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En guise de contribution à la réflexion critique sur les catégories qui servent à étudier les populations dans leurs aspects linguistiques et ethnoculturels, ce numéro de Diversité urbaine propose cinq articles thématiques, dont la contribution est mise en évidence sous deux volets dans ce texte de présentation. Chaque article fait l’objet, d’abord, d’un résumé qui en dégage l’argument central et, ensuite, de quelques réflexions d’ordre épistémologique qui soulignent des écueils possibles liés au processus de catégorisation en question dans l’article. Quatre des cinq articles thématiques résultent de la démarche d’un groupe de chercheurs et de chercheuses réunis par le Centre d’études ethniques des universités montréalaises (CEETUM)[1] et soucieux d’examiner de façon concertée :
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les avancées et les limites des banques de données actuelles dans des domaines qui concernaient les intérêts de recherche du CEETUM ;
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la base conceptuelle des catégories utilisées dans ces banques et les méthodologies qui sont employées, afin de mieux analyser et nuancer l’interprétation des données ;
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la manière selon laquelle les contextes historiques, politiques et administratifs particuliers influencent la mise sur pied des banques de données et leur évolution.
Cette collection d’articles propose un regard critique sur ce que les banques de données fournissent et ne fournissent pas. En examinant surtout les contextes canadien et québécois, notre réflexion critique veut contribuer à un vaste questionnement en cours dans plusieurs pays sur la catégorisation linguistique et ethnique et sur les enjeux qu’elle soulève, notamment à propos de ce qui constitue un groupe linguistique et ethnoculturel. À ce propos, nous présentons l’article d’une chercheuse qui discute des méthodes de catégorisation des populations en Autriche. Pour compléter ce numéro, un dernier article aborde la catégorisation linguistique et ethnoculturelle sous l’angle ethnographique.
La démarche critique que nous proposons est importante, car les données relatives aux catégories linguistiques et ethnoculturelles servent souvent à déterminer l’orientation des politiques publiques recherchant la distribution équitable des ressources et des services aux diverses populations concernées. Comme tout le reste, les outils de recherche sur des populations « linguistiques » et « ethnoculturelles » évoluent et doivent évoluer.
Dans les articles thématiques de ce numéro, l’attention porte sur l’information tirée des recensements et des enquêtes populationnelles ou administratives qui servent à caractériser des populations à l’aide de catégories linguistiques ou ethnoculturelles. Les auteurs et autrices remettent en question la nature de l’information issue de la compilation des réponses aux questions de ces enquêtes et sa valeur en tant qu’information sur des ensembles de personnes. Les articles discutent, sous différents angles, de la valeur de vérité des portraits ainsi produits, en soulignent les failles et proposent des voies d’amélioration.
La réflexion critique débute par l’examen des caractéristiques qui servent à constituer les catégories linguistiques. Que fait-on réellement lorsque l’on privilégie une caractéristique en particulier, par exemple, la langue maternelle, et quelle information obtient-on sur le volet linguistique de l’identité d’une personne lorsqu’on la détermine d’après cette information ? Cette question occupe une place centrale dans l’article de Corbeil, qui montre, à partir des données sur la langue tirées du recensement canadien, l’importance qu’ont joué, au fil du temps, de nombreux chercheurs et chercheuses et de nombreux acteurs et actrices des milieux scientifique, politique ainsi que des médias dans la construction des groupes linguistiques et de leurs frontières.
Comme le relate l’auteur, cette préoccupation pour l’appartenance linguistique des personnes (ou l’attribution d’une identité) s’est manifestée, au Canada, dès la mise sur pied de l’État confédéral en 1867 qui inclut alors deux « peuples » fondateurs distingués par leur langue ancestrale, soit les Canadiens d’origine française, d’une part, et les Canadiens d’origine britannique, écossaise et irlandaise, d’autre part. Dès 1901, il est considéré comme nécessaire de recenser les personnes de l’une et l’autre ascendance. La langue maternelle s’impose d’emblée comme la caractéristique la plus sûre pour dénombrer les personnes qui sont de langue maternelle française et anglaise, et combien parmi celles-ci parlent encore leur langue maternelle, et combien connaissent l’autre langue. Corbeil montre que, dès les débuts, une équivalence s’est établie entre les catégories linguistiques ainsi construites et les groupes ethnoculturels. Il montre le long cheminement qu’a suivi cette tendance à ethniciser les données des catégories linguistiques construites sur la langue maternelle.
Les catégories ont ainsi pour effet de simplifier la réalité en la dépouillant d’une partie de sa complexité pour que ressorte un portrait net de la situation : un nombre X de personnes identifiables par la même caractéristique. Moins il y a de caractéristiques en jeu, plus le portrait obtenu est net. Mais il semble aussi qu’un portrait trop simple puisse fausser la réalité et en occulter des aspects importants. La partie se joue entre ceux et celles qui privilégient les données qui distinguent nettement des sous-populations les unes des autres, d’une part, et, d’autre part, ceux et celles qui acceptent des catégories complexes qui n’accentuent pas les contrastes, mais qui permettent d’obtenir un portrait plus véridique.
L’évolution décrite par Corbeil montre que la complexité des caractéristiques linguistiques a fini par être prise en compte par les recensements. Les catégories en sont venues à dénombrer les personnes non plus seulement d’après la seule langue maternelle, mais d’après plusieurs autres caractéristiques, telles que la langue qu’elles parlent à la maison, celle qu’elles parlent au travail et celles qu’elles préfèrent utiliser dans les conversations courantes. On se trouve donc maintenant avec plusieurs catégories linguistiques, par exemple, les personnes unilingues de langue maternelle française ou anglaise, celles qui parlent français ou anglais à la maison, celles qui conversent en français ou en anglais et parlent français ou anglais au travail.
Mais l’impact de la proximité linguistique et du bilinguisme étant de mieux en mieux connu, des catégories sont requises pour inclure, en plus de ces unilingues, les personnes qui ont plus d’une langue maternelle, ou celles qui utilisent plus d’une langue à la maison, au travail et dans les conversations courantes. Corbeil présente la complexification progressive des catégories linguistiques comme un progrès important qui remet en question l’équivalence établie entre les catégories linguistiques basées sur la langue maternelle et l’identité ethnoculturelle.
Cet article soulève un premier écueil épistémologique. Pour mieux rendre compte de la diversité des profils linguistiques existant dans la population, le recensement canadien accepte les réponses multiples désignant plus d’une langue et distingue donc plusieurs catégories de personnes en croisant les réponses aux cinq variables linguistiques de référence dans le recensement. En gagnant ainsi en complexité, les catégories rendent possible, à n’en pas douter, une connaissance plus approfondie des réalités. Cependant, ce résultat n’est obtenu que si l’investissement cognitif requis pour extraire l’information adéquate est fourni.
En effet, plus la catégorisation servant à décrire une population est complexe, plus l’interprétation des données sera également complexe. Il faut effectuer des croisements de données pour exploiter toute l’information. À défaut de se prêter à cette discipline, on court le risque que soit finalement privilégiée une source d’information, par exemple, la langue maternelle ou la langue de travail, ce qui ne peut conduire qu’à des interprétations partielles. Ainsi, au Québec, le dénombrement des personnes de langue maternelle française sous-évalue de façon importante le nombre de personnes pour qui le français est la langue principale ou une langue couramment utilisée. C’est pourtant une catégorie souvent invoquée pour jauger la situation du français. Le choix d’une variable parmi d’autres n’est pas neutre : il peut être influencé par la volonté de mettre en évidence une certaine image de la réalité que l’on veut bien diffuser pour des raisons politiques ou idéologiques.
Le texte de Pagé, Lamarre et Corbeil met de l’avant l’idée voulant que toute l’évolution décrite par Corbeil n’est toujours pas achevée, car il manque encore un véritable indicateur de l’usage public des langues, outre le domaine du travail, qui est couvert par le recensement depuis 2001. Des catégories qui permettraient de classer les personnes selon la ou les langues qu’elles utilisent dans les communications publiques sont une nécessité prépondérante, compte tenu du fait que, dans le contexte québécois, l’usage du français en public est la cible privilégiée de la politique linguistique qui se préoccupe de la prédominance de cette langue dans l’espace public.
L’article passe en revue les diverses façons de catégoriser l’usage public dans les enquêtes des vingt-cinq dernières années au pays et conclut qu’il reste encore à concevoir une façon adéquate de catégoriser cet important volet de l’usage des langues. L’article énonce une proposition basée sur la conceptualisation de cinq catégories de faits de communication dans l’espace public. Ces catégories peuvent servir à classer les faits de communication publique afin d’inventorier les langues qui sont utilisées dans ces cas. Cette approche trouve son inspiration dans plusieurs disciplines, telles que la psychologie sociale de la communication, la sociologie du langage et l’ethnographie de la communication.
L’écueil que relève cet article est l’absence de catégories appropriées pour bien saisir la réalité, ce qui est illustré par l’absence de conceptualisation adéquate de l’usage public des langues. À défaut d’avoir un consensus sur une ou plusieurs catégories appropriées qui pourraient ressortir d’une telle conceptualisation, les enquêtes réalisées jusqu’ici se sont repliées sur diverses variables qui donnent chacune une image floue ou morcelée de la réalité des pratiques linguistiques. Le consensus sur des catégories appropriées se construira à mesure que progressera la recherche sur le développement de telles catégories. L’article propose une avancée en ce sens.
Le troisième article sur la catégorisation linguistique, signé par Brigitta Busch, prend comme cible d’analyse critique les pratiques censitaires de l’Autriche, pays qui compte, en plus de son groupe majoritaire de langue allemande, une population immigrante provenant de nombreux pays et qui parle une grande variété de langues. L’autrice s’intéresse particulièrement à la logique selon laquelle sont créées les catégories linguistiques utilisées pour procéder au classement de toutes ces personnes qui connaissent d’autres langues que l’allemand. Les catégories ainsi élaborées sont définies par les langues nationales des pays d’origine des personnes recensées sur le territoire autrichien.
Comme l’ont fait plusieurs auteurs dont elle s’inspire (Derrida, Althusser, etc.), elle remet en question la légitimité de cette catégorisation linguistique, qui est fondée sur l’a priori voulant que les langues sont des objets que l’on peut classifier au moyen de systèmes catégoriels à validité universelle et anhistorique. Pour étayer son propos, elle montre que le système catégoriel autrichien concernant les langues autres que l’allemand change selon les périodes de recensement en fonction de différentes influences. Elle étudie en particulier le cas des changements de la catégorie identifiée par la langue serbo-croate, qui se fragmente en plusieurs catégories en fonction desquelles on essaie de différencier les nationalités qui se sont constituées après la guerre de Bosnie. Elle retrace aussi de quelle manière certaines langues apparaissent dans le système alors que d’autres disparaissent, au gré de décisions dont les fondements ne sont pas toujours justifiables.
Tout comme Corbeil à propos du cas canadien, elle critique la manière par laquelle les personnes sont associées aux catégories d’après leurs réponses aux questions censitaires. On voit ici à l’oeuvre la tendance à simplifier la réalité en limitant les personnes à nommer une seule langue nationale autre que l’allemand. Lorsqu’elles ne se limitent pas à une langue, le recenseur choisit comme réponse unique l’une des langues mentionnées, en se basant sur des critères dont la validité est contestable.
L’article de Busch montre également que les catégories linguistiques déterminant les langues connues par des personnes immigrantes en faisant référence à leur pays d’origine comportent un écueil majeur. La question qui se pose est la suivante : quelle information retire-t-on de réponses qui identifient une langue connue par une personne immigrante en la nommant par référence à une langue du pays d’origine de cette personne ? Elle se pose, car le lien entre nationalité et langue n’est pas aussi univoque que l’on peut le penser. Plusieurs présupposés non justifiés constituent ici un écueil important. Par exemple, le classement de la personne dans une catégorie linguistique nommée d’après son pays d’origine suppose qu’elle y a parlé la langue censée être la seule de ce pays, ce qui peut ne pas être le cas. En effet, il se peut que d’autres langues ou des variantes régionales soient occultées ici. Par ailleurs, le classement dans une catégorie linguistico-nationale ne révèle pas adéquatement le degré de conservation de ladite langue ancestrale dans le contexte d’immigration, ni l’étendue du répertoire linguistique acquis par les personnes dans ce nouveau contexte.
À la lecture de ces trois premiers articles, la saisie de données fiables sur les identités ou sur les appartenances linguistiques dans la population apparaît comme une entreprise requérant un outillage conceptuel d’une grande complexité. Mais, qu’en est-il lorsque les faits d’intérêt portent sur la diversité ethnoculturelle, soit la diversité de caractéristiques propres à l’importante portion de la population canadienne issue de l’immigration ancienne et récente qui n’est pas de langue maternelle française ou anglaise ? Cette diversité se présente sous plusieurs aspects : des langues autres, des appartenances ethniques, culturelles, religieuses qui renvoient aux nombreuses régions du monde d’où proviennent les personnes qui composent cette population diversifiée.
L’article d’Elke Laur expose la variété des sources de données disponibles sur les personnes qui habitent le Canada, ou plus particulièrement le Québec, à la suite d’une immigration conduisant à la résidence permanente ou à la naturalisation. Plusieurs de ces sources incluent les personnes issues de lignées qui n’appartiennent pas au groupe majoritaire. Et ce ne sont pas les sources qui manquent, comme le montre l’autrice. Plusieurs données proviennent des recensements ou de grandes enquêtes populationnelles nationales menées par Statistique Canada. Il y a ensuite de nombreuses données provenant des banques administratives d’organismes concernés par la question de l’immigration et du statut des immigrants, dans l’accès à l’emploi, par exemple. L’article dresse une liste des sources disponibles pour décrire la diversité ethnoculturelle au Canada et au Québec. Il s’agit de la liste la plus élaborée publiée à ce jour, bien qu’elle ne puisse pas être considérée comme exhaustive.
Cette abondance de sources de données comporte une limite énorme : celle de la disparité des variables prises en compte d’une source à l’autre, de la diversité des échantillons de population étudiés et de la diversité des méthodes d’enquête. Selon l’article de Laur, cela s’explique par le « fait que ces mesures ont été construites au fur et à mesure que les besoins de connaissance se sont concrétisés à travers l’évolution des politiques, programmes et législations. Ainsi, divers compromis entre besoins évolutifs de connaissance et contraintes méthodologiques ou éthiques ont mené à une évolution historique, par poussées successives, toujours en réponse aux besoins plus ou moins explicités, et peu en leur prévision ». Toutes les données disponibles dépendent donc de décisions prises en faveur de leur mesure et elles ne peuvent ainsi refléter que la réalité qu’il a été jugé bon de mettre en évidence à un moment donné. L’autrice détecte là une certaine circularité de raisonnement : une donnée est privilégiée pour une certaine raison et cette donnée devient la preuve de la validité du raisonnement qui a conduit à la privilégier.
Il en résulte, comme l’écrit Laur, que « l’appartenance ethnoculturelle demeure ainsi un fait reconstruit par des mesures qui, prises d’une façon complémentaire, permettent de s’approcher le plus possible du concept qui reste, par ailleurs, à définir ». Ce constat lucide, découlant d’un examen sérieux de l’ensemble du tableau des informations sur la diversité ethnoculturelle, peut avoir un goût amer compte tenu de l’ampleur des efforts investis dans la construction de toutes ces sources.
La prolifération d’information catégorielle sur une réalité sans possibilité réelle d’harmoniser les nombreux systèmes catégoriels existants est l’écueil illustré par Laur. L’impossibilité d’harmoniser les banques disponibles est un écueil important, attribuable particulièrement à l’absence de concertation ou de consensus dans la sélection des variables ciblées, dans la dénomination des variables et dans l’échantillonnage. Le problème qui se pose dans ce cas est qu’une information sur la réalité ethnoculturelle provenant des banques considérées toutes ensemble n’est pas accessible. On est donc porté à choisir une banque de données parmi plusieurs pour trouver de l’information. Ce processus n’est pas si facile à suivre, car il faut connaître les banques existantes et leurs limites respectives pour effectuer le meilleur choix. Si ces limites viennent en partie des besoins particuliers auxquels doit répondre l’information enregistrée dans une banque, comment peut-on évaluer la perte d’information liée aux choix qui ont été faits en fonction de ces besoins ?
Le cinquième article s’intéresse à la problématique de la catégorisation d’une classe particulière de personnes appartenant à la diversité ethnoculturelle : les travailleuses et travailleurs immigrants victimes d’accidents. La problématique énoncée démontre qu’il est indispensable de mieux connaître cette sous-population pour pouvoir documenter de façon adéquate les conditions de travail et les risques d’accident auxquels cette main-d’oeuvre est exposée.
L’argument central de l’autrice Sylvie Gravel tourne autour du fait que les connaissances à propos des travailleuses et travailleurs immigrants qui sont victimes d’accidents de travail sont défaillantes. Pour enrichir la documentation existante, elle prône la création d’une catégorie plus complexe couplant deux séries de caractéristiques : 1) celles qui portent sur les travailleuses et travailleurs immigrants en tant que tels et 2) celles qui concernent, parmi ces personnes, celles qui sont malheureusement victimes d’un accident de travail. L’argumentaire de base de l’autrice est que la dernière source de documentation est déficiente parce que les travailleuses et travailleurs immigrants victimes d’accidents, pour certaines raisons qu’elle pointe du doigt, ne sont pas toujours clairement identifiés dans les fichiers d’information. Il faut donc pallier cette carence afin de pouvoir relier les données les concernant à celles d’autres banques disponibles qui regorgent d’information sur les travailleuses et travailleurs immigrants.
Un autre cas d’écueil à la connaissance, qu’illustre le texte de Gravel, concerne les lacunes dans la saisie d’information sur les personnes classées dans la catégorie des travailleuses et travailleurs immigrants accidentés. En effet, pour des raisons qui semblent bien connues, les divers organismes impliqués omettent de prélever toute l’information nécessaire qui pourrait enrichir la description catégorielle et relier cette sous-classe à la classe plus générale des travailleurs immigrants.
Ce numéro compte finalement un article de Fabio Scetti, qui fait la démonstration de ce que la méthode ethnographique peut apporter à la connaissance des catégories linguistiques et ethnoculturelles. L’article porte sur les marqueurs de l’identité portugaise à Montréal. L’auteur suggère que les nombreuses fêtes religieuses constituent toujours des lieux importants de définition et de transmission de l’identité ethnolinguistique ainsi que des espaces de valorisation de la langue portugaise. Afin d’étayer cette idée, Scetti présente une analyse linguistique des pratiques langagières observées lors de ces événements et une analyse discursive des représentations identitaires et langagières de plusieurs générations issues de la migration portugaise montréalaise. L’analyse linguistique permet de documenter l’évolution, qui est une érosion, selon l’auteur, de la langue portugaise en contexte montréalais, où la communauté qui a originalement quitté le Portugal pour le Québec en est maintenant à la quatrième génération. Cette analyse se termine en notant que l’arrivée récente d’immigrants brésiliens apporte un dynamisme dans cette évolution. L’analyse de Scetti met aussi en évidence la difficulté de décrire des pratiques langagières à Montréal.
L’analyse du discours de participants aux festivités religieuses permet à l’auteur d’examiner les liens entre la langue, l’ethnicité et l’identité tels qu’ils sont représentés dans les propos de générations différentes. L’auteur constate le déplacement de la religion comme facteur central dans les « actes d’identités » et les représentations des plus jeunes de la communauté. Si l’identité et la langue portugaises demeurent toujours importantes sur le plan identitaire pour ces jeunes de troisième et de quatrième génération, cette langue est maintenant également valorisée comme ressource sur le marché international. De plus, l’appartenance à la communauté portugaise de ces jeunes n’empêche en rien d’autres appartenances. Cet aspect de l’étude met en évidence la nécessité de repenser l’identité en tant que phénomène pluriel – un autre défi pour celles et ceux qui essaient de cerner la catégorie « ethnicité ».
L’article nous permet de terminer ce numéro en soulignant, d’une part, l’importante contribution des études ethnographiques en tant que complément à des études quantitatives et, d’autre part, la nécessité de prendre en compte la complexité mise en évidence par l’ethnographie dans les tentatives de conceptualiser l’ethnicité et de comprendre les pratiques langagières dans la vie quotidienne des citoyens.
Parties annexes
Note
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Jean-Pierre Corbeil (Statistique Canada), Elke Laur (Ministère de l’Immigration, de la Diversité et de l’Inclusion), Nicole Gallant (INRS), Patricia Lamarre (Éducation, Université de Montréal) et Michel Pagé (Psychologie, Université de Montréal).