Résumés
Résumé
Ce texte porte sur le veuvage entendu au sens large : celui de personnes mariées, non mariées ou remariées, qui ne sont pas considérées comme des veufs au sens de l’état civil. Il s’intéresse plus particulièrement au veuvage précoce.
Une réflexion globale sur les catégories sociodémographiques montre la nécessité de moderniser la catégorie veuvage pour tenir compte du démariage.
Les résultats de deux enquêtes menées en France sont exposés : la première, quantitative, révèle qu’un cinquième des veufs et un tiers des jeunes veufs sont habituellement effacés des statistiques. La seconde, qualitative, explore la réalité du décès au sein des couples et le statut de veuf aujourd’hui.
Mots-clés :
- veuvage,
- veuvage précoce,
- décès,
- droit,
- monoparentalité,
- uniparentalité
Abstract
This article examines widowhood in its broadest sense, i.e., the widowhood of married, unmarried, or remarried persons, who are not usually considered widows or widowers in the sense of civil status. In particular, it focuses on early widowhood.
A wider consideration of sociodemographic categories demonstrates the need to modernize the definition of “widowhood” to include annulment.
The article presents the results of two surveys carried out in France: the first, quantitative, survey shows that one-fifth of widows and widowers and one-third of young widows and widowers frequently do not appear in statistics. The second, qualitative, survey explores the reality of death among couples and the status of the widow and widower today.
Keywords:
- widowhood,
- early widowhood,
- death,
- law,
- single parenthood,
- uniparenthood
Corps de l’article
Introduction
Cette recherche est née d’un constat étonnant. Le veuvage est une expérience humaine majeure et un phénomène social d’une grande importance, entrainant toute une série de réorganisations douloureuses pour le survivant et, souvent, pour ses enfants et son entourage. Il peut survenir à tous les âges de la vie. Toutefois, il est très difficile à appréhender et même à dénombrer.
En effet, l’essentiel des recherches sur le veuvage contemporain est consacré aux personnes âgées. D’autre part, tous ces travaux sont centrés sur les personnes qui étaient mariées ; ils ne traitent pas du veuvage de concubins[1]. Or, on ne peut ignorer le fait que des couples de personnes non mariées peuvent aussi être rompus par le décès.
Le veuvage est difficile même à dénombrer, car, dans les études, on nomme « veuf » en général celui qui l’est au sens de l’état civil, ce qui ne permet de comptabiliser ni le décès du ou de la partenaire dans les couples de concubins, ni la perte du premier conjoint chez les personnes remariées. On perçoit ici un paradoxe : alors que pour la France l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) et l’Institut national d’études démographiques (Ined) ont tant œuvré afin de moderniser la catégorie « couple » et ont conduit, depuis les années 1980, des enquêtes qui ont permis d’appréhender les différentes formes d’union, avec ou sans mariage, le veuvage est dans l’immense majorité des études resté défini par l’état civil : avoir perdu un conjoint avec lequel on était marié et ne s’être pas remarié. La rupture par décès du couple non marié et l’expérience de la mort du conjoint sont donc tout simplement effacées. Ainsi, la catégorie du veuvage a été l’oubliée de la modernisation des catégories sociodémographiques, alors même qu’il paraît fort peu probable que le phénomène du démariage (Théry, 1993) et sa traduction en termes d’augmentation des unions libres, des ruptures du couple et des recompositions n’ait pas transformé en profondeur le veuvage lui-même comme fait social. D’où notre intérêt à éclairer de façon globale la perte du conjoint, que le couple soit marié ou non, et notre proposition : réparer cet oubli en étudiant le veuvage au sens large, c’est-à-dire en considérant l’ensemble des ruptures par décès des couples.
Cette approche permet de montrer qu’en France (Enquête Étude de l’histoire familiale 1999) 16,5 % des veuvages, soit 770 000 personnes, sont habituellement effacés des statistiques officielles parce que les couples vivaient en concubinage au moment du décès (Delaunay, 2005a) et que 110 000 personnes n’apparaissent pas dans les chiffres publics parce qu’elles se sont mariées ou remariées depuis le décès.
Le traitement statistique habituel rend plus invisibles encore les veuvages précoces qui touchent les générations plus jeunes, marquées par le démariage (et dont la probabilité de se remettre en couple est d’autant plus élevée que le décès intervient tôt). En effet, l’observation du veuvage à partir de l’état civil rend compte d’une pyramide des âges des veufs et des veuves très incomplète et déséquilibrée, donc peu fidèle à la réalité : plus la classe d’âge considérée est jeune, plus les effectifs de conjoints en concubinage lors du décès sont importants.
Ainsi, selon l’enquête « Étude de l’histoire familiale » de l’Ined (EHF99), en 1999, parmi les jeunes veufs de moins de 55 ans, la proportion de personnes non mariées lors du décès était de 21,1 %. (Delaunay, 2013). Cette tendance va en s’amplifiant : selon l’enquête « Étude des relations familiales et intergénérationnelles » (ERFI), en 2005, 29 % des personnes de moins de 55 ans ayant déjà perdu par décès un conjoint vivaient en union libre avec le conjoint décédé (Volhuer, 2012).
Derrière ces chiffres se cache un phénomène de grande ampleur qui concerne entre 360 000 personnes (Delaunay, 2005a) et 470 000 personnes (Volhuer, 2012). Il y aurait environ 36 000 nouveaux veuvages précoces par an (COR, 2008). Parmi l’ensemble des veuvages au sens large, 1,3 million de personnes auraient perdu leur conjoint avant d’avoir elles-mêmes 55 ans (Delaunay, 2005a). Ces ruptures de couple concernent en grande majorité – huit fois sur dix – des femmes (Delaunay, 2005 ; Volhuer, 2012). Le veuvage précoce résulte en effet d’une surmortalité masculine précoce record en France (Bouhia, 2008) qui génère l’écart d’espérance de vie entre les deux sexes le plus élevé d’Europe et de nombreux veuvages précoces féminins (Danet, 2011, 2012 ; Delaunay, 2005b). Le veuvage précoce se caractérise par la fréquence des situations de monoparentalité : neuf jeunes veufs[2] sur dix ont eu des enfants avec le conjoint décédé. Au total, on dénombre 90 000 familles monoparentales constituées d’un parent jeune veuf et de son ou ses enfants – soit 190 000 enfants orphelins de moins de 25 ans (Delaunay, 2013).
Le veuvage précoce n’a fait l’objet que de très rares travaux de recherches depuis les années 1980, limités aux études pionnières américaines (Burkhauser et al., 1986 ; Hurd, 1989 ; Lopata et Brehm, 1986 ; Masnick et Bane, 1980 ; Morgan, 1979, 1981, 1987 ; O’Bryan et Morgan, 1989 ; Smith et Zick, 1986, 1988), relayées en France par les travaux du Centre d’étude des revenus et des coûts (Borrel et Madinier, 1987 ; Borrel etal., 1989). S’il a récemment suscité un vif intérêt (Delaunay, 2004, 2005, 2006, 2009, 2013 ; Volhuer, 2012) et attiré l’attention des pouvoirs publics étudiant l’élargissement des critères d’attribution des pensions de réversion réservées en France jusqu’ici aux seuls couples mariés (COR, 2008), il reste largement sous-exploré.
Notre ambition est donc ici d’éclairer cet aspect encore largement méconnu du paysage familial contemporain et de poser sur la perte du conjoint ou de la conjointe un regard neuf, en mettant au centre de notre réflexion la relation entre le changement des configurations du couple et de la famille, l’évolution de la perception sociale du veuvage et le vécu des personnes.
Cette exploration est réalisée à partir de deux dimensions complémentaires : la première est l’étude du veuvage au sens large, et partant le veuvage « de fait » ignoré des statistiques et des travaux de recherche. Croisant une approche sociojuridique et sociodémographique, elle commence en posant une question apparemment simple, « qu’est-ce qu’un veuf ? », pour montrer l’extraordinaire poids culturel et sociétal de la définition du veuvage au sens de l’état civil.
Le veuvage précoce constitue la seconde dimension de ces investigations parce qu’il éclaire les transformations profondes du veuvage dans son rapport aux changements familiaux. Au travers du prisme de générations plus récentes, il montre que l’expérience du veuvage et sa place dans les itinéraires biographiques des individus sont en train d’évoluer parallèlement aux transformations majeures des formes de vie conjugale et des comportements familiaux. En outre, il concentre les questions de la modernisation du veuvage : il soulève des problèmes de droits entre conjoints mariés et non mariés, entre parents et non-parents. Il pose aussi le problème du rapport entre couple et filiation dans les politiques sociales qui, d’un côté, ne reconnaissent comme veufs ou veuves que les personnes qui étaient mariées, et, de l’autre, accordent des prestations à tous les enfants ayant un parent décédé, peu importe l’âge et la situation matrimoniale du parent survivant au regard de l’état civil – au nom du principe de filiation qui n’établit pas de différence entre les droits des enfants (Delaunay, 2004).
Le veuvage précoce est aussi une question sociale très importante en France du fait du traitement qui lui est réservé par les dispositifs sociaux : en France, les veufs de moins de 55 ans ne bénéficient pas des mêmes droits que ceux de plus de 55 ans, et ces droits, quel que soit l’âge, sont accordés de façon très restrictive.
Pour lever le voile sur cette réalité, nous avons choisi de recourir à deux enquêtes. La première, quantitative, résulte d’une exploitation inédite de l’Enquête Famille 1999 de l’Ined s’intéressant aux différences entre les générations de personnes devenues veuves jeunes, avant 55 ans, selon qu’elles ont vécu leur veuvage avant ou après les grandes transformations de la famille des années 1970 et 1980.
La seconde est une enquête par entretiens, réalisée auprès de 28 jeunes veufs et veuves, dont 24 femmes et 11 concubins. Elle s’intéresse au statut de veuf dans notre société, au tabou social du veuvage, au regard posé sur le veuvage quand il est précoce, et enfin à l’expérience vécue par les jeunes veufs eux-mêmes, suivant leur statut matrimonial au décès et leur accès aux droits sociaux spécifiques, qui influencent aussi, dans une certaine mesure, leurs conditions de vie et leur niveau de ressources et de pauvreté.
Le veuvage oublié
Le veuvage de fait, oublié des travaux de recherche
L’étude de la littérature anglo-saxonne et européenne sur le veuvage rend compte d’un objet d’étude assez tardif, relativement à l’abondance de travaux consacrés à la famille, engagés dès le milieu des années 1970. Si la sociologie historique s’y intéresse la première, dès le début des années 1990 (Blom, 1992), il faut attendre le tournant des années 2000 pour que de nombreuses études sur la vieillesse fassent naitre l’intérêt autour de la question du veuvage contemporain. Ces études le dissocient du veuvage de guerre et de la question du deuil, et permettent alors de dégager un consensus sur le cadre général, inscrivant la perte du conjoint dans la question du vieillissement. L’allongement de l’espérance de vie, la découverte du quatrième âge conjuguée à l’arrivée dans les générations de séniors des baby-boomers d’après-guerre ébranlent les stéréotypes de la vieillesse (Attias-Donfut, 2001a) et modifient profondément l’étude du veuvage : modes de vie, solitude, mise en couple, accès aux nouvelles technologies de l’information et de la communication, modes de consommation, redéfinition des liens intergénérationnels s’ajoutent au débat sur les retraites (Attias-Donfut, 2001b, 2002 ; Attias-Donfut et al., 2002 ; Bonnet, 2007 ; Caradec, 2001, 2003, 2007, 2009 ; Caradec et al., 2007 ; Delbès et Gaymu, 2002, 2005, 2006, 2011 ; Gaymu, 2006 ; Hoonaard, 2001 ; Monnier, et Pennec, 2001, 2004).
Cependant, le problème qui apparaît est que l’augmentation de l’intérêt pour le veuvage tardif ne signifie pas l’apparition de travaux sur la modernisation du veuvage. À travers tous ces travaux, on perçoit que le veuvage est devenu un nouvel objet d’étude, mais qu’il n’est pas encore inclus dans les recherches qui traitent de la transformation de la famille, du couple et de la parenté alors même que la perte du conjoint est un phénomène qui fait parti de ces grandes évolutions. Dans l’ensemble, la sociologie de la famille n’a pas modernisé son approche du veuvage.
De l’état civil aux enjeux de droit (civil et social) : la situation juridique du veuvage
Comment le droit prend-il en compte l’ensemble des situations qui suivent le décès du conjoint, avec ou sans mariage ?
Le veuvage et les perplexités du droit civil
Sur le plan juridique, en France, est veuve une personne qui a été mariée, dont le conjoint est mort, et qui n’est pas elle-même remariée. La précision et la simplicité de cette catégorie matrimoniale qui remonte aux origines de l’état civil ouvrent la voie à beaucoup de questions juridiques, notamment dans la façon de rendre compte de l’expérience du veuvage dans le contexte plus général des évolutions du droit civil qui consacrent la refonte du modèle traditionnel de la famille à partir des années 1960, tandis que le mariage se privatise – au sens où se marier, ne pas se marier, se démarier est désormais une question de conscience personnelle – et que la filiation devient le principe de référence dans le droit de la famille.
Si tous les veufs au sens large ont en commun de partager l’expérience de la mort de leur conjoint, les veufs de fait ne sont pas reconnus comme des veufs par le droit civil et par le droit social. La définition de veuf ou de veuve au sens de l’état civil offre donc un contraste important avec l’usage beaucoup plus complexe et plus large de la référence au veuvage en droit. Le droit civil a acté beaucoup d’évolutions dans le champ de la conjugalité et de la famille, dont l’évolution de la définition du couple, élargi aux personnes mariées et non mariées avec la loi de bioéthique du 29 juillet 1994. Cette définition a été consacrée par la loi sur le pacte civil de solidarité de 1999, et, par ailleurs, vient d’être modernisée dans le droit civil français avec l’ouverture du mariage aux couples de même sexe par la Loi du 17 mai 2013. Du fait de l’élargissement de la notion de couple, la question des ruptures qui peuvent survenir dans un couple, séparation et décès, se trouve posée de façon « élargie » elle aussi.
Pour régler des situations qui dépassent largement l’état matrimonial de veuvage, qui ne recouvre pas toutes les expériences du décès du conjoint, le droit civil est contraint d’évoluer en s’éloignant de la notion de veuvage. Il recourt alors à d’autres notions comme le conjoint survivant, le conjoint successible ou encore le concubin survivant et le partenaire survivant. Ces notions qui ne se superposent pas exactement à la notion de veuf au sens de l’état civil reconnaissent l’évènement qu’est le décès du conjoint et permettent de régler des situations de la vie sociale.
À cela s’ajoute la pratique judiciaire, qui, d’une certaine façon, reconnait les faits sociaux. Celle-ci a fait évoluer le droit civil, en reconnaissant l’expérience du veuvage que font les concubins et les partenaires liés par un pacte civil de solidarité parce que les concubins portent leurs situations privées devant la justice dans la mesure où les Codes (Code civil, Code de procédure civile, Code la sécurité sociale, Code des pensions civiles et militaires, etc.) ne traitent pas directement de leur situation soit de la mort de leur conjoint (Rubellin-Devichi, 1986 ; Fulchiron et al., 2011). Ainsi, alors qu’en théorie, la cessation du concubinage par décès devrait n’impliquer aucune conséquence juridique (c’est le cas en matière de succession), en matière de décès accidentel, ou encore de droits à indemnisation, cette règle ne prévaut pas du fait que de nombreux concubins ont porté leurs difficultés ou leurs litiges devant la justice, mettant les tribunaux en situation de devoir les résoudre.
La définition actuelle du veuvage en droit social
Ces tensions traversent aussi le droit social, qui donne une définition du veuf à travers les dispositifs prévus en cas de décès. Le droit de la sécurité sociale, dans sa branche vieillesse, met en place deux niveaux de prise en charge en cas de veuvage : le régime de base prévoit une allocation de veuvage et une pension de réversion, qui peut être complétée à un second niveau de couverture sociale par les pensions de réversion des régimes de retraite complémentaires (Association générale des institutions de retraite des cadres (Agirc), Association des régimes de retraite complémentaire (Arrco) et régimes spéciaux). Pour les fonctionnaires, il n’y a qu’une seule pension de réversion, car le système public est constitué d’un seul niveau : la distinction entre régime de base et complémentaire n’existe pas dans la fonction publique.
En dépit de la diversité extrême de ces régimes, la notion de veuf peut être approchée précisément : qu’il s’agisse de la pension de réversion du régime général de la sécurité sociale ou du régime des fonctionnaires, de l’assurance veuvage, ou encore des pensions de réversion de régimes de retraite complémentaires, tous ces dispositifs ne reconnaissent comme veuves seulement les personnes qui ont été mariées et excluent de leur bénéfice les concubins.
La jurisprudence est, par ailleurs, constante en la matière : la catégorie de conjoint survivant, employée par les systèmes sociaux, désigne toujours et sans exception des personnes qui étaient mariées. Il a ainsi été estimé qu’un juge a fait droit à tort à la demande de pension de réversion formulée par une concubine alors qu’il résulte de la règlementation de l’Agirc et de l’Arrco que seuls peuvent bénéficier d’une pension de réversion les conjoints survivants (Cours d’appel de Paris, chambre 4, 2 déc. 1992 : JurisData n° 1992-024150).
Mais le droit social s’émancipe de cette définition à travers la notion d’ayant droit permettant, par exemple, une indemnisation du concubin en cas d’accident du travail ou, plus généralement, l’accès du survivant au capital décès (article L 161-14 depuis la loi de 1978).
L’oubli de la catégorie veuvage dans l’effort de modernisation des catégories sociodémographiques
La définition du veuvage comme état matrimonial a été reprise par les sociodémographes de sorte que les statistiques démographiques portant sur le veuvage sont, aujourd’hui encore, établies à partir de l’état civil. Celles-ci ne rendent donc pas compte du veuvage de concubins ni de celui des personnes mariées ou remariées après le décès.
On perçoit ici un paradoxe : alors que les transformations du couple contemporain ont entrainé un important effort d’adaptation des catégories statistiques et de l’analyse sociodémographique, cet effort reste encore à accomplir quand le couple est rompu par décès. La perte par décès d’un conjoint non marié est tout simplement effacée et non prise en compte. Dans ce cas, la prévalence des catégories de l’état civil est entière et les enquêtes quantitatives ne saisissent le veuvage que comme un état supposant à la fois un mariage antérieur et l’absence de remariage. Une telle approche, qui laisse entièrement de côté le phénomène du concubinage et des familles naturelles, crée une situation très surprenante, sinon anachronique : alors qu’aucune étude sociologique ou démographique ne réduit la catégorie « couple » à celle de couple marié, c’est le cas lorsqu’il est question de veuvage, qui fait figure d’oublié de la modernisation des catégories sociodémographiques.
Il est ici nécessaire de comprendre que cet oubli n’a été ni perçu ni voulu par les chercheurs eux-mêmes : il révèle la prégnance de la figure du divorce dans le démariage. D’une façon générale, l’augmentation des divorces et des séparations est un phénomène majeur qui a entrainé avec lui l’idée qu’il absorbe la rupture du couple. À cela s’est ajouté le fait que, en proportions, la comparaison entre le divorce, les séparations et le veuvage a joué nettement en défaveur du veuvage (Algava, 2003),car on n’a perçu que l’importance relative du veuvage à un moment où le divorce et les séparations croissaient de manière significative.
Cet oubli résulte aussi, dans une certaine mesure, du succès de la notion de monoparentalité dont l’émergence a incontestablement été un progrès dans l’analyse sociodémographique : elle a donné un nouvel outil pour désigner un type de familles et non plus des individus sur lesquels la société jetait un regard réprobateur ou plein d’admiration selon l’origine de la monoparentalité. En effet, la substitution famille/individu a trouvé pour partie sa justification dans la volonté de rendre invisible la « hiérarchie de la dignité » (Lefaucheur, 1984) qui opposait, dans un passé récent, les différentes formes de monoparentalité recouvrant tour à tour les veuves de guerre méritantes, les mères seules en difficulté, les prostituées, les veuves éplorées et les fille-mères abandonnées. Cet héritage très pesant était accentué par la référence à la religion et à la guerre. L’opposition entre les veuves et les autres femmes seules a été résorbée par la catégorie monoparentalité qui a donné une certaine dignité aux mères isolées, deux figures stigmatisées de la grossesse hors mariage et du divorce. Mais l’un des effets involontaires de cette catégorie nouvelle a été l’oubli du veuvage, que la sociodémographie a indirectement contribué à rendre invisible tout en minorant le phénomène du veuvage précoce, absorbé dans une catégorie générique ne permettant plus son repérage, car effaçant l’origine de la monoparentalité.
L’invisibilisation d’une question sociale importante : le veuvage précoce
Il est ici important de revenir sur l’invisibilisation du veuvage précoce. Elle pose d’autres questions que la simple disparition d’un fait social.
Certes, le veuvage précoce paraît être une situation dépassée : il cumule l’invisibilisation propre au veuvage et d’autres phénomènes : d’une part, la disparition de notre vie quotidienne de ses causes dans le passé, celles que Jean Dupâquier (1997) a baptisées les trois fléaux de l’Apocalypse – la peste, les famines et les guerres – et, d’autre part, tous les stéréotypes sociaux entourant la perte du conjoint. Il faut dépasser le premier mouvement d’évocation de la veuve et de l’orphelin, des veuves de guerre, de la veuve joyeuse et du veuf inconsolé, pour s’affranchir des évidences et des prénotions, et faire du veuvage précoce un véritable objet d’étude.
Aujourd’hui, en France, le veuvage précoce constitue une question sociale, porteuse d’enjeux sociaux et politiques. Il pose d’autres problèmes que le veuvage en général. Nous comprenons tous spontanément et intuitivement qu’être veuf dans la jeunesse ou dans la vieillesse n’est pas identique. Dans le roman autobiographique LePremier Homme, Camus emploie une belle expression : il parle des défunts qui se trouvent « dans l’âge de la mort ». Il oppose les personnes qui décèdent à un âge avancé, dont la mort ne nous surprend pas, même si elle nous affecte, à celles qui décèdent trop tôt – comme son propre père, qui est mort très jeune et dont Camus parle à un moment où il est lui-même plus âgé que lui. Le veuvage précoce pose des questions relatives aux enfants et à l’organisation familiale, des questions relatives à l’emploi et à la situation économique du survivant ou de la survivante.
Par-delà ces traits évidents, la singularité du veuvage précoce réside dans une dimension beaucoup moins connue : le traitement qui lui est réservé par les dispositifs sociaux. En effet, le droit social organise une distinction – pour une partie très importante de la population, celle des salariés – entre les veufs de plus de 55 ans et les veufs de moins de 55 ans, en appliquant un seuil d’âge pour l’obtention des droits : les dispositifs de réversion prévoient pour les jeunes veufs des conditions plus strictes que pour les veufs de plus de 55 ans, notamment pour ce qui est du nombre d’enfants à charge. Quant à l’assurance veuvage, qui est une allocation réservée aux jeunes veufs dans l’attente du versement d’une pension de réversion à l’âge de 55 ans, elle n’est versée que pour une durée de deux ans, ou de cinq ans si le jeune veuf a 50 ans, et est soumise à un plafond de ressources qui, dans les faits, exclut une très grande majorité de conjoints survivants de son bénéfice.
À cela s’ajoutent les conséquences du phénomène général de démariage, des transformations familiales et conjugales, de l’union libre et des remises en couple. Puisque le droit social ne reconnait comme des veufs que les conjoints qui étaient mariés, ces droits sont refusés aux concubins. Notons, que ce principe est général : dans le régime des fonctionnaires, qui n’établit aucun seuil d’âge, le droit à une pension de réversion est également réservé aux seuls conjoints mariés.
Cela signifie, d’une part, que dans ces générations marquées par le démariage, davantage de conjoints non mariés sont exclus des droits sociaux spécifiques et, d’autre part, que ceux qui répondent à la condition de mariage se voient appliquer des conditions supplémentaires du seul fait de leur âge. En effet, ils ne peuvent bénéficier d’une pension de réversion immédiatement, sauf s’ils ont deux enfants à charge – condition d’autant plus difficile à remplir que le veuvage est précoce : 10 % des veufs de moins de 55 ans n’ont pas eu d’enfant et 24 % n’en ont eu qu’un (Delaunay, 2013). Le veuvage avant 55 ans pose donc très concrètement la question des droits sociaux dérivés auxquels les conjoints survivants peuvent recourir pour faire face financièrement : ceux pour lesquels leur propre conjoint décédé avait cotisé précisément au cas où il mourrait prématurément, c’est-à-dire avant l’âge de la retraite et l’entrée en jouissance de ses droits à pension.
Cette construction de la précocité par les systèmes sociaux, par différence avec le veuvage « normal » (normalement pris en compte), fait donc du veuvage précoce une question sociale à part, dans un contexte où les asymétries sexuées face à la mort renforcent, d’une part, les inégalités entre hommes et femmes et, d’autre part, les inégalités sociales tandis que les droits sociaux spécifiques au veuvage excluent les conjoints non mariés.
Un autre récit du veuvage et du veuvage précoce
Veuvage et veuvage précoce : une redéfinition des catégories sociodémographiques
Un autre récit du veuvage et du veuvage précoce est possible : celui du veuvage au temps du démariage. Il passe par le renouvellement des catégories sociodémographiques, avec deux propositions formulées dans une recherche publiée en mars 2005 par l’Ined (Delaunay, 2005a), rendant compte de toutes les situations et intégrant les transformations de la famille, du couple, de la filiation et de la parenté : d’une part, définir le veuvage par la perte du conjoint, quel que soit le type de couple (marié, en concubinage, pacsé, de même sexe ou de sexe différent) ; définir ensuite le veuvage comme un évènement biographique en distinguant les veufs seuls et les veufs à nouveau en couple.
Ces deux propositions sont complétées par une troisième : distinguer les « veufs précoces » (les veufs qui ont perdu un conjoint avant d’avoir 55 ans) des « jeunes veufs » qui ont toujours moins de 55 ans au moment de l’enquête. Cette distinction permet, s’agissant des « veufs précoces », de rendre compte de l’expérience du veuvage précoce parmi l’ensemble des veufs et de souligner l’ampleur de la surmortalité prématurée au cours des époques. D’autre part, en isolant les « jeunes veufs », nous pouvons nous intéresser aux personnes qui sont toujours en dessous du seuil de précocité et qui, de ce fait, se trouvent dans une situation spécifique au regard des droits sociaux.
Le veuvage au temps du démariage
L’exploitation originale de l’« Enquête Famille 99 » (EHF99) de l’Ined permet de mobiliser des données sur ces catégories sociodémographiques nouvelles en observant le veuvage au sens large, autant les veufs de fait que les veufs selon l’état civil, ainsi que le veuvage précoce, à travers les jeunes veufs et les veufs précoces. En effet, l’Enquête Famille 99, élaborée pour rendre compte des transformations familiales et conjugales, permet d’appréhender au niveau national la distribution des couples mariés et non mariés. Associée au recensement depuis 1954, elle vise à suivre les évolutions des structures familiales, à travers un questionnaire rétrospectif et à caractère biographique qui relève la chronologie des individus. L’EHF99 permet une exploitation des données transversales en dénombrant et en observant une population à travers la situation des individus à la date de l’enquête. Elle permet aussi d’établir des données rétrospectives et d’établir le parcours biographique des individus à travers des données datées avec précision.
L’enquête « Étude de l’histoire familiale », qui vient compléter le recensement de la population de mars 1999, a interrogé 380 000 personnes, hommes et femmes vivant en domicile ordinaire. Alors que jusqu’en 1990, les personnes de plus de 64 ans n’étaient pas interrogées, le questionnaire de l’enquête Famille de 1999 s’est adressé également aux personnes âgées, rendant possible l’étude des mouvements démographiques de la France en remontant au-delà du baby-boom.
Partant de notre hypothèse de départ selon laquelle il faut resituer le veuvage d’aujourd’hui dans les grands bouleversements de la famille et du mariage, nous avons mobilisé des données inédites contrastant la situation des jeunes veufs et celle des veufs précoces en France. Cette étude vise à montrer les différences qui existent en fonction des tranches d’âges et des générations considérées. En effet, les veufs précoces sont constitués de la population des jeunes veufs qu’elle inclut, mais aussi de personnes plus âgées, qui sont nées avant 1944 et qui ont connu le veuvage dans d’autres circonstances historiques et dans une autre représentation du mariage.
On trouve avant tout de la continuité entre jeunes veufs et veufs précoces, en particulier s’agissant des proportions de parents et de femmes : 9 sur 10 ont eu des enfants, 8 sur 10 sont des femmes (Delaunay, 2005a).
Mais on relève aussi des disparités entre jeunes veufs et veufs précoces, et c’est le sens de celles-ci qu’il nous faut interroger. Plusieurs grandes différences existent. Elles concernent d’abord le nombre des unions. Les jeunes veufs ont une vie moins linéaire : 40 % d’entre eux ont vécu deux unions successives contre 30 % des veufs précoces. La tendance à créer une nouvelle union après veuvage est aussi moins marquée chez les veufs précoces (29 % se sont remis en couple) que chez les jeunes veufs (33 %) qui ont vécu leur veuvage dans les années 1970 et 1980, caractérisées par un nouveau régime matrimonial et par une « mobilité matrimoniale » plus importante.
Une autre différence s’exprime dans le statut de l’union rompue par le décès : les veufs précoces ont plus souvent perdu un conjoint avec lequel ils étaient mariés – c’est le cas de 85,5 % d’entre eux – tandis que les jeunes veufs qui appartiennent aux générations marquées par l’union libre ont beaucoup plus fréquemment cohabité : c’est le cas de 67 % d’entre eux lors du décès. De manière générale, l’EHF99 montre que les grandes transformations de la famille des années 1970 se sont traduites par des taux de concubinage de plus en plus élevés au sein des couples. Il n’y a aucune raison à ce que le comportement des jeunes veufs soit différent : les valeurs relevées dans notre exploitation de l’EHF99 montrent que ces transformations ont aussi été vécues par les jeunes veufs. Si l’on observe différentes années au cours desquelles des personnes sont devenues jeunes veufs, on constate que plus les années observées sont récentes, plus la proportion de concubins augmente tandis que la proportion de personnes mariées décroit. Ainsi, parmi les personnes qui sont devenues jeunes veuves en 1978, 95 % étaient mariées et 5 % étaient en concubinage au moment du décès. Dix ans plus tard, en 1988, le pourcentage de jeunes veufs mariés au moment du décès est de 80 %. En 1998, il s’abaisse à 69 %. Certes, le mariage reste un choix majoritaire, mais de plus en plus de couples vivent ensemble sans être mariés.
Les nouvelles unions différencient également les veufs précoces des jeunes veufs. La situation des premiers fait apparaître moins de concubinages (56 %) au décès et davantage de remariages (44 %) que chez les jeunes veufs (63 % de concubinages et 33 % de remariages).
Si l’on avait isolé les veufs précoces de 55 ans et plus, pour envisager les veufs précoces plus âgés, on aurait probablement constaté des différences encore plus marquées en termes de parcours biographique. À travers l’étude des veufs précoces se dessine donc une ligne de partage liée au contexte des grands bouleversements de la famille des années 1970 et 1980 : perdre son conjoint dans le contexte des transformations de la famille au temps du démariage n’est pas la même chose qu’avant le démariage : il y a, en quelque sorte, un veuvage précoce du temps du démariage. Le veuvage précoce sous les traits des jeunes veufs est bien un révélateur supplémentaire des transformations générales de la famille, du mariage et de la filiation.
L’enquête par entretiens : l’expérience du veuvage précoce
Dans un contexte d’invisibilité des veufs de fait et d’oubli du veuvage précoce, nous avons voulu approcher au plus près l’expérience du décès du conjoint au moyen d’une enquête par entretiens semi-directifs. Ces entretiens ont été menés auprès de 28 jeunes veufs (24 femmes et 4 hommes) : 17 sont des veufs au sens de l’état civil et 11 sont des veufs de fait. Cette enquête permet de livrer pour la première fois une description approfondie du veuvage de concubins.
Dans notre échantillon, les écarts d’âge des enquêtés sont importants : la plus jeune des personnes interrogées avait 24 ans au moment de son veuvage. Elle était enceinte ; son fils est né après la mort de son compagnon. La personne la plus âgée a 52 ans. Bien évidemment, cet âge encore jeune, s’agissant du veuvage, est dû aux effets de sélection de notre enquête qui ne s’adresse qu’à des personnes de moins de 55 ans. Les jeunes veufs rencontrés en entrevue sont devenus veufs très récemment, pour certains moins de quatre mois auparavant. Une jeune veuve a vécu l’expérience de la mort de son conjoint 26 ans avant l’entretien, attestant d’un veuvage très précoce.
Les entretiens ont été réalisés auprès de bénéficiaires de minima sociaux de la Caisse d’allocations familiales (CAF) des Bouches-du-Rhône, pour approcher des jeunes veufs ayant eu recours au droit commun sans avoir accès aux dispositifs spécifiques prévus en cas de veuvage précoce. À cela deux raisons majeures : d’une part, parce que les droits sociaux liés au veuvage représentent un des lieux d’expression de la réalité du veuvage précoce et qu’en être exclu doit, par hypothèse, créer des effets en termes de reconnaissance de statut social. D’autre part, parce que l’éviction des jeunes veufs des droits sociaux spécifiques en cas de veuvage précoce, du fait de leur situation au moment du décès – couple non marié, absence d’enfant ou un seul enfant à charge – génère des situations de pauvreté et d’exclusion sociale qui peuvent directement être imputées aux conséquences du décès du conjoint et au statut légal de l’union.
Cette enquête étudie les parcours biographiques de jeunes veufs et veuves à partir de la survenue du décès, pour ensuite se pencher sur le déroulement des obsèques, sur le cadre de vie, sur la question du logement – qui se pose très rapidement –, avant d’aborder la question des enfants et des droits sociaux, liée à celle de la pauvreté découlant de la rupture par décès. Elle permet de plonger au cœur de l’expérience du statut social de veuf : c’est cet aspect qui est exposé ici dans la mesure où il révèle le tabou social du veuvage dans notre société et, de surcroît, la difficulté supplémentaire que représente le fait d’être jeune veuf.
Le tabou social du veuvage
Le statut du veuf et de la veuve a subi une évolution considérable dans l’histoire. Dans le passé, les enjeux se sont longtemps situés dans le maintien du statut de veuf et dans le remariage. L’état de viduité était encouragé. Pour les femmes, il signifiait une certaine émancipation : elles devenaient chef de famille et s’affranchissaient de la tutelle d’un mari. Aujourd’hui, les transformations de la famille, du couple et de la parenté interrogent différemment le statut social des veufs et des veuves. Comment les jeunes veufs vivent-ils leur situation ? Quel regard la société porte-t-elle sur eux ?
Les veufs mariés : la question de la mort dans nos sociétés
Les veufs mariés ont un statut institué par le droit. Lorsqu’on les interroge sur ce que signifie le veuvage pour eux, ces jeunes veufs disent qu’ils se sentent légitimes dans ce statut. Un veuf répond sans hésiter, comme une sorte d’évidence : « Le mot veuvage ? Je trouve que cela décrit bien la situation. Moi je dis : je suis veuf. Ça dit bien que ma femme est morte et que je me retrouve tout seul. » Une veuve indique : « Être veuve ça dit bien ma situation : j’ai perdu mon mari, je suis seule. » Pour ces jeunes veufs, le mot « veuvage » restitue l’expérience de l’évènement qu’est la mort du conjoint, il implique solitude et chagrin.
Ces questions prennent place dans le contexte plus général d’une mort qui est devenue « honteuse et objet d’interdit » (Ariès, 1967), refoulée de notre champ de pensée, désertant la vie familiale. Beaucoup de jeunes veufs mariés ressentent le statut de veuf comme un poids. Selon une jeune veuve, « le veuvage, c’est difficile à porter, déjà ce mot ». Ces jeunes veufs ont le sentiment de ne pas être compris ou encore d’être rejetés au nom de l’interdit de la mort qui a, selon Philippe Ariès, remplacé celui de la sexualité. Ils sont aux prises avec les contradictions d’une attente sociale qui veut que le veuvage soit caché et que, dans le même temps, les veufs ne puissent manifester que de la tristesse.
Une jeune veuve se plaint du regard que posent les autres sur elle et de l’attitude qu’on attend d’elle. Lorsque son mari est mort, pour leurs premières vacances d’été, elle a loué un appartement dans un club familial. Là, elle a été confrontée à des réactions de rejet :
Je suis partie en vacances avec mes enfants aux VVF, dans un environnement familial volontairement, nous sommes encore une famille ! Quand je dis que je suis seule, on me dit : « divorcée ? » Quand je réponds « non, veuve », cela jette un grand froid ! C’est mal perçu. La veuve est renfrognée, triste.
Ces jeunes veufs expriment le sentiment qu’une part de leurs difficultés n’est pas perçue socialement. Ils exposent que leur deuil n’est pas accepté, qu’ils n’ont pas le droit d’être en deuil tout simplement, que rapidement la société attend d’eux qu’ils ne demandent plus d’aide et qu’ils ne manifestent plus leur statut de veuf.
Cette situation instituée de fait par les rapports sociaux actuels tranche nettement avec les us et coutumes qui avaient encore cours au début du vingtième siècle alors que les femmes portaient encore la tenue de « grand deuil » et qu’il était attendu des hommes qu’ils manifestent une certaine affliction (Barrière, 2007). Ces témoignages montrent qu’il n’est plus permis d’exprimer publiquement sa peine, alors que la vie sociale qui était imposée aux veufs et aux veuves dans les siècles passés avait pour fonction de défendre le veuf ou la veuve contre les excès de sa peine, mais aussi de lui permettre de l’exprimer (Ariès, 1966).
Le veuvage des concubins : « Vous n’avez pas droit au veuvage »
Les concubins n’occupent pas la place des veufs qui ont été mariés et qui, de ce fait, ont un statut et une place sociale bien définis. Certains d’entre eux dissocient clairement le statut d’état civil de veuf/veuve du statut social. À la question « Vous considérez-vous comme veuf ? » l’un d’entre eux répond : « Si je me considère comme un veuf ? Bien oui puisque j’ai perdu ma femme. On n’était pas mariés mais on était en couple. Au fond, je suis veuf. »
L’union libre est rarement une forme d’opposition au mariage. Ces concubins appartiennent aux nouvelles générations qui repoussent l’âge des engagements familiaux comme pour mieux réduire le risque de premier divorce. C’est ce qu’exprime une jeune veuve, qui, du vivant de son compagnon, était bien consciente que les droits différaient. Elle se nomme « veuve », car comme elle dit, il n’y a pas d’autre mot dans la langue française pour décrire l’expérience de la perte du conjoint par décès :
Pour moi le concubinage est différent du mariage. On devait se marier après. On voulait être à l’essai, se connaître mieux. Je savais pourtant que je n’avais droit à rien. C’est la loi qui décide, ça n’est pas moi. Déjà quand on était ensemble, je ne savais pas quoi en penser. Je suis veuve aujourd’hui et je n’ai pas le choix. Il n’y a pas d’autre mot.
Au cours de notre enquête, beaucoup de veufs de fait ont révélé souffrir de cette absence de statut qui peut les faire hésiter à se faire appeler veuf ou veuve. Mais davantage qu’être nommés, ils veulent être reconnus et faire l’objet d’attention et de sollicitude. Une jeune veuve explique sa position : « Veuvage ? Non je ne peux pas dire que je suis veuve car je n’étais pas mariée. Je n’ai pas droit à ce titre. Votre lettre, ça m’a fait plaisir : on me reconnaissait enfin. On faisait un peu attention et les personnes étaient sympas. » Une autre jeune veuve a vécu cette exclusion des droits sociaux comme si elle n’avait pas « droit au veuvage ». Le lapsus linguae qu’elle prononce lui permet de prononcer l’interdiction de statut de veuve dont elle est frappée. Elle le découvre lors de sa demande d’allocation veuvage :
L’allocation veuvage, je n’ai pas pu : on est exclu. Je n’y avais pas droit car je n’étais pas mariée. De nos jours pourtant, il y a beaucoup de concubinages. Pour moi, j’étais mariée. Dans ma tête c’est mon mari, surtout quand on a un enfant. Quand on vous dit « vous n’avez pas droit au veuvage, euh pas de droits de veuvage », on se sent abandonné. Pourtant, on avait des preuves comme quoi on était ensemble. On comptait se marier, c’était prévu.
De fait, cette jeune femme verbalise ce que de nombreux concubins expliquent longuement : les droits de veuvage donnent le droit au veuvage. Une jeune veuve dit aussi : « Pour les prestations sociales on n’existe pas non plus en tant que veuve concubine. »
Ces jeunes veufs de fait ont le sentiment de ne pas exister et de ne pas être reconnus dans leur expérience du veuvage, un sentiment accru par leur exclusion de droits spécifiques, comme les pensions de réversion. On constate alors qu’à travers la façon dont le droit organise les systèmes sociaux et les dispositifs, il produit de la légitimité et rend illégitimes ceux qui ne sont pas reconnus. Du reste, beaucoup de jeunes veufs de fait idéalisent les systèmes sociaux, car l’éviction des droits joue aussi fréquemment en défaveur des veufs mariés et les droits à réversion sont souvent d’un montant très peu élevé, fonction de carrières incomplètes et de droits à pension de retraite à peine constitués.
Le fait qu’ils ne soient pas reconnus comme des veufs fait naitre parmi eux un sentiment d’injustice qui justifie leur forte protestation à ce qu’il ne soit pas tenu compte des situations de fait alors que de leur vivant, rien ne s’opposait à cette reconnaissance. Nombre de concubins produisent des quittances d’électricité aux deux noms lors des entretiens pour prouver l’existence de leur vie commune. Certains font valoir que la définition que donnent les droits à réversion du veuvage entre en contradiction avec la reconnaissance de leur couple par le droit social dans sa branche famille, ou par le doit civil ou fiscal par exemple. Une jeune veuve rappelle qu’elle a été tenue solidaire des dettes de son concubin et que la Caisse d’allocations familiales a pris en compte leurs deux salaires dans le calcul des droits :
Les vingt ans de vie commune, ça ne compte pas. C’est une injustice quelque part, disons, vous savez, à un moment donné, il était à son compte et ça n’allait pas financièrement. On vivait sur mon salaire. Quand on a eu les huissiers à la maison, c’était pris sur mon compte. Mais quand lui il est parti, moi je n’ai plus compté. Vous n’êtes pas reconnu. Finalement, quand vous vivez en concubinage, la CAF compte les deux salaires mais après s’il vous arrive quelque chose, ça ne compte plus. Et encore, je n’ai pas à me plaindre.
Ces veufs ex-concubins vivent cet effacement comme le déni de leur histoire personnelle. Ils brandissent alors le ou les enfants nés de l’union rompue par décès comme une preuve de son existence. Car l’enjeu implicite de procréation et de lien sexuel atteste du couple disparu. La filiation en tant que création de lien juridique revêt une force symbolique aussi importante que le mariage. C’est ce qu’expriment les concubins qui présentent les enfants qu’ils ont eus avec le conjoint décédé comme les témoins de leur couple. Certaines veuves sont, par ailleurs, soulagées que les enfants portent le nom de leur père. Pour ces concubins, la présence d’un enfant vaut gage de leur couple, qui fait sens là où l’état civil ne fait plus sens.
La question du veuvage précoce : être jeune veuf
Comment la société voit-elle le fait d’avoir perdu un conjoint si jeune ? Comment les jeunes veufs vivent-ils la réaction des autres ? Le statut de veuf, si important dans le passé, est profondément interrogé par les jeunes veufs eux-mêmes. Selon les liens dans lesquels le couple était engagé, uni par le mariage ou en union libre, le survivant se heurte à une réalité différente. L’état matrimonial de veuf donne une place sociale, comme elle en donnait une autrefois. Ces jeunes veufs sont finalement libres de se définir comme tels publiquement.
Le regard des autres : « On est traitées comme des pestiférées »
La question de la bonne ou de la mauvaise mort est définie par les ethnologues comme une « question massive », car « elle gouverne le repos de ceux qui survivent (au défunt) » (Fabre-Vassas, 1993). La mort prématurée fait partie des mauvaises morts qu’évoquent les ethnologues. À travers elle se construit le regard que la société pose sur les jeunes veufs. Or, les entretiens révèlent que le veuvage précoce dérange. Le seul fait de se dire « jeune veuf » provoque des réactions bien plus souvent de rejet que d’empathie ou de compréhension.
Une jeune veuve dit avoir subi de l’exclusion. Elle compare la mise à l’écart qu’elle a vécue à celle que provoquent les maladies mortelles comme la peste :
Le terme veuvage est lourd à porter. Cela implique un certain âge. Cela surprend toujours beaucoup : on est traitées comme des pestiférées. C’est terrible à vivre. Ce serait intéressant qu’on s’y intéresse : on est différent ! Mon fils avait sept ans : en classe cela dérangeait. Il a été mis en quarantaine.
Ce témoignage révèle l’intolérance sociale qui existe à l’égard de la mort prématurée et de la mort en général. Or, l’expérience du décès précoce donne un sens particulier à l’existence des jeunes veufs. Elle rend particulièrement intolérable la pression sociale à l’effacement qui s’est substituée à celle que subissaient les divorcés, obligés de raser les murs et de porter la honte de leur situation en silence (Théry, 1993). Elle s’exprime par les incitations au remariage ou à la remise en couple que les jeunes veufs subissent de la part de leur entourage, exprimant dans une version moderne la tension qui a traversé les siècles entre rester dans l’état de veuvage ou se remarier. Une jeune veuve témoigne de cette pression de l’entourage quelques mois après la mort de son mari :
Je sais que les choses qui dérangent, on doit les taire. Le fait de rester seule, par exemple, cela dérange. Les gens rentrent facilement dans votre vie privée : pourquoi tu ne te remaries pas etc. […] Il faut être solide pour supporter tout cela. Quand cela arrive jeune, les gens ont l’impression qu’au bout de six mois, un an, tout est fini. Vous êtes « à marier ». J’avais l’impression de ne pas pouvoir vivre mon deuil normalement. Perdre son emploi serait presque pire à entendre les autres !
La protestation des jeunes veufs et le refus catégorique qu’ils affichent face à une nouvelle histoire amoureuse fait alors l’objet d’interprétations erronées, les faisant apparaître comme les défendeurs d’une moralité qu’ils ne revendiquent pas, alors qu’ils souhaitent simplement que soit reconnue leur expérience de la mort du décès de leur partenaire.
Être jeune veuf et parent : une monoparentalité spécifique
Le veuvage précoce constitue une forme particulièrement aigüe de monoparentalité. Pour porter un regard sur leur situation de parents seuls, les jeunes veufs ont souvent recours à la comparaison avec le divorce ou la séparation, qui permettent de mieux faire apparaître la singularité de leur veuvage. Une jeune veuve exprime sa difficulté : « On ne peut pas comparer un veuf ou une veuve avec deux personnes divorcées. Parce que moi, si je savais que mon partenaire vivait toujours, je serai plus tranquille. Je saurais que ma fille a quelqu’un d’autre que moi dans cette vie-là. » Une autre jeune veuve rejoint ce point de vue :
Mais la mort c’est plus dur qu’un divorce. Dans un divorce, les enfants savent qu’il y a papa à côté. Dans le mort, ils ne voient rien. Mon père était divorcé : il ne m’a pas élevée mais je savais que mon père était là et que je pouvais le voir. Je disais à ma mère : aujourd’hui, je veux voir papa, et ma mère m’emmenait. Mes filles ne verront plus jamais papa.
Lorsqu’ils sont parents d’orphelins, tous ces jeunes veufs, qu’ils aient été mariés ou non, ont en commun de vivre une nouvelle solitude, qui semble peser particulièrement alors qu’il est désormais impossible de faire appel à l’autre parent. C’est ce qu’exprime une jeune veuve :
Le veuvage précoce cela signifie avoir les enfants à charge toute seule à temps complet. Dans le divorce, on peut toujours faire jouer la garde alternée. Comme veuve, on est responsabilisée à outrance : tout repose sur vous, tout le temps disponible est pour vos enfants. Les enfants sont très « sur vous » Vous ne pouvez-vous octroyer aucun droit. Vous vous déshumanisez petit à petit. Mes parents sont divorcés : je sais que c’est très différent.
Certes, de nombreuses mères de famille monoparentale par divorce ou séparation se trouvent confrontées à des situations semblables, le père ne conservant des relations que très épisodiques avec ses enfants et son ex-conjointe. Mais s’agissant du veuvage précoce, le sentiment de solitude est accru par cet horizon définitivement absent. Les parents des orphelins doivent faire face au quotidien sans pouvoir faire appel à l’autre parent. Le sens du veuvage précoce n’est pas le même que celui du divorce ou de la séparation, contrairement à ce que suggère l’absorption du veuvage dans la monoparentalité : le veuvage précoce génère de l’« uniparentalité » et agit comme un révélateur supplémentaire de la norme de coparentalité qui s’est imposée en matière de monoparentalité.
Dans ce contexte, l’importance de l’expérience de la mort du conjoint transforme le désir de reconnaissance de cet évènement en une revendication absolue dès lors que les jeunes veufs, mariés ou non, se voient opposer le statut de parent isolé (par exemple lorsque les femmes se voient suggérer une référence aux mères divorcées), car la mort donne un tout autre sens à la rupture de leur couple qu’un divorce ou une séparation, qui reflètent la « vision idéale d’être librement consentie, y compris par celui qui la subit » (Neyrand, 2002, p.86 ). Une jeune veuve indique : « Qu’un enfant ait des parents divorcés, ça […] passe, on en parle, on le plaint, mais qu’il n’ait plus de père alors là il ne faut pas le dire, cela fait trop peur aux gens. Là c’est l’exclusion ou le silence. »
Il nait de ces situations de veuvage l’expression d’une protestation des jeunes veufs pour pouvoir témoigner de leurs difficultés propres et de leur histoire particulière au sein de laquelle l’expérience de la mort à elle seule constitue la singularité de leur situation. Considérée sous l’angle du vécu d’un évènement, elle constitue un évènement très important dans la vie des personnes qui justifie, à elle seule, le fait de considérer les jeunes veufs comme un ensemble. S’agissant de l’intimité, tous les itinéraires ne se valent pas (Burguière, 2010).
Conclusion
En nous interrogeant sur le veuvage, nous avons voulu montrer qu’il fait partie d’un tout dont il est indissociable : nous avons souhaité réintégrer cette rupture conjugale par décès dans la pensée de l’ensemble des transformations qui ont profondément affecté la famille et le couple au cours des dernières décennies. On voudrait faire apparaître ici que les mêmes individus peuvent se retrouver à un moment ou à un autre de leur vie dans plusieurs situations différentes : les veufs mariés peuvent avoir vécu en union libre avant de la légaliser, les veufs de fait peuvent avoir déjà été mariés, les configurations restant extrêmement complexes et nombreuses.
En choisissant d’éclairer cette situation globale par l’étude du veuvage précoce, nous avons voulu utiliser le prisme grossissant des générations les plus récentes : il révèle l’importance des veufs de fait tout en confirmant le mouvement profond du démariage, qui traduit que le fait de se marier a cessé d’être une obligation sociale absolument impérative pour devenir une question de conscience personnelle. Ce prisme montre aussi, à différents plans, les effets de l’absence de prise en compte des concubins par nos systèmes sociaux spécifiques : aux difficultés financières se greffe l’absence de reconnaissance du statut de jeune veuf dans une société qui reconnait tous les couples, sauf les unions de fait déliées par la mort.
Dans son ouvrage L’individu, la mort, l’amour, Jean-Pierre Vernant (1996) pose la question suivante : Par quel biais une culture peut-elle conférer aux individus un statut social ? Et de répondre : C’est lorsque la sphère privée interfère avec le domaine public que se fait jour le pouvoir des institutions de faire émerger des individus. Nous assistons en France à cette rencontre puisque les veufs de fait sont désormais pris en compte par les autorités publiques dans les débats sur la réforme du système de retraite. L’attention est désormais portée sur les jeunes veufs avec les réflexions du Conseil d’orientation des retraites depuis 2008 sur « la définition des paramètres du système », c’est-à-dire sur « les modalités des réversions versées aux veufs et aux veuves ». Le très grand intérêt de ces réflexions tient à la prise de conscience progressive du problème de la perte du conjoint, qu’il faut poser autrement, en tenant compte de l’ensemble des évolutions des transformations de la famille, du couple, de la filiation et de la parenté. Les jeunes veufs y prennent une place très importante parce que sont pris en compte les effets sur les enfants de la différence de traitement entre jeunes veufs en fonction de leur mode d’union ainsi que la contradiction apportée au principe de filiation et d’égalité de traitement des enfants. Le veuvage précoce montre en effet qu’il existe des situations dans lesquelles le choix des parents de ne pas se marier exerce des conséquences économiques négatives importantes sur leurs propres enfants. Cependant, dans le même temps, l’ouverture des pensions de réversion aux veufs de fait âgés n’est pas à l’étude. Pour mettre en œuvre des logiques de droits différentes pour les jeunes veufs et pour les veufs âgés de plus de 55 ans, le Conseil d’orientation des retraites propose de faire traiter ces droits par la branche famille s’agissant des plus jeunes et par la branche vieillesse pour les seconds : on comprend donc que selon la branche considérée, des personnes qui ont perdu leur conjoint par décès se verraient appliquer des règles très différentes, notamment en ce qui a trait à la reconnaissance de leur vie de couple.
À travers ces propositions, dans le débat actuel qui émerge sur une meilleure prise en compte du veuvage, les autorités mettent l’accent sur la complexité qui préside à la mise en forme de l’action publique. On comprend bien ce vers quoi il faut tendre, mais toutes les questions ne sont pas résolues. Nous nous trouvons dans une phase de redéfinition du problème social et politique. Dans l’ensemble, la conception de l’aide aux veufs était liée à une conception historique particulière, à une conception de la famille et du mariage, à un certain état de l’économie et des mœurs. Aujourd’hui, on rencontre à la fois d’autres valeurs et d’autres réalités sociales. Progressivement, il y a des tentatives pour mettre ce problème en forme, sans que la réflexion soit encore suffisamment aboutie.
Quelques considérations sur la résistance qu’il y a dans notre société à abandonner le sens du mot veuvage permettent d’alimenter les débats actuels. L’appréhension du veuf à travers l’état civil procède d’une profonde représentation de notre culture selon laquelle être un veuf est un état des personnes. Dans une culture dans laquelle le mariage, le statut matrimonial de « marié » organisait la dignité des personnes, être un veuf ou une veuve organisait une place sociale. Nous sommes les héritiers de ces temps-là qui sont restés inscrits dans l’état civil. Aujourd’hui, la ligne de partage entre mariés et non mariés continue à organiser notre société. On apprécie l’union de fait, on reconnait la filiation dans ces unions, qui sont très bien acceptées socialement tant qu’il y a de la vie. Cependant, dès qu’apparaît la mort, elles sont reléguées au rang d’union de second rang, voire ne sont plus considérées. Bien qu’il ne se trouve plus personne pour défendre explicitement cette logique de séparation entre unions dignes et moins dignes, nous en sommes aujourd’hui les héritiers, elle nous divise en silence et organise encore souterrainement toute une dimension de la société.
Parties annexes
Notes
Bibliographie
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