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Tiré d'un colloque organisé à la Sorbonne quelques jours après les attentats du 11 septembre 2001, cet ouvrage collectif dresse le bilan des transformations de l'Europe post-soviétique depuis la chute du mur de Berlin. Après un rappel laconique des événements majeurs qui ont précédé la formation de « l'empire soviétique », les auteurs justifient, dans un avant-propos, l'intérêt d'analyser les changements politiques et socio-économiques provoqués par l'effondrement, aussi rapide que soudain, du bloc soviétique. Au-delà du simple fait de réunir les contributions de témoins et de spécialistes européens originaires de l'Union européenne ou des Pays de l'Est, les textes présentés ici se démarquent de la littérature existante sur le sujet par la diversité des thèmes et des objets étudiés. L'ouvrage se divise en deux parties de longueurs très inégales.
La première partie traite des héritages soviétiques, à travers trois chapitres. Au terme d'un propos liminaire où est rappelée l'importance de la notion d'héritage pour appréhender les bouleversements survenus dans les anciennes Républiques soviétiques, un premier chapitre aborde la question des recompositions territoriales des États situés aux frontières de l'ex-urss. Ainsi, les études consacrées aux Pays baltes, à la Biélorussie, au Kazakhstan et à l'Arménie mettent en exergue une extrême hétérogénéité des dynamiques territoriales. Une analyse des évolutions démographiques dans les pays d'Europe centrale et orientale vient clore ce premier chapitre. Plusieurs réflexions sur l'évolution des espaces urbains et ruraux sont ensuite livrées au lecteur. Les différents auteurs se penchent ainsi, tour à tour, sur l'habitat stalinien en Pologne et en Russie, l'héritage soviétique dans la région de Volgograd, la toponymie soviétique en Russie, le changement d'importance des villes dans le système urbain russe, l'impact des migrations intérieures sur le développement urbain en Russie, l'abandon des coopératives agricoles de production en Roumanie et la nouvelle fonction des manoirs touristiques dans la campagne polonaise. Le troisième chapitre est consacré à la question des identités territoriales et au rôle des opinions publiques. Certains auteurs mettent ainsi l'accent sur le devenir des identités nationales en Russie, Moldavie, Transnistrie et Pologne. D'autres focalisent leurs analyses sur l'influence qu'exercent les représentations induites par la recomposition de ces identités dans les relations entre États (Russie/Ukraine) ou groupes d'États (perception de l'intégration européenne dans les pays d'Europe centrale et orientale).
La deuxième partie de l'ouvrage est centrée autour de huit contributions qui traitent du cas spécifique de l'ex-Yougoslavie, « extraordinaire mélange de populations diverses mais entremêlées ». Dans un premier temps (chap. 4), les auteurs exposent leurs visions des incertitudes géopolitiques qu'ont engendrées les recompositions politiques. En Croatie comme en Europe centrale et du Sud-Est, par exemple, la nouvelle donne géopolitique et géoculturelle suscite plusieurs repositionnements stratégiques. La question du rôle des minorités nationales dans les Balkans est, aussi, au centre des réflexions proposées à partir des études du Pacte de stabilité pour l'Europe du Sud-Est, du processus de « nettoyage ethnique » et de la « diagonale verte » islamique dans l'enclave de Gorazde. Dans un deuxième temps (chap. 5), le lecteur est invité à s'interroger sur les représentations et les identités nouvelles. À la suite du décryptage de la perception de l'Europe en Croatie, ce sont les représentations de l'espace politique et culturel chez les jeunes de Bosnie-Herzégovine qui sont étudiées. Enfin, l'identité bosniaque est abordée à travers la nouvelle dénomination des rues à Sarajevo.
D'aucuns regretteront l'absence, pour le moins singulière, d'un nombre conséquent de notes de bas de pages et d'une bibliographie exhaustive dans un ouvrage rédigé par des scientifiques. D'autres, en revanche, apprécieront la présence fort opportune d'abondantes cartes, tableaux et autres illustrations qui agrémentent de manière parfaitement claire et synthétique les raisonnements des auteurs. Au final, et parce qu'il offre une grille de lecture permettant de dépasser nombre de clichés, ce livre constitue un apport original pour initier des discussions de fond sur l'évolution des pays d'Europe centrale et orientale depuis le démantèlement du « rideau de fer ».