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Comme chaque année, l’édition 2008 du Guide du maintien de la paix apporte un éclairage particulier sur une thématique relative aux opérations de paix. Si en 2006 le rapport Brahimi était à l’honneur et qu’en 2007 on traitait de l’importante question de la définition de ce qui constitue une opération de paix, le Guide 2008 se penche quant à lui sur la contribution et l’héritage du diplomate canadien Lester B. Pearson. Tiré en grande partie des actes d’une conférence internationale organisée à Montréal en novembre 2006, ce Guide poursuit la tradition instaurée précédemment, soit de réunir en un seul volume les contributions de praticiens et de chercheurs, autant du Canada que du reste du monde francophone. Il conserve aussi sa partie statistique, recensant l’évolution des opérations de paix, ainsi qu’une partie dédiée aux liens Internet les plus utiles. Si la question de l’héritage de Lester B. Pearson n’est pas une nouveauté – plusieurs ouvrages de qualité le démontrent – le mérite du Guide 2008 est d’aborder le sujet de façon pédagogique tout en ouvrant la discussion sur des thèmes reliés à l’évolution des opérations de paix.
Les deux premières contributions traitent directement du personnage de Pearson ou de son entourage. Adam Chapnick revient sur le personnage même de Lester B. Pearson, décrivant ses convictions et reprenant son parcours professionnel. Il démontre la pertinence et la profondeur de la pensée politique de Pearson. Jean Martin, de son côté, revient sur la crise de Suez en dressant le portrait d’un diplomate peu connu, le général Burns, premier commandant de la force déployée à Suez.
Dans la deuxième partie de l’ouvrage, on trouve des textes relatifs à l’héritage contemporain de Pearson. Tout d’abord, le politologue Jocelyn Coulon traite de façon particulièrement intéressante de la tradition canadienne concernant le maintien de la paix. À la suite de l’âge d’or de la diplomatie canadienne sous Pearson, période qui a permis de façonner l’image du Canada autant à l’échelle internationale qu’au niveau national, le Canada tente désormais de réconcilier discours et pratique. En fait, comme l’écrit Coulon, « le Canada était sous Pearson et demeure sous Stephen Harper un pays aligné sur les positions occidentales et avant tout soucieux d’assurer sa sécurité à travers l’otan et son alliance avec les États-Unis, plutôt qu’avec l’onu ». Le mouvement s’est certes accéléré sous les conservateurs, et l’implication canadienne en Afghanistan (même si la décision d’adopter une posture militaire plus agressive a été prise par les libéraux) n’aide certainement pas à préserver l’image d’impartialité du gendarme canadien. Toutefois, Coulon nous rappelle que le maintien de la paix est voué à un grand avenir, comme l’attestent l’étude de la Rand Corporation de 2005 ainsi que les difficultés reliées à l’opération irakienne. Le Canada aurait ainsi avantage à préserver son héritage de maintien de la paix. Dans le même ordre d’idées, Louise Fréchette, ancienne vice-secrétaire générale de l’onu, nous rappelle la vitalité des opérations de paix onusiennes. Pensées sous Pearson, ces missions ont beaucoup évolué au fil du développement de l’onu. Selon Fréchette et contrairement à l’idée reçue, l’onu est capable de s’adapter au contexte international changeant et peut faire preuve de dynamisme. En effet, les opérations de paix sont maintenant plus complexes et plus à même de répondre aux crises internes que ne l’étaient celles de la première génération.
La dernière partie traite de cette évolution du maintien de la paix et apporte un éclairage sur les dilemmes et l’avenir des opérations de paix futures. Frédéric Mérand présente une contribution originale sur le thème du « retour de l’Europe » dans les opérations de paix onusiennes, notamment marqué par l’implication européenne dans la nouvelle Force intérimaire des Nations Unies au Liban (finul). Mérand, plutôt sceptique face à l’implication européenne, croit que l’avenir de la contribution européenne ne passe pas nécessairement par une implication militaire directe et bilatérale dans les opérations de paix. Cette implication, trop aléatoire et fluctuante au gré des changements politiques, pourrait plutôt passer par un renforcement de la Politique européenne de sécurité et de défense (pesd). Catherine Guicherd traite pour sa part du continent africain et de la future « Force africaine en attente » (faa) de l’Organisation pour l’Unité africaine. Reprenant la genèse de l’initiative, l’auteur semble modérément optimiste quant à la capacité de l’Afrique à gérer ses propres conflits. Les problèmes relevés par l’auteur sont ainsi plutôt d’ordre technique que politique (relation entre les diverses composantes du multilatéralisme africain, manque de spécialistes, etc.). Toutefois, il semble que Guicherd ait négligé de considérer le manque de volonté politique commune des pays africains qui est l’un des problèmes auxquels doit faire face ce projet. Comme l’a expliqué l’ancien président de la Commission de l’Union africaine, Alpha Oumar Konaré ; « dans nombre de conflits qui déchirent notre continent, la méfiance entre les parties et la complexité des questions en jeu rendent impérative la présence sur le terrain d’une tierce partie ». Cette présence est à l’heure actuelle assurée par l’onu ou l’ue dans plusieurs conflits africains. Enfin, les deux derniers articles traitent de l’évolution du recours à la force sous la bannière de l’onu. Alexandra Novosseloff présente une contribution concernant l’utilisation de plus en plus fréquente du Chapitre vii de la Charte des Nations Unies dans le cadre d’opérations de paix. Si, consécutivement à la fin du blocage du Conseil de sécurité dans les années 80, les dispositions du Chapitre vii ont été progressivement réactivées, cette résurgence du Conseil de sécurité doit être comprise comme « à la fois sa force, son autorité et sa faiblesse quand il est en décalage avec la réalité ». L’article, extrêmement informé, est bien étayé par la contribution de Jean-François Thibault sur le principe de la « Responsabilité de protéger », codifié par la Commission internationale de l’intervention et de la souveraineté des États (2001). Faisant écho à Alexandra Novosseloff, Jean-François Thibault présente les dérapages que pourrait causer une utilisation excessive (et partiale) du principe, et plaide pour un renforcement de l’organe de légitimation collective qu’est le Conseil de sécurité.
Le Guide du maintien de la paix, qui est devenu au fil des éditions un incontournable pour les étudiants en sciences politiques, a encore une fois réussi son pari, soit de présenter un ouvrage cohérent et pédagogique sur un thème important relié aux opérations de paix. La contribution de plusieurs praticiens qui oeuvrent dans le champ des relations internationales aide encore une fois à rendre l’ouvrage de facture simple et accessible. Nous conseillons vivement sa lecture, autant aux étudiants en quête de repères qu’aux spécialistes des opérations de maintien de la paix.