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L’effondrement du système communiste au tournant des années 90 a eu pour effet collatéral d’ouvrir le débat scientifique sur les questions de sécurité qui jusque-là tournait autour de deux thèmes : la menace soviétique et la dissuasion nucléaire. Timide signe de remise en cause du dogme du début des années 80, l’une des questions en débat fut de savoir si tous les conflits de la planète s’inscrivaient dans la logique d’affrontement bipolaire ou bien si certains d’entre eux relevaient de problématiques plus locales. La question était évidemment lourde de conséquences pour l’avenir de la sécurité internationale qui ne fut pas celui qu’annonçait l’omnisciente soviétologie. Par un mouvement de balancier « la fin de l’histoire » annoncée par Francis Fukuyama à la fin des années 80 laissait entrevoir un avenir plus radieux. Ce nouvel espoir fut vite endossé par le champ universitaire. On a assisté à ce moment-là à un foisonnement de la réflexion sur la sécurité au profit d’approches multidimensionnelles dont le dénominateur commun et peut-être le seul paraissait être de vouloir reléguer les approches de hard security au rayon des reliques du passé. Loin de devenir un tabou, le terme sécurité, libéré de la définition restrictive qui avait prévalu jusque-là, a fait l’objet d’interprétations très extensives au point de donner l’impression parfois de perdre sa validité opératoire par un usage proliférant. En raison de son excès d’objets, le champ des études de sécurité était-il en quête d’objet ? Les drames de l’ex-Yougoslavie, du Rwanda et du 11 septembre 2001 par leur lot de morts et de dévastations ont depuis tempéré cette vision irénique du système international.
L’ouvrage de Peter Hough témoigne du réajustement actuel des approches de la sécurité internationale en nous offrant un large panorama des différentes perspectives sous lesquelles les problèmes de sécurité sont abordés par la communauté scientifique. L’articulation majeure de l’ouvrage est organisée autour de la distinction caractéristique dans la littérature anglo-saxonne entre hard security et soft security dont l’équivalent approximatif réside dans la distinction entre les dimensions militaires de la sécurité et ses dimensions non militaires. C’est l’une des grandes qualités de l’ouvrage qui constitue un manuel fort utile pour les étudiants qui se consacrent aux études de sécurité. Les aspects traditionnels de la sécurité, avant tout militaire, sont traités sans oublier les développements récents sur les menaces militaires en provenance d’acteurs non étatiques. Ces thèmes occupent un tiers de l’ouvrage et trois chapitres. Sept autres chapitres traitent de la sécurité humaine, économique, sociétale, environnementale dans leurs diverses dimensions sans que les incidences militaires soient occultées, ce qui vient à l’appui des réserves faites précédemment concernant la traduction des concepts de hard security et de soft security dans la langue française.
L’ouvrage de Peter Hough est un manuel à recommander à tous ceux qui se consacrent aux études de sécurité, car il constitue une contribution bienvenue à la clarification des diverses approches qui ont donné lieu à la production d’une abondante littérature au cours des dernières années. Les diverses problématiques sont présentées de manière synthétique et accompagnées de citations extraites d’auteurs de référence sur les approches considérées. On apprécie également la pertinence des abondants tableaux. Chaque chapitre est accompagné d’un résumé des points clés et d’une bibliographie très sélective. Cette dernière caractéristique est une grande qualité, car elle en fait un outil très utile pour ceux qui souhaitent aller plus loin. Les puristes pourront éventuellement critiquer certains choix, mais nous retenons surtout que l’auteur n’a pas succombé au choix de l’abondance qui rend de trop nombreuses bibliographies fort savantes mais peu utilisables pour celui qui souhaite s’initier ou approfondir ses connaissances sur un champ devenu aussi complexe. Cette bibliographie sélective est aussi accompagnée de l’indication de quelques adresses de sites internet utiles qui seront un précieux accompagnement pour celui qui veut aller plus avant dans la réflexion. Si l’on ajoute que cet ouvrage comporte un riche index des abréviations, un index thématique et des noms cités, une bibliographie générale et une liste des principaux concepts utilisés, on comprendra que nous sommes en présence d’un outil pédagogique très efficace qui est à recommander à tous ceux qui sont concernés par les études de sécurité internationale.