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L’ouvrage aborde les relations entre la République populaire de Chine (rpc) et l’Amérique latine et les Caraïbes, et se concentre notamment sur des objectifs économiques et politiques des deux côtés. Cette lecture est basée sur deux visions complémentaires : le rôle croissant de la Chine dans la région fait que l’Amérique latine serait en train d’affirmer son indépendance politique vis-à-vis des États-Unis et de la domination économique des institutions occidentales ; ensuite, les relations bilatérales de l’Amérique latine avec la rpc répondent à une ambition géopolitique à long terme de Beijing et le résultat pour l’Amérique latine peut être le remplacement d’une dépendance par une autre.
En sept chapitres, y compris la présentation et les conclusions, l’auteur examine la nature de ces relations qui ont eu un impact différent, positif ou négatif, sur tous les pays de la région, y faisant des gagnants et des perdants.
Chaque relation bilatérale est examinée dans son contexte historique et selon différentes dimensions : l’histoire, les relations politiques et diplomatiques, la communauté locale chinoise, la coopération et les projets d’infrastructures, le gouvernement, les affaires et les réseaux intellectuels.
Le principal objectif des pays de la région a été le commerce d’exportation, mais tous n’ont pas réussi à pénétrer le marché chinois. La plupart des produits de base de la région destinés à l’exportation ont vu leurs prix internationaux enregistrer une forte hausse, précisément par la demande croissante de la Chine pour les produits alimentaires, les minerais et l’énergie. Ainsi, la rpc a influé sur les prix internationaux et les conditions commerciales dans le secteur extérieur de l’économie de ses partenaires.
D’après les interactions économiques examinées dans ce livre, il est évident qu’un modèle de spécialisation de commerce est en train de se dessiner où chacun a tendance à exporter les biens pour lesquels il dispose d’avantages comparatifs.
Selon les recherches de l’auteur, le fait que les Chinois cherchent activement à progresser dans la chaîne de production à valeur ajoutée dans des domaines tels que les ordinateurs, les automobiles et les avions, tandis que l’Amérique latine connaît un processus progressif de « désindustrialisation », montre que l’avantage comparatif est un processus dynamique dont l’évolution et le résultat dépendent des décideurs politiques et des opérateurs économiques individuels.
Les régions de l’Amérique centrale, les Caraïbes et le Mexique présentent un caractère stratégique pour la Chine : leur position géostratégique par rapport aux États-Unis et la question de Taïwan, en plus des composantes commerciales et militaires, qui sont des éléments importants pour la sécurité de Washington. En ce qui concerne Taïwan, près de la moitié des pays du monde qui reconnaissent cette République de Chine se trouvent en Amérique centrale et dans les Caraïbes. Ainsi, ces pays montrent le paradoxe que, malgré la signification réduite qu’ils ont en termes économiques et commerciaux pour la Chine, leur importance politique et stratégique est considérable dans le différend entre les deux Chines.
À Cuba, la rpc, par des moyens différents, en est venue à occuper la place que l’urss avait tenue pendant la guerre froide. Pour Ellis, certaines villes cubaines peuvent être utilisées par la rpc comme points de collecte de renseignements. Si les relations avec l’île sont importantes, elles n’occupent cependant pas une position dominante dans le contexte des relations de Pékin avec le reste du continent. Même si Cuba est important pour la Chine dans sa volonté de se présenter idéologiquement comme une solution alternative aux États-Unis et malgré le fait que Cuba puisse être une position stratégique dans un éventuel conflit militaire entre les deux pouvoirs, l’auteur fait valoir que la Chine est plus nécessaire à Cuba que Cuba ne l’est pour la rpc.
Le livre aborde un sujet qui est relativement récent dans les analyses des relations internationales, mais qui a déjà été traité par plusieurs auteurs dans différentes langues. La nouveauté et la contribution de ce livre sont le traitement désagrégé des relations sino-latino-américains et sino-caribéennes région par région et pays par pays. Il s’agit d’une présentation exhaustive de données, d’informations statistiques et de descriptions des liens de la Chine avec chaque pays ; avec plus de détails, l’ouvrage a très bien développé l’analyse de ce qu’on appelle des « puissances moyennes », le Brésil et l’Argentine. Cependant, l’analyse des relations sino-latino-américaines et sino-caribéennes n’est guère placée dans un contexte global qui permettrait de déterminer comment elles se situent en ce qui concerne les questions globales et l’agenda mondial.
Le livre conclut que la République populaire de Chine est devenue un partenaire important qui contribue de façon substantielle à la croissance économique de l’Amérique latine et des Caraïbes, mais que l’avenir peut apporter des déséquilibres majeurs. À mon avis, certains exemples montrent déjà l’émergence d’un nouvel axe Nord-Sud.