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Les interminables rebondissements de l’affrontement israélo-palestinien, en réalité une reprise toujours aggravée des mêmes épisodes, n’ont d’équivalent, dans la durée, que l’abondante littérature qui prétend les analyser pour généralement conclure que, ne serait-ce les extrémistes « des-deux-bords » et malgré la « complexité » des situations, un règlement reste possible pour le plus grand soulagement des populations intéressées et la satisfaction d’une « communauté internationale » soucieuse de ses responsabilités. S’ensuivent alors, faisant écho aux passions d’un lectorat rarement indifférent, réquisitoires et plaidoyers fort éloignés de toute analyse historienne sérieuse.
Tel n’est pas le cas avec l’ouvrage de Yoram Meital, Peace in Tatters (La paix en miettes). En historien professionnel, familier au demeurant des complexités orientales par la pratique des études de politique égyptienne, il débusque méticuleusement sous les narratifs politiciens tout ce qu’on peut connaître aujourd’hui de la réalité des faits. Cet auteur occupe ainsi dans le paysage académique israélien une place particulièrement estimable, apparemment exempte des préjugés idéologiques qui vont de l’apologie d’un sionisme indépassable à celle des résistances multi-formes que celui-ci suscite tant sur le terrain qu’en théorie. Ces auteurs « militants », souvent de bonne foi hélas !, ne figurent d’ailleurs qu’en petit nombre dans une bibliographie surabondante en anglais mais aussi en hébreu et en arabe dont on ne comprend pas très bien d’ailleurs les critères de sélection, si ce n’est qu’il s’agit d’ouvrages récents et plutôt consensuels, parmi lesquels on ne retrouve ni Kapeliouk, ni Papé, ni Cypel, ni quelques autres pourtant importants.
Benny Morris, au contraire, jadis un pionnier des « nouveaux historiens », aujourd’hui repenti, fait l’objet d’un traitement sévère puisqu’il lui est reproché tout au long d’un chapitre, ni plus ni moins que de s’être rallié aux analyses erronées de l’ancien premier ministre Barak, découvrant tardivement en Arafat un « menteur invétéré », légitimant, autant que faire se peut, l’hypothèse du « transfert » (l’expulsion des populations palestiniennes des territoire contrôlés par Israël) puisque celui-ci est en effet inscrit dans le sionisme depuis son origine, à moins que le destin du pays ne soit celui d’une friche nucléaire. L’auteur reproche surtout à son très médiatisé collègue de faire en général une lecture hors contexte de l’événement et de feindre en particulier d’ignorer qu’Israël, en reconnaissant l’olp à Oslo, n’a pas pour autant reconnu un « peuple palestinien » titulaire de droits nationaux ; et que c’est très bien ainsi puisque par essence, leurs coexistences sont incompatibles.
Cette remise en contexte est ainsi le souci constant de Y. Meital tant dans la première partie de son livre, intitulée de manière un peu énigmatique : « objectif : mettre fin au conflit (israélo-palestinien) » que dans la seconde « résultat : la paix en miettes ». Plus précisément, il s’agit de retracer l’histoire du dit conflit de part et d’autre du calamiteux épisode de Camp David ii (20-28 juillet 2000) où l’on prétendit accoucher à la hussarde d’un règlement définitif soigneusement esquivé pendant plus de cinquante ans. Un accord israélo-palestinien définitif impliquait en effet, par rapport à leurs revendications initiales, des renoncements insupportables à chaque partie, notamment sur la question des frontières, des limitations de souveraineté, du statut des « Lieux-Saints » et du sort des réfugiés. Sobrement donc, l’auteur montre que si des semblants de progrès furent possibles notamment à Camp David I (17 septembre 1978) et à Oslo (13 septembre 1993), ce ne fut que parce qu’était évité l’examen de ces sujets qui fâchent. De la sorte, le doute resta grand, afin que pour Arafat Oslo ne soit qu’une sorte d’hégire tactique sur la voie du retour à Jérusalem et de la libération de la Palestine, tandis que de l’autre côté l’opposition nationaliste à Rabin avait beau jeu de n’y voir qu’un épisode de la guerre inachevée de 1948. Dans ces conditions, le forcing des négociations de Camp David ii, qualifiée plaisamment de « charade », ne pouvait que fermer une parenthèse, celle des discours sur la paix et des simulacres censés leur conférer quelque crédibilité.
Tout cela engendra l’Intifâdha al-Aqsa qui n’en finit toujours pas, et ses avatars : l’avènement de Sharon, l’unilatéralisme, le « Mur » et comme constante inchangée, une résistance palestinienne marginale et une répression israélienne disproportionnée. Telle une sinistre aubaine, les attentats du 11 septembre offrirent à l’opinion israélienne l’opportunité d’amalgamer l’activisme palestinien, qui se distingua alors par quelques attentats-suicides avec le « terrorisme international » et le malheureux président palestinien Arafat, dûment séquestré avec l’insaisissable Ben Laden. L’auteur se garde bien de telles dérives sans pour autant prendre très au sérieux les « initiatives » interarabes de pacification générale sur la base de retour aux frontières de 1948, ni un « accord de Genève » concocté entre irresponsables de bonne volonté ni, encore moins, une « feuille de route » en forme d’alibi cosmétique.
Yoram Meital n’est pas un citoyen désespéré. Il croit à une paix possible, pas à n’importe quel prix de propagande, mais sur la base des frontières du 4 juin 1967, via une solution discutée du problème des réfugiés et de la question de la souveraineté palestinienne. À défaut de proposer de fortes réponses sur ces sujets on saura du moins gré à l’auteur d’avoir tout au long de ce livre donné la priorité aux questions de base.