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Pour résumer ce livre, je suivrai l’ordre des neuf chapitres, le premier étant une introduction et le neuvième, une conclusion.
(Chap. 1) Ses objectifs sont de comprendre comment interagissent les réseaux de solidarité locaux, nationaux et transnationaux de l’ezln (Ejército Zapatista de Liberación Nacional) qui rassemble les militants de base et ne se réduit pas à la direction du mouvement ; le caractère de plus en plus transnational de la société civile ; la direction que pourrait adopter les mouvements de gauche dans l’avenir.
Quoique centré sur la défense des droits de communautés indigènes très localisées, l’ezln a réussi à devenir un symbole de multiples combats politiques et en appelle à une conscience globale hostile au néolibéralisme et à ses conséquences antidémocratiques.
(Chap. 2) Il en appelle à cette conscience en utilisant les techniques de l’Internet et du courrier électronique, mais il réussit à l’émouvoir parce que son message trouve un écho dans les mentalités, les façons de penser et les expériences quotidiennes de différents mouvements de la gauche.
(Chap. 3) Un réseau de solidarité et de communication, tout informel qu’il soit, se fonde sur une structure de base, même si elle change, se contracte ou s’étend. Dans le réseau qui s’étend autour de l’ezln, il y a diffusion régulière d’information en plusieurs langues, à partir de différents centres aux divers objectifs et vers un grand nombre de correspondants plus ou moins réguliers qui, à leur tour, transmettent l’information reçue. Il faut donc parler de réseaux au pluriel. Les courriels adressés à des listes de correspondants jouèrent un rôle primordial avant le développement de l’Internet. Le monopole exercé par les mass médias fut ainsi brisé et les réseaux de solidarité avec l’ezln réussirent même à forcer les mass médias à parler de ce qu’ils voulaient. L’information se diffusait en passant par plusieurs relais ou paliers, et chacun de ceux-ci pouvaient devenir un centre important de diffusion et de traitement de l’information.
(Chap. 4) Les réseaux de solidarité se sont centrés soit sur l’aide directe à l’ezln soit sur la diffusion de l’information ou l’éducation du public au sujet des combats de l’ezln. Cependant, cette distinction est surtout analytique car les deux aspects, aide directe et information, se sont souvent combinés. Les réseaux s’adressaient à des acteurs de la société civile, mais visaient à impliquer des hommes politiques, des représentants des États ou de l’onu. Il y eut notamment des résolutions du Congrès américain favorable à la cause de l’ezln. Le traité commercial entre le Mexique et l’Union européenne qui entra en vigueur en 2000, fut négocié sous la pression d’activistes européens réclamant une meilleure protection des indigènes du Chiapas.
Il y a plusieurs sphères ou opinions publiques dont l’influence est inégale, mais qui toutes luttent pour faire valoir leur point de vue. C’est au sein de cette concurrence entre sphères publiques que les réseaux de solidarités avec l’ezln opèrent et tentent d’impliquer des hommes publics. Par ailleurs, comme le gouvernement mexicain s’oppose à toute influence étrangère au Chiapas, les acteurs étrangers de la société civile qui veulent peser sur ce gouvernement au sujet du Chiapas, doivent passer par l’intermédiaire d’instances officielles de pays étrangers. C’est aussi en entretenant de bonnes relations avec certains mass media que les réseaux de solidarité avec l’ezln influencent l’opinion publique et des hommes politiques au sein du Mexique.
(Chap. 5) La sensibilité de la conscience globale a changé au cours des ans. Il y eut un internationalisme de gauche opposé à l’internationalisme du capital. Il y eut ensuite le tiers-mondisme, qui est aussi à gauche et veut aussi des changements de structure. Puis apparurent des mouvements de défense des droits fondamentaux de la personne ou en faveur de l’aide humanitaire. Dans ces deux cas, on ne voulait pas être de gauche ou de droite, on ne réclamait plus nécessairement des changements de structure. Aujourd’hui apparaît une nouvelle sensibilité de la conscience globale. Ce n’est plus le fort qui veut aider le faible, le riche qui veut aider le pauvre, mais des égaux qui veulent s’entraider face à la mondialisation des risques. La solidarité est mutuelle plutôt qu’altruiste. L’ezln a su jouer sur cette sensibilité et a contribué à la renforcer. Il a aussi pu relier son combat particulier à d’autres. Ses expériences ont été mises en résonance avec d’autres. Les communications par Internet ou par courriel ont permis de franchir des distances sociales et culturelles aussi bien que physiques. Elles ont donc permis de mettre en écho divers mouvements. Ces communications peuvent être directes ou relayées, privées ou publiques ; elles échappent à la censure gouvernementale et contournent l’indifférence des mass médias. Elles créent un espace où des acteurs se rencontrent plus facilement qu’avec toute autre technique, ce qui permet d’établir rapidement des coalitions transnationales. Il faut cependant noter que le point de départ de la diffusion transnationale des communiqués de l’ezln comme de l’information le concernant, est à chercher non pas chez ce dernier, mais chez des sympathisants ayant un accès plus facile à l’ordinateur.
(Chap. 9) Depuis 2001, l’ezln est relativement silencieux. Cela est dû à deux événements. L’élection de Fox fait sortir de scène le pri, le parti antagoniste de l’ezln. Ce parti usurpe le titre de révolutionnaire alors que le ezln revendique une continuité avec la révolution mexicaine. Deuxièmement, les attentats du 11 septembre 2001 entraînent une suspicion généralisée de la part des États-Unis vis-à-vis de tout mouvement radical. Par ailleurs, l’ezln a été un catalyseur pour des réseaux transnationaux dédiés à la justice et à la solidarité, il a revitalisé la gauche à travers le monde. En un sens, il a déjà accompli une mission capitale.
Ce livre se termine sur une réflexion au sujet de l’avenir de la gauche. La solidarité qui caractérise celle-ci à travers le monde est de plus en plus une solidarité mutuelle ou entre égaux, qui fait fi des distances géographiques, sociales ou culturelles, et lutte contre le néolibéralisme mondial. La gauche est multipolaire, ses tendances sont hétérogènes et sa base est de plus en plus en contrôle, ce qui explique l’hétérogénéité. La gauche doit faire face aux insuffisances de la démocratie libérale comme au néolibéralisme, alors que démocratie libérale et néolibéralisme passent pour être des moyens de contrer le terrorisme et gagnent de ce fait une nouvelle légitimité. La gauche doit être assez habile pour défendre ses conceptions de la démocratie et de la mondialisation, et se démarquer clairement des aveuglements de la droite comme de ceux du terrorisme.
Cet ouvrage est parfois trop académique et se perd occasionnellement dans des considérations théoriques dont on pourrait faire l’économie. On y parle des réseaux de solidarité soutenant le combat – très pacifique – du ezln, mais on éprouve à certains moments l’impression que l’auteur se sert de ce sujet pour faire une théorie ou illustrer une théorie sur différents sujets, tel par exemple le rôle de l’Internet dans la constitution de réseaux à la fois locaux, nationaux et transnationaux pour des combats politiques. Cependant, plus on avance dans la lecture de l’ouvrage, plus ce défaut s’estompe. C’est que son plan apparaît rigoureux, justifié et clair. Le principal mérite de cet ouvrage réside sans doute dans les perspectives qu’il ouvre pour la gauche.
Il s’adresse pour cette raison à un large public. Il est cependant bien documenté, nuancé dans ses appréciations du mouvement zapatiste ou des succès politiques des communications par le net ou le courrier électronique. En dépit de digressions théoriques et de certaines répétitions, il laisse une impression de concision.