Résumés
Résumé
Cette étude a comparé les pratiques éducatives des pères et des mères d’enfants qui présentent des difficultés de comportement extériorisé avec celles des parents d’enfants n’en présentant pas (n = 626 enfants, âge moyen de 5,6 ans). Elle a également vérifié les liens entre le niveau de difficulté de comportement des enfants et les pratiques éducatives des parents, en tenant compte du sexe du parent et de l’enfant. Les résultats indiquent que le faible sentiment de compétence parentale est associé aux difficultés des enfants, quel que soit le sexe du parent ou de l’enfant. Les résultats révèlent également des liens différenciés, notamment une mauvaise utilisation de la discipline, particulièrement envers les garçons, et un faible engagement du père, particulièrement envers les filles. La discussion fait état des retombées possibles pour une intervention différenciée auprès des deux parents.
Mots clés:
- pratiques éducatives,
- père-mère,
- difficultés de comportement extériorisées,
- garçon-fille,
- préscolaire
Abstract
In this study, the author compared the educational practices of fathers and mothers of children who present exteriorized behaviour problems with those of parents whose children do not (n = 626 children, average age: 5.6 years). She also examined the relationships between the level of the behavioural difficulty experienced by the children and the educational practices of their parents, taking into account the gender of both parent and child. The results indicate that a feeling of insufficient parental competence is interconnected with the difficulties experienced by the children, irrespective of the gender of parent or child. The results also show a differentiated linkage, more particularly that of the improper use of discipline, especially as concerns boys and that of a low level of paternal commitment, especially as concerns girls. The discussion brings out the possible spin-off from a differentiated approach to the two parents.
Corps de l’article
1. Introduction
Dans le domaine de la psychologie familiale, les pratiques éducatives sont définies comme l’ensemble des différents moyens qu’adoptent les parents pour éduquer et socialiser leur enfant (Hamel, 2001). Habituellement, on entend par pratiques éducatives (PÉ) les dimensions comme l’engagement, la supervision et la discipline (Frick, Christion et Wooton, 1999). Une multitude d’études ont évalué le lien entre les PÉ et la qualité de l’adaptation sociale des enfants. De manière générale, il est bien établi que les pratiques positives — par exemple le style parental démocratique et un engagement élevé — sont associées au développement des compétences de l’enfant dans la mesure où le parent ajuste son niveau de contrôle aux capacités et au degré d’autonomie de l’enfant (Baumrind, 1991; Weiss et Schwarz, 1996). En plus de contribuer de façon significative au développement social de l’enfant, les PÉ positives constitueraient un facteur de protection pour les enfants qui vivent des situations à risque (Landy et Tam, 1996). À l’inverse, la sévérité et la fréquence de PÉ négatives, comme des conduites parentales hostiles et inconsistantes, ainsi que l’utilisation de la punition corporelle, sont en forte corrélation avec l’apparition des difficultés de comportement (DC) de type extériorisé chez les enfants (Patterson, Reid et Dishion, 1992; Weiss, Dodge, Bates et Pettit, 1992).
Selon le modèle théorique proposé par Patterson (1982), les DC qui débutent durant l’enfance seraient la résultante d’un manque de compatibilité entre le tempérament de l’enfant et les PÉ de ses parents. Les enfants au tempérament difficile réagissent plus négativement aux tentatives de leur mère de contrôler leur comportement. Ces dernières ont en retour tendance à utiliser davantage de stratégies intrusives et hostiles, par comparaison avec les mères des enfants au tempérament facile. Les interactions mère-enfant de plus en plus conflictuelles s’inscrivent dans un cycle dit de coercition. Selon cette approche, les PÉ font partie des facteurs qui jouent un rôle déterminant dans le développement précoce des DC chez les enfants. On pense que le type de relation que les parents vont développer envers leur enfant va entretenir ou non des prédispositions génétiques ou physiologiques déjà présentes chez l’enfant (Japel, Tremblay, McDuff et Boivin, 2000). Il est question des mères, car la majorité des recherches qui ont étudié les liens entre les PÉ et les DC des enfants ont, dans les faits, étudié le lien entre les pratiques des mères et leur impact sur le comportement des garçons (Rothbaum et Weisz, 1994). Peu d’études tiennent compte des particularités des pères (Tiano et McNeil, 2005) ou de celles des enfants des deux sexes (Côté, Tremblay et Vitaro, 2003). Longtemps considéré comme le grand absent, surtout pendant la petite enfance, le père — et les recherches qui le concernent — a nettement évolué avec le temps (voir Dubeau, Clément et Chamberland, 2005 pour une recension). De nos jours, s’inscrivant dans le courant des travaux portant sur l’engagement paternel, de plus en plus d’études tentent d’identifier le rôle spécifique du père dans l’adaptation sociale des jeunes enfants (Lewis et Lamb, 2003; Paquette, 2007).
1.1 Différences entre les pratiques éducatives des pères et celles des mères
Différents travaux ont focalisé leur intérêt sur les comparaisons entre les PÉ des pères et celles des mères durant la période de la petite enfance, notamment sur le plan de l’attachement (Bacro et Florin, 2008; Lewis et Lamb, 2003; Paquette, 2007), de l’implication (Pleck, 1997), de la communication (LaBounty, Wellman et Olson, 2008; Labrell, Deleau et Juhel, 2000; Leaper, Anderson et Sanders, 1998), de la relation en contexte de jeu (Bartanusz et Sulova, 2003; Labrell, 1996) et de la gestion des comportements de l’enfant (Halligan, Cooper, Healy et Murray, 2007; Karreman, Van Tuijl, Van Aken et Dekovié, 2008; Smith Slep et O’leary, 2007; Wong, Diener et Isabella, 2008). Malgré la présence de similitudes, leurs résultats rapportent des différences entre les PÉ des deux parents.
La première différence est que les mères et les pères ne s’engageraient pas de la même manière auprès de leurs enfants (Pleck, 2004). Cette constatation se confirme particulièrement quand on regarde le temps consacré aux soins des jeunes enfants, où les mères sont toujours les grandes gagnantes (Lee, Vernon-Feagans, Vacquez et Kolak, 2003). Au-delà du temps accordé aux enfants, les données rapportent également des différences dans le type d’interactions père-enfant et mère-enfant. Les mères semblent plus orientées vers les aspects affectifs, les soins et l’apaisement, surtout avec les enfants les plus jeunes (Lamb, 1996), vers une plus grande utilisation du langage parlé et un plus grand partage de l’information et du contrôle avec les enfants (Leaperet al., 1998). Les pères, quant à eux, semblent plutôt orientés vers un registre de soutien qui permette aux enfants de faire face aux défis et à certaines tâches (Dumont et Paquette, 2008), ils encourageraient concrètement leur autonomie (NICH, 2004), ils seraient plus directifs et utiliseraient un langage plus utilitaire (Rogé, 1997). Les pères seraient également plus exigeants sur le plan cognitif (LeChanu et Marcos, 1994) et sur le plan de la discipline (Volling, Blandon et Gorvine, 2006; Winsler, Madigan et Aquilino, 2005) et davantage en accord avec l’utilisation de la punition corporelle (Clément, Chamberland, Côté, Dubeau et Beauvais, 2005). Plusieurs différences semblent également apparaître dans le domaine du jeu. Alors que la mère initie surtout l’enfant à des jeux fonctionnels, c'est-à-dire qui ont un rapport avec l’usage habituel des objets, le père, lui, s’amuse davantage avec son enfant en l’initiant à des usages inhabituels de ceux-ci, en décalage avec la fonction normale des objets utilisés (Labrell, 1996; Lamb, 1996). Partenaires de jeu plus enjoués que les mères, ils semblent plus enclins à s’investir dans des activités physiques et à y entraîner l’enfant. (Bartanusz et Sulova, 2003; Ryckebusch et Marcos, 2000).
Des chercheurs se sont intéressés à l’impact du rôle « impliqué-différencié » des pères dans le développement social de l’enfant, c’est-à-dire à l’impact des pères qui sont impliqués dans l’éducation de l’enfant, mais d’une manière autre que leur conjointe, par comparaison avec un père non impliqué, ou jouant un rôle non différencié de celui de la mère (Bourçois, 1997; Ricaud-Droisy et Zaouche-Gaudron, 2003). Leurs observations en milieu de garde rapportent que les enfants en provenance de familles où le père est impliqué-différencié interagissent de manière moins conflictuelle et utilisent davantage de comportements prosociaux, comparativement aux enfants des autres types de famille. Ces auteurs posent l’hypothèse explicative que ces enfants, tôt dans leur développement, profitent du rôle différencié de leur père puisqu’ils sont en contact avec un plus grand éventail de possibilités d’interaction dans leur famille, et qu’ils les développent à leur tour dans leurs interactions avec leurs pairs.
Outre l’observation des différences entre les PÉ des deux parents, d’autres chercheurs ont étudié les liens entre ces différences et la présence de DC chez les enfants (voir Besnard, Verlaan, Capuano, Poulin et Vitaro, 2009a pour une recension des écrits). Certaines de ces études révèlent que l’association entre les PÉ et les DC des enfants est significative pour les deux parents (Johnson, Cowan et Cowan, 1999; Sim et Ong, 2005), alors que d’autres n’ont établi ce lien qu’en ce qui concerne les mères (Pettit, Bates et Dodge, 1993; Sears, 1999). De plus, même quand l’enfant présente des DC, le père réussirait, en situation de jeu, à établir un climat d’échanges positifs et de coopération avec l’enfant. La mère exprimerait au contraire davantage d’émotions négatives et sa relation avec l’enfant est teintée de plus d’opposition (Besnard et coll., 2009a). Enfin, un courant d’études explore l’hypothèse que les deux parents contribuent de manière différenciée au développement des compétences sociales ou des DC de leur garçon ou de leur fille d’âge préscolaire. (Besnard, 2008; Boyum et Parke, 1995; Chang, 2003; Hart et coll., 1998; Lindsey et Caldera, 2006; McElwain, Halberstadt et Volling, 2007; Nelson, Hart, Jin, Yang et Olsen, 2006; Rouyer, Frascarolo, Zaouche-Gaaudron et Lavanchy, 2007). Ces études tentent d’identifier avec plus de précision l’apport propre à chacun des parents sur les comportements des enfants des deux sexes sans toutefois arriver à faire émerger de consensus.
1.2 Objectif
S’inscrivant dans ce courant de recherche, la présente étude a pour premier objectif de comparer les PÉ des parents (pères vs mères) d’enfants présentant des DC avec celles des parents d’enfants n’en présentant pas. Deux hypothèses de recherche non directionnelles sont ainsi proposées :
Hyp. 1- Les pratiques éducatives des mères sont différentes de celles des pères.
Hyp. 2- Les pratiques éducatives de parents d’enfants avec difficultés de comportement sont différentes de celles des parents d’enfants sans difficulté de comportement.
Plus spécifiquement, elle vise également à identifier quelles dimensions des PÉ des pères et des mères sont associées à la présence de DC chez les garçons et chez les filles d’âge préscolaire, et ce, de manière à faire ressortir les différences et les similitudes en fonction du sexe du parent et de celui de l’enfant. La question de recherche suivante est aussi proposée :
Q. - Quelles sont les pratiques éducatives des pères et des mères associées aux difficultés de comportement des garçons et des filles?
Les résultats, en plus de participer au développement de connaissances plus fines sur les liens différenciés parent-enfant, permettraient d’orienter les programmes d’intervention. En effet, l’acquisition d’une meilleure compréhension du rôle différencié des PÉ des pères et des mères en lien avec les DC des enfants pourrait avoir des impacts sur la conception même des programmes, puisqu’elle permettrait de cibler des objectifs plus précis, tablant davantage sur la complémentarité des rôles parentaux (Dubeau, Turcotte et Coutu, 1999).
2. Méthode
2.1 Description des participants
Les 626 familles participantes à cette étude ont été sélectionnées à partir de l’échantillon initial d’un projet qui évalue l’impact du « Programme de prévention de la violence et du décrochage scolaire au préscolaire » (Capuano, Vitaro, Poulin et Verlaan, 2002) qui comprenait au total 1095 enfants, dont 30 % présentaient des DC. Ces enfants ont été recrutés entre les années 2002 et 2005 en trois cohortes annuelles successives parmi les élèves de maternelle d’une banlieue de Montréal. (Voir Poulin, Capuano, Vitaro et Verlaan, 2006 pour la description complète de la procédure de sélection). Comme l’objectif de la présente étude est de comparer les PÉ de la mère et du père d’un même enfant, des analyses secondaires ont été effectuées uniquement auprès des familles dont les deux parents ont participé à la procédure d’évaluation, pour un total de 626 familles (57 % de l’échantillon de Capuano et coll., 2002). La majorité des participants appartiennent à la classe moyenne et sont d’origine canadienne (85 %).
À partir de ces 626 familles, deux groupes ont été formés : un groupe d’enfants présentant des difficultés de comportement (groupe DC, n = 118) et un groupe d’enfants identifiés sans difficulté de comportement (groupe SDC, n = 508). Le groupe DC a été constitué en retenant ceux dont le score obtenu pour la mesure des DC (voir instrument de mesure ci-dessous) se situait à un écart-type et plus de la moyenne de l’ensemble de l’échantillon de Capuano et coll. (2002), selon la perception de l’enseignante (M = 2,12, é-t = 0,90) et selon la perception de l’un des deux parents (mère : M = 2,28, é-t = 0,65; père : M = 2,29, é-t = 0,63). Cent dix-huit enfants (118) correspondaient à ce critère de sélection. Le double critère d’être perçu à la fois par le milieu familial et par le milieu scolaire comme connaissant des DC a été retenu parce que leur manifestation dépend considérablement du contexte social. De plus, les enfants qui présentent des difficultés dans différents contextes sont considérés comme ceux qui courent les plus hauts risques d’inadaptation future (Dumas, 2002). Le groupe SDC a été constitué par l’ensemble des autres participants, soit 508 enfants.
Les enfants de l’échantillon (n = 626) sont en moyenne âgés de 67,2 mois (é-t = 3,0) et plus du tiers sont des filles (35,9 % de filles). Les enfants proviennent en grande majorité de familles de type biparental (89,1 %). Toutefois, les deux parents des autres types de familles (monoparentale 4,4 %, recomposée 4,5 %, garde partagée 1,9 %) ont également participé à la cueillette de données. Sur le plan de la scolarité, 72,2 % des mères et 67,5 % des pères ont reçu une éducation postsecondaire, contre 27,8 % des mères et 32,5 % des pères qui ont au maximum obtenu un diplôme de niveau secondaire. Le revenu familial moyen était de 59 300 $(é-t = 23 320 $) et se situait légèrement sous la moyenne de celui des familles biparentales de cette région (M = 69 467 $, Institut de la statistique du Québec, 2003).
2.2 Procédures
Les familles de l’étude de Capuano et coll. (2002) ont été soumises à plusieurs évaluations similaires successives. Le devis retenu pour la présente étude est transversal et propose l’analyse secondaire uniquement des participants dont les deux parents ont collaboré à la procédure d’évaluation au premier temps de mesure, soit au début de la maternelle (novembre). Les DC des enfants et les PÉ des mères et des pères ont été évalués à l’aide de questionnaires remplis par chacun des deux parents. Ces questionnaires leur ont été acheminés à la maison par l’enfant et devaient être retournés à l’école dans une enveloppe cachetée. L’enseignante de l’enfant a aussi rempli un questionnaire portant sur les DC de l’enfant en milieu scolaire. Ces questionnaires ont été distribués et récupérés par des assistants de recherche.
2.3 Description des outils d’évaluation
Difficultés de comportement chez les enfants. Celles-ci ont été évaluées à partir de trois sources : la mère, le père et l’enseignante. Ces répondants ont rempli une version identique d’un questionnaire de 75 énoncés, le « BEH », une adaptation du Preschool Behavior Questionnaire (Tremblay, Vitaro, Gagnon, Piché et Royer, 1992). Pour chacun des énoncés, le répondant indique à l’aide d’une échelle de type Likert – allant de jamais (1) à souvent (6) –, la fréquence de différents comportements présents chez l’enfant. Cet instrument permet de mesurer 14 dimensions, mais pour la présente étude seules les dimensions correspondant aux DC de type extériorisé ont été retenues, soit l’agression indirecte (5 énoncés), l’agression physique (10 énoncés), l’opposition (6 énoncés) et l’hyperactivité (11 énoncés). Ces énoncés ont été regroupés de manière à créer un seul score moyen variant entre 1 et 6. La consistance interne, autant pour les données recueillies des parents (α = 0,94) que pour celles obtenues de l’enseignante (α = 0,97), est excellente. La perception des difficultés des enfants entre les deux parents présente une corrélation plus élevée (r = 0,64, p < 0,000) que celles entre les parents et l’enseignante (mère-enseignante r = 0,28, p < 0,01; père-enseignante r = 0,30, p < 0,01).
Questionnaire sur les pratiques éducatives. Les PÉ ont été évaluées à partir d’un questionnaire comportant 73 questions. Cet outil a été élaboré en regroupant certaines échelles tirées de trois instruments de mesure différents : l’Alabama Parenting Questionnaire (Shelton, Frick et Wooton, 1996), le Parenting Practices Inventory (Lochman et CPPRG, 1995) et le Parental Acceptance-Rejection Questionnaire (Rohner, Chaille et Rohner, 1980). Ce regroupement a été conçu, adapté et traduit par l’équipe Capuano et coll. (2002). Sept échelles ont été retenues, soit l’engagement du parent envers son enfant (10 énoncés), la supervision de l’enfant (12 énoncés), l’utilisation de pratiques éducatives positives (5 énoncés), le sentiment d’efficacité lors de l’application de la discipline (6 énoncés), l’inconstance des pratiques éducatives (6 énoncés), l’utilisation des pratiques éducatives hostiles incluant la punition corporelle (6 énoncés) et enfin le rejet affectif (9 énoncés). L’échelle de réponse est de type Likert et comporte cinq choix de réponses allant de « pas du tout » (1) à « tout à fait » (5). Les énoncés ont été regroupés de manière à créer un score moyen par échelle. La consistance interne des échelles est satisfaisante (mère : α = 0,60 à 0,79; père : α = 0,63 à 0,82). Les corrélations entre les sept échelles varient de 0,08 à 0,57 pour les mères et de 0,05 à 0,65 pour les pères.
2.4 Plan d’analyse des données
Les deux hypothèses de recherche relatives aux différences entre les pères et les mères et entre les groupes DC et SDC sont vérifiées à l’aide d’analyses de covariance à plan factoriel. Les variables indépendantes sont le sexe du parent (variable pairée), le groupe (DC et SDC) et le sexe de l’enfant. Le degré de scolarité de la mère est traité comme une covariable. Les sept variables dépendantes sont les sept échelles du questionnaire sur les PÉ.
Ce sont des régressions multiples qui permettent d’identifier les PÉ associées aux DC des enfants. Les variables indépendantes sont les PÉ des parents et la variable dépendante est le score obtenu au BEH.
3. Résultats
3.1 Équivalence des groupes
Avant de vérifier nos hypothèses de recherche, nous avons comparé les deux groupes d’enfants (SDC et DC) quant aux variables de l’âge, du sexe et du niveau de difficulté de comportement des enfants, de l’âge des mères à la naissance de leur premier enfant, du revenu familial, du niveau de scolarité de la mère et du père ainsi que du statut conjugal (voir le tableau 1).
Les analyses indiquent une différence significative entre les deux groupes quant aux moyennes de DC des enfants, mais également quant à la scolarité des mères : un pourcentage plus faible de mères du groupe DC (63,5 %) a poursuivi des études postsecondaires (x2 = 5,38, p = 0,028). Par contre, il n’y a pas de différences significatives entre les deux groupes pour l’ensemble des autres variables. Par conséquent, les analyses subséquentes tiendront compte de la scolarité des mères.
3.2 Pratiques éducatives des pères et des mères
En ce qui concerne la première hypothèse, relative aux différences de pratiques entre les pères et les mères (effet sexe du parent), les scores moyens des dimensions des PÉ (voir au tableau 2) ainsi que les analyses de covariance (voir au tableau 3) révèlent des différences significatives liées à l’engagement, à la supervision et aux pratiques positives.
Ces résultats indiquent que comparativement aux pères, les mères des deux groupes sont plus engagées, elles supervisent mieux leur enfant et utilisent davantage de pratiques positives, et ce, que l’enfant présente ou non des difficultés. Les analyses ne rapportent pas de différences significatives entre les deux parents relativement à l’utilisation de pratiques hostiles.
Par contre, pour les autres dimensions des PÉ (inconstance de la discipline et rejet affectif), certaines interactions avec le groupe s’avèrent significatives, ce qui suggère que ces différences entre les pères et les mères peuvent être fonction des difficultés de l’enfant.
3.3 Pratiques éducatives selon les groupes
Les résultats aux tableaux 2 et 3 font également ressortir des différences significatives entre les PÉ des parents du groupe DC et celles des parents du groupe SDC (effet groupe), confirmant ainsi notre seconde hypothèse. Les parents du groupe DC se différencient des autres parents par : 1) un engagement plus pauvre envers l’enfant, 2) une supervision moins soutenue, 3) une perception moins efficace de leurs interventions, 4) l’utilisation plus fréquente de pratiques hostiles (incluant les punitions corporelles) et 5) l’expression de rejet affectif à son égard. Les analyses ne rapportent pas de différence significative sur le plan de l’utilisation de PÉ positives et par rapport à la constance de l’application de la discipline.
Il faut cependant nuancer ces résultats à la lumière des analyses d’interaction Parent x Groupe, car trois d’entre elles s’avèrent significatives (sentiment d’efficacité, inconsistance, rejet affectif). Les données indiquent qu’en fait, les pères des deux groupes se sentent plus efficaces que les mères, mais ce sont ceux du groupe SDC qui le sont davantage. De plus, les pères du groupe DC se disent plus inconstants et rejettent davantage leur enfant sur le plan affectif, comparativement aux autres sous-groupes parent-enfant.
Les résultats font état d’une seule différence significative en fonction du sexe de l’enfant. Les données indiquent que les parents utilisent plus fréquemment les PÉ positives (comme récompenser et féliciter leur enfant) avec les garçons qu’avec les filles. Pour ce qui est des autres dimensions, les parents traiteraient leur enfant, qu’il soit garçon ou fille, de manière similaire. De plus, on n’observe aucun effet d’interaction parent x sexe ou groupe x sexe, suggérant ainsi que les différences selon le sexe du parent et le groupe ne sont pas liées au sexe de l’enfant.
Enfin, les analyses rapportent un effet combiné — parent x groupe x sexe de l’enfant — significatif par rapport au sentiment d’efficacité dans l’application de la discipline. Une analyse de cette interaction indique que les mères du groupe DC rapportent des niveaux de sentiment d’efficacité plus bas que les mères et les pères de tous les autres sous-groupes.
3.4 Pratiques éducatives associées aux difficultés de comportement
La seconde stratégie d’analyse, basée sur l’utilisation de régressions linéaires, a permis de vérifier quelles dimensions des PÉ des pères et des mères expliquent le mieux la variation du niveau de DC des enfants en tenant compte de leur sexe. Dans un premier temps, une analyse hiérarchique a été effectuée de manière à vérifier si le niveau de DC des enfants (variable dépendante) varie en fonction 1) du sexe de ces derniers et 2) des PÉ des pères et des mères (voir le tableau 4). Ces résultats démontrent clairement qu’en plus du sexe de l’enfant, les PÉ des pères et des mères sont reliées aux DC des enfants.
Mais comme nous nous sommes intéressés a priori aux relations entre les PÉ et les DC des enfants en fonction des dyades parents-enfant, nous avons donc procédé à des analyses séparées (régressions linéaires toujours) pour mettre séparément en lien les PÉ des mères et celles des pères avec le comportement de leur enfant, qu’il soit un garçon ou une fille. Les résultats des quatre analyses sont reproduits au tableau 5. La variable dépendante est le score moyen des DC des enfants (voir le tableau 5).
Encore ici, on peut observer des similitudes, mais également des différences significatives entre les liens qui unissent les différentes dimensions des PÉ des deux parents et les DC des enfants selon leur sexe.
Premièrement, quant aux similitudes, on observe un lien significatif entre le sentiment d’efficacité et le niveau de DC des enfants autant chez les mères que chez les pères et autant chez les garçons que chez les filles. Ce sentiment augmente à mesure que les DC diminuent. Il apparaît aussi que plus les parents utilisent de PÉ positives et de PÉ hostiles, et ceci vaut autant pour les mères que pour les pères, plus le niveau de DC des garçons augmente.
Deuxièmement, en ce qui concerne les dyades père-enfant, les résultats indiquent que l’engagement paternel diminue à mesure que le niveau de DC augmente, et ce, chez les garçons comme chez les filles. Notons que ce lien n’est pas significatif en ce qui a trait aux dyades mère-enfant. De plus, on observe qu’à une augmentation de l’inconstance des pères dans l’application de la discipline correspond une augmentation du niveau de difficulté de comportement chez les filles uniquement.
Du côté des dyades mère-enfant, l’utilisation de PÉ positives et hostiles est également en corrélation avec le niveau de DC des filles. Ce lien n’est pas significatif en ce qui a trait aux dyades père-fille. Enfin, il faut noter que ni la supervision parentale ni le niveau de rejet parental n’ont un lien significatif avec les DC des enfants de notre échantillon.
4. Discussion
Cette étude visait d’abord à confirmer les hypothèses selon lesquelles les pères et les mères ont des PÉ différentes et les parents d’enfants qui ont des DC ont aussi des PÉ différentes de parents d’enfants qui n’en ont pas. Elle a également tenté de vérifier en quoi le sexe de l’enfant est une variable influente et comment les interactions au sein des quatre dyades (mère-fille, mère-fils, père-fille et père-fils) sont similaires ou distinctes. Pour ce faire, deux stratégies d’analyse ont été utilisées. Dans un premier temps, nous discuterons des éléments communs aux différentes dyades, indépendamment du sexe de l’enfant ou du parent. Par la suite, nous discuterons des résultats en mettant en lumière les différences significatives propres à chacune des quatre dyades parent-enfant de manière à dégager les contributions uniques des deux parents aux DC de leur garçon ou de leur fille.
4.1 Différences et similitudes entre les pères et les mères
Premièrement, les résultats confirment notre première hypothèse et font ressortir des différences significatives entre les PÉ des mères et celles des pères concernant l’engagement de la supervision et l’utilisation de pratiques éducatives positives. Ces résultats concordent avec l’ensemble des données empiriques disponibles sur le sujet. Par exemple, Lee et ses collaborateurs (2003) rapportent que pour un nombre équivalent d’heures passées au travail à l’extérieur de la maison les mères passent en moyenne cinq heures de plus que les pères par semaine en compagnie des enfants. Dans de telles conditions, on ne peut s’étonner que ce soit encore les mères qui supervisent davantage leurs enfants et qu’elles soient les plus engagées directement avec eux. Selon Pleck (2004), l’engagement ne devrait pas se limiter à la quantité de temps passé directement en présence de l’enfant, mais devrait également tenir compte de la qualité de temps accordé à l’enfant, de l’accessibilité et de la responsabilité pour son bien-être général. Il est intéressant de noter que si les pères de notre échantillon sont significativement moins engagés que leur conjointe, on observe aussi que le plus faible engagement paternel est associé à des DC accrues chez leur enfant, alors que ce lien est inexistant dans le cas de l’engagement maternel. La théorie d’activation proposée par Paquette (2004) suggère que l’engagement du père, particulièrement à travers les jeux stimulants, comme les jeux physiques, permettrait à l’enfant de moduler ses interactions et ses affects agressifs, en plus de lui permettre de développer une meilleure confiance en soi. Selon cette théorie, un plus faible engagement paternel pourrait effectivement expliquer le développement précoce de DC chez les enfants d’âge préscolaire. Les présents résultats semblent appuyer cette théorie, mais il serait intéressant dans des recherches futures d’observer plus précisément l’engagement du père en contexte de jeu.
Les résultats confirment aussi la seconde hypothèse et mettent en lumière des différences significatives entre les PÉ des parents d’enfants qui présentent des DC à l’âge préscolaire et celles des parents du groupe d’enfants qui n’en présentent pas. Encore ici, les résultats vont dans le sens attendu et associent de manière générale des PÉ plus négatives et coercitives avec la présence de DC. De plus, tout comme les études de Nelson et coll. (2006) ou d’Eddy, Leve et Fagot (2001), nos résultats viennent appuyer l’hypothèse d’un apport significatif des PÉ des deux parents dans l’adaptation des enfants des deux sexes.
Deuxièmement, si on se penche sur les similitudes entre les différentes dyades, il apparaît, à la lumière de nos résultats, que le sentiment d’inefficacité ressenti par les parents dans l’exercice de la discipline est très présent dans la dynamique relationnelle entre les parents et les enfants qui connaissent des DC. En effet, cette composante des PÉ est la seule qui soit significativement en corrélation avec l’augmentation des difficultés des enfants, quel que soit le sexe de l’enfant ou du parent. Quand on compare les différents sous-groupes, cette dimension différencie également l’ensemble des parents du groupe DC de ceux du groupe SDC. De plus, en comparaison avec les autres dyades, on observe que les mères des garçons qui présentent des DC se sentent particulièrement moins efficaces dans l’application de la discipline.
Plusieurs auteurs ont établi des liens entre le sentiment d’inefficacité parental et une utilisation plus fréquente de discipline hostile, coercitive et inconsistante (Bugental et Johnson, 2000; Hill et Bush, 2001; MacPhee, Fritz et Miller-Heyl, 1996). Nos résultats vont dans le même sens, puisqu’ils associent le sentiment d’inefficacité et l’utilisation de pratiques hostiles avec des niveaux plus élevés de DC dans le cas de trois des quatre dyades parent-enfant (mère-fille, mère-fils, père-fils). Du point de vue clinique, cette observation correspond probablement à un haut niveau de désarroi des parents et à un grand besoin d’accompagnement et d’appui afin d’arriver à mettre en place des pratiques disciplinaires qui encadrent adéquatement ces enfants difficiles. Le sentiment d’inefficacité dans l’application de la discipline devrait tout particulièrement être abordé quand on intervient auprès des mères d’enfants qui présentent des DC précoces.
4.2 Pratiques parentales et difficultés de comportement selon le sexe de l’enfant
Quand on analyse les PÉ des parents associées spécifiquement aux DC des petits garçons, on observe essentiellement le même regroupement de dimensions chez les pères et chez les mères pour expliquer la variation des niveaux de difficulté des enfants. Ainsi, en plus de la baisse du sentiment d’efficacité discutée plus tôt, on retrouve une augmentation de l’utilisation à la fois de pratiques éducatives positives et de pratiques éducatives hostiles. Du côté des parents de filles, les résultats sont plus diversifiés en fonction des dyades mère-fille et père-fille, et outre le sentiment d’efficacité, on ne peut identifier de dimension des PÉ qui ait un lien avec leurs DC, quel que soit le parent, comme on l’observe chez les garçons. Toutefois, on observe également au sein de la dyade mère-fille que la variation des pratiques éducatives positives et hostiles explique une portion significative des DC chez ces dernières.
À première vue, il pourrait sembler surprenant qu’une augmentation des pratiques positives soit associée à l’augmentation des difficultés des enfants. Ces résultats vont d’ailleurs à l’encontre d’autres études, comme celle de Pettit et ses collaborateurs (Pettit, Brown, Mize et Lindsey, 1998), qui concluent que les relations positives parent-enfant ont un lien avec la compétence sociale des garçons. Trois explications semblent cependant plausibles. Premièrement, ces résultats pourraient mettre en relief l’importance de ne pas étudier les PÉ en vase clos, mais de tenter de cerner l’interaction entre chacune d’elles. Par exemple, il est reconnu que le contrôle coercitif des parents est associé aux DC chez les enfants (Hart et coll., 1998; Sim et Ong, 2005; Van Leeuwen, Mervielde, Braet et Bosmans, 2004). Or Isley, O’Neil et Parke (1996) ont nuancé ces résultats en démontrant que le contrôle des parents effectué dans un climat affectif positif ou neutre est bénéfique aux enfants qui apprennent ainsi le contrôle de multiples comportements et que ceux-ci le transfèrent par la suite dans leurs interactions sociales. De même, comme le lien entre l’affect négatif et l’hostilité des parents et les difficultés des enfants a été démontré dans de nombreuses études (Denham et coll., 2000; Sears, 1999), les pratiques éducatives positives comme les récompenses et l’octroi de privilèges peuvent perdre leur sens si elles sont appliquées dans un climat d’hostilité où, par exemple, on ridiculise l’enfant et où on le prend à partie. Une deuxième explication possible consiste en une mauvaise utilisation des pratiques positives en soi. En effet, on pourrait penser que les parents d’enfants qui présentent des DC appliquent ces pratiques habituellement considérées comme étant positives dans un contexte de contingence où les enfants ne méritent pas de récompense ou d’approbation. Utilisées pour mettre fin à l’opposition ou à des comportements déviants, ces pratiques pourraient avoir l’effet pervers d’encourager le maintien des DC chez l’enfant.
Enfin, on pourrait également penser que le fait de rapporter à la fois des pratiques positives et des pratiques hostiles chez des parents qui, rappelons-le, démontrent également un sentiment d’inefficacité plus élevé que les parents qui ne sont pas aux prises avec des conduites plus difficiles, est une autre façon pour ces parents d’exprimer leur désarroi dans l’application de la discipline. Gardner (1989) avait déjà démontré que les mères des enfants présentant des problèmes de comportement, en comparaison avec celles d’un groupe témoin, sont plus souvent inconsistantes quand elles vivent des conflits avec leurs enfants et sont également plus fréquemment engagées que toutes les autres dans des conflits avec ceux-ci. Les recherches futures auraient avantage à observer directement les parents en interaction avec leur enfant. Ce type de données apporterait probablement un éclairage supplémentaire sur les résultats obtenus ici et permettrait de vérifier dans quel contexte les pratiques éducatives positives sont effectivement mises en application.
Par ailleurs, à l’analyse des résultats se rapportant plus particulièrement à la dyade père-fille, on observe que ce n’est plus l’utilisation des pratiques éducatives positives et hostiles, mais plutôt l’inconstance des méthodes disciplinaires du père qui explique le mieux la variation du niveau de difficulté des fillettes. Cette dimension fait référence au fait que les pères du groupe DC changeraient plus fréquemment d’avis et auraient plus de difficulté à maintenir une conséquence à des comportements de leurs enfants que les parents des autres sous-groupes. Les filles, comme elles sont plus précoces sur le plan du langage et plus habiles verbalement que les garçons (Palacio-Quintin, 1996), auraient peut-être plus de facilité à négocier avec leur père. Elles pourraient le faire changer d’avis ou faire amoindrir les conséquences avec plus de facilité que les garçons.
4.3 Limites de l’étude
Pour terminer, mentionnons les quelques limites inhérentes à cette étude. En premier lieu, tout comme celles qui ont analysé des échantillons constitués des deux parents d’un enfant (Nelson et coll., 2006; Sim et Ong, 2005), on constate que notre étude a rejoint des familles présentant peu de facteurs de risque socioéconomique. Cette réalité pose la question de la représentativité de l’échantillon et, par la même occasion, de la généralisation des résultats à l’ensemble des familles d’enfants de maternelle présentant ou non des DC. Comme l’étude n’a retenu que les familles dont les deux parents ont accepté volontairement de participer, on peut penser que les résultats dépeignent la réalité des familles où les deux parents sont impliqués dans l’éducation de l’enfant.
Deuxièmement, comme les PÉ ont été mesurées à partir d’un questionnaire autorapporté, il se peut qu’un préjugé de désirabilité sociale ait influencé les réponses des parents, notamment en ce qui a trait à l’utilisation des pratiques éducatives positives, ou celles qui sont plus controversées dans notre société, comme l’usage de la punition corporelle. Il peut également exister un décalage entre la perception des PÉ d’un individu et ses comportements effectifs. Comme le rapportent Rothbaum et Weisz (1994) dans leur méta-analyse, nous croyons qu’au cours de recherches futures, l’utilisation de l’observation directe du parent en interaction avec son enfant devrait permettre une évaluation plus juste des PÉ. De plus, l’utilisation de mesures observationnelles viendrait compléter les informations fournies par les questionnaires sur les PÉ en y précisant le contexte réel de leur application.
Par ailleurs, il serait intéressant de cibler les dimensions des PÉ qui discrimineraient plus spécifiquement les PÉ propres aux pères. Comme c’est le cas pour l’ensemble des recherches sur la famille, le questionnaire utilisé ici pour évaluer les PÉ a été conçu originellement pour décrire les pratiques des mères. Or certains auteurs émettent des réserves face à la sensibilité des outils conçus « pour elles » qui ne discerneraient pas toujours les spécificités propres aux pères (Dubeau, 2002; Lamb, 1996; Le Camus, 2002; Maccoby, 1998; Paquette, 2004). La passation de ces instruments aux pères pourrait ne pas refléter adéquatement la réalité paternelle et ainsi atténuer la validité de ces mesures (Youngblade, Parke et Belsky, 1993).
4.4 Retombées pour l’intervention
En conclusion, nous considérons que les résultats de la présente étude peuvent avoir des retombées intéressantes pour l’intervention. En effet, divers programmes ont été développés pour tenter de contrer l’émergence précoce de DC. La majorité d’entre eux s’adressent directement aux enfants à l’école, mais plusieurs offrent également une intervention qui permet une participation des parents (Boisjoli et Vitaro, 2005). Les programmes de formation aux habiletés parentales, élaborés notamment à partir de la théorie du cycle de coercition (Patterson, 1982), reposent sur l’hypothèse qu’en améliorant la qualité de la relation parent-enfant et en apprenant aux parents à gérer plus efficacement les comportements de leur enfant, les DC chez ce dernier devraient diminuer. Bien que des études indiquent que l’intervention pourrait être plus efficace quand les deux parents y participent (Bagner et Eyberg, 2003; Besnard et coll., 2009b), dans les faits, la majorité de ces programmes ne rejoignent que des mères (Tiano et McNeil, 2005). Certains auteurs expliquent d’ailleurs la faible participation des pères aux programmes d’intervention par le fait que sont présentées à ces derniers des activités conçues pour les mères, peu adaptées aux besoins et aux réalités des pères (Dubeau et coll., 2005). Ces auteurs proposent de revoir le contenu des programmes qui sont habituellement conçus à partir d’un concept de similitude des rôles parentaux et de miser plutôt sur la complémentarité parentale. Cependant, peu de données sont disponibles pour adapter les programmes de manière à faire participer plus efficacement les deux parents. Dans cette lignée, les résultats de la présente étude laissent entrevoir des pistes à explorer.
Premièrement, comme les pratiques des deux parents expliquent une portion significative de la variance du comportement des enfants, on peut conclure à l’importance de faire participer les deux parents à nos interventions auprès des enfants connaissant des DC. L’intervention auprès des deux parents devrait, en premier lieu, tenter d’établir un partenariat avec eux et de développer le sentiment de compétence parentale, comme le proposent Webster-Stratton, Reid et Hammond (2004). La qualité de la supervision ainsi que celle de l’engagement devraient être abordées en tenant compte des différences et des particularités propres à chacun des parents. En encourageant la complémentarité parentale et en tablant sur les forces relationnelles de chacun des parents, les compétences propres aux pères et aux mères ont davantage de chances d’être mises à contribution. L’intervention devrait enseigner aux parents l’application de mesures disciplinaires plus adéquates et recadrer l’utilisation des pratiques éducatives positives, en particulier auprès des garçons, de manière à ce que celles-ci reprennent toute leur pertinence. En ce qui concerne les filles, l’intervention pourrait davantage soutenir l’engagement et la constance du père en complémentarité avec l’application d’une discipline plus efficace de la part de la mère.
Parties annexes
Remerciement
Cette étude a été rendue possible grâce au soutien financier du premier auteur par le Fonds québécois de la recherche sur la société et la culture (FQRSC), par le Groupe de recherche sur les inadaptations sociales de l’enfance (ARUC GRISE), par l’Université de Sherbrooke et par le Conseil de développement de la recherche sur la famille du Québec (CDRFQ), et grâce au soutien financier des troisième et quatrième auteurs par la Fondation Lucie et André Chagnon, le Conseil de recherche en sciences humaines du Canada (CRSH), le Fonds québécois de la recherche sur la société et la culture (FQRSC), les Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC), le Conseil québécois de la recherche sociale (CQRS), la Commission scolaire de Laval, l’Agence de réseaux locaux de services de santé et de services sociaux de Laval, le Centre de santé et de services sociaux de Laval et le Centre de psychoéducation du Québec.
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