Corps de l’article
Lors de son discours devant l’Assemblée générale des Nations Unies, en 2014, le président Obama appelait le monde à ne pas céder face aux menaces de type Daech ou au virus Ebola. En partant du constat que les moyens militaires seuls ne suffisent plus à répondre aux défis multiformes à la sécurité, il traite des changements marquants de la politique des États-nations depuis la fin de l’ordre bipolaire, notamment la double dynamique d’intégration et de fragmentation. Dans un contexte de mondialisation et de déliquescence d’États dans certaines parties du monde, la double dimension interne et externe de la sécurité devient plus que jamais indissociable. Or, le système de sécurité occidental a été fondé sur une menace strictement militaire entre blocs étatiques. L’originalité de l’ouvrage consiste donc à analyser la mutation du système de sécurité, notamment sa redéfinition, et de proposer des pistes de réflexion pour les nouvelles formes de gestion de la sécurité et de coopération internationale exigées par ce nouveau contexte. Il part de la proposition qu’il existe un défi interne, c’est-à-dire une mutation de la société internationale dont les éléments sont identifiables.
En recensant les contributions au colloque de l’Association France-Canada d’études stratégiques qui s’est tenu, en 2014, autour du thème « le système de sécurité occidental face aux nouveaux défis de la sécurité », l’ouvrage reflète le caractère bilingue de la rencontre. La première partie entame la discussion autour des contours de la sécurité internationale et des défis qui la menacent. En utilisant le droit, la stratégie et l’histoire comme éléments matriciels, le modèle de Philip Bobbitt permet de discerner l’ampleur, la direction et le mode de changement que connaît la société internationale à la suite des développements, qualitatifs et quantitatifs, dans l’armement et les moyens de communication et de transport depuis la Deuxième Guerre mondiale. Or, la fragilité de l’État et la menace terroriste, exercée par des groupes transnationaux ou même des particuliers, tendent à frapper d’obsolescence le principe d’interdiction du recours unilatéral à la force, pilier de l’ordre international relevant du jus cogens. D’une part, face aux défis contemporains de la sécurité, la coopération exige une obligation de faire ensemble, la communauté internationale redécouvrant les bienfaits du multilatéralisme. D’autre part, la problématique environnementale constitue désormais un enjeu majeur des organisations internationales de sécurité. Si durant de nombreuses années, la protection des ressources naturelles est restée cantonnée au second plan des opérations de paix, dorénavant la préoccupation de promotion d’un développement local soutenable est forte.
La deuxième partie de l’ouvrage propose des études de cas. D’abord le rôle de la France et du Royaume-Uni dans la construction de l’identité européenne de sécurité et de défense (iesd). Ainsi, les Traités de Lancaster House, signés en 2010, inaugurent un rapprochement sans précédent entre les deux pays. En conséquence, l’iesd ne se résume plus à l’Union européenne (ue), mais présente deux composantes : le couple franco-britannique et l’ue. L’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (otan) est confrontée à un double défi : celui de l’austérité et de la gestion d’un équilibre stratégique en mouvement. Ainsi la diminution des dépenses militaires ne signifie pas le renoncement à intervenir au-delà de l’espace euroatlantique, mais plutôt à redéfinir le rôle de l’Alliance. Ainsi l’otan se recentre sur ses fondamentaux : la défense collective des membres et un espace d’intervention géographique réduit. Troisième exemple, les défis que génèrent, d’une part, l’intervention française au Mali et, d’autre part, la présence d’Occidentaux en Afghanistan. Si d’un point de vue militaire, les technologies modernes (drones, renseignement, transport) semblent bien adaptées au conflit asymétrique, en revanche au plan politique, le placage des modèles occidentaux échoue. Dans un même ordre d’idées, les relations entre l’Afghanistan, l’Iran et le Pakistan illustrent des possibilités de paix et de stabilité dans des foyers de conflit où les grandes puissances ainsi que les organisations internationales ont été longuement impliquées, mais ont récemment décidé de se retirer. Enfin, les deux derniers chapitres s’appuient sur l’intervention canadienne en Afghanistan et sur l’achat de chasseurs-bombardiers F-35. Ils illustrent la nécessité pour tout gouvernement de conformer sa politique, mais aussi son modus operandi, aux exigences des mutations causées par les défis à la sécurité et les changements qui l’accompagnent.
« Qui trop embrasse mal étreint » dit le proverbe. Et il en est des facultés de l’esprit comme des bras : les exercer sur trop de matières à la fois, c’est les affaiblir ; il faut les concentrer pour qu’elles aient toute leur force. Victime de l’ampleur du sujet, l’ouvrage ne parvient pas à appréhender tous les aspects de la problématique d’un monde où les menaces sont plus globalisées et à la fois plus fragmentées. Le bémol tient à une hétérogénéité des propos qui l’emporte, souvent, sur la cohérence interne, ne permettant pas d’approfondir de façon égale tous les points abordés et qui laisse, parfois, le lecteur sur sa faim. Il n’en reste pas moins qu’il s’agit d’un ouvrage rigoureux et pédagogique, illustré notamment par des graphiques clairs. Étudiants et acteurs des politiques de sécurité y trouveront plusieurs éléments de réflexion.