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Publié dans le cadre de la série Routledge Studies in Global Information, Politics and Society, l’ouvrage présenté ici s’inscrit dans un courant continu d’études récentes sur la diplomatie publique et plus généralement sur la communication dans les relations internationales. Le livre vient très clairement s’inscrire dans le sillage de la « nouvelle diplomatie publique » (New Public Diplomacy) traitée en particulier par Jan Melissen dans ses travaux. L’idée centrale, celle d’une diplomatie publique faite de réseaux et de connexions, semble tout autant une incitation faite aux praticiens qu’une analyse scientifique des phénomènes observables dans la diplomatie publique actuelle. Les praticiens sont invités à considérer l’importance des réseaux, de la collaboration, de l’ouverture et à passer d’une diplomatie publique instrumentale, unidirectionnelle, hiérarchique à une diplomatie publique dont le coeur serait la relation pacifiée avec l’autre, l’investissement dans les relations internationales d’acteurs non étatiques et l’adaptation à un système international plus éclaté, moins hiérarchisé. La valeur scientifique de cette approche relationnelle est analysée, mais elle est aussi érigée en impératif normatif pour les praticiens.
Le livre se divise en trois parties : la première revient de façon assez théorique sur différentes approches de la « connectivité » en relations internationales ; le deuxième groupe d’études traite des cas précis de mise en oeuvre de cette diplomatie publique relationnelle ; enfin, le troisième groupe utilise les chapitres précédents pour s’interroger sur le futur de la diplomatie publique. Cette dernière partie est par ailleurs celle où les directeurs de l’ouvrage, auteurs des trois chapitres qui la composent, écrivent le manifeste de leur « approche relationnelle » de la diplomatie publique.
Peter van Ham entame cette liste de contributions par un chapitre replaçant la réflexion sur la diplomatie publique relationnelle dans le cadre d’un paradigme de relations internationales « fluides », mettant en avant le jeu circonstancié des relations, la communication, la capacité à se présenter avantageusement et à diffuser des normes plus que la puissance statique et les ressources. Kathy Fitzpatrick revient ensuite sur les questions d’éthique et de responsabilité pesant sur les praticiens de la diplomatie publique. Robin Brown met pour sa part l’accent sur le rôle des contextes dans les pratiques de diplomatie publique, rappelant les différentes façons dont les relations politiques peuvent contraindre différentes pratiques de diplomatie publique.
Daryl Copeland, par la suite, met en avant la nature nécessairement collaborative des solutions à trouver à des questions cruciales, internationales par nature (pandémies, catastrophes environnementales, etc.). Kishan Rana, quant à elle, s’intéresse aux diasporas, en observant la façon dont elles se trouvent au centre des relations entre États, dans une position très particulière aidant à la création de relations. Yiwei Wang, enfin, reprenant à son compte la narration non conflictuelle d’elle-même que cherche à projeter la diplomatie publique chinoise, rappelle l’insistance de cette dernière sur la « puissance douce » et les aspects culturels.
Dans le premier texte de la deuxième partie du livre, Maureen Taylor et Michael Kent montrent les efforts de diplomatie relationnelle déployés en Croatie par les États-Unis et l’Europe, soulignant le rôle important joué par le réinvestissement du capital social des diplomates dans la création de relations. Tadashi Ogawa, longtemps au service de la Japan Foundation, réfléchit à son tour sur le rôle de la culture à la fois comme ferment de division et comme élément de reconstruction. Dans une contribution légèrement en retrait du ton « relationnel » du livre, l’ex-ambassadeur américain Harold Saunders met en avant les difficultés liées aux espoirs de transformation de l’autre par la relation ; souvent, il faut se contenter de maintenir le dialogue. Les deux derniers textes de cette partie reviennent sur les aspects digitaux de la diplomatie publique : Charles Causey et Philip Howard soulignent les difficultés et le potentiel des médias digitaux et sociaux, alors que Hyunjun Seo, explorant le cas de « Café USA », une structure créée par l’ambassade des États-Unis à Séoul, fait la part de ce qui peut être gagné par l’utilisation intelligente et culturellement sensible des médias sociaux.
Dans la dernière partie, Rhonda Zaharna réfléchit tout d’abord sur les conditions dans lesquelles un réseau de relations se développe ou disparaît. Utilisant le cas des Instituts Confucius et celui de la campagne internationale contre les mines terrestres, elle réfléchit en termes d’adéquation entre le but de ces campagnes et la structure mise en place. Amelia Arsenault s’attaque pour sa part aux multiples problématiques concernant Internet. Elle met en garde contre une vision techniciste de ce réseau des réseaux, rappelant les enjeux de puissance projetés sur cette technologie, et les difficultés à faire fonctionner ensemble les différents acteurs. Ali Fisher s’interroge enfin sur les meilleures manières de susciter les collaborations et les approches relationnelles dont le livre a donné nombre d’exemples. Il propose quatre éléments autour desquels construire une théorie relationnelle de la diplomatie publique : les routes au travers desquelles ces collaborations s’élaborent, les noeuds autour desquels elles s’agrègent, le rôle des réseaux dans l’innovation et, enfin, les actions susceptibles de développer ces réseaux.
Si le livre forme un ensemble très roboratif de réflexions sur l’approche relationnelle en diplomatie publique, il montre aussi les études de diplomatie publique comme une science appliquée, marquée par la porosité entre acteurs et chercheurs. Alors que les acteurs demandent aux chercheurs de réfléchir sur leurs pratiques, les chercheurs leur tendent le miroir d’une « nouvelle diplomatie publique », relationnelle et détachée de la vieille diplomatie publique, fonctionnant dans un système international postmoderne, dérégulé et déhiérarchisé. Les acteurs, quant à eux, voient dans ce miroir une image flatteuse de leurs pratiques permettant de se laver de l’accusation de propagande. Le livre gagnerait donc à être lu en parallèle de la thèse de James Pamment New Public Diplomacy in the 21st Century : A Comparative Study of Policy and Practice (2013), où l’auteur prévient contre les aspects les plus normatifs de la « nouvelle diplomatie publique ».