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La publication de cet ouvrage collectif s’inscrit dans le cadre du large débat sur l’avenir de la politique africaine de l’Allemagne, qui fut lancé en 2000 par certains des participants au volume, et dont le Bundestag et le gouvernement allemand se sont régulièrement fait l’écho depuis. Les textes réunis dressent un bilan détaillé à travers des angles d’approche croisés. Un premier chapitre (Stefan Mair) souligne toute la difficulté que soulève l’identification des « intérêts » de l’Allemagne en Afrique étant donné leur quasi-insignifiance ; la grande discrétion des décideurs allemands sur ce sujet procède d’abord, conclut l’auteur, d’un souci de ne pas devoir admettre cet état de fait. L’absence d’intérêts stratégiques n’en exclut pas pour autant l’influence de représentations spécifiques de l’Afrique sur la conduite des politiques, associées également à une « culture » spécifique, « structurée par des approches incrémentielles et mue par des routines » essentiellement bureaucratiques (Ulf Engel). Les cinq dernières décennies de la politique allemande sont ensuite passées au crible (Rolf Hofmeier). L’auteur souligne combien, hormis en Afrique du Sud (trois quarts du stock d’investissements privés allemands en Afrique subsaharienne) et en Namibie (présence d’une communauté germanophone), les orientations de la politique allemande ont été influencées par des considérations extrarégionales : il y a d’abord eu le souci d’éviter une reconnaissance de la République démocratique allemande, puis de contenir l’influence des pays de l’Est à travers une politique d’aide particulièrement active ; on a également pu observer une préoccupation constante de ne pas entrer en conflit avec les politiques américaines, britanniques, mais aussi et surtout françaises. Les « ambitions hégémoniques » de la France en Afrique francophone n’ont jamais été contestées. En outre, lorsque, dans les années 1990, Paris entreprend de poursuivre une politique de soutien inconditionnel à des régimes autoritaires (Togo, Rwanda et République démocratique du Congo), la politique allemande s’en distancie mais demeure extrêmement prudente : la solidité de la relation franco-allemande et la construction européenne sont la priorité (Peter Molt). De fait, si la construction européenne influe profondément sur les conditions de mise en oeuvre de la politique allemande à l’égard de l’Afrique, les rapports en Afrique ne sont pas sans avoir eu un impact direct sur la construction européenne. C’est pour cette raison que Bonn accepte d’entériner, en 1957, l’association des colonies françaises à la Communauté économique européenne, et l’établissement du Fonds européen de développement. Quarante-cinq ans plus tard, c’est également en Afrique, à Ituri (rdc) qu’a lieu l’expérimentation de la Politique étrangère et de sécurité commune (pesc) de l’Union européenne.
Une multiplicité d’acteurs non étatiques a également contribué à la définition de relations particulières entre l’Allemagne et l’Afrique. Des contributions spécifiques sont ainsi consacrées aux mouvements de solidarité envers les luttes de libération d’Afrique australe (Reinhart Kössler et Henning Melber), à l’activité de la fondation Friedrich-Ebert (Ernst Hillbrand et Volkeer Vinnai) et au rôle des églises (Volkmar Kölher). Une étude détaillée des flux économiques (Robert Kappel) met en valeur le contraste entre leur insignifiance pour l’économie allemande (1 % du commerce extérieur ; 1 % du stock d’investissements) et leur importance pour l’Afrique sub-Saharienne (deuxième partenaire commercial de la zone ; troisième stock d’investissements). L’ouvrage s’achève par une présentation de deux thématiques autour desquelles la politique africaine de l’Allemagne s’est cristallisée depuis les années 1990, la démocratisation, fréquemment évoquée en liaison avec la mise en oeuvre d’une politique d’aide incitative (Friedericke Diaby-Pentzlin) et ce « nouveau paradigme » que constitue désormais la « prévention des crises » pour la politique africaine de l’Allemagne (Andreas Mehler).
Largement méconnue à l’extérieur du cercle restreint des africanistes germanophones, la politique africaine de l’Allemagne bénéficie, à travers cet ouvrage collectif, d’une mise en perspective qui fera référence. Les auteurs ont su associer la description détaillée des thématiques abordées avec une présentation des débats plus généraux sur les orientations de la politique étrangère allemande, la construction européenne, ou l’évolution du continent africain en général.