membres de leur propre parti, bien que cette situation soit plus rare en temps de paix.
Durant la campagne, la priorité accordée à la politique étrangère varie d’une élection à l’autre et peut s’avérer sources d’opportunités et/ou de défis pour un président en quête de réélection. En effet, un président peut utiliser la campagne comme un incitant à l’action en politique étrangère autant que comme une occasion de retarder une décision, voire de modifier les règles du jeu lors de négociations internationales. Un président en fonction peut également y trouver un stimulant pour s’occuper de ses promesses électorales négligées ou non encore abouties, afin de redorer tardivement le blason de sa présidence.
Les opportunités et/ou obstacles du challenger sont également évoqués par Armacost dans son chapitre suivant ; les promesses d’un candidat peu éprouvé, surtout en politique étrangère, ne sont pas un bon indicateur pour déterminer le futur d’une politique américaine et peuvent se révéler coûteuses par la suite.
Par ailleurs, si le nouveau Président élu ne peut pas directement agir lors de la période de transition, ses choix, notamment en matière de conseillers, peuvent avoir un impact certain et déterminer la trajectoire de son mandat. Si l’investiture représente le dernier acte d’une campagne électorale, l’auteur estime nécessaire d’analyser les six premiers mois d’une présidence. En effet, le nouvel occupant de la Maison-Blanche, espérant laisser sa marque rapidement malgré un environnement encore en transition, peut se trouver confronté à des difficultés, notamment en politique étrangère. D’autres présidents investis se sont quant à eux caractérisés au début de leur mandat par un démarrage en douceur.
Dans sa conclusion, Armacost explique que la politique étrangère américaine oscille entre des phases d’affirmation (soaring self-assertion) et des phases d’effacement (sober retrenchement). Malgré tout, si le système électoral américain détermine la personne en charge de définir les intérêts nationaux du pays, ceux-ci sont durables dans le temps, d’où une certaine continuité dans les politiques américaines en dépit des alternances présidentielles.
L’étude menée par Armacost permet donc au lecteur de mieux comprendre le déroulement et les enjeux d’une campagne électorale aux États-Unis, tant pour le président sortant que pour son challenger. Cet ouvrage abouti est un véritable décodeur des interactions entre les événements en politique étrangère et les élections présidentielles. Chaque opportunité ou défi est explicité à l’aide d’exemples historiques et parfois même par l’expérience personnelle de l’auteur, qui a occupé différents postes au sein de plusieurs administrations. L’auteur remporte ainsi le pari qu’il s’est lancé car cet ouvrage, parfaitement accessible, s’adresse aux étudiants et aux personnes ayant un minimum de connaissances, tant du système politique américain que de la politique étrangère menée par les États-Unis depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale
Si, selon Armacost, « [the new president] knows that first impression tend to stick », il pourrait être intéressant de poursuivre l’analyse au regard de la dernière élection présidentielle et des premières semaines du mandat de Donald Trump.