Corps de l’article
Quatre ans après la parution de l’ouvrage collectif dirigé par Marie-Claude Smouts sur les « nouvelles » relations internationales, les Presses de Sciences Po servent, de nouveau, de support à la présentation de « nouveaux » regards sur la politique étrangère. Dirigé par le professeur Charillon, cette édition réunit les contributions de quinze internationalistes reconnus, qui livrent leurs analyses des approches et des pratiques de la politique étrangère. La première originalité de l’ouvrage tient à ce qu’il permet de dresser un bilan des outils théoriques existants tout en invitant à reconsidérer les concepts. L’autre originalité de ce travail consiste à dégager des approches transversales qui permettent de mieux appréhender ce que signifie, aujourd’hui, « faire la politique étrangère ». L’objectif affiché consiste à rompre avec la vision traditionnelle qui réduit la politique étrangère à la diplomatie d’État. Les réflexions tournent ainsi autour de trois axes principaux. D’abord, la question du changement et de l’adaptation de la politique étrangère à la multiplication des acteurs, des paramètres et des contraintes. Les auteurs revendiquent, ensuite, plusieurs niveaux d’action pour la politique étrangère : l’échelle nationale, bien sûr, mais aussi subnationale avec les collectivités territoriales ou supranationale dans le cadre des processus d’intégration régionale. Enfin, les réflexions revendiquent une approche sociologique permettant de s’intéresser à « tous » les acteurs de la politique étrangère.
L’ouvrage se divise donc en deux parties, constituées chacune de sept chapitres. La première partie traite des différentes approches de la politique étrangère. Dans le premier chapitre, Stefano Guzzini et Sten Rynning rappellent les implications d’une approche réaliste de la politique étrangère. L’approche constructiviste est abordée à travers un double regard porté sur la politique étrangère de la France et des États périphériques, par le professeur Macleod (chap. 2) et Dietrich Jung (chap. 3). Dans le chapitre suivant, Ariel Colonomos se penche sur l’essor actuel d’une approche éthique des questions internationales. Parmi les concepts communément utilisés lorsqu’il est question de politique étrangère, Dario Battistella s’attarde sur celui d’intérêt national dont il décortique les trois versions classiques : réaliste, libérale et constructiviste. Le sixième chapitre nous invite, à l’instigation de Marie-Christine Kessler, à traiter la politique étrangère avec les instruments de l’analyse des politiques publiques. Nathalie La Balme, enfin, souligne la « contrainte démocratique permissive » qu’exerce l’opinion publique sur les décisions de politique étrangère.
La deuxième partie est consacrée aux pratiques de la politique étrangère. Ainsi, dès le chapitre huit, Guillaume Devin montre comment les acteurs transnationaux ont érodé le monopole jusqu’alors détenu par les diplomates dans la conduite de la politique étrangère. Derrière l’apparence du « tout économique », nous explique ensuite Guy Carron de la Carrière, les finalités politiques demeurent déterminantes et l’action économique reste sous-tendue par un dessein politique. À travers la question du règlement des conflits (chap. 10), William Zartman met en évidence l’évolution de la pratique et du concept même de politique étrangère, la quête de la sécurité par le règlement et la négociation l’emportant, dorénavant, sur la poursuite des conflits. Dans le chapitre suivant, Pascal Vennesson insiste d’ailleurs sur les fortes interactions entre les logiques militaires et politiques induites par l’emploi actuel de la force et sur les rapports conflictuels entre le « diplomate » et le « soldat ». À partir de l’exemple de quelques États de l’Union européenne et des questions environnementales (chap. 12), Ben Tonra montre que les « petits » pays constituent dorénavant un élément important dans l’analyse des relations internationales. Dans le chapitre suivant, Pierre Grosser insiste sur le « poids », le « choix », les « lois » et la « foi » déterminante de l’histoire dans la pratique internationale. Enfin, Frédéric Charillon consacre le dernier chapitre aux processus d’intégrations régionales et à la question de l’évolution vers une « régionalisation » de la politique étrangère que l’auteur estime inéluctable.
L’ouvrage se révèle particulièrement accessible et profitable, grâce notamment, à la présence en fin d’ouvrage d’un index étoffé des noms d’auteurs, ainsi qu’un « index des exemples » renvoyant à de nombreuses études de cas. Certains pourraient, toutefois, regretter l’absence de cartes ou de graphiques pourtant bienvenus dans un livre destiné aux chercheurs confirmés mais, aussi, aux étudiants.