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Ce livre traite de l’hostilité entre l’Inde et le Pakistan. Il montre comment, avant la création de ces deux pays, les conditions de leur opposition se sont progressivement établies. Islam et hindouisme se mêlaient pacifiquement avant que les Britanniques imaginent leur séparation et que les mouvements préparant l’indépendance des deux États, la Ligue musulmane et le Congrès (Indian National Congress), reprennent à leur compte le point de vue de l’administration coloniale. La Ligue musulmane le fit avec enthousiasme, le Congrès dut s’y résoudre.
Les différences entre divers types d’islam et divers types d’hindouisme, les autres religions qui étaient minoritaires et les syncrétismes religieux multiples, d’une part, et les clivages manifestes entre régions, castes et classes sociales, d’autre part, rendaient improbable un clivage de la société indienne entre islam et hindouisme. Il y avait bien d’autres clivages possibles. La puissance coloniale, cependant, croyait que musulmans et hindous ou musulmans et le reste de la société indienne étaient très différents et elle institua cette différence dans son administration. La mutinerie de 1858 et quelques émeutes furent interprétées de façon à renforcer cette vision erronée et celle-ci influença la conception que les Indiens eurent d’eux-mêmes. C’est notamment parce qu’ils craignaient les musulmans que les Anglais les reconnurent comme une communauté séparée, ayant une représentation politique. Sous la gouverne de l’administration coloniale se constituèrent donc progressivement deux communautés et, au sein de celles-ci, des politiciens saisirent l’occasion de les maintenir en vie et de gagner du pouvoir.
On peut dire que le Pakistan est né de la peur de la domination indienne et non seulement d’une communauté musulmane consciente d’elle-même. La souveraineté étatique ne suffit pas au pays nouvellement indépendant. Il eut besoin de s’opposer à l’Inde, et le Cachemire lui offrit un enjeu pour entretenir cette opposition qui, à ses propres yeux, assurait son existence. Il y eut aussi d’autres enjeux. L’Afghanistan fut un terrain où chacun des deux États tenta de gagner en influence au détriment de l’autre. L’Inde tenta de soutenir les tendances séparatistes du Baluchistan, tandis que le Pakistan soutint les sikhs partisans du Khalistan. Celui-ci se voyait comme une nation forte et unie, celle des musulmans de l’Asie du Sud, et voyait dans l’Inde un pays fragile, divisé entre plusieurs religions et traitant mal ses musulmans. Cette dernière, par contre, refusait la thèse de deux nations – une hindoue et une musulmane –, affichait un idéal séculier et prétendait rassembler des populations de différentes cultures religieuses. Le Pakistan, qui se définissait par sa religion, ne pouvait reconnaître la légitimité de l’Inde et celle-ci mettait aussi en doute la légitimité du Pakistan. À ses yeux, il était le fruit d’une sécession sans raison qu’elle avait été forcée de reconnaître pour hâter le départ des Britanniques.
Le Pakistan s’avéra le plus fragile des deux pays puisque sa partie orientale conquit son indépendance avec l’aide de l’Inde. Cela ne fit qu’accentuer l’opposition entre les deux pays, car l’Inde démontrait, par cette sécession, que l’unité de la nation musulmane était une illusion. C’étaient l’existence et la justification même du Pakistan qui étaient mises en cause. Par ailleurs, celui-ci voit dans la montée récente de l’hindouisme militant une nouvelle justification. Selon l’auteur de India and Pakistan, le conflit entre les deux puissances risque de ne plus se limiter aux enjeux territoriaux relativement restreints du passé. Leur rivalité peut se muer en une hostilité démesurée. Le fait que les deux sont des puissances nucléaires aggrave encore la situation. Leur opposition est telle que la prudence et le calcul nécessaires au fonctionnement de la dissuasion nucléaire ne s’imposeront peut-être pas toujours aux deux.
Telles sont les grandes lignes d’une histoire connue que trace ce livre, mais McLeod ne se contente pas de faire de l’histoire. Il prétend théoriser l’opposition entre le Pakistan et l’Inde. C’est ce qu’il annonce de façon répétitive et ce qu’il fait de façon verbeuse. Il dit et redit que la rivalité entre les deux pays risque de devenir un état de guerre illimitée, correspondant au modèle de Hobbes. Il aurait pu faire un meilleur travail d’historien pour le démontrer clairement et réduire de beaucoup ses considérations spéculatives.
Les talibans que le Pakistan a protégés et armés avec l’aide des États-Unis menacent aujourd’hui son existence plus que l’Inde ne l’a jamais fait. Pourra-t-il se défendre contre eux et diriger ses capacités militaires vers eux plutôt que vers l’Inde ? Ce serait une chance pour les deux pays.