Résumés
Résumé
Le présent article aborde un nouveau sujet de préoccupation : l’influence que les familles des victimes ont sur celles-ci, soit en les rendant vulnérables à la traite des personnes, soit en constituant un obstacle à leurs efforts pour échapper aux trafiquants, une fois qu’elles sont prises au piège. Lorsqu’une femme ou un enfant sont objets de la traite, la situation familiale prend une importance de premier plan en matière de protection. Que les victimes s’inquiètent pour leur famille ou qu’elles craignent de continuer à être exploitées par celle-ci, il n’en demeure pas moins que les problèmes reliés à la famille devraient être pris en considération et offrir de nouvelles pistes de recherche.
Abstract
The present article addresses a new subject of concern: the impact of their families on victims, either by rendering them vulnerable to human trafficking, or by constituting an obstacle to the victim's attempts to escape the traffickers, once caught in their net. When a woman or child are trafficked, their family situation is of prime importance as far as protection is concerned. Whether these victims fear for their families, or whether they are afraid that they will continue to be exploited by them, it is still essential that family-related problems should be taken into account and provide new avenues for research.
Corps de l’article
Introduction
Le présent article s’appuie sur de nombreuses années de recherche sur la traite des personnes et sur la façon dont l’État canadien s’attaque à ce problème. Cette recherche comportait des entrevues avec des responsables des orientations politiques et des prestataires de services communautaires, de même que l’étude de la littérature didactique et de la documentation parallèle portant sur la dynamique familiale et les structures de la famille. Nous avons trouvé très peu de données sur ces deux derniers sujets. Quelques points de vue des ONG présentés ci-dessous proviennent des résultats d’un projet de recherche qualitative mené en 2005 à la demande du ministère de la Justice du Canada, Division de la recherche et de la statistique, afin de documenter les services communautaires liés à la protection des victimes de la traite des personnes[2] tandis que d’autres sont issus de notre étude documentaire.
Notre but, ici, est de mettre en évidence les politiques et facteurs institutionnels et socioculturels qui entrecoupent les questions familiales dans le travail visant à prévenir la traite des personnes à la source et à assurer la protection des femmes et enfants objets de la traite transnationale ou interne, dans le contexte canadien actuel.
Dans la présente étude, nous cherchons à comprendre la traite des femmes et des enfants d’un point de vue tenant compte des différences entre les sexes. La féminisation de la migration est l’une des conséquences structurelles de la mondialisation de l’économie ; elle reflète à la fois les politiques d’immigration des pays industrialisés et la déstabilisation économique des pays en développement. En outre, les femmes objets de traite ne constituent par une catégorie homogène, étant donné la diversité des pays d’origine, des âges, des appartenances ethniques, des religions, des situations familiales, des rangs sociaux, etc. Nous étudions la traite des personnes à la lumière de la Déclaration universelle des droits de l’homme et du Protocole des Nations Unies contre la traite des personnes[3] et notre approche est souvent opposée à l’étude traditionnelle de la traite de personnes en tant que crime plutôt que violation des droits et libertés des victimes.
Le présent article fera ressortir à quel point les considérations d’ordre familial rendaient les femmes vulnérables à la traite de personnes et constituaient un obstacle à leurs tentatives d’y échapper. Dans toutes les entrevues, notamment avec des victimes de la traite et des prestataires de services communautaires, il est ressorti que la situation économique de la famille, les conditions psychosociales de la famille de même que la participation de la famille à la traite contribuaient à rendre les femmes vulnérables et entravaient leurs efforts pour s’en sortir.
Méthodologie de recherche
Au cours de l’étude qui a servi à alimenter notre article, trois catégories de répondants ont été interviewés : des victimes de la traite des personnes, de représentants d’ONG et des responsables des orientations politiques fédérales. Les rencontres avec les victimes, recrutées par le biais d’une association de défense des droits des travailleuses domestiques[4], ont eu lieu dans le cadre de petits groupes de discussion. Même si la traite de personnes n’était pas le sujet à l’ordre du jour pour les groupes de discussion, ce qui est ressorti des commentaires des femmes, c’est qu’elles avaient été l’objet de la traite alors qu’elles migraient en vue d’occuper un emploi domestique. Au total, nous avons décelé quatre victimes qui, toutes, avaient pu échapper à la traite des personnes grâce à l’aide d’organismes communautaires et, dans quelques cas, grâce à l’intervention des autorités.
Les entrevues avec les ONG ont eu lieu dans quatre villes à forte proportion de migrants et de travailleurs du sexe (Vancouver, Winnipeg, Toronto et Montréal).[5] À cause de la nature clandestine de la traite des personnes, de la prise de conscience relativement récente de ce phénomène au Canada et du nombre limité d’ONG ayant un mandat précis relativement à la traite de personnes, il nous a fallu procéder par sondage en « boule de neige » afin de recruter des répondants. Nous avons pris en considération un vaste éventail de prestataires de services : les services d’aide aux victimes; les ONG offrant des services d’établissement, d’immigration et d’aide aux réfugiés; les services communautaires et les services de santé; les organismes religieux ; les organisations féminines ; les organisations autochtones et autres organisations ethniques. En tout, quarante entrevues semi-structurées ont été menées au téléphone avec des intervenants de première ligne : 10 à Toronto de même qu’à Winnipeg, 11 à Vancouver et 9 à Montréal.
Les responsables des orientations politiques ont été ciblés en raison de leur participation au Groupe de travail interministériel sur la traite des personnes (GTITP) parrainé par le gouvernement canadien (Oxman-Martinez, Hanley et Gomez, 2005). Des entrevues ont été menées auprès de sept répondants clés, qui représentaient une vaste gamme d’organismes fédéraux : ministère des Affaires étrangères et du Commerce international (MAECI), Condition féminine Canada (CFC), Agence canadienne de développement international (ACDI), Citoyenneté et Immigration Canada (CIC), Gendarmerie royale du Canada (GRC), Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) et ministère de la Justice Canada. Bien que les liens familiaux aient été mentionnés occasionnellement au cours des entrevues avec les responsables des orientations politiques, les données recueillies lors de ces entretiens ont davantage servi à nous éclairer sur les politiques et pratiques instaurées pour prévenir la traite des personnes et en protéger les victimes au Canada.
Connaissances actuelles en ce qui concerne la traite des personnes
Au paragraphe a) de l’article 3 du Protocole des Nations Unies, la traite des personnes est définie comme le recrutement, le transport, le transfert, l’hébergement ou l’accueil de personnes, par la menace de recours ou le recours à la force ou à d’autres formes de contrainte, par enlèvement, fraude, tromperie, abus d’autorité ou d’une situation de vulnérabilité, ou par l’offre ou l’acceptation de paiements ou d’avantages pour obtenir le consentement d’une personne ayant autorité sur une autre aux fins d’exploitation sexuelle, d’esclavage ou de pratiques analogues à l’esclavage. Le Protocole établit une distinction entre la traite des personnes et le passage de migrants illégaux fait d’organiser moyennant paiement l’entrée clandestine d’individus dans un pays sans toutefois exercer sur eux des contraintes ou les exploiter au moment de leur arrivée.
Vu la nature clandestine du phénomène et le manque de données empiriques s’y rapportant, il est difficile d’estimer avec justesse le nombre d’individus qui sont victimes de la traite des personnes chaque année, à l’échelle mondiale ou au Canada seulement. Selon une estimation prudente de la Gendarmerie royale du Canada (GRC), on ferait entrer clandestinement au Canada chaque année environ 600 femmes et enfants à seule fin de les exploiter sexuellement, et au moins 800 personnes destinées au divers marchés nationaux (y compris le marché de la drogue, le travail domestique, le travail dans les fabriques de vêtements ou autres industries). De plus, la GRC estime qu’entre 1 500 et 2 200 personnes sont passées clandestinement chaque année depuis le Canada jusqu’aux États-Unis, ce qui donne à penser que le Canada est un pays source, de transit et de destination (RCMP, 2005, non publié).
Sur le plan international, la traite des personnes se fait à partir des pays pauvres, en développement, vers les pays industrialisés de l’Occident. Souvent, les victimes cherchent des occasions d’émigrer parce qu’elles espèrent améliorer leur situation économique et pouvoir envoyer de l’argent à la famille dans leur pays d’origine. À l’intérieur des frontières, les victimes de la traite sont souvent des personnes des régions rurales qu’on amène dans les villes. L’Organisation internationale du Travail (O.I.T.) estime qu’en tout temps 2,45 millions de personnes sont victimes du travail forcé lié à la traite des être humains, et que 270 000 d’entre elles sont acheminées vers les pays industrialisés (O.I.T., 2005). Les victimes de la traite qui se retrouvent au Canada proviennent d’un nombre très varié de pays; toutefois, les pays de l’Asie et de l’ancienne Union soviétique seraient les principaux pays sources (GRC, 2005, non publié). Un phénomène de plus en plus remarqué est celui de la traite de personnes (tant immigrées que natives du Canada, plus particulièrement autochtones) à l’intérieur même du pays ou depuis le Canada vers les États-Unis. Bien que ces deux formes de traite aient des caractéristiques communes, les déplacements transnationaux sont une source de problèmes particuliers à chacune.[6]
Dans le contexte canadien, la littérature universitaire sur la traite des personnes nous offre une critique et une analyse des politiques et du cadre juridique entourant la traite d’êtres humains (voir, à titre d’exemple, les travaux de Crépeau, 2002; Langevin et Belleau, 2000; Côté, Kérisit et Côté, 2001; Bruckert et Parent, 2002, 2004). En revanche, une grande partie de l’information d’ordre pratique disponible sur le sujet se trouve dans la documentation parallèle ou grise émise par les ONG. Notre étude de la documentation parallèle a mis en évidence deux domaines d’intérêt principaux : l’analyse des causes profondes de la traite des personnes et le récit des témoignages des victimes. Aux fins de notre article, nous avons extrait de cette documentation le contenu qui se rapportait à la famille. Même si les publications des ONG n’étaient pas nécessairement axées sur la famille, celle-ci n’en était pas moins présente.
Les organismes de base populaire qui luttent contre la traite des personnes s’attachent à souligner les causes profondes de ce phénomène et insistent sur la nécessité de combattre l’inégalité mondiale si nous voulons parvenir à enrayer le flot de migrations dangereuses. Leurs analyses indiquent que la pauvreté des familles d’origine est l’une des principales raisons pour lesquelles les femmes et les enfants cherchent à migrer ou sont forcés à le faire (CCR, 2003; Mujer, 2002; DAARE, 2001). Les rôles changeants assignés à chacun des sexes sont aussi mentionnés comme facteurs liés à la traite des personnes :
Un grand nombre de personnes se trouvent dans l’impossibilité de se protéger et de pourvoir à leurs besoins ainsi qu’à ceux de leur famille. Parallèlement, les efforts des gouvernements visant à restreindre l’immigration empêchent la plupart des gens (et plus particulièrement les femmes) de migrer légalement. Pendant que les mesures de contrôle de la migration sont appliquées, la demande de main-d’oeuvre exploitable continue d’exister dans les pays destinataires. Les femmes et les filles sont les plus susceptibles d’être touchées par les pressions conflictuelles engendrées par des systèmes socioéconomiques, culturels et politiques sexistes.
CCR, 2003: 20-21
Au Canada, lors de l’examen à mi-parcours du deuxième Congrès mondial contre l’exploitation sexuelle des enfants à fins commerciales (Windsor, Ont., mai 2005), on a argué que la pauvreté, bien qu’elle puisse contribuer à créer un environnement favorable à l’exploitation, voire à la traite des enfants, ne pouvait justifier de telles pratiques. Parmi la panoplie de facteurs complexes qui contribuent à l’exploitation des enfants, on retrouve les structures socioéconomiques inéquitables, les familles dysfonctionnelles, le manque d’instruction, le consumérisme accru, la migration urbaine, la discrimination sexuelle, le comportement sexuel irresponsable des adultes, les pratiques traditionnelles préjudiciables, les conflits armés et la traite des enfants. Tous ces facteurs exacerbent la vulnérabilité des filles et des garçons face aux personnes qui cherchent à en faire la traite aux fins d’exploitation sexuelle.
L’organisme The Future Group offre, à partir d’une étude pragmatique, une analyse de la situation en Asie du Sud-Est, dans laquelle la pénurie d’emploi est mentionnée comme l’une des causes majeures de l’exode rural des enfants qui espèrent trouver dans les villes de meilleures conditions de vie et de travail. Tandis que la pauvreté structurelle peut obliger certaines familles à vendre leurs enfants, chez d’autres, c’est l’habitude du jeu ou diverses dépendances qui les poussent à agir ainsi. Toutefois, parmi les causes profondes de l’exploitation et de la traite de personnes, on ne retrouve pas que la pauvreté (The Future Group, 2001: 41).
Bon nombre de rapports communautaires intéressants offrent des comptes rendus directs de situations vécues par des victimes de la traite. Mujer, un refuge pour réfugiées latino-américaines situé à Toronto, a vu passer une forte proportion de femmes qu’on avait fait entrer au Canada avec le « visa de danseuse exotique »[7] (Mujer, 2002). Les entrevues avec ces femmes ont fait ressortir les liens étroits qui existent entre la traite des personnes et les problèmes familiaux. La pauvreté de la famille d’origine de ces femmes et parfois l’obligation, en tant que mères seules, de subvenir aux besoins de leurs enfants constituaient leur principale incitation à venir au Canada pour exercer le métier de danseuse. À leur arrivée, cependant, elles se voyaient privées de liberté et contraintes à s’engager dans la prostitution.
Un autre problème relié à la famille était la stigmatisation des femmes objets de la traite en raison du métier qu’elles devaient exercer :
Les femmes (objets de la traite) sont quotidiennement victimes de stigmatisation à cause de leur métier. Les familles, dans leur pays d’origine, ignorent ce qu’elles font comme travail ou, si elles sont au courant, cela demeure un secret bien gardé. Les femmes ne veulent pas que leurs enfants sachent ce qu’elles font et craignent que d’autres personnes de leur communauté, les enseignants ou leurs voisins, apprennent qu’elles sont danseuses.
Mujer, 2002: 51
La peur est l’une des principales raisons qui empêchent ces femmes de demander de l’aide : peur que leur famille découvre ce qu’elles font, peur que leurs enfants soient victimes de discrimination, peur de se voir elles-mêmes rejetées par leur communauté. On retrouvait cette attitude chez les danseuses exotiques en général, non pas seulement chez les personnes objets de la traite :
La stigmatisation et le harcèlement des danseuses exotiques peuvent aussi avoir lieu en dehors du travail si les voisins, les membres de la communauté, d’autres employeurs, les écoles des enfants, les propriétaires d’immeubles, la police, etc. connaissent la nature de leur travail. Des danseuses ont mentionné qu’on les avait mises à l’écart, qu’on leur avait fait des propositions, qu’on les avait agressées et harcelées, qu’on leur avait refusé l’accès à un logement, la protection de la police ou la possibilité de recours du fait que leur occupation était connue de la communauté. Il arrivait parfois que ce genre de discrimination s’étende aux autres membres de la famille, notamment aux enfants d’une danseuse.(Maticka-Tyndale, 2004)
L’objectif à long terme de pouvoir parrainer parents ou enfants afin qu’ils puissent immigrer au Canada et que la famille soit à nouveau réunie, faisait aussi partie des raisons qu’invoquaient les répondantes de Mujer pour ne pas demander l’aide des autorités. Elles craignaient d’être déportées si elles ne respectaient pas les conditions d’immigration voulant qu’elles travaillent exclusivement pour l’établissement de danseuses exotiques autorisé par leur visa (Mujer, 2002: 53).
L’analyse documentaire qui précède révèle que les ONG et autres intervenants sont conscients des problèmes familiaux, mais que ceux-ci ne sont pas abordés directement et ne font pas partie des préoccupations premières dans leur travail de prévention de la traite et de protection des victimes. Nous consacrerons le reste de cet article aux résultats d’une recherche empirique visant à montrer le lien étroit qui existe entre la famille et la traite des personnes et nous ferons valoir le fait que les problèmes familiaux sont souvent au coeur de la trajectoire de la traite de personnes, soit parce que les victimes se soucient du bien-être futur de leur famille, soit parce que leur famille les exploite.
Le cadre juridique et les politiques en matière de traite des personnes
Le Canada a joué un rôle important dans les négociations qui ont mené à l’adoption du Protocole des Nations Unies visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes. Il a aussi été parmi les premières nations à signer et ratifier le Protocole, en 2002. L’approche du Canada en matière de traite des personnes consiste à lutter contre cette pratique à l’étranger tout en élaborant des politiques et des instruments juridiques qui permettent d’y mettre un frein à l’intérieur du Canada.
À titre de mesures préventives, citons, entre autres, les pressions politiques, l’éducation et le financement de projets. Ainsi, l’ACDI, CIC et le MAECI collaborent à des programmes d’éducation dans les pays sources potentielles de victimes de la traite. Parmi les initiatives spécifiques, notons les campagnes de sensibilisation du public et la formation du personnel des ambassades en vue de prévenir la traite des femmes depuis l’Europe orientale et l’Europe centrale ; les campagnes d’éducation du public sur la traite des enfants dans la région sahélienne et, notamment, les campagnes visant à contrôler la traite transnationale au Mali, au Burkina Faso, en Guinée et Côte d'Ivoire. Un autre exemple de telles mesures est l’appui que Condition féminine Canada, dont le mandat est de promouvoir l’égalité des sexes et d’assurer la pleine participation des femmes à la vie économique, sociale, culturelle et politique canadienne, donne à la recherche et aux projets pilotes portant sur la traite des personnes. Afin de prévenir la traite des personnes dans les pays sources et fort de l’information fournie par ses partenaires dans ces pays, le GTIPT a préparé une trousse d’information testée du point de vue culturel, puis traduite en 14 langues. Cette trousse a été distribuée aux missions canadiennes à l’étranger ainsi qu’aux organisations non gouvernementales (ONG) régionales et locales qui travaillent directement avec les victimes potentielles ou réelles de la traite de personnes, particulièrement auprès des femmes et des enfants de la rue (Oxman-Martinez, Hanley et Gomez, 2005).
En plus de participer à des accords de coopération bilatérale visant à faciliter les enquêtes et les poursuites relatives aux réseaux de la traite des personnes, le Canada a ajusté sa Loi sur l’immigration et le Code criminel, depuis l’adoption du Protocole. Cette Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (LIPR – 2001) a été la première à condamner explicitement l’organisation d’entrée illégale et la traite de personnes (articles 117-121). Le paragraphe 118(1) de cette même loi stipule que « Commet une infraction quiconque sciemment organise l’entrée au Canada d’une ou plusieurs personnes par fraude, tromperie, enlèvement ou menace ou usage de la force ou de toute autre forme de coercition » (LIPR, 2001). Avec la nouvelle loi, les peines imposées pour la traite des personnes sont devenues beaucoup plus sévères et prévoient une peine maximale d’emprisonnement à perpétuité et une amende pouvant aller jusqu’à un million de dollars, ou les deux.
Déjà avant l’adoption de la Convention de Palerme et des deux Protocoles des Nations Unies, le Code criminel contenait des dispositions permettant des poursuites en justice pour certaines formes d’abus pouvant être reliés à la traite des personnes, tels l’extorsion, la séquestration, le kidnapping, l’intimidation, la pornographie, la prostitution, le travail sexuel forcé, le harcèlement sexuel et le tourisme sexuel, spécialement lorsque ces délits étaient commis contre des enfants. En 2001, les modifications apportées au Code criminel du Canada ont répondu à de nombreuses autres exigences de la Convention de Palerme, grâce à l’harmonisation de sa définition du crime organisé avec celle de la Convention. Cependant, ce n’est qu’en 2005, avec le projet de loi C-49, que la traite des personnes s’est vue spécifiquement interdite par le Code criminel. Ainsi, trois nouvelles interdictions furent créées : l’interdiction de faire la traite des personnes; l’interdiction de tirer un avantage matériel de la traite des personnes; l’interdiction de conserver ou de détruire les documents d’identité, les documents d’immigration ou de voyage d’une personne pour en faciliter la traite.[8]
L’application de ces lois est l’objet d’une collaboration entre les services de police locaux et provinciaux (pour les actes criminels et dans les cas où les personnes objets de la traite sont découvertes au cours d’enquêtes portant sur d’autres types d’infraction criminelle), la GRC et l’ASFC. À la fin de l’année 2003, la responsabilité d’appliquer la LIPR (c’est-à-dire l’application des lois de l’immigration à des points d’entrée au Canada ou la détention d’individus qui ont enfreint des articles de la Loi) a été transférée de Citoyenneté et Immigration Canada à l’Agence des services frontaliers du Canada (Oxman-Martinez et Hanley, 2004). La collaboration intergouvernementale actuelle permet à la GRC d’enquêter sur les infractions à la LIPR, à la Loi sur la citoyenneté ainsi qu’au Code criminel, notamment en ce qui a trait à la citoyenneté, au passeport canadien, aux fraudes, à la fabrication de faux documents et aux complots.[9]
Jusqu’à tout récemment, les politiques canadiennes ne prévoyaient pas de mesures officielles visant à offrir des directives en matière de protection des victimes de la traite. Le 11 mai 2006, le Cabinet du ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration annonçait que, dans le cadre législatif actuel du Canada, les agents d’immigration émettraient aux victimes de la traite des permis de séjour temporaire (PST) d’une durée pouvant aller jusqu’à 120 jours. Grâce à ce permis, les victimes pourront commencer à récupérer des conséquences de ce crime. En outre, les victimes qui reçoivent un permis de séjour temporaire sont exemptées des frais d’administration et sont admissibles aux prestations pour soins de santé en vertu du Programme fédéral de santé intérimaire (CIC, 2006).
Résultats de recherche : la traite des personnes et la famille, un lien négligé
La section qui suit est consacrée à l’analyse du lien qui existe entre la traite des personnes et la famille, lien dont on ne tient pas suffisamment compte. Nous verrons d’abord comment le contexte familial peut contribuer à rendre les personnes vulnérables à la traite en nous attachant plus particulièrement à la situation économique de la famille, à la dynamique psychosociale de la famille et aux situations où la famille participe directement à la traite des personnes. Nous examinerons ensuite les problèmes d’ordre familial auxquels les victimes sont confrontées lorsqu’elles cherchent à s’en sortir, entre autres l’exploitation par les membres de la famille ; la peur de représailles envers la famille ; l’obligation de subvenir aux besoins de la famille par des envois d’argent et le désir d’obtenir le statut permanent d’immigrant afin d’aider d’autres membres de la famille à émigrer.
Vulnérabilité à la traite de personnes
Les entrevues ont fait ressortir des caractéristiques importantes en ce qui a trait aux raisons qui rendent une personne, habituellement une femme ou un enfant, vulnérable à la traite d’êtres humains. Dans l’ensemble, l’inégalité économique entre les pays – ou dans les cas de traite interne, entre les groupes ethno-raciaux – est ressortie comme caractéristique clé. On a déclaré que les écarts économiques incitaient le gens à migrer, à la recherche d’une vie meilleure. Cela dit, on a souvent mentionné que la situation de la famille d’origine comptait parmi les facteurs qui faisaient la différence entre une migration relativement sécuritaire et une migration exposée à la traite de personnes.
La situation économique de la famille d’origine
La situation économique de la famille était la raison la plus couramment invoquée comme cause de la vulnérabilité des femmes à la traite transnationale. Dans certains cas, on mentionnait que la pauvreté structurelle généralisée résultant de l’effondrement économique des pays en développement faisait de la migration économique une option intéressante pour les personnes désireuses de subvenir aux besoins de leur famille :
… la famille a l’habitude de dépendre du travail occasionnel ou saisonnier, de sorte que la sécurité du revenu est très faible. [Ou] la famille est endettée, alors on les chasse de leur demeure ; l’endroit où les gens vivent ne leur appartient pas et ils sont incapables de pourvoir à leurs besoins essentiels. (Activiste contre la traite des personnes, M3)
Ce témoignage fait ressortir à quel point les composantes socioculturelles influent sur la décision des individus de changer de vie en recherchant des occasions de migration. De même, le manque d’emplois stables dans la communauté d’origine faisait partie des principaux incitatifs mentionnés :
Vraiment, c’est la pauvreté. La plupart des femmes que nous avons rencontrées ne mentionnent rien d’autre que la pauvreté pour expliquer ce qu’elles font maintenant ou comment elles en sont arrivées là. C’est par besoin. La plupart du temps, elles voulaient aider leur famille. Surtout les femmes qui venaient de l’Asie. C’est toujours la même chose: « Aider ma famille, gagner de l’argent pour ma famille, etc., etc. » (Porte-parole des travailleuses domestiques, T7)
Il ne s’agit pas toujours de pauvreté structurelle. Parfois les familles d’origine sont devenues pauvres à cause d’événements exceptionnels, tels un conflit armé ou un désastre environnemental.
Chez les pauvres, la violence fait partie de la vie : guerre, famille, violence au sein de la famille, violence au sein de la communauté. La pauvreté est un problème considérable dans leur vie. (En réponse à la question : Qui sont les victimes de la traite que vous rencontrez?) (Porte-parole des travailleuses du sexe, W7)
… Au Cambodge [par exemple], quand les parents sont morts, victimes de génocide, par exemple, et qu’une jeune femme doit habiter avec la parenté ou chez des amis, et quand elles ne vivent pas avec leurs parents. (Activiste contre la traite des personnes, M3)
Ces situations traumatisantes résultent des contextes politiques explosifs et dangereux que l’Occident connaît principalement à travers les médias. Soulignons aussi les « facteurs de départ » créés par le non respect des droits de la personne et les représailles politiques.
La pauvreté liée à la désintégration de la structure familiale était fréquente tant dans les cas de la traite interne que transnationale. La réponse qui suit reflète une situation courante chez les victimes de traite interne…
Probablement des orphelines ou des enfants de familles très pauvres qui cherchent simplement un moyen d’améliorer leur condition et se retrouvent piégées. (Porte-parole des Premières nations, V6)
… tandis que cette autre nous donne un exemple du contexte international :
Les enfants de parents divorcés ou de familles monoparentales, situations qui créent des contraintes financières pour la famille et font que l’enfant ne bénéficie pas d’autant de surveillance parentale. (Activiste contre la traite des personnes, M3)
La séparation de la famille est souvent à l’origine des situations favorables à la traite des personnes. L’incertitude quant à l’avenir de la famille demeurée dans le pays d’origine est un facteur de stress quotidien pour les victimes, stress exacerbé par l’instabilité de leur propre situation pour ce qui est de leur sécurité, de l’accès à des services de santé et des moyens financiers. Chez les enfants, le sentiment d’être abandonné par la famille et la peur d’être maltraité à nouveau rend leur situation encore plus précaire.
Enfin, le nouveau partage des rôles au sein de la famille, particulièrement en ce qui a trait aux finances, influe sur la structure des mouvements migratoires :
Par le passé, c’était de rôle de l’homme de pourvoir aux besoins de sa famille, pas vrai? C’est l’homme qui sort de la maison pour aller travailler dur afin de rapporter de l’argent à la maison et de mettre de quoi manger sur la table. À présent, c’est devenu la responsabilité des femmes. (Intervenante dans un organisme religieux, T8)
La féminisation de la migration est un phénomène dû en partie à l’opinion traditionnelle voulant que les femmes soient des employées plus dociles. Actuellement, les femmes – mères, filles ou soeurs – sont de plus en plus souvent la première personne de la famille à migrer afin de trouver du travail. Les premières étapes de ces trajets migratoires sont les grandes villes du pays d’origine, puis viennent ensuite les destinations internationales. C’est la recherche d’opportunités qui conduit les femmes entre les mains des trafiquants.
Dynamique psychosociale de la famille d’origine
Dans les cas de traite interne, le dysfonctionnement ou la dynamique psychosociale défaillante de la famille d’origine sont perçus comme les causes principales de la vulnérabilité des femmes et des filles à la traite de personnes. La violence et la négligence dans la famille d’origine étaient souvent mentionnées comme facteurs de vulnérabilité. Une répondante nous raconte ce qui suit :
Il y avait une jeune femme, en Saskatchewan, qui avait été prise en charge par sa tante, la soeur de sa mère, après la mort de ses parents dans un accident de voiture. Et le mari de sa tante abusait d’elle… Vers l’âge de 14-15 ans, elle a tout raconté à sa tante. Alors une autre tante est entrée en contact avec les services sociaux. Ils lui ont dit qu’ils allaient présenter sa cause devant un tribunal étant donné que l’oncle avait aussi fini par violer deux autres de ses amies. Elles étaient prêtes à témoigner. Mais le jour venu, personne ne s’est présenté à l’audience. Elle craignait tellement pour sa vie qu’elle s’est enfuie à Regina, où il lui était impossible de survivre. (Activiste en faveur des femmes de Première nation, T9)
Beaucoup de répondantes avaient l’impression que le fait de migrer vers la grande ville constituait une rupture avec un système social apte à les protéger de l’exploitation, surtout dans le cas des femmes et enfants autochtones. Le plus souvent, la trajectoire de la traite interne ressemble à ceci :
Je ne crois pas que [la traite interne] soit très organisée. À mon avis, il s’agit plutôt de jeunes gens qui sont pris en charge par les Services à l’enfance et à la famille. Par exemple, on les retire de leur famille et ils se retrouvent en ville. Ou encore, vous savez… des enfants qui vivent en ville avec leur famille et… qui sont attirés d’une façon ou d’une autre par la vie de la rue, ou qui fuient l’autorité parentale et se retrouvent à la rue, puis dans ce genre de situation. (Porte-parole Enfance et Jeunesse, W1)
Le fait d’avoir dans sa famille des personnes à comportement dangereux, soit à cause de l’abus de drogues ou d’alcool, du jeu ou de la prostitution, était aussi considéré comme facteur de risque. Ces comportements peuvent engendrer la nécessité économique et rendre la famille dysfonctionnelle. On nous a mentionné des cas où les membres de la famille déjà engagés dans la prostitution de rue recrutaient des personnes qui, éventuellement, devenaient l’objet de la traite :
[E]lles se recrutent entre elles. [E]lles ont une soeur, une cousine ou autre parente qui fait déjà le trottoir. Au fond, personne ne les a persuadées de s’engager dans une activité qu’elles ne souhaitent pas faire, c’est plutôt qu’on leur a offert un moyen de payer le prochain repas ou la prochaine dose de drogue. Vous savez, la cocaïne peut créer une telle dépendance, une fois accroché, vous êtes prêt à tout pour en avoir encore. (Porte-parole Enfance & Jeunesse, W8)
Au Canada, des répondantes ont évoqué le long passé d’exploitation coloniale des Premières nations et les répercussions néfastes que cette exploitation continue d’avoir sur la dynamique familiale :
L’exploitation des enfants dans les communautés autochtones… [les trafiquants] sont souvent connus des victimes. (En réponse à la question: Qu’est-ce qui rend les victimes vulnérables à la traite de personnes? Quelles sont les causes profondes de ce problème?) (Porte-parole Enfance et Jeunesse, W8)
Blackell (2001) montre que les organisations criminelles font la traite des jeunes enfants et des jeunes femmes autochtones aux fins de la prostitution à l’intérieur des provinces canadiennes.[10] Le besoin de s’attaquer à ce problème à long terme ressort des propos suivants :
Il y a un effet transgénérationnel: les parents ont peut-être survécu à l’internat, mais leurs problèmes se sont répercutés sur leurs enfants. On a presque détruit l’estime de soi chez les enfants autochtones. Dans les communautés fermées, il n’est pas ouvertement question d’abus sexuels, mais les jeunes gens les ont intégrés dans leur vie. (En réponse à la question : Quels sont les besoins les plus urgents des victimes?) (Porte-parole - Enfance et Jeunesse, W8)
Les trafiquants au sein de la famille
Un dernier scénario, dont il faut tenir compte dans nos efforts pour enrayer la traite des personnes et protéger ses victimes, est celui où, malheureusement, la famille d’origine joue un rôle dans l’exploitation de ses membres. Il arrive, à l’occasion, que la famille participe à cette traite en pleine connaissance de cause. Selon une répondante, les trafiquants sont trop souvent « les hommes dans leur vie, le frère, le père, la plupart du temps ». (Intervenante auprès des victimes d’agression sexuelle, V1).
Un exemple de la participation tout à fait consciente de la famille à la traite transfrontalière nous est fourni dans la réponse suivante :
La personne est transférée par sa famille immédiate, qui l’amène au marché local, sachant que quelqu’un s’y trouve pour recevoir les gens; elle est vendue sur le champ et la famille reçoit l’argent sur place. Le plus souvent, ce sont des soi-disant amoureux ou fiancés qui vendent leur partenaire à des propriétaires de bordels ou à des proxénètes, et elles peuvent se retrouver à peu près n’importe où dans le monde, en fonction de la demande. (Activiste contre la traite des personnes, M3)
Une autre répondante, qui établit elle aussi des liens avec la situation macro-économique, nous décrit un scenario semblable :
Encore aujourd’hui, Il est pratique courante de vendre les enfants qui se retrouvent dans un bordel ou à la rue. Malheureusement, ces enfants viennent souvent de pays défavorisés, dont l’économie est chancelante, où règne la menace de guerre ou la violence. (Activiste pour les femmes des Premières nations, T9)
La déstabilisation de la structure de la famille élargie et l’exode rural, résultat de l’implantation de réformes structurelles imposées par le Fonds monétaire international et la Banque mondiale, ont malheureusement contribué à l’augmentation du nombre d’enfants et de jeunes dans les rues, dans plusieurs pays d’Afrique et d’Amérique latine, faisant d’eux des proies faciles pour les trafiquants.
Il y a participation indirecte des familles à la traite de personnes quand les membres de la famille ne sont pas entièrement conscients des répercussions éventuelles de leurs actions et de la possibilité qu’elles puissent mener à l’exploitation extrême. Dans les deux exemples suivants, la famille a organisé la migration au Canada, mais les conditions de la traite ne sont apparues qu’à l’arrivée :
Les contacts de la famille s’occupent du recrutement, bien entendu. Parfois, les femmes émigrent pour suivre leur famille, ou un membre de celle-ci. Parfois, elles ont été recrutées directement en tant que passeuses de drogue ou revendeuses, ou du fait qu’elles consommaient. (Intervenante auprès des victimes d’agression sexuelle, V1)
La famille de cette fille l’a forcée à venir au Canada et l’a pour ainsi dire abandonnée ici. Repérée comme personne dans le besoin, elle a été exploitée. Une des conditions était « continue à te prostituer et à payer, et on t’obtiendra un statut juridique au Canada d’ici quelques années ». Sans que ce soit l’intention de la famille, c’est devenu un cas de traite de personnes. (Intervenant au service d’établissement des réfugiés, T4)
Les familles sont aussi impliquées dans des cas de traite reliée au mariage :
Il s’agit d’une situation de famille où une jeune enfant est vendue en mariage dans tel pays, par exemple, puis envoyée dans un autre pour devenir l’épouse d’un homme âgé… qui a probablement déjà plusieurs femmes et les exploitera... (Activiste en faveur des femmes des Premières nations, T9)
PPC [promises par correspondance]. Ça peut même comprendre une visite sur place et l’envoi d’argent pour la famille. Alors il y a déjà cette sorte de transaction, pas seulement avec la femme, mais avec le reste de la famille. (Porte-parole des travailleuses domestiques, V9)
Ces histoires montrent l’intérêt collectif de la famille à négocier un mariage qui profitera éventuellement à ses membres. Dans certains cas, cependant, ces négociations donnent lieu à des mariages forcés ou marqués par la violence et l’exploitation. Dans les pires circonstances, cela équivaut à l’esclavage pour l’épouse.
Difficultés à échapper aux trafiquants
Après avoir vu comment les familles peuvent mettre les victimes en situation de vulnérabilité par rapport à la traite des personnes, regardons maintenant les problèmes que représente la famille pour une victime qui tente de recouvrer sa liberté. Encore une fois, les entrevues avec des victimes de la traite et des ONG travaillant auprès de ces victimes indiquent que la participation des familles est un facteur important dont il faut tenir compte dans le travail de protection. Les répondants ont relevé quatre types de situation où la famille est reliée aux problèmes auxquels les victimes doivent faire face lorsqu’elles tentent d’échapper aux trafiquants : les victimes craignent qu’on s’en prenne à leur famille si elles s’enfuient ; les victimes se sentent obligées de pourvoir aux besoins de leur famille ; elles craignent de perdre toute possibilité de régulariser leur statut d’immigrantes; les familles sont complices de leur exploitation.
Peur pour la sécurité des membres de la famille dans leur communauté d’origine
Les répondants ont insisté sur le climat de peur qu’entretiennent les trafiquants. Comme bon nombre des victimes de la traite ont été prises au piège en voulant au départ venir en aide à leur famille, les trafiquants ont vite compris que les menaces proférées contre la famille constituaient un moyen de contrôle très efficace. Les répondants ont mentionné diverses situations où les familles étaient menacées: dettes oppressives, violence directe et, dans le contexte canadien, intervention des services de protection de la jeunesse pour retirer leurs enfants aux mères victimes de la traite.
L’endettement occupe une place importante dans les histoires de traite, à cause des fortes sommes que les familles s’engagent à payer pour ce qu’elles croient être des services visant à faciliter la migration. Une fois la situation de la traite bien établie, par contre, la famille est menacée dès qu’il y a risque de défaut de paiement :
Nos clientes, elles sont contrôlées par les Snakeheads pendant le voyage. Une fois au Canada, le Snakehead[11] leur retire le passeport. D’habitude, ils connaissent la famille en Chine, et c’est la famille qui verse le reste de l’argent. Généralement, la famille doit d’abord verser des arrhes, dix pour cent habituellement, puis payer le reste une fois qu’ils sont arrivés à destination. D’habitude, le Snakehead accompagne la personne qui migre et lui prend son passeport. Ils ont besoin du passeport pour d’autres personnes. Les familles versent le reste de l’argent. (Intervenant du service d’établissement des immigrants et réfugiés, V2)
Kyle et Dale (2001) ont écrit qu’au Myanmar (Birmanie), on estime que la traite des personnes est un crime auquel participe l’État et que, parallèlement, l’État subventionne des publicités dans lesquelles on offre des services sexuels aux touristes. Dans ce contexte, les familles offrent leurs filles en contrepartie du salaire d’une année.
Chez les femmes avec enfants, ce sont souvent ces derniers qui sont directement menacés :
La traite de personnes serait… elles obtiennent un prêt et demandent aux personnes ici de faire les paiements, et quand elles ne peuvent pas remettre l’argent, alors ce sont les enfants qui écopent. (Porte-parole des Premières nations, V6)
Une victime de la traite nous a raconté comment l’entente financière à laquelle elle participait au début de sa migration avait été radicalement modifiée une fois qu’elle s’était retrouvée sous l’autorité des trafiquants :
Alors ils exigent plus d’argent. « Comment pouvez-vous me demander plus d’argent quand on vient de m’arrêter ? Et où est-ce que je vais trouver de l’argent ? » Alors ils ont commencé à me harceler, à se pointer à ma porte. Et ils ont fait peur à mon père. Mon père, il s’est fâché… Je l’ai fait. Je suis venue ici parce que je voulais la sécurité. Je savais que les choses allaient vraiment mal tourner si je n’acceptais pas le contrat. On ne vous laisse pas le choix : vous êtes prise au piège. En premier, ils vous envoient dans un endroit où c’est facile, puis, si vous ne respectez pas votre contrat, par exemple si vous ne faites pas assez d’argent, c’est fini : pendant deux ans, vous êtes obligée de faire tout ce qu’ils demandent. Même si vous risquez d’être arrêtée, ça ne les dérange pas. (Porte-parole des travailleuses du sexe et ex-victime de la traite des personnes, T2)
En plus des pressions financières, les menaces de violence peuvent être suffisamment sérieuses pour convaincre les victimes qu’il vaut mieux ne pas prendre de risques, pour elles-mêmes et pour leur famille. Les deux réponses suivantes nous montrent clairement comment de telles menaces convainquent les victimes de ne pas s’adresser aux autorités pour obtenir de l’aide, étant donné qu’aucune disposition de la loi ne leur offre une protection transnationale ou à long terme :
Elles craignent pour leur vie. Aussi, les gens qui les ont amenées ici vont aller voir leur famille, dans leur pays d’origine. Il existe bien des sortes de chantage. Tous les moyens sont bons pour garder ces personnes actives, pour les maintenir dans cette situation. (Intervenante auprès des victimes de violence domestique, M8)
Ce ne sont pas tant les menaces de violence envers elles-mêmes qu’envers leur famille dans leur pays d’origine qui les poussent à continuer… Alors elles n’y résistent pas autant qu’elles le voudraient. Ce n’est pas ce que vous me faites à moi; c’est ce que vous faites à ma famille, dans mon pays… Si vous souhaitez que les gens dénoncent leur situation, vous devez avoir des ententes avec leur pays d’origine afin de protéger leur famille. De la même façon que vous protégez la personne ici. (Porte-parole des travailleuses du sexe, T2)
Un dernier scénario nous montre comment les trafiquants utilisent le système d’aide sociale canadien pour exploiter l’affection que les victimes ont pour leurs enfants. Beaucoup de femmes objets de la traite se retrouvent en situation d’illégalité, prostituées, sans statut d’immigrantes, impliquées dans le trafic de la drogue ou vivant dans des conditions dangereuses pour leurs enfants. La menace de les dénoncer au service de protection de l’enfance et la perte éventuelle de la garde de leurs enfants sont des éléments dissuasifs très efficaces qui les font renoncer à demander l’aide des autorités :
Il y a aussi la situation des enfants. Certaines de ces femmes ont des enfants. Soit qu’elles les ont eu ici ou qu’elles les ont laissés dans leur pays d’origine. Elles ont peur d’être incapables d’être de bonnes mères, et la plupart des enfants sont pris en charge [par le service de protection de la jeunesse]. Un drame de plus dans la vie de ces femmes. (Intervenante dans un centre pour femmes, T10)
De telles mesures de représailles faisaient partie des facteurs de dissuasion les plus courants que mentionnaient les répondants pour expliquer les difficultés auxquelles les victimes étaient confrontées lorsqu’elles tentaient d’échapper aux trafiquants. L’étude des témoignages indique que beaucoup de femmes ont peur d’aller chercher de l’aide parce qu’elles vivent dans une atmosphère quasi-permanente de violence, une atmosphère qui existait déjà au sein de leur famille quand elles étaient enfants. Et la violence, qu’elles ont connue à divers moments de leur vie, peut avoir contribué à faire d’elles les victimes de la traite aboutissant à la prostitution. La peur de se voir enlever leurs enfants par les services de protection de la jeunesse est un autre facteur important qui les empêche de dénoncer leur situation.
Désir d’aider la famille financièrement
L’incitation économique qui met beaucoup de femmes et d’enfants dans des situations de vulnérabilité à la traite de personnes fait aussi partie des raisons qui les maintiennent dans cette situation d’exploitation, une fois victimes des trafiquants. Il arrive que les victimes retirent très peu d’argent de leur travail forcé, dont le fruit va plutôt aux trafiquants. Mais le peu d’argent qu’elles arrivent à envoyer chez elle peut faire toute une différence pour leur famille :
Souvent, pour les victimes de la traite transnationale, la pression additionnelle d’avoir à envoyer de l’argent à la famille dans le pays d’origine s’ajoute au reste. C’est ce que nous comprenons, quand elles se rendent compte qu’elles ont été victimes de trafiquants. Les pressions qui viennent de la famille. Elles sont la source de revenus pour toute la famille. (Intervenante auprès de victimes d’agression sexuelle, V7)
La plupart des femmes sont issues d’un milieu très modeste. Et la plupart ont des enfants. Elles ont laissé de la famille là-bas. Elles doivent envoyer de l’argent. Il leur est donc plus difficile de se sortir de leur situation. (Travailleuse dans un centre pour femmes, T10)
Dans les cas où les victimes ne font pas d’argent, c’est très souvent parce qu’on leur fait croire qu’elles seront payées éventuellement, comme le décrit la prochain répondante :
Ce que j’ai appris, aussi, c’est que lorsqu’elles viennent ici, leur employeur leur enlève leur passeport et, en fait, ne leur donne pas leur salaire. On leur dit : « Oh, nous mettons cet argent de côté pour quand tu retourneras dans ton pays, alors tu auras un bon montant à rapporter chez toi.” (Travailleuse dans un organisme religieux, T8)
Dans ce genre de situation, il est fort improbable que la victime récupère l’argent qu’elle a gagné si elle s’enfuie et risque la déportation éventuelle. Beaucoup de migrantes ont du mal à accepter ceci. Retourner chez elles les mains vides après avoir pris part, dans certains cas, à des activités que leur famille estime honteuses n’est pas une solution envisageable pour ces victimes.
L’histoire qui suit nous fournit un dernier exemple de la façon dont le désir de gagner de l’argent pour en envoyer à la famille enfonce les victimes de plus en plus profondément dans leur situation d’exploitées :
Nous avons rencontré des femmes qui étaient venues ici en pensant qu’elles allaient faire tout autre chose. Elles se retrouvaient strip-teaseuses. Elles se disaient que ça allait, qu’elles pouvaient s’accommoder de ça, parce que personne ne les torturait. Elles allaient seulement faire du strip-tease. Mais au bout de quelques semaines, elles se rendaient compte qu’elles n’allaient pas faire d’argent si elles ne faisaient que du strip-tease. Maintenant, on s’attendait à ce qu’elles aillent dans les loges VIP, pour se livrer à des activités sexuelles. Alors, c’est comme ça quand on commence par être danseuse et qu’on se dit que c’est correct, qu’on peut danser et envoyer de l’argent à la famille, aider la famille et faire beaucoup d’argent, qu’on peut faire ça une couple d’années. Et… on se ramasse… prostituée. (Porte-parole des travailleuses du sexe et ancienne victime de la traite de personnes, T2)
Le besoin d’argent est si grand qu’elles acceptent de s’engager dans des activités qu’elles avaient d’abord rejetées, puis, une fois là, elles ont du mal à imaginer comment elles pourraient retourner dans leur famille, dont elles craignent le rejet.
Peur de perdre son statut d’immigrante ou d’être déportée
Un autre espoir qu’entretiennent beaucoup de migrantes illégales, et qui est directement relié au désir d’envoyer de l’argent à la famille qu’elles ont laissée dans leur pays d’origine, est celui d’obtenir éventuellement leur statut d’immigrantes permanentes au Canada et de pouvoir parrainer d’autres membres de leur famille afin qu’ils puissent être réunis et avoir une vie meilleure. Jusqu’à tout récemment, il n’existait aucune disposition précise visant à régulariser le statut des personnes objets de la traite, et le PST (voir plus haut) ne donne le droit de demeurer au Canada que 120 jours. Si la déportation est la seule issue possible, cela peut avoir des répercussions négatives sur toute la famille. Un exemple tiré de l’expérience d’une « promise par correspondance » décrit bien ceci :
Nous avons souvent travaillé auprès de femmes qui avaient été parrainées par leur mari, des cas de PPC [promises par correspondance]… Une fois ici, et souvent elles dépendent de leur mari pour être parrainée, ces femmes ont une peur bleue qu’on les renvoie chez elles. (Porte-parole des travailleuses domestiques, V9)
L’exploitation par des membres de la famille
Enfin, comme nous l’avons mentionné dans la section sur la vulnérabilité à la traite de personnes, il peut arriver que la famille elle-même, que ce soit les parents, l’époux ou d’autres membres de la famille élargie, participe directement à la traite. Dans la réponse qui suit, la répondante décrit comment son organisme essaie de tenir compte de ce fait lorsqu’il vient en aide aux victimes :
On trouve souvent des cas où la violence familiale et la manipulation ont des répercussions sur ces femmes. Par exemple, même si la famille immédiate se retrouve en prison, pour une question d’immigration clandestine, les rapports de pouvoir demeurent les mêmes entre ces personnes. Alors, nous venons en aide à des femmes qui ont été manipulées, ou encore qui essaient d’affronter un mari qui les viole. (Intervenante auprès de victimes d’agression sexuelle, V1)
Plusieurs répondants ont fait un lien entre les sentiments de honte et de culpabilité qu’éprouvent les personnes victimes de la traite par des membres de leur famille et la dynamique que l’on retrouve dans les situations plus courantes de violence familiale. Ce point de vue est mis en évidence dans la littérature parallèle (Toupin, 2002).
Conclusion : tenir compte de l’arrière-plan familial dans la planification de mesures visant à prévenir la traite des personnes et à en protéger les victimes
Jusqu’à ce jour, les études sur la traite des personnes ont été orientées soit sur les besoins des victimes de la traite des personnes, soit sur les politiques gouvernementales visant à combattre la traite d’être humains ou à poursuivre les trafiquants. Notre article porte sur un nouveau sujet de préoccupation : le lien entre la famille des victimes et leur vulnérabilité à la traite de personnes, d’une part, et la difficulté qu’ont ces mêmes victimes à échapper aux trafiquants, d’autre part. Nos entrevues avec des décideurs, avec des intervenants de première ligne dans des ONG et un petit nombre de victimes de la traite de personnes mettent en relief diverses façons de tenir compte des problèmes familiaux dans nos efforts tant pour prévenir ce phénomène que pour en protéger les victimes.
En matière de prévention, la situation économique des familles d’origine s’est avérée un facteur clé. Par conséquent, les mesures préventives doivent s’attaquer aux causes profondes de la pauvreté en appuyant les initiatives économiques locales qui permettent aux femmes et aux enfants de gagner leur vie au sein de leur communauté plutôt que d’être obligés de migrer. Pour ce qui est des familles dysfonctionnelles, cependant, il faut mettre en place des services sociaux afin d’offrir des solutions de rechange aux femmes et enfants maltraités ou mis en danger par des membres de leur famille.
Une fois qu’une femme ou un enfant sont devenus objets de la traite, leur situation familiale devient un facteur déterminant en ce qui concerne leur protection. D’abord, le retour dans la famille d’origine peut ne pas être la bonne solution pour certaines victimes. Quand les familles des victimes ont participé à la traite, ou quand leur communauté risque de les rejeter, le retour à la famille d’origine peut entraîner leur revictimisation. Deuxièmement, la protection contre les trafiquants ne doit pas se limiter à la victime dans le pays de destination, mais aussi tenir compte du danger de représailles éventuelles contre sa famille, dans son pays ou dans sa communauté d’origine. Troisièmement, les besoins matériels de la famille d’origine apparaissent comme l’une des principales raisons qui empêchent la victime de chercher du secours. C’est pourquoi tout programme d’aide devrait prévoir la possibilité pour la victime de continuer à subvenir aux besoins de sa famille. L’incertitude quant à la possibilité d’obtenir le statut d’immigré et la possibilité d’une déportation éventuelle n’encouragent pas les victimes à sortir de l’ombre.
Peu importe si les préoccupations des victimes découlent du souci qu’elles se font pour leur famille ou de la peur qu’elles ont de continuer à être exploitées par celle-ci, les problème reliés à la famille devraient occuper une place prioritaire dans toute tentative des autorités canadiennes visant à enrayer à la source la traite des personnes ou à en protéger les victimes. La traite des personnes est l’une des formes les plus dangereuses de migration illégale. Son étendue et sa complexité découlent, entre autres, du contexte social d’abus et d’exploitation des femmes et des enfants et elle peut être étroitement liée à la prostitution (Ghosth, 1999). La nature extrême de la traite des personnes a amené les chercheurs-boursiers tels Brolan (2000) et Graycar (1999) à la décrire comme la version moderne de l’esclavage.
Le plan d’action du Canada doit prévoir une intervention tant internationale que nationale. À l’échelle internationale, des changements s’imposent à la fois dans les structures socio-économiques et dans les politiques en matière migratoire. À l’échelle nationale, il faut tenir compte des besoins socio-économiques individuels des femmes et des enfants objets de la traite, sans perdre de vue l’interférence des problèmes aux deux niveaux.
Parmi les mesures possibles à prendre, nous invitons les gouvernements fédéral et provinciaux à s’entendre pour donner aux ONG des mandats intersectoriels précis qui leur permettent de lutter contre la traite des personnes, reconnaissant ainsi leur compétence particulière pour réagir face aux besoins des migrantes en situation précaire. Si nous voulons vraiment nous donner les moyens de prévenir la traite des personnes et d’en protéger les victimes, tout en tenant compte du contexte familial, il nous faut des programmes et services sanctionnés par le gouvernement et une attitude plus ouverte face à la possibilité pour les organismes communautaires de s’auto -réglementer en se fondant sur les meilleures pratiques du milieu.
Parties annexes
Notes
-
[1]
Les auteures désirent remercier Daphne Ferguson, Maude Bégin Gaudette et Ye Ri Choi de leur contribution à cet article, à titre d’assistantes de recherche.
-
[2]
OXMAN-MARTINEZ, J., LACROIX, M. et HANLEY, J. (2005). Les victimes de la traite des personnes : Points de vue du secteur communautaire canadien. Ministère de la Justice Canada, Division de la recherche et de la statistique, 47 p.
-
[3]
L’intitulé complet est Protocole des Nations Unies visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants. Il s’agit de l’un des protocoles additionnels adoptés dans le sillage de la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale – aussi appelée Convention de Palerme (ONU, 2000)
-
[4]
Ces groupes de discussion ont été menés dans le cadre d’une étude pancanadienne financée par le CRSH et intitulée « The Land of Milk and Honey? Life after the LCP » par les docteurs Denise Spitzer, Jacqueline Oxman-Martinez, Karen Hughes et Jill Hanley.
-
[5]
Ces entrevues faisaient partie de l’étude mentionnée ci-dessus, Oxman-Martinez, Lacroix et Hanley, 2005.
-
[6]
Par exemple, les autochtones victimes de la traite de personnes à l’intérieur des frontières du Canada ont droit à la plupart des services sociaux (bien que l’accès à ces services puisse être compliqué du fait de leur statut d’Amérindien); les victimes de la traite internationale craignent souvent d’être déportées, l’une des principales raisons pour lesquelles elles ne s’adressent pas aux autorités pour avoir de l’aide.
-
[7]
En dépit de son nom populaire, le « visa de danseuse exotique » est un visa de résident temporaire régulier assorti d’un permis de travail émis en raison de la pénurie de travailleuses canadiennes prêtes à exercer ce métier.
-
[8]
Un autre élément du Code criminel répond aux besoins des personnes mineures objets de la traite à l’article 4, en prévoyant la protection accrue des témoins. Cette disposition donne au juge le pouvoir supplémentaire de refuser au public d’assister à un procès pour la traite de personnes et de permettre à un témoin âgé de moins de 18 ans de témoigner en dehors de la cour ou derrière un écran si la personne accusée est impliquée dans une affaire de traite de personnes.
-
[9]
Parmi les priorités de la GRC en matière d’application des lois de l’immigration : lutter contre les organisations criminelles impliquées dans l’introduction clandestine de migrants au Canada; prévenir les activités crapuleuses ou illégales de la part des passeurs professionnels; enquêter sur l’identité des demandeurs d’asile qui arrivent au Canada; identifier les groupes de crime organisé et les criminels de guerre contemporains; appréhender les personnes qui ont des antécédents criminels graves et qui sont l’objet d’un mandat de l’immigration.
-
[10]
Sécurité publique et Protection civile Canada, Ensemble contre le crime organisé : Rapport public concernant les mesures prises dans le cadre du Programme national de lutte contre le crime organisé, le 12 mai 2004. Texte disponible à l’adresse Internet suivante : http://ww2.psepcsppcc.gc.ca/publications/policing/combat_org_crime_f.asp#4f
-
[11]
Les Snakeheads, d’après Liang et Ye (2001) et Kyle et Liang (2001), sont des groupes de crime organisé chinois. Leurs membres, hommes et femmes, passent des migrants au Canada et, à l’arrivée, ont recours à la contrainte ou à d’autres formes d’exploitation pour tenir leurs victimes en bride. Ces criminels ont souvent un lien de parenté avec la famille de la victime ou font partie d’un système social élargi. Les réseaux de crime organisé sont souvent à la base de la traite de personnes à partir de toutes les régions du monde, tandis que les gangs de rue canadiens se chargent parfois de l’exploitation des victimes une fois qu’elles sont au Canada. Mais la traite des personnes ne passe pas seulement par ces réseaux de crime organisé. Elle est aussi pratiquée par les familles ou par des petits « entrepreneurs » opérant sur une plus petite échelle.
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