Résumés
Résumé
Cadre de recherche : L’immigration dans des contextes comme celui du Canada et du Québec est susceptible d’engendrer des changements dans les fonctions masculines. Ainsi, les pères immigrants, selon leurs origines et profils, négocient et présentent différentes facettes de la masculinité pour s’adapter aux diverses réalités du pays d’accueil.
Objectifs : Cet article s’intéresse à l’impact de l’immigration sur la masculinité et l’identité paternelle de pères immigrants de différentes origines au Québec.
Méthodologie : Nous avons réalisé au total 39 entretiens avec des pères immigrants d’origine subsaharienne, maghrébine, européenne, asiatique et latino-américaine. Un guide d’entretien, avec des questions ouvertes, leur a permis de s’exprimer sur leur perception de la paternité, leur identité, leur engagement paternel et leur adaptation en contexte migratoire.
Résultats : Nos résultats indiquent que la paternité constitue une occasion de validation de la masculinité chez ces hommes. Par ailleurs, le rôle de pourvoyeur représente une expression, une valorisation et un renforcement de leur masculinité. Nous avons également constaté chez les pères immigrants une évolution de la perception et une redéfinition de la masculinité à travers l’engagement paternel afin de surmonter les difficultés d’intégration dans le pays d’accueil.
Conclusion : Cet article montre qu’au-delà des difficultés, l’immigration constitue une opportunité d’engagement et de redéfinition de la paternité et de la masculinité pour plusieurs hommes immigrants.
Contribution : Les différentes observations issues de cette étude montrent la nécessité de tenir compte de la masculinité dans la prise en charge et dans l’élaboration des programmes destinés aux pères immigrants. Enfin, l’article ouvre des pistes de recherche pour mieux comprendre différents types de paternité.
Mots-clés :
- masculinité,
- paternité,
- identité paternelle,
- immigration
Abstract
Research Framework: Immigration in contexts such as Canada and Quebec is likely to generate changes in masculine functions. Thus, immigrant fathers, depending on their origins and profiles, negotiate and present different facets of masculinity to adapt to the various realities of the host country.
Objectives: This article examines the impact of immigration on the masculinity and paternal identity of immigrant fathers of different origins in Quebec.
Methodology: We conducted a total of 39 interviews with immigrant fathers of sub-Saharan, North African, European, Asian and Latin American origin. An interview guide with open-ended questions enabled them to express themselves on their perception of fatherhood, their identity, their paternal engagement and their adaptation in a migratory context.
Results: Our findings indicate that fatherhood is an opportunity for these men to validate their masculinity. Furthermore, the role of provider represents an expression, valorization, and reinforcement of their masculinity. We also found that immigrant fathers’ perceptions of masculinity evolved and were redefined through paternal involvement, in order to overcome the difficulties of integration in the host country.
Conclusion: This article shows that, beyond the difficulties, immigration represents an opportunity for commitment and redefinition of fatherhood and masculinity for many immigrant men.
Contribution: The various observations arising from this study show the need to take masculinity into account in the care and development of programs for immigrant fathers. Finally, the article offers research possibilities to help understand better different types of fatherhood.
Keywords:
- masculinity,
- fatherhood,
- paternal identity,
- immigration
Resumen
Marco de investigación : Es probable que la inmigración en contextos como Canadá y Quebec provoque cambios en las funciones masculinas. Dependiendo de sus orígenes y perfiles, los padres inmigrantes negocian y presentan distintas facetas de la masculinidad para adaptarse a las diversas realidades del país de acogida.
Objectivos : Este artículo examina el impacto de la inmigración en la masculinidad y la identidad paterna de los nuevos inmigrantes en Quebec.
Métodología : Se entrevistó a un total de 39 padres inmigrantes de origen subsahariano, norteafricano, europeo, asiático y latinoamericano. Una guía de entrevista, con preguntas abiertas, permitió a los padres hablar sobre su percepción de la paternidad, su identidad, su compromiso como padres y su adaptación al contexto migratorio.
Resultados : Los resultados indican que la paternidad es una oportunidad para que estos hombres validen su masculinidad. Además, el rol de proveedor representa una expresión, una valorización y un fortalecimiento de su masculinidad. También encontramos que las percepciones de los padres inmigrantes sobre su masculinidad evolucionaron y se redefinieron a través de la implicación paterna para superar las dificultades de integración en el país de acogida.
Conclusión : Este artículo muestra que, más allá de las dificultades, la inmigración representa una oportunidad de compromiso y una redefinición de la paternidad y la masculinidad para muchos hombres inmigrantes.
Contribución : Las diversas observaciones que se desprenden de este estudio muestran la necesidad de tener en cuenta la masculinidad en la concepción y el desarrollo de programas para padres inmigrantes. Por último, el artículo ofrece pistas de investigación para comprender mejor los distintos tipos de paternidad.
Palabras clave:
- masculinidad,
- paternidad,
- identidad paterna,
- inmigración
Corps de l’article
Introduction
Les rapports entre les hommes et les femmes ont connu de profondes mutations depuis les dernières décennies, ce qui oblige les hommes à revoir leurs manières d’exercer leurs paternités. Des facteurs comme l’immigration, l’adaptation à un nouvel environnement, l’augmentation des divorces et la présence accrue des femmes sur le marché du travail forcent les pères à redéfinir leur rôle au regard des nouvelles attentes sociales (Ball et Daly, 2012). La reconnaissance des changements dans les pratiques de masculinité chez les hommes, c’est-à-dire la manière dont un homme se positionne par rapport au rôle de genre qui lui est socialement attribué, est largement partagée dans les études sur les masculinités (Bridges et Pascoe, 2014). Dans ce contexte, des formes nouvelles de paternité émergent et remettent en question les représentations du masculin et du féminin (Castelain-Meunier, 2011). Les rôles et les croyances traditionnelles de genre (père pourvoyeur et femme dispensatrice de soins) peuvent toutefois affecter les interactions père-enfant de manière complexe et contradictoire (Bulanda, 2004 ; DeMaris et al., 2011 ; Petts et al., 2018).
Cependant, les conséquences de l’immigration sur la paternité ont été très peu étudiées (Shimoni et al., 2003 ; Bergheul et al., 2018 ; Bationo et al., 2022) et celles sur la masculinité et le développement de l’identité paternelle sont encore moins documentées. Quelques études réalisées auprès de mères récemment immigrées au Québec montrent des changements chez les hommes. Selon les femmes interrogées, l’immigration représente pour les pères une opportunité de se redéfinir en tant qu’homme et père (Battaglini et al., 2002 ; Gervais et al., 2015). Des études impliquant des pères de différentes origines montrent que les hommes immigrants eux-mêmes se disent souvent surpris par leurs capacités à réaliser certaines activités qu’ils ne considéraient pas de leur ressort avant d’immigrer, tels les soins des enfants, les tâches ménagères et les interactions affectives (Bationo, 2021 ; Bergheul et Ramdé, 2022).
Toutefois, l’immigration n’est pas vécue d’une manière homogène par tous les hommes immigrants. Il existe au contraire des variations culturelles, inter ou intrafamiliales, personnelles et de parcours. Nous ne pouvons pas parler d’une trajectoire unique ou universelle dans la construction de l’identité masculine et paternelle des immigrants. Cette trajectoire dépend non seulement des facteurs relevés ci-dessus, mais aussi de la société d’accueil, notamment de la place accordée aux pères et aux hommes dans ce nouvel environnement (Berry et al., 1989 ; Battaglini et al., 2002). L’immigration représente une transition complexe susceptible d’influencer la stabilité et la continuité des rôles familiaux. Tous les domaines (psychosociaux, affectifs et professionnels) de la vie d’un parent peuvent en être affectés selon Hernandez et McGoldrick (1999). Ainsi, la perception de son identité et de son rôle en tant qu’homme et parent semble connaître une évolution chez l’immigrant et une nécessité de développer des stratégies et des moyens d’adaptation adéquats.
Contexte
Masculinité
Les perceptions des rôles attribués à l’individu sont très souvent liées à l’environnement social dans lequel il évolue. Les hommes immigrants vont développer une compréhension ou une conception de leurs rôles en fonction des normes sociales de leur société d’origine et vont devoir s’adapter à celles de la société d’accueil. Il peut y avoir des ressemblances, mais aussi des contradictions entre ces normes sociales, notamment en ce qui a trait à la masculinité.
Les études sur les hommes et les masculinités prennent naissance au début des années 1980. Elles s’inscrivent dans la continuité des études féministes grâce auxquelles la question du « genre » a été remise en question. Les théories classiques qui conçoivent l’origine des distinctions entre les femmes et les hommes comme innés et immuables sont alors rediscutées (Genest Dufault et Tremblay, 2010 ; Castelain-Meunier, 2019). Ces théories s’appuient sur les dimensions historiques et culturelles pour rendre compte du genre (McCormack, 2012). À cet effet, plusieurs auteurs vont adopter une approche socioconstructiviste dans laquelle le genre est considéré comme une construction sociale, c’est-à-dire le produit d’une culture donnée. Dans cette perspective, on distingue clairement le sexe biologique et le genre social (Connell, 2002) qui est fortement déterminé par l’environnement dans lequel évolue l’individu. Cet environnement lui-même connaît des changements avec, entre autres, les déplacements et les évènements qui se produisent dans la vie de l’individu.
Des auteurs relèvent l’existence dans différentes sociétés ou organisations, de stéréotypes ou de préjugés relatifs à la masculinité. Loin d’être universels, ils se construisent généralement autour de cinq thèmes majeurs, souvent interreliés. Il s’agit d’abord de la crainte de la féminité comme élément central du développement de l’identité masculine. Le deuxième stéréotype se rapporte à la restriction de l’expression émotionnelle et de l’affectivité. À cet égard, les prescriptions de la masculinité imposent de n’exprimer aucun comportement ou attitude pouvant être interprété comme une forme de vulnérabilité (Meth, 1990). Ensuite, le besoin de pouvoir et de contrôle représente un aspect crucial de la masculinité. S’exprimant également par l’esprit de compétition, régulier chez les hommes, cet aspect peut mener à des comportements de violence. Enfin, l’obsession du succès, dernier stéréotype majeur de la masculinité, place le travail au cœur des préoccupations des hommes et mesure le degré de masculinité en fonction de la qualité et de la quantité des réalisations d’une personne (Steinberg, 1993).
La sociologue australienne Connell (1995 ; 2002 ; 2008) a contribué de façon originale à ce paradigme en introduisant une hiérarchie entre les différentes formes de masculinité. Pour l’auteure, « la masculinité hégémonique » représente la forme sociale dominante de la masculinité analysée sous l’angle des rapports qu’elle entretient avec les autres formes de masculinité qui sont dites subordonnées, complices ou marginalisées. Le concept de masculinité hégémonique donne un aperçu de la manière dont le pouvoir est incorporé au développement de la masculinité. Connell (2002) maintient l’existence dans divers milieux d’une hiérarchie des masculinités et d’une ascendance par laquelle une forme de masculinité domine les autres. Selon Connell (1995), Gilbert et Gilbert (1998) et Wetherell et Edley (1999), la masculinité hégémonique est souvent celle qui est idéalisée par bon nombre d’hommes. Elle apparaît ainsi chez ceux qui évoluent dans des contextes où le rôle de l’homme comme principal pourvoyeur de la famille est encore prédominant, notamment les sociétés collectivistes, mais aussi celles considérées comme individualistes d’où viennent de nombreux hommes immigrants au Québec et qui font l’objet de cet article.
Par ailleurs, Swain (2006) affirme que la masculinité hégémonique, présente dans un milieu, est déterminée par les caractéristiques observables de la culture ambiante, notamment la conformité ou la résistance et la passivité ou la violence en relation avec les formes d’autorité présentes dans le contexte. Pour Wetherell et Edley (1999), la masculinité hégémonique n’est pas un trait de personnalité ou un caractère particulier, mais plutôt un ensemble de normes et de règles symboliques associées à diverses activités. Cette forme de masculinité fait appel à des caractéristiques socioculturelles telles que l’hétérosexualité, l’habileté athlétique, la force physique, le courage, la condition physique, la compétitivité, l’autonomie et le contrôle des émotions (Levant et al., 2007).
En plus de la masculinité hégémonique, Connell (1995) et Swain (2006) en distinguent d’autres formes. La masculinité dite « complice » se présente comme étant une forme aspirante de la masculinité hégémonique (Connell, 1995). En ce qui a trait à la masculinité dite « subordonnée », Connell (1995) la décrit comme une position de dominé. Ceux qui en font partie sont marginalisés et peuvent être soumis à des comportements excessifs ou injustes. Ils sont parfois persécutés par des mesures faisant appel à la violence. La masculinité marginalisée est l’expression de la masculinité d’individus qui révèlent d’autres caractéristiques que celles de la masculinité hégémonique et qui, de ce fait, les situe dans des positions d’infériorité et de marginalité. Elle renvoie, entre autres, à des hommes en situation de handicap, des hommes dans des situations précaires ou encore des hommes racisés (Staples, 1982). Des hommes immigrant dans des sociétés valorisant diverses formes de masculinité pourraient se retrouver dans ce groupe. Le terme « marginalisation » fait référence aux relations qui renforcent les masculinités dans les classes dominantes et subordonnées ou les groupes ethniques. Ces masculinités marginalisées se caractérisent en général par une grande précarité des hommes et des expressions atypiques de la masculinité et dépendent toujours des types d’expressions comme la masculinité hégémonique (Johansson et Andreasson, 2017).
La construction de la masculinité des hommes provoque un questionnement intimement lié à la théorie sociale du genre et à la masculinité hégémonique (la domination de la part du sexe masculin), à la masculinité complice (forme aspirante de la masculinité dominante), à la masculinité subordonnée (masculinité qui se trouve dans une position dominée) et à la masculinité marginalisée (masculinité qui se situe dans une position d’infériorité). Connell (2008) soutient que dans un tel contexte, les relations entre les masculinités dominantes, complices, subordonnées et marginalisées sont une préoccupation et possiblement une source de turbulence en ce qui a trait à la construction de la masculinité des hommes. Pleck (1995) parle d’une tension de rôle de genre. Cette tension est souvent perceptible chez les hommes immigrants qui vivent parfois le conflit entre la masculinité développée et vécue avant l’immigration et les réalités de la fonction masculine dans la société d’accueil, comme le Québec. Par ailleurs, ceux-ci sont capables de découvrir et d’adopter de nouvelles fonctions qui mettent l’accent sur une paternité relationnelle (Castelain-Meunier, 2019). Le paradigme structurel conçoit la masculinité comme un phénomène pluridimensionnel, ce qui explique le fait que l’on parle davantage « des » masculinités que de « la » masculinité pour mettre en lumière la diversité des manières de la vivre. En effet, selon Paechter (2003), différentes masculinités se manifestent dans différentes situations sociales. En d’autres termes, les hommes sont constamment en train de négocier des attitudes, des gestes, des idées, des idéologies ou des comportements associés aux diverses masculinités présentes dans les communautés de pratique de leur environnement afin de se trouver une place parmi les autres membres et surtout dans un nouvel environnement tel que celui du contexte migratoire.
Identité paternelle
La paternité, entendue comme phénomène social, est en constante évolution selon les époques, les cultures et les classes sociales. Selon Dubeau et al. (2009), la paternité constitue un moment idéal pour entreprendre un cheminement par rapport à son identité personnelle, en tant que père et aussi en tant qu’homme. Présentées de manière indépendante l’une de l’autre, les notions de paternité et d’identité masculine sont fondamentalement interreliées. Deslauriers et al., (2009) notent que les contradictions traversant la paternité contemporaine se répercutent également dans les différentes formes de masculinités dans la mesure où les hommes bâtissent leur paternité en conformité avec ce qu’ils se représentent comme étant un bon modèle d’homme. En contexte d’immigration, cette représentation pourrait être confrontée aux modèles de père valorisés dans la société d’accueil et entraîner une redéfinition du rôle de père et d’homme.
Castelain-Meunier (2015) affirme que la prise de distance par rapport aux modèles traditionnels permet de redéfinir les rôles assignés aux deux sexes dans la sphère familiale. On assiste ainsi à un profond mouvement de changement touchant le masculin, favorisant une plus grande flexibilité des identités, au travers duquel le masculin se resitue, notamment en ce qui concerne la paternité, autour de l’importance du lien, de l’interaction, de la communication. Castelain-Meunier (2019) le qualifie de « paternité relationnelle impliquée ». Cela se traduit par des hommes qui, au-delà des normes de genre, s’adonnent à des tâches traditionnellement dévolues aux femmes comme s’occuper du foyer (Chatot, 2017).
Par ailleurs, on voit apparaître de nouveaux portraits de la paternité, entre les modèles traditionnels se tenant à distance des soins aux enfants et les nouveaux pères qui y sont pleinement investis. Ces formes de « paternité hybride », selon Cannito (2020), peuvent incarner différentes formes de paternités. À cet égard, certains y voient une occasion d’inscrire le rôle de pourvoyeur, mais aussi de dispensation des soins pour les enfants. En ce sens, le rôle de pourvoyeur n’a pas comme unique fonction de répondre aux besoins de la famille. Il constitue également une opportunité pour incarner dans le quotidien des valeurs qui peuvent être associées au travail, telles que le sens des responsabilités ou l’égalité homme-femme, et de les transmettre aux enfants (Cannito, 2020).
Les études portant sur les liens entre l’engagement paternel, les attitudes et les croyances adoptées par les pères à l’égard des rôles de genre affichent des résultats contradictoires au regard des définitions et des outils de mesures utilisés (Turcotte et Gaudet, 2009). D’après le bilan de ces auteurs, plusieurs études menées au début des années 1980, portant sur l’identification des traits de personnalité, selon qu’ils sont socialement associés à la masculinité ou à la féminité, ont démontré que les pères possédant un mélange de traits féminins et masculins (personnalité dite androgyne, par exemple, capable de réaliser des jeux physiques avec l’enfant ou de lui imposer une discipline et en même temps de lui procurer des soins physiques ou faire preuve de « tendresse » envers lui) sont davantage portés à s’engager auprès de leur enfant que les pères qui adoptent des comportements issus de la masculinité traditionnelle.
Concernant les liens entre les croyances des pères quant à la division des rôles de genre et l’engagement paternel, une étude conduite par Sanderson et Thompson (2002) montre que les pères qui adoptent une vision plus libérale à l’égard de la division des rôles de genre ont tendance à davantage se percevoir engagés, particulièrement dans la dispensation des soins de base, et à éprouver un plus grand sentiment de responsabilité par rapport à leurs enfants. Par ailleurs, si les pères plus égalitaires démontrent un niveau élevé d’engagement que ceux qui adhèrent à une vision traditionnelle de la masculinité, l’attitude de la mère vis-à-vis des rôles de genre n’aurait pas d’impacts significatifs sur la qualité de l’engagement du père (Bulanda, 2004). Une autre étude de McBride et al. (2004) conclut que les pères qui adoptent une vision multidimensionnelle des rôles paternels, à l’opposé de ceux qui se conçoivent strictement comme pourvoyeur, sont plus susceptibles de s’engager auprès de leurs enfants. Des études sur l’engagement de pères immigrants montrent des résultats similaires. Ainsi, les pères immigrants qui acceptent de s’ouvrir à d’autres rôles dans la société d’accueil en plus de ceux qu’ils ont acquis dans leur culture d’origine ont tendance à être plus engagés (Bationo et al., 2022).
Néanmoins, Ball et Daly (2012) constatent qu’une tension demeure entre l’engagement paternel et la masculinité dans la mesure où une hiérarchie persiste socialement entre les différentes formes de masculinités, selon qu’elles soient dominantes ou marginalisées, alors qu’au même moment les stéréotypes masculins perdent de leur rigidité en raison de cette implication accrue des hommes dans les soins de base. D’après ces auteurs, l’engagement paternel perturbe progressivement les assises de la masculinité hégémonique d’un point de vue individuel et collectif en ouvrant la voie à de nouvelles formes de masculinité.
La place et le rôle qu’on accorde aux pères dans une société sont ancrés dans la culture tout en étant soumis aux influences environnementales qui agissent sur la structure familiale et les conditions dans lesquelles s’exerce la paternité (Bergheul et Ramdé, 2022). Les pères immigrants sont continuellement en redéfinition identitaire. Ils cherchent à développer une identité paternelle renouvelée au contact de l’immigration. Les résultats de cette redéfinition identitaire vont engendrer des répercussions sur leur masculinité.
Paternité en contexte migratoire
La paternité dans les contextes canadien et québécois a connu une évolution remarquable (participation des hommes aux soins de l’enfant, aux tâches ménagères) depuis le début des années 1980 en rapport avec les divers changements intervenus dans ces sociétés (Deslauriers et al., 2009). Cette évolution se poursuit encore avec les transformations sociales et politiques et leurs influences sur les rôles de genre (Castelain-Meunier, 2019 ; Bationo et al., 2022). Les hommes immigrants dans cet environnement vont très souvent être confrontés à des réalités différentes de leur culture d’origine à propos de la paternité, du rôle de l’homme à l’égard de l’enfant et de la famille, des relations homme-femme, etc. Ils vont devoir s’adapter à un nouveau foyer, à un nouvel environnement social, à la langue, à la culture, au lieu de travail et à la profession. Cette transition exige un ajustement important qui, dans de nombreuses situations, provoque une plus grande vulnérabilité chez ces personnes. Le stress, parfois généré par le processus d’acculturation, est associé à une crise aussi bien psychologique que culturelle qui nécessite, par moment, une redéfinition de l’identité du père immigrant. Cette théorie du déficit, focalisée sur les effets négatifs de l’immigration sur les pères, côtoie une perspective plus positive dite générative (Strier et Roer-Strier, 2010 ; Cabrera et Bradley, 2012 ; Bationo et al., 2022). Dans cette perspective, l’immigration entraîne des retombées bénéfiques pour la famille, notamment les interactions parents-enfants, les pères étant plus engagés (Bationo et al., 2022). En effet, une évolution de la perception du rôle paternel engendre une redéfinition de la masculinité et le développement d’une relation parentale plus intime après l’immigration entre le père, sa conjointe et ses enfants (Strier et Roer-Strier, 2010 ; deMontigny et al., 2015 ; Gervais et al., 2015 ; Bationo et al., 2022).
Le développement de l’identité paternelle dans ce nouvel environnement est un processus de négociation : négociation face à son histoire personnelle et aux normes culturelles qui entourent le père, négociation avec sa famille d’origine, avec ses amis et avec son milieu professionnel et enfin, négociation avec sa conjointe pour avoir une place au sein du couple parental et dans la vie de l’enfant. Dans cette logique, l’identité paternelle, soit la conception qu’a un père de son rôle parental et l’importance qu’il lui accorde, se concrétise par son engagement auprès de son enfant (McBride et al., 2005 ; Ramdé, 2015). L’immigration, ainsi perçue comme un immense défi pour les familles, impose une redéfinition des rôles familiaux et une réorganisation des tâches quotidiennes. Étant divisés entre la fidélité à leur propre identité culturelle de père et la nécessité de s’adapter aux attentes et demandes concernant les pères du pays d’accueil, les pères immigrants doivent développer une identité paternelle et une identité masculine à leur mesure (Dyke et Saucier, 2000).
Cette brève revue des écrits montre qu’il y a de plus en plus de recherches sur la paternité et le rôle de l’homme dans les sociétés occidentales. Même s’il est davantage question des pères et des hommes immigrants, il existe encore peu de connaissances à propos de l’influence de l’immigration sur l’identité paternelle et masculine. Dans la plupart des cas, les pères immigrants sont amenés à faire cohabiter les valeurs et les rôles inhérents à leur culture d’origine tout en intégrant ceux de la société d’accueil afin de développer une identité qui leur soit propre et de répondre aux attentes de leurs familles et de la société. Il s’avère donc important de comprendre leur vécu et les mécanismes mis en œuvre pour trouver cet équilibre dans le contexte migratoire.
Objectifs et questions à l’étude
Cet article vise à analyser l’influence de l’immigration sur la masculinité et l’identité paternelle de pères d’origine subsaharienne, maghrébine, asiatique, européenne et latino-américaine. Il s’agit de répondre aux questions suivantes : 1) Comment les pères immigrants vivent-ils les changements au niveau de leur masculinité et de leur identité paternelle ? 2) Comment les pères immigrants négocient-ils leur masculinité et leur identité paternelle pour s’adapter aux nouvelles réalités dans le pays d’accueil ?
Méthodologie
La présente étude s’appuie sur un paradigme constructiviste qui prend en considération les représentations sociales, les images et les points de vue que les pères immigrants ont par rapport au vécu de leur masculinité et de leur identité paternelle en contexte migratoire. Le constructivisme en épistémologie est une théorie de la connaissance qui repose sur l’idée que notre image de la réalité, ou les notions structurant cette image sont le produit de l’esprit humain en interaction avec cette réalité, et non le reflet exact de la réalité elle-même. Chaque père immigrant perçoit la réalité d’une manière différente, suivant ses capacités physiques, ses émotions, son origine culturelle et les conditions sociales et culturelles dans lesquelles il se trouve (Masciotra, 2007).
Dans le but de comprendre le vécu des pères immigrants, nous considérons qu’il est essentiel que les chercheurs de ce projet se positionnent eux-mêmes dans leur démarche méthodologique de façon à reconnaître, considérer et analyser leur propre subjectivité lors de la production et de l’interprétation des données (Papinot, 2014). Du point de vue de cette approche, les résultats apparaissent comme la création d’un processus d’interaction entre les chercheurs et les pères immigrants. Il est évident que la dynamique de co-construction de sens suggérée par l’approche constructiviste vise une compréhension du phénomène de la masculinité et de l’identité paternelle à partir du vécu des pères immigrants participant à cette étude.
Nous avons privilégié une analyse de contenus thématique afin de répondre à nos questions de recherche (Paillé et Mucchielli, 2021). Cette option s’explique par le fait que nous soyons dans une visée à la fois exploratoire en raison du peu de recherches qui se sont intéressées à cette question et d’approfondissement de la compréhension des pères immigrants. Notre méthode est une approche qualitative à travers des entretiens semi-structurés d’une heure à une heure et demie. Ce choix permet aux pères de s’exprimer assez librement sur les différents thèmes proposés dans le guide d’entretien. Cela a l’avantage de cerner le point de vue des participants quant à l’influence de l’immigration sur la masculinité et la paternité des pères immigrants à partir de la perception des pères interviewés.
Participants
Cet article est tiré d’un projet de recherche plus large portant sur la paternité en contexte migratoire au Québec. Les hommes ayant immigré au Canada depuis moins de dix ans et ayant des enfants ont été ciblés pour participer à cette étude. Des invitations et des affiches ont été envoyées dans différents organismes qui travaillent avec des personnes immigrantes en Abitibi-Témiscamingue, à Montréal et à Québec. En plus de cette formule, la méthode boule de neige a été utilisée. Les pères qui ont participé à la recherche et les personnes qui en ont entendu parler nous ont recommandé d’autres participants. Au total, 39 pères ont pris part aux entretiens.
Outils de collecte
Un guide d’entrevue avec des questions ouvertes a été utilisé pour permettre aux pères de s’exprimer sur différents sujets relatifs à la paternité, à la masculinité, à l’engagement paternel et au vécu de la migration, ainsi que sur l’adaptation dans ce contexte de changement. Des questions sur ce qu’est être père, la conception de la masculinité, les éléments d’engagement paternel, l’adaptation des pères à la suite de l’immigration ont été posées aux participants. Une question ouverte a également été posée à la fin de l’entretien (« En tant que père, quels sont les plus grands défis auxquels vous devez faire face dans la société québécoise ? ») Ce guide a été complété par un questionnaire sociodémographique qui a permis de collecter des informations sur les caractéristiques des pères interrogés, notamment l’âge, le nombre d’enfants, le statut d’emploi et la date d’arrivée au Canada.
Analyse des données
L’analyse des données a été faite à l’aide du logiciel de traitement des données qualitatives Nvivo. Nous avons procédé à une analyse thématique à partir de catégories conceptualisantes (Paillé et Mucchielli, 2012). La première étape a consisté à coder l’ensemble du matériel selon les différentes thématiques retenues dans le guide d’entretien. Un deuxième travail de regroupement et de précision a été effectué pour mieux distinguer les différents contenus. La collecte des données a été effectuée de 2020 à la fin de 2021. L’étude a été approuvée par le Comité d’éthique de la recherche (CÉR) auprès des êtres humains de l’Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue (UQAT). Certains participants rencontraient des difficultés à s’exprimer en français. Dans ces cas, l’entretien et l’analyse du verbatim ont été réalisés en anglais.
Résultats
Caractéristiques des participants
Trente-neuf (39) pères au total ont participé au projet de recherche. Ils sont arrivés au Québec depuis 10 ans et moins en moyenne et ont un âge compris entre 27 et 52 ans (M = 38.43 ans ; É-T= 6.22). Ils viennent de cinq régions du monde (Afrique [AF], 10 ; Amérique latine [AL], 10 ; Asie [AS], 3 ; Europe [EU], 7 et Maghreb [MG], 9) et sont installés dans trois régions de la province du Québec (Abitibi-Témiscamingue, 17 ; Montréal, 12 ; Québec, 10). Ces pères qui détiennent, pour la plupart, un diplôme d’études postsecondaire, ont entre 1 et 3 enfants et sont, pour la majorité, en emploi avec un niveau de français avancé.
L’analyse des données recueillies permet de répondre aux deux questions principales de l’étude en lien avec la masculinité et l’identité paternelle en contexte migratoire. Nous observons des ressemblances, mais aussi des particularités dans les perceptions des participants selon leur région de provenance. Cependant, ces résultats ne peuvent faire l’objet de généralisations.
Comment les pères immigrants vivent les changements au niveau de leur masculinité et leur identité paternelle ?
Masculinité et paternité
Du point de vue de la conception de la paternité, l’immigration ne change pas fondamentalement la compréhension que les pères en ont. Plusieurs participants conçoivent le père comme étant la personne responsable de la famille, et ce rôle viendrait avec la paternité elle-même. La définition que la plupart des participants interrogés donnent de la notion de « père » le montre assez bien. Pour ce père de l’Afrique subsaharienne par exemple, « être père, c’est assumer vraiment ses responsabilités en répondant vraiment aux devoirs et besoins des enfants » (AF1). Ce père maghrébin abonde dans le même sens, en ces termes : « Bon la signification d’un père, pour moi c’est…, c’est l’homme de la famille qui va prendre une grande responsabilité. Donc, père pour moi égal responsabilité » (MG1).
La responsabilité relative à la paternité engendre une certaine perte de liberté pour se consacrer davantage à l’enfant selon les propos de ce père européen :
« Avant la paternité on ne se rend pas compte du temps libre, entre guillemets, que l’on a. Une fois qu’on est dans la paternité, de la première année, je travaillais la journée et le matin et le soir, c’est s’occuper de son enfant, plus ou moins (EU7). Dans le fond, c’est devenir responsable. Souvent…pour mon cas c’était ça parce que j’étais jeune donc, c’est prendre ses responsabilités à cœur » (EU5).
Cette perception de la paternité comme responsabilité à assumer est en lien avec l’importance et la prédominance du rôle de pourvoyeur chez les hommes
Rôle de pourvoyeur du père et masculinité
Selon les hommes interrogés, dès la naissance de l’enfant, le père a la responsabilité de veiller au bien-être de sa famille, de s’assurer que celle-ci ne manque de rien comme nous pouvons l’apercevoir à travers les propos de ce père maghrébin : « C’est sûr que nous on vient d’une culture où le papa c’est lui qui doit aller travailler et chercher de l’argent » (MG4). Cette conception constitue d’ailleurs une manière pour lui de démontrer ou d’affirmer sa masculinité. La réalité semble être la même pour ce père européen qui s’exprime ainsi : « Écoute, ouais… en France, c’est un pays latin okay, donc c’est très macho. Dans la majorité des cas c’est le père qui subvient aux besoins de la famille. C’est une mentalité patriarcale… » (EU5). Il en est de même selon ces pères de l’Amérique latine à en croire leurs propos : « Usually, the father is the one that goes to work and brings food and pay the expenses » (AL10). « Et comme j’imagine qu’il y a plusieurs hommes qui pourraient se sentir à un moment donné au Mexique qu’ils sont juste là pour aller au travail, et puis amener l’argent à la maison » (AL3).
Cette perception de la masculinité s’exprime également dans la perception que les hommes ont des rôles au sein du couple ou de la famille : « Étant le père, je dois travailler pour gagner le salaire pour donner les produits, acheter les choses comme les vêtements, leurs études et tout cela. Pour ma femme pour s’occuper plus dans le devoir et garder les enfants propres comme le lavage des vêtements et tout cela » (EU3). Ces propos sont renforcés par ce père asiatique en ces termes : « So your role is more outside for the financial to provide for the family and for your wife, it’s more inside the house to take care of the children and everything » (AS1).
Les propos de nos participants montrent que, quelle que soit la région d’origine, la notion de pourvoyeur est bien ancrée dans la perception des pères, tout comme le fait d’établir un lien entre le fait d’être père et de devenir responsable, d’assumer des responsabilités.
Toutefois, même si le bien-être et l’avenir des enfants constituent pour plusieurs pères une des raisons principales du projet migratoire, celui-ci est susceptible d’influencer leur perception de la masculinité.
Immigration et masculinité
Le rôle et la perception des rôles par les hommes sont souvent remis en question à la suite du processus migratoire : « Ici, on ne voit pas trop le rôle du père. On ne voit pas parce que la femme, comme je le disais tantôt, a une place prédominante dans le foyer ici, elle a pratiquement tous les droits » (AF7).
Ces changements dans les rôles perçus de père et de mère sont, dans certains cas, interprétés comme une perte de pouvoir pour l’homme et une plus grande responsabilité pour la femme. C’est ce que nous relate ce père d’Afrique subsaharienne : « Mais, comme je disais tantôt, ce n’est vraiment pas quelque chose de facile en fait. Parce qu’on se… on a un peu l’impression de perdre son pouvoir de père… » (AF8).
Les hommes manifestent certaines inquiétudes quant à leur position dans la société québécoise où ils sont relégués à un second plan selon ces pères toujours d’Afrique subsaharienne :
« Quand je venais, on m’a même prévenu, on m’a dit ici, la femme d’abord, après la femme, les enfants, après les enfants, les animaux et après les animaux, viennent les hommes. Quand on a une telle conception, bon on se dit… et puis quand tu viens aussi, tu vois que les hommes se font tout-petits. Donc, ça, c’est totalement différent, chez nous, au contraire, c’est l’homme, comme je le disais, c’est l’homme qui est le chef, le chef ; or, ici, c’est la femme qui est cheffe, donc… voici un peu la différence entre chez eux et chez nous » (AF7).
« Eum… Bon peut-être une des remarques que je fais au Québec est le fait que, par exemple, pour l’éducation de l’enfant même dans la vie de l’enfant, les gens sont plus axés sur la femme. Je ne dis pas que ce n’est pas bon, mais je pense que dans l’éducation, même dans la vie d’un enfant aussi, le père a un rôle important à jouer. Donc, moi je suis parti souvent dans certains endroits avec mon enfant ou bien on va au Centre local de services communautaires (CLSC) ou bien on va à l’hôpital et on parle plus avec la mère que le père. Souvent quand il y a des informations, on demande à parler à la mère » (AF5).
Ce sentiment de perte de pouvoir des hommes est renforcé par les difficultés à s’intégrer au niveau professionnel, un élément indispensable à leur rôle de pourvoyeur et de détenteur du pouvoir familial.
« Bien, ce qui nous bloque ici, nous les immigrants…, c’est la reconnaissance de nos acquis professionnels… Quand nous venons, je pense que c’est une immigration choisie que le Canada fait ; moi en tant qu’enseignant, c’est pour ça j’ai été accepté par le Québec. J’ai fait 15 ans d’enseignement et j’arrive au Québec, je ne peux même pas me trouver une place dans l’enseignement. Je suis venu avec tous les diplômes, les évaluations, tout a été fait, mais on te demande de repartir, de repartir faire tes 4 ans encore à l’université avant de revenir enseigner. À 46 ans, je dois aller faire 4 ans, bon je vais enseigner combien de temps ? […] on doit pratiquement tout refaire à zéro. Si j’avais pu avoir la chance d’exercer dans le domaine, dans mon domaine que je faisais au pays, je pense que j’aurai plus de moyens pour m’occuper, pour offrir plus de choses à mes enfants » (AF 7).
Nous remarquons que même si la compréhension de la notion de père et la prégnance du rôle de pourvoyeur semblent exister chez tous les pères interrogés, il n’en est pas de même pour l’influence de l’immigration sur la paternité. Les pères en provenance d’Europe n’apparaissent pas comme rencontrant des défis particuliers à ce niveau, contrairement aux autres catégories de pères.
Dans ce contexte singulier de changement, les pères sont amenés à vivre leur rôle autrement et à se découvrir des compétences qui leur donnent un autre regard sur la masculinité en question.
Comment les pères immigrants négocient-ils leur masculinité et leur identité paternelle pour s’adapter aux nouvelles réalités du pays d’accueil ?
Redéfinition de la masculinité à travers l’engagement paternel
Au milieu de toutes ces difficultés, l’immigration ouvre de nouvelles perspectives aux pères, notamment à travers les relations avec leur enfant et leur famille. Ceux-ci se sentent plus proches de l’enfant : « Le fait de ne pas avoir la famille proche favorise un certain rapprochement du père de son enfant : mais quand on arrive ici, on est très très loin de nos familles et puis de deux il y a un autre mode de vie, un autre système auquel il faut s’adapter, que je trouve toujours vraiment intéressant, parce que ça rapproche encore davantage les enfants aux deux parents » (AF1).
Certains pères font des découvertes en termes de disponibilité et en montrent de l’émerveillement :
« J’ai passé beaucoup plus temps avec mes enfants ici que quand j’étais au pays ; j’ai découvert beaucoup de choses. Et puis, le côté positif, ça me plait en tout cas, je vois ça très fun, plus gai. Quand j’étais au pays-là, je sais que je n’allais pas avoir ces moments, la quantité de temps que j’ai passés avec eux, si j’étais au pays, je n’allais pas avoir le cinquième, même avec eux ; peut-être que même le dixième, je n’allais pas avoir à passer avec mes enfants. Mais quand on est ici, ça me permet aussi d’apprendre à découvrir mes enfants, leur comportement. Ce qui rend très drôle d’être papa aussi, d’être content aussi, c’est ça » (AF10).
Ce père se voit donc « papa autrement » et il s’en réjouit. Il ajoute qu’il prend du plaisir aussi à participer aux soins physiques de l’enfant :
« Oui, oui, ça, je vois ça, pour le garçon, je change aussi les couches de ma fille. C’est moi je le fais le plus souvent, surtout la nuit, c’est moi je le change, et puis même dans la journée, quand ma femme est là. Ma femme, quand elle ne surveille pas ça beaucoup, mais moi je surveille ça, changer les couches et les laver. La fille, c’est quand peut-être elle est sale un peu-là, quand elle fait ses besoins dans les couches, quand j’enlève, je la nettoie, je la lave. Je ne dérange pas ma femme, bon quand je suis là, c’est moi je fais ça » (AF10).
Ce père brésilien abonde dans le même sens et avoue que les pères en font beaucoup plus ici pour leurs enfants : « I see that the parents here, the fathers they are more helpful. They usually carry of the baby they do more often than in Brazil » (AL10). Cet autre père se réjouit de pouvoir s’organiser et de bénéficier de plus de temps avec sa famille : « Ici, ici par exemple, je travaille moins d’heures à la semaine que je le fais en Colombie. Et, et ça me donne plus de temps pour être avec, avec eux, avec ma femme avec lui » (AL2). Il faut dire que des mesures institutionnelles favorisent cela et les pères saisissent bien l’occasion : « c’est sûr, car ici on donne un congé paternel. On dirait que oui, des fois, les pères, ils ne profitent pas de leurs enfants…c’est surtout les premières périodes ou on choisit nous-même ou on peut prendre un congé paternel après la naissance » (MG8).
Masculinité et rôle de pourvoyeur du père : partage des rôles comme moyen d’adaptation au contexte québécois
Un autre changement avantageux de ce contexte migratoire est que le père n’est plus le seul à pourvoir aux besoins de la famille ; ce qui réduit la pression liée à sa responsabilité comme nous l’indiquent ces pères asiatique et africain : « I think we are sharing the responsibilities. It is not the same as the old time. The mothers use to take care of the children and the father taking care of the financial you know. Now, I am more of a… I am taking time. I am bathing my daughter every once in a while, when my wife is cooking and things like that. It is a give and take and things like that » (AS3). « Bon, au début quand je suis arrivé, vu que j’étais seul, et ma femme est arrivée après, ça été facile d’intégrer cette façon de voir les choses ici au Québec, puisqu’on a déjà vu comment ça s’est passé et quand vous vous retrouvez aussi vous deux où il n’y a personne pour vous aider, où vous êtes là, les responsabilités deviennent partagées. Très important » (AF1).
Les tâches ne sont plus attribuées en fonction du sexe du parent, mais plus comme une fonction parentale que chacun des parents pourrait bien assumer à en croire ces propos :
« Même si de manière naturelle, l’enfant… les soins sont naturellement plus donnés par la maman, j’essaie en permanence de prendre ma place. Alors ça veut dire, normalement on va penser que c’est la maman qui va à tous les rendez-vous médicaux. Non, mais moi je m’arrange à prendre. Si elle est allée à un rendez-vous aujourd’hui, il faut que la prochaine fois ce soit moi. Dans les tâches ménagères, parce que nous sommes aux études, donc lorsqu’on rentre le soir, je ne la laisse pas s’occuper de la popote et puis de l’enfant. Si elle s’occupe de la popote alors je m’occupe de l’enfant. Généralement, c’est comme ça. C’est moi qui s’occupe de l’enfant quand on rentre le soir, je lave, je nourris et puis j’essaie de l’endormir » (AF3).
« Non, car soit moi, soit ma conjointe, les deux on cuisine, les deux on change les couches du bébé, les deux on douche le bébé. La personne qui est disponible va faire la chose. Si on est ensemble tant mieux. Si l’un fait quelque chose, l’autre fait l’autre. On s’en sort très bien avec cela » (MG6).
La pression du rapport ou du devoir de démontrer sa masculinité baisse pour l’homme qui se fait aider et qui aide sa femme :
« Ici [au Québec], j’en discute quotidiennement avec madame. Au pays, comme je le disais, c’était l’homme qui était chargé de tout faire. Mais, ici on se rend compte que la réalité est tout autre. Donc il faut, il nous faut nous adapter. Donc, on essaie quand même de s’organiser, de faire un emploi du temps, si… l’on se partage les tâches en tout cas, on se partage les tâches. On apprend à vivre comme les Canadiens, on se partage les tâches. Ça ne me gêne plus aujourd’hui de laver mes enfants, mon plus petit ou bien ma petite fille de 1 an. Si ma femme n’a pas le temps ou bien si elle doit bouger, je m’occupe, ça ne me gêne plus aujourd’hui de faire à manger si possible, bien que je ne sache pas préparer et donc, on essaie quand même de partager les tâches. Ce qui était différent chez nous en Afrique, ici j’accepte de le faire facilement » (AF7).
« Culturellement parlant, oui, c’est un peu différent. C’est sûr que du point de vue connaissances générales et culture générale ici, les rôles sont partagés alors qu’en Algérie, les rôles sont plus attribués comme à la femme pour tout faire. Les hommes c’est plus comme aller chercher du pain et nourrir la famille, mais bon » (MG8).
Cette collaboration entre parents s’avère importante dans ce nouveau contexte selon ce père asiatique : « So I see it very important, cooperation or collaboration between the couples, is very effective and has a very strong impact. If we go to negative side, you will have a negative impact if the, uh, if the couples are not really getting along together, and if they get along together, the child will learn that how the parents are behaving and that reflects on their life » (AS2).
Pour d’autres pères, le changement est en faveur de l’homme qui occupe plus de place dans la vie de l’enfant comme en témoignent les extraits suivants : « Je crois que le rôle de père ici est plus égalitaire avec le rôle de mère comparé à chez nous. Je crois que chez nous, à l’île de la Réunion, la mère prend beaucoup de place au niveau de l’éducation chez les enfants » (EU4).
« Mon rôle… nos enfants sont nés ici donc, mon rôle en tant que papa c’est un peu différent que celui on va dire, dans notre pays d’origine. La maman, elle n’est pas censée être à la maison et elle n’est pas censée faire tout toute seule. On s’entraide, on fait à manger tous les deux, on travaille tous les deux puis, pour les enfants on partage les activités, parfois, c’est elle qui fait les activités avec le plus vieux et moi je fais, je m’occupe du jeune puis, il y a un partage on va dire » (MG4).
Discussion
Cet article a pour objectif principal d’analyser l’influence de l’immigration sur la masculinité et l’identité paternelle des pères immigrants. Des hommes en provenance de l’Afrique subsaharienne, de l’Amérique latine, de l’Asie, de l’Europe et du Maghreb ont pris part à des entretiens qualitatifs portant sur ces sujets.
Les résultats permettent effectivement d’établir un lien entre la paternité et la masculinité en termes de responsabilité et de satisfaction des besoins de la famille par le père, d’une part, et entre l’immigration et la perception de la masculinité d’autre part. L’environnement social joue un rôle important dans la perception de la masculinité d’autant plus que celle-ci n’est pas qu’une idée abstraite ou une identité personnelle (Connell, 1995 ; Connell et Messerschmidt, 2005), mais également une construction sociale plurielle (Odimegwu et al., 2013). Ainsi, sa perception et sa conception évoluent au fil de l’histoire, du contexte social (Shafer et al., 2021) et des évènements capables de produire des changements dans la vie des personnes. La paternité, mais aussi l’immigration que plusieurs études considèrent comme une transition complexe susceptible de modifier le fonctionnement et les rôles des familles (Maternowska et al., 2014 ; Okeke-Ihejirika et al., 2018), font partie de ces facteurs.
Toutefois, l’influence des rôles et des croyances traditionnels liés au genre sur le comportement de la paternité peut s’avérer délicate et même contradictoire. Des recherches relèvent que les pères qui adhèrent à la masculinité traditionnelle ont tendance à être moins chaleureux envers les enfants et moins impliqués dans leur vie (Bulanda, 2004 ; DeMaris et al., 2011 ; Petts et al., 2018). A contrario, d’autres résultats montrent que certains pères qui n’approuvent pas idéologiquement l’égalité des sexes sont quand même très impliqués dans la garde des enfants (Shows et Gerstel, 2009 ; Eerola et Mykkänen, 2015), ce qui peut être dû, en partie, aux croyances essentialistes selon lesquelles, l’homme a une contribution unique dans le développement de l’enfant indépendamment de ses perceptions (Pleck, 2010 ; Jordan, 2019 ; Randles, 2020).
Masculinité et paternité
Dans plusieurs cultures, le père est perçu comme un protecteur, une personne forte, qui a le devoir de veiller sur sa famille, de répondre à ses préoccupations. Il doit s’assurer du bon développement de son enfant en étant attentif à ses besoins essentiels. Devenir père, c’est devenir pleinement homme, c’est assumer ses responsabilités à travers son identité personnelle en tant que père et homme (Dubeau et al., 2009). L’enfant donne ainsi au père un sens à sa masculinité par le don de la vie à autrui.
Cette perception est, en grande partie, partagée par nos participants, quelle que soit leur région d’origine lorsqu’on leur pose la question de savoir ce qu’être père signifie pour eux. Toutefois, les pères du Maghreb (9/9), de l’Afrique subsaharienne (8/10), de l’Amérique latine (6/10) et de l’Asie (2/3) semblent davantage s’aligner sur cette définition de la notion de père que les pères européens. Ces différences de perception sont imputables aux valeurs prônées dans les différentes sociétés, en particulier la prééminence de l’individu dans la plupart des sociétés occidentales et le collectivisme, la primauté de la famille sur l’individu dans les cultures asiatiques, africaines, latino-américaines, etc. (Bationo, 2021). Selon Shafer et al. (2021), les normes de genre façonnent la parentalité des hommes, étant donné que l’association entre les normes masculines et la paternité varie dans deux pays culturellement similaires avec des politiques sociales différentes. Le lien entre responsabilité, paternité et masculinité s’inscrit dès lors dans certains stéréotypes, notamment le besoin de pouvoir et de contrôle qui représente un aspect crucial de la masculinité et l’esprit de compétition pour être toujours à la hauteur de ses responsabilités (Steinberg, 1993).
Pour la plupart des hommes, la masculinité se distingue clairement de la féminité à travers les rôles assumés par chaque catégorie au sein de la famille. Ces rôles sont bien différenciés, avec quelques nuances. Généralement, l’homme, le masculin est le pourvoyeur ; il s’occupe de « l’extérieur de la maison » alors que la femme, elle, prend soin des enfants et de la maison. Cette perception est illustrée par les propos de ce père d’Europe : « Étant le père, je dois travailler pour gagner le salaire pour donner les produits, acheter les choses comme les vêtements, leurs études et tout cela. Pour ma femme, elle doit s’occuper plus des devoirs et garder les enfants propres comme le lavage des vêtements et tout cela » (EU3). Le véritable homme est celui qui est capable de répondre à cette exigence. Deslauriers et ses collègues (2009) notent que les contradictions qui traversent la paternité contemporaine se répercutent également dans les différentes formes de masculinités dans la mesure où les hommes bâtissent leur paternité en conformité avec ce qu’ils se représentent être un bon modèle d’homme.
Rôle de pourvoyeur du père : expression, valorisation et renforcement de la masculinité
Chez certains pères, la paternité confirme la masculinité et la capacité de prendre soin de sa famille en est le caractère distinctif. Il a le devoir de pourvoir aux besoins de sa famille à tous les niveaux pour exister en tant qu’homme. Pour de nombreux participants de cette étude (indépendamment de leur région d’origine), la masculinité s’exprime à travers le rôle de pourvoyeur. Dans leur conception, la majorité des hommes interrogés associent le fait d’être père à la responsabilité : « être père, c’est assumer vraiment ses responsabilités en répondant vraiment aux devoirs et besoins des enfants » (AF1), « Bon la signification d’un père, pour moi c’est…, c’est l’homme de la famille qui va prendre une grande responsabilité. Donc, père pour moi égal responsabilité » (MG1), ce qui implique a priori de satisfaire les besoins de l’enfant et de la mère, donc mettre en exergue le rôle de pourvoyeur.
L’homme se reconnaît par sa capacité à travailler, à gagner de l’argent pour répondre aux besoins de son enfant et de sa famille, comme nous pouvons le constater à travers les propos de ce père maghrébin : « C’est sûr que nous on vient d’une culture où le papa c’est lui qui doit aller travailler et chercher de l’argent » (MG4). Ce résultat s’inscrit dans ceux d’autres recherches qui indiquent que la responsabilité de l’homme s’exprime généralement à travers le rôle de pourvoyeur reconnu au père, notamment en Afrique, en Amérique latine et en Asie (Shwalb et al., 2013 ; Roopnarine et Tamis-LeMonda, 2015). Dans un tel environnement, le « bon père » est celui qui protégera toute la famille des dangers éventuels (Super et Harkness, 1992). Ainsi, le père détient la responsabilité de travailler, d’être celui qui pourvoit aux besoins matériels de la famille, alors que la femme s’occupe des tâches à l’intérieur de la maison. Dans ce contexte, même si la contribution de la mère sur le plan économique s’avère importante, elle n’est pas reconnue au niveau social (Velàzquez, 2015).
Immigration : remise en cause de la masculinité
La masculinité, partie intégrante de l’identité paternelle, est affectée par l’immigration et le processus d’acculturation. La masculinité, caractérisée par la capacité de l’homme à subvenir aux besoins de la famille en tant que chef, se trouve, par moment, ébranlée par les réalités des sociétés occidentales comme le Québec (Kettani et Euillet, 2012 ; deMontigny et al., 2015). Les rôles sont parfois inversés pour diverses raisons et redéfinissent en même temps les responsabilités de chaque membre de la famille à en croire ce père selon qui : « Toutes les choses ont changé à ce moment-là aussi parce qu’avec le fait qu’elle travaille et moi non ou moi je travaille et elle non donc, normalement c’est plus moi qui s’occupe de la maison » (AL9). Ce constat n’est pas avéré pour les pères européens que nous avons interrogés, certainement parce qu’ils viennent de sociétés proches, sur le plan des normes sociales, du Canada et du Québec.
Ces changements dans la dynamique des relations de pouvoir à la maison créent souvent des facteurs de stress que de nombreux hommes immigrants, notamment les Africains ont du mal à gérer (Okeke-Ihejirika et Salami, 2018). Ceci apparait dans les résultats de cette étude et s’illustre par un des participants en ces termes : « Donc, ça, c’est totalement différent, chez nous, au contraire, c’est l’homme, comme je le disais, c’est l’homme qui est le chef, le chef ; or, ici, c’est la femme qui est cheffe, donc… voici un peu la différence entre chez eux et chez nous » (AF7). Ainsi, le fait de ne plus être au premier rang entraîne une perte de l’identité masculine chez l’homme, de son pouvoir de veiller sur la famille. Dans un pays comme le Canada, certains ont l’impression d’être relégués au rôle de la femme, donc de perdre leur masculinité. Nous rejoignons en cela les résultats de l’étude de Okeke-Ihejirika et Salami (2018) sur des hommes immigrants africains. Dans leur recherche, certains participants avouent avoir le sentiment qu’au Canada « l’homme devient femme et la femme devient homme » et « l’homme devient poupée et la femme devient lion ». Avant d’immigrer au Canada, le rôle principal de certains hommes consistait à subvenir aux besoins de la famille et à prendre des décisions familiales. Cependant, la facilité avec laquelle les femmes africaines obtiennent des emplois à leur arrivée au Québec et l’augmentation conséquente de leur pouvoir de négociation économique signifient qu’un bon nombre de maris devront dépendre de leurs épouses pour le soutien financier (Okeke-Ihejirika et Salami, 2018). Cette déprofessionnalisation masculine pèse non seulement sur les finances familiales, mais aussi sur l’estime de soi masculine et l’autorité des pères, avec des conséquences sur la dynamique familiale et sur le modèle de rôle que les pères pourraient fournir à leurs enfants (Kelly, 2021).
Dans le même ordre d’idées, des auteurs relèvent que, en situation d’immigration, le manque de ressources économiques apparaît comme un problème clé pour les pères immigrants dans leur fonction de soutien de la famille (Bergheul et al., 2018 ; Okeke-Ihejirika et Salami, 2018). Dans leur étude qui a concerné de jeunes pères asiatiques, ils soulignent la perception par ces derniers de l’importance de leur rôle central pour « nourrir » la famille en tant que pratiques ordinaires de la paternité. Si la masculinité de l’homme asiatique se reflète dans sa capacité à subvenir aux besoins de la famille, lorsque du fait de l’immigration la femme commence à contribuer de manière significative ou même plus aux finances de la famille, il peut se poser un problème relativement à ce changement de statut de la conjointe (Liu et Concepcion, 2010). Nous comprenons les inquiétudes de nos participants lorsqu’ils évoquent les difficultés rencontrées dans leur processus d’adaptation au Québec, notamment la déqualification professionnelle et le manque d’emploi (Bergheul et al., 2018 ; Bationo et al., 2022), qui entraînent chez certains une perte de pouvoir. Le fait de rencontrer des difficultés quant à ce rôle de pourvoyeur peut influencer l’exercice de la masculinité de certains pères. Selon des chercheurs (Bationo et al., 2022), certains rôles (comme s’occuper de l’enfant pendant que la mère est au travail) pourraient affecter le respect inconditionnel dû au père, dont le rôle principal est celui de pourvoyeur économique du foyer. L’obsession du succès constitue un des stéréotypes majeurs de la masculinité qui place le travail au cœur des préoccupations des hommes. Cette conception mesure le degré de masculinité en fonction de la qualité et de la quantité des réalisations d’une personne (Steinberg, 1993).
Redéfinition de la masculinité à travers l’engagement paternel
En nous référant à l’hypothèse selon laquelle les pères qui adhèrent à la masculinité traditionnelle auraient tendance à être moins chaleureux envers les enfants et moins impliqués dans leur vie (Bulanda 2004 ; DeMaris et al., 2011 ; Petts et al., 2018), on peut affirmer que l’immigration entraîne une redéfinition de la masculinité chez ces pères qui vont évoluer dans leur perception de la masculinité puisqu’ils s’engagent davantage auprès de leurs enfants (Bationo, 2021). Ce constat est similaire aux résultats d’autres travaux de recherche qui montrent que les pères immigrants sont, par exemple, plus impliqués dans les soins physiques de l’enfant (Bationo, 2021 ; Bationo et al., 2022). Cette situation s’explique par le fait que les perceptions des pères évoluent après leur arrivée au Québec. Ils se découvrent parfois des compétences parentales dont ils n’avaient pas nécessairement conscience, notamment en matière de responsabilité familiale. Ils prennent ainsi plus de place dans la vie de leurs enfants et s’ajustent pour le bien-être de la famille. Ils ont l’occasion de passer plus de temps avec l’enfant, de vivre avec lui, de l’accompagner plus au niveau affectif et émotionnel à travers ce que Castelain-Meunier (2019) appelle « une paternité relationnelle impliquée ». Si certains pères immigrants priorisent leur rôle de pourvoyeur plutôt que la proximité avec leurs enfants, plusieurs études rapportent le développement d’une relation parentale plus intime après l’immigration entre le père, sa conjointe et ses enfants (Strier et Roer-Strier, 2010 ; deMontigny et al., 2015 ; Gervais et al., 2015 ; Bationo, 2021).
Tout compte fait, le processus migratoire engendre une perte de rigidité des stéréotypes masculins en permettant aux pères de s’engager davantage dans la vie de leurs enfants, notamment dans les soins de base (Ball et Daly, 2012 ; Bationo et al., 2022), comme nous pouvons l’apercevoir dans ces propos :
« Oui, oui, ça, je vois ça, pour le garçon, je change aussi les couches de ma fille. C’est moi je le fais le plus souvent, surtout la nuit, c’est moi je le change, et puis même dans la journée, quand ma femme est là. Ma femme, quand elle ne surveille pas ça beaucoup, mais moi je surveille ça, changer les couches et les laver. La fille, c’est quand peut-être elle est sale un peu-là, quand elle fait ses besoins dans les couches, quand j’enlève, je la nettoie, je la lave. Je ne dérange pas ma femme, bon quand je suis là, c’est moi je fais ça » (AF10).
Cependant, la tension demeure entre l’engagement paternel et la masculinité dans la mesure où une hiérarchie persiste socialement entre les différentes formes de masculinités, selon qu’elles soient dominantes ou marginalisées (Ball et Daly, 2012). D’après ces auteurs, l’engagement paternel perturbe progressivement les assises de la masculinité hégémonique d’un point de vue individuel et collectif en ouvrant la voie à de nouvelles formes de masculinité.
Masculinité et rôle de pourvoyeur du père : partage des rôles comme moyen d’adaptation au contexte québécois
À leur arrivée au Québec, la conception des rôles au sein du couple évolue puisque les situations familiale et professionnelle changent. Par exemple, si la mère se trouve un emploi, ou si les deux parents sont aux études ou se séparent, le père n’est plus en mesure d’accomplir uniquement le rôle de pourvoyeur. Il doit désormais s’occuper beaucoup plus de l’enfant, donc plus engagé auprès de ce dernier. Ainsi, les pères immigrants se retrouvent à réaliser certaines tâches qui ne sont pas traditionnellement effectuées par le père dans leur société d’origine. Ces affirmations sont soulignées par les propos des pères suivants : « Il est impossible de tout laisser entre les mains de l’autre partenaire. […] Même si, de manière naturelle, les soins sont naturellement plus donnés par la maman, j’essaie en permanence de prendre ma place […] je ne la laisse pas s’occuper de la popote et puis de l’enfant. Si elle s’occupe de la popote alors je m’occupe de l’enfant » (AS 3). « Je n’ai pas de rôle cantonné… Je crois qu’un père peut assumer tous les rôles : d’un père et d’une mère, des deux parents, comme une mère peut assumer les deux rôles donc là-dedans je ne suis pas… je n’ai pas de rôle défini » (EU4). Cette prise de conscience du partage de responsabilité apparaît chez les pères peu importe leur origine.
L’environnement social, dans une société plus égalitaire, favorise cet état de choses. On assiste à un profond mouvement de changement touchant le masculin, permettant une plus grande flexibilité des identités, au travers duquel le masculin se resitue et notamment en ce qui concerne la paternité, autour de l’importance du lien, de l’interaction, de la communication. Les pères au foyer qui prennent en charge un rôle traditionnellement féminin, renonçant par le fait même au travail salarié, et transgressent les normes de genre (Chatot, 2017) en sont une illustration. Les propos de ce père d’Amérique latine nous le démontrent : « Non, non, non. Normalement c’est le contraire. Toutes les choses ont changé à ce moment-là aussi parce qu’avec le fait qu’elle travaille et moi non ou moi je travaille et elle, non donc, normalement c’est plus moi qui s’occupe de la maison » (AL9).
Par ailleurs, le père n’a plus cette grande responsabilité d’être le seul pourvoyeur économique de la famille. Cette caractéristique de validation de sa masculinité va être retravaillée pour répondre aux standards du nouvel environnement et à la nouvelle perception du rôle de l’homme comme nous l’observons dans ces différents propos : « La différence entre le rôle de père et le rôle de mère, je ne la ressens pas aujourd’hui » (EU 2). « I think we are sharing the responsibilities. It is not the same as the old time. The mothers use to take care of the children and the father taking care of the financial you know. Now, I am more of a…I am taking time. I am bathing my daughter every once in a while, when my wife is cooking and things like that. It is a give and take and things like that » (AS3). En ce sens, le rôle de pourvoyeur n’a pas comme unique fonction de répondre aux besoins de la famille. Il constitue également une opportunité pour incarner dans le quotidien des valeurs qui peuvent être associées au travail, tel que le sens des responsabilités ou l’égalité homme-femme, et de les transmettre aux enfants (Cannito, 2020). Cette situation contribue à faire baisser la tension chez l’homme, même si elle n’est pas toujours facile à accepter et à gérer par ce dernier.
Conclusion
Le rôle de pourvoyeur reste un facteur important dans la perception de la masculinité par nos participants, comme le montrent aussi différentes études, particulièrement en Afrique et en Amérique latine (Roopnarine et Hossain, 2013 ; Shwalb et al., 2013 ; Roopnarine et Tamis-LeMonda, 2015 ; Leyendecker et al., 2018). Dans ces sociétés où la survie constitue une question courante, le père se définit par sa capacité à combler les besoins alimentaires de la mère et de l’enfant, à assurer la sécurité de la famille en la protégeant des dangers éventuels (Super et Harkness, 1992). Dans cet environnement, la paternité est perçue comme une confirmation de la masculinité qui s’exprime par la capacité du père à répondre aux besoins de sa famille, à assumer ses responsabilités. La question de l’emploi est très importante dans un contexte d’immigration en particulier, et renforce la fonction de pourvoyeur. Si les pères trouvent des emplois conformes à leurs aspirations, ils ont tendance à s’adapter aux exigences du pays d’accueil. Au contraire, s’ils sont confrontés au chômage ou même à la discrimination, les pères immigrants sont susceptibles de vivre de profonds conflits avec leur masculinité et leur identité paternelle.
La perception de la masculinité et du rôle du père connaît une évolution en raison de l’immigration avec une possible modification de l’identité masculine et paternelle. L’identité paternelle étant soumise aux influences sociales et culturelles, le processus migratoire et l’adaptation dans une nouvelle société (parfois très différente de la société d’origine) vont engendrer un démantèlement et une restructuration de l’identité masculine qui aboutit à la création d’un espace conjugal et parental (Naziri et De Coster, 2006). Le développement de l’identité paternelle se présente comme un processus de négociation : négociation face à son histoire personnelle et aux normes culturelles qui entourent le père, négociation avec sa famille d’origine, avec ses amis et avec son milieu professionnel et enfin, négociation avec sa conjointe pour avoir une place au sein du couple parental et auprès de l’enfant. Étant divisés entre la fidélité à leur propre identité culturelle de père et la nécessité de s’adapter aux attentes et demandes concernant les pères du pays d’accueil, les pères immigrants doivent développer une identité paternelle et une identité masculine à leur mesure (Dyke et Saucier, 2000). Les participants à cette recherche le montrent à travers l’engagement auprès de leurs enfants et la redéfinition des rôles au sein de la famille, donc de leur paternité et de leur masculinité.
Cette étude comporte des limites. Même si le nombre de participants est appréciable et diversifié, les résultats ne peuvent pas être généralisés à tous les pères avec des caractéristiques similaires. Le groupe asiatique est sous-représenté avec seulement trois participants (le recrutement a été particulièrement difficile pour cette catégorie). Les comparaisons entre différents groupes sont un peu complexes dans une étude qualitative. Une perspective quantitative nous aurait permis de mieux cerner les différences ou les similitudes dans les perceptions des pères en fonction de certaines variables ou caractéristiques sociodémographiques.
Au-delà de ces limites, cette étude pose les bases des réalités vécues par des hommes et des pères immigrants et sur lesquelles il est important d’investiguer davantage. Les résultats auxquels nous sommes parvenus indiquent des difficultés en lien avec l’identité paternelle et la masculinité en situation d’immigration, mais aussi la capacité des hommes à se réinventer et à s’investir autrement dans l’épanouissement de leur famille à travers l’engagement paternel et le partage de responsabilités dans la famille entre homme et femme. Les différentes observations montrent la nécessité de tenir compte de la masculinité dans la prise en charge et dans l’élaboration des programmes destinés aux pères immigrants. Enfin, elle ouvre des pistes de recherche pour mieux comprendre certains types de paternité comme l’identité paternelle hybride.
Parties annexes
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