Résumés
Résumé
Les services de supervision des droits d’accès (SDA) permettent de maintenir le lien parent-enfant dans un contexte neutre et sécuritaire. Les familles qui se retrouvent dans ces services ont généralement un point en commun : elles ont besoin d’être épaulées, écoutées et protégées, notamment par des intervenants formés qui assurent le bon déroulement des contacts supervisés. Peu d’écrits scientifiques ont documenté les pratiques en vigueur dans les services de SDA et qui s’actualisent auprès des familles en provenance de la Cour supérieure ou détenant une entente volontaire ou survenue au terme d’une médiation. Ainsi, à partir de données collectées par le biais d’un questionnaire électronique, cette étude fait état du point de vue de 50 répondants supervisant ou administrant un service de SDA dans lequel s’effectuent des échanges de garde et des visites supervisées. Les répondants se sont exprimés sur la nature du travail effectué dans les ressources de SDA, les forces et difficultés du service, les pistes d’amélioration ainsi que leur perception du système judiciaire. Les résultats ont permis de constater que les répondants sont à l’aise dans leur rôle, qu’ils identifient plusieurs points forts des services, mais que le financement des ressources peut parfois leur poser certaines embûches.
Mots-clés :
- Supervision des droits d’accès,
- garde des enfants,
- services sociaux,
- soutien à la famille,
- séparation,
- Québec
Abstract
Supervised access and custody exchange services (SACES) allow the parent-child relationship to evolve in a neutral and safe environment. Families in these services generally have one thing in common: they need to be supported, listened to, and protected, including by trained workers who ensure the smooth running of supervised contacts. There is little scientific literature documenting practices in SACES that is provided to families coming from the Superior Court or subjected to a voluntary or mediation agreement. Using data collected through an electronic questionnaire, this study presents the views of 50 respondents supervising or administering SACES services in which custody exchanges and supervised access take place. Respondents commented on the nature of the work being done in SACES resources, the strengths and challenges of the service, areas for improvement, and their perceptions of the justice system. Results showed respondents are comfortable in their role and identify several service strengths, but that funding can sometimes represent some challenges for them.
Keywords:
- Supervised access and custody exchange services,
- child care,
- social services,
- family support,
- separation,
- Quebec
Corps de l’article
Problématique
Définition et objectif des services de SDA
Les services de supervision des droits d’accès (SDA) sont utilisés par les familles lorsque l’exercice d’un droit d’accès parent-enfant est interrompu, difficile ou entraîne des conflits (Ministère de la Famille et des Aînés [MFA], 2008). Ils visent donc à établir, rétablir ou maintenir le lien parent-enfant dans un environnement sécuritaire pour tous (Dunn, 2002). Les visites et les échanges de garde supervisés sont les deux principaux services dans ce cadre. Les visites supervisées permettent à l’enfant de maintenir, en présence d’un tiers, un contact avec son parent non gardien lorsque ce dernier représente un risque pour lui (Marchetti, 2008; Perkins et Ansay, 1998; Straus et Alda, 1994). Pour leur part, les échanges de garde supervisés s’effectuent dans les mêmes ressources qui dispensent les visites. Il s’agit alors d’un moyen mis à la disposition des parents pour leur permettre d’échanger la garde de l’enfant, et ce, sans avoir à se côtoyer (Birnbaum et Alaggia, 2006; Broussard Baudoin, 2011; Park, Peterson-Badali et Jenkins, 1997; Sheehan, et coll., 2007). Si l’objectif premier de la supervision des droits d’accès demeure la protection de l’enfant à travers un environnement neutre et sécuritaire (Birnbaum et Alaggia, 2006; MFA, 2008), il ne faut pas oublier que ces services s’articulent aussi autour du meilleur intérêt de l’enfant, du respect de ses droits, de la responsabilité parentale ainsi que du développement de relations positives entre parents et enfants (Gibbs, McKenzie et Dempster, 2007; MFA, 2008).
Initialement, les services de SDA se sont développés en parallèle des services de protection de la jeunesse, principalement pour les situations de négligence ou de violence familiale (Straus, 1995). Au cours des trente dernières années, leur développement s’est ainsi accéléré, plus particulièrement en Amérique du Nord, en Grande-Bretagne, en Australie et en Nouvelle-Zélande (Birnbaum et Alaggia, 2006). Au Québec, les services sont assurés par des organismes communautaires, mais étant donné la mouvance de ce secteur, il demeure difficile de déterminer avec précision le nombre d’organismes qui les offrent; actuellement, on estime leur nombre entre 30 et 35. Certains n’offrent que ce service tandis que d’autres ont une mission diversifiée qui comprend, entre autres, des services de SDA (Saint-Jacques, Fortin, St-Amand, Drapeau, et Gagné, 2016). Le ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec est la principale source de financement des ressources de droits d’accès supervisés. Cela dit, notons que dans chaque pays ou même province, l’organisation et le financement des services de SDA varient, chacun disposant d’une législation et d’un financement différents (Ministère de la Justice, 2005).
Portrait des familles supervisées
Il est reconnu que les familles se retrouvant dans les services de SDA partagent une même réalité : elles ont besoin d’être soutenues, aidées, conseillées et protégées (MFA, 2008). Pour Bastard (2010), les parents qui utilisent ces services, plus particulièrement ceux en visites supervisées, ont éprouvé des difficultés à maintenir un contact avec leur enfant avant ou au moment de la séparation. Cette difficulté à maintenir un lien a pu être introduite en raison d’un conflit conjugal, d’une incapacité à prendre sa place auprès de l’enfant ou d’une problématique propre au parent, que ce soit en raison d’une désaffiliation sociale ou de troubles de santé mentale.
Lorsqu’elles se présentent en cour, les familles sont caractérisées par un haut niveau de conflit postséparation et, en lien avec la présence de l’autre parent, elles sont souvent préoccupées par la sécurité de leur enfant (Saint-Jacques et coll., 2016). Les allégations liées à la violence familiale, à la toxicomanie, à l’alcoolisme ou aux problèmes de santé mentale sont des raisons fréquemment invoquées de part et d’autre pour les parents qui cherchent à obtenir des services de SDA (Ajaniku, 2006; Pearson et Anhalt, 1994; Radovanovic, 1993; Tuchman, 2003). Pour sa part, le rapport du comité interministériel sur les services de supervision des droits d’accès (Ministère de la Justice, 2005) indique que les quatre motifs de référence les plus fréquemment énoncés sont la violence conjugale et familiale (21 %), les conflits intenses et chroniques (12 %), la négligence parentale (12 %) ainsi que l’alcoolisme et la toxicomanie (11 %), ce qui rejoint d’ailleurs les motifs présentés dans une autre étude australienne (Sheehan et coll., 2007).
Les pratiques de supervision
Les travaux de Sellenet (2008; 2010; 2012), une chercheuse française s’étant notamment intéressée à l’analyse des pratiques lors des visites parent-enfant, mettent en lumière le fait que les façons de faire du personnel dans les services de SDA reposent sur des expériences et des formations très diversifiées (ex. éducateurs, psychologues, techniciens en intervention sociale, travailleurs sociaux, bénévoles). En s’appuyant sur leur statut d’emploi (ex. directrice, intervenante), leurs expériences professionnelles et leur personnalité, Sellenet (2010; 2012) a dégagé certaines postures ou rôles adoptés par les intervenants (n = 205) lors des visites parent-enfant. Notons toutefois que les rôles décrits ne s’inspirent pas uniquement de l’intervention auprès de familles en provenance de la cour, mais également de familles présentant des problématiques liées à la santé mentale, à l’incarcération ou à la protection de l’enfance.
Lors de visites supervisées, les intervenants interrogés (n = 205) par Sellenet (2010) se perçoivent principalement dans un rôle d’éducateur (n = 106) puis d’observateur (n = 104). Comme éducateurs, des intervenants indiquent avoir un rôle à jouer auprès du parent afin de lui enseigner le développement d’un lien parent-enfant, enseignement qui peut à la fois passer par un apprentissage d’habiletés de communication, d’habiletés parentales ou d’habiletés relationnelles (Sellenet, 2010; Sheehan et coll., 2007; Szirom, Jaffe, McIntosh et Holmes, 1998). Compte tenu du grand besoin qu’ont certains parents d’être soutenus sur le plan des habiletés parentales ou de la relation parent-enfant, des chercheurs soulèvent l’idée que les services de SDA devraient offrir de manière plus systématique des services psychosociaux spécialisés (ex. psychologue, travailleur social) (Birnbaum et Chipeur, 2010; Pearson et Thoennes, 2000; Szirom et coll., 1998). Lorsque les intervenants se positionnent plutôt en tant qu’observateurs, la notion de neutralité et l’importance de décrire objectivement les faits sont alors prédominantes (Sellenet, 2010). Transversale à l’ensemble des rôles de l’intervenant, la neutralité dans les faits et gestes rapportés ou lors de la supervision, est ainsi un élément rapporté dans quelques études (Sellenet 2010; Szirom et coll., 1998; Thoennes et Pearson, 1999; Tutty, Barry, Weaver-Dunlop, Barlow et Roy, 2006). Dans une moindre mesure, des intervenants peuvent aussi s’identifier au rôle de régulateur (n = 82) ou de médiateur (n = 70), alors que leurs actions seront respectivement dirigées vers l’interprétation ou le décodage des interactions parent-enfant ainsi que la transmission d’informations entre les acteurs au début et à la fin de la visite (Sellenet, 2010).
Pour faciliter l’expression et l’accueil des émotions exprimées par les parents et les enfants, Sellenet (2010) estime que les intervenants devraient se sentir suffisamment outillés. Dans ce contexte, les interventions visant l’accompagnement d’enfants devraient inévitablement être soutenues par une pratique rigoureuse, surtout en considérant que la capacité à bien observer l’enfant lors des contacts supervisés est le principal outil de travail des intervenants (Sellenet, 2010). Par ses faits et gestes, l’enfant transmet une série d’émotions et d’informations rattachées à son meilleur intérêt qu’il faut par ailleurs pouvoir décoder. En outre, pour gérer les situations à risque de façon efficace, le personnel des ressources devrait être composé de professionnels formés dans le domaine de la sécurité, de la violence conjugale et de l’intervention de crise (Sellenet, 2010; Sheehan et coll., 2007; Tutty et coll., 2006). Également, une formation adaptée serait profitable pour les intervenants dans les ressources de SDA et pour ceux des organismes oeuvrant auprès de familles touchées par un conflit sévère de séparation (Birnbaum et Chipeur, 2010). L’importance de bien se positionner comme intervenant, de maintenir une certaine stabilité dans le personnel supervisant les droits d’accès et de clarifier les objectifs de la supervision dès le départ sont autant d’éléments clés pour assurer une pratique optimale (Sellenet, 2010). Par ailleurs, Johnston et Straus (1999) avancent l’idée que les ressources et leurs intervenants devraient avoir un plus grand rôle à jouer vis-à-vis des références faites par la cour, notamment lorsqu’elles ne sont pas en mesure d’offrir le soutien ou de répondre aux besoins identifiés par les tribunaux (ex. planifier deux visites par semaine, permettre la présence d’un grand-parent lors de la supervision). Cela dit, lors de l’ordonnance de droits d’accès supervisés, la cour gagnerait à appuyer ses décisions sur des évaluations psychosociales réalisées auprès des deux parents afin de s’assurer des besoins réels (Birnbaum et Chipeur, 2010).
Enfin, notons qu’à ce jour, les pratiques entourant la SDA ont fait l’objet de peu d’études et conséquemment, n’ont été que très peu documentées. Les études disponibles n’ont généralement pas porté précisément sur les pratiques auprès de familles en provenance de la Cour supérieure ou elles se sont centrées que sur les visites ou les échanges de garde supervisés (Saint-Jacques et coll., 2016). D’autres s’en sont tenues à la description des services, se limitant ainsi à documenter des variables telles que le nombre de familles fréquentant les ressources ou la formation du personnel. Notre étude propose donc de pallier certaines limites des études antérieures en documentant le point de vue d’intervenants au sujet de différents thèmes : la nature du travail effectué dans les ressources de SDA, les forces et difficultés du programme, les pistes d’amélioration ainsi que la perception du système judiciaire.
Méthodologie
Population et échantillon
La population à l’étude est composée de personnes administrant une ressource de SDA ou supervisant des droits d’accès auprès de familles qui détiennent une ordonnance de la Cour supérieure, une entente volontaire ou une entente survenue au terme d’une médiation. De ce fait, les personnes n’exerçant pas une tâche liée à la supervision ou à l’administration d’un service (ex. secrétariat) ont été exclues de l’étude. L’échantillon final de 50 individus est non probabiliste et formé de volontaires. Afin de préserver l’anonymat des participants et de respecter la confidentialité, il ne leur a pas été demandé de préciser leur lieu de travail ou de se situer dans une région administrative précise.
Recrutement
Le recrutement a été réalisé par voie électronique auprès de 31 ressources de SDA réparties sur l’ensemble du territoire de la province de Québec. Un courriel de sollicitation, envoyé à chaque directeur ou responsable de ressource, invitait le destinataire à participer à l’étude et à diffuser l’information à l’intérieur de son équipe de travail, et ce, afin de rejoindre un maximum de participants. Le courriel a été acheminé à quatre reprises entre le 27 octobre et le 3 décembre 2014, dont une fois par le Regroupement québécois des ressources de supervision des droits d’accès (RQRSDA) qui a rappelé l’importance de participer à cette étude.
Collecte de données
Les données ont été recueillies à partir d’un questionnaire anonyme mis en ligne sur le site Web canadien FluidSurveys. Développé par l’équipe de recherche et inspiré par les travaux de Sellenet (2008; 2010; 2012), le questionnaire comportait 37 questions, dont certaines à choix de réponses (ex. Sur une échelle de 0 à 5, jusqu’à quel point vous sentez-vous outillé pour superviser la visite ou l’échange ?) et certaines à court développement (ex. À votre avis, quelles sont les deux principales forces d’un bon intervenant de SDA?). L’outil comportait également une question utilisant la méthode de l’association libre qui permet de faire ressortir les liens entre un terme inducteur (ex. avocat) et sa représentation, et ce, en demandant au participant d’écrire, spontanément, jusqu’à trois mots ou expressions qui lui venaient en tête à l’évocation dudit terme (Seca, 2001). Notons que la spontanéité associée à cette méthode permet de recueillir et de décrire facilement et rapidement le contenu d’une représentation (Pouliot, Camiré et Saint-Jacques, 2013), le tout en faisant émerger les éléments qui apparaissent centraux et périphériques. Le questionnaire a ainsi permis de documenter le point de vue des personnes administrant ou supervisant des droits d’accès au sujet des forces du programme, des difficultés rencontrées et des pistes d’amélioration. Les rôles, les sentiments et la nature du travail d’intervenant, de même que la perception du système judiciaire ont aussi été abordés.
Analyse des données
L’analyse a été réalisée en fonction de la nature des données collectées. Pour les réponses à développement court, le corpus généré a été analysé par des membres de l’équipe de recherche. Le matériel a d’abord été préparé pour l’analyse puis importé dans un logiciel d’analyse qualitative (N’Vivo 8). La dénominalisation n’a pas été nécessaire en raison de l’anonymat des données collectées électroniquement. Afin de faire ressortir les thèmes récurrents et ceux qui le sont moins, le matériel a été relu à plusieurs reprises. En cas de doute sur l’interprétation à donner, les perceptions et les interprétations ont été confrontées et rajustées au besoin. Ces échanges entre les membres de l’équipe ont aussi permis d’émettre certaines hypothèses interprétatives. En outre, les quelques données quantitatives ont été exportées dans le logiciel SPSS afin de réaliser des analyses statistiques descriptives simples (distributions de fréquences, indices de tendance centrale et de dispersion). Enfin, à partir d’un terme inducteur (méthode de l’association libre), jusqu’à trois mots écrits ont fait l’objet d’une analyse de contenu et d’un traitement statistique. Les mots évoqués ont ainsi été regroupés dans un tableau Excel. Puis, un travail d’analyse de type sémantique a été effectué pour faire ressortir la nature et la structure des représentations. Des catégories générales ont été créées afin de regrouper les mots connexes, permettant du même coup de présenter un portrait des représentations que les répondants se font des avocats.
Profil des répondants
En moyenne, les participants sont âgés de 20 à 65 ans (M=39; é.-t.=13,4) et la plupart sont des femmes (88 %), ce qui reflète la réalité dans ce champ de pratique; seuls six hommes (12 %) ont participé à l’étude. Les catégories de postes ne sont pas exclusives, c’est-à-dire qu’un répondant peut en occuper plus d’un à la fois, mais la majorité des répondants n’en occupe néanmoins qu’un seul (n = 42). Pour la plupart, les répondants sont coordonnateurs de services (n = 17), intervenants à temps partiel[2] (n = 16) ou directeurs (n = 13). Moins nombreux, d’autres ont un poste d’intervenant à temps plein (n = 9), de bénévole (n = 3) ou de stagiaire (n = 1). Sur le plan de la formation académique, 40 % détient un diplôme universitaire et 34 % un diplôme professionnel ou collégial. Sans les compléter, d’autres ont entrepris des études universitaires (16 %) ou postsecondaires (2 %). Quant aux 46 participants pour lesquels il a été possible de documenter leur formation, 40 d’entre eux possèdent une formation ou un début de formation liée à l’intervention sociale (travail social, éducation spécialisée, intervention en délinquance, psychoéducation, psychologie, éducation à l’enfance, counseling, enseignement et sexologie). Le travail social (n = 15) et l’éducation spécialisée (n = 11) sont les deux domaines de formation les plus rapportés. Enfin, pour compléter ce profil, précisons que les années d’expérience des répondants sont particulièrement variables : elles s’étendent d’un mois à 19 années, la moyenne étant de près de 6 ans (5,76 ans). L’écart-type particulièrement élevé (5,86 ans) témoigne de la grande variabilité de leur expérience.
Résultats
Cette section présente les résultats en fonction des différents thèmes analysés. C’est ainsi que sont abordés les forces, les rôles et les sentiments des intervenants, les forces et les difficultés associées aux services de même que la perception du système judiciaire.
Un regard sur la fonction d’intervenant
Afin de mieux documenter le travail effectué dans les ressources de SDA, les forces des intervenants ainsi que leurs rôles et sentiments ont été étudiés.
Neutralité, empathie et autres forces. L’analyse des données a permis de dégager deux principales forces, soit la neutralité de l’intervenant (n = 25) ainsi que sa capacité à éprouver de l’empathie (n = 16). Si ces deux forces sont ressorties de manière saillante et distincte, d’autres ont pu être regroupées dans des catégories liées au savoir-être (n = 37) et au savoir-faire (n = 27) de l’intervenant. Sur le plan du savoir-être, un bon intervenant est alors décrit comme étant ouvert d’esprit, discret, patient, calme, diplomate, flexible, accueillant et à l’écoute. Quant au savoir-faire, on dira d’un bon intervenant qu’il saura s’affirmer, connaître les problématiques liées au conflit, intervenir en contexte d’autorité, gérer les situations de crise, garder son sang-froid, être habile en relations d’aide, faire preuve de discernement, veiller à la sécurité de tous, établir un lien de confiance, maintenir des limites claires et préserver la confidentialité. Ajoutons que parmi les forces que l’on associe au savoir-faire, la capacité d’observation revient de manière plus systématique (n = 7) tandis qu’une attitude respectueuse caractérise plutôt le savoir-être (n = 5).
Superviser, observer et faciliter : des rôles prédominants. En s’inspirant de ceux définis par Sellenet (2010), une série de rôles a été suggérée aux répondants, et ce, en leur demandant d’identifier les trois principaux auxquels ils s’associaient. Les résultats obtenus invitent à concevoir leur rôle quelque peu différemment, selon le type de service qu’ils supervisent. Ainsi, lors des visites supervisées, le rôle le plus souvent endossé est celui de superviseur (n = 42), rôle où l’intervenant surveille, protège et encadre les parents et les enfants. Suit de très près le rôle d’observateur (n = 41), dans lequel l’intervenant adopte une position de retrait permettant de rapporter les faits. Le rôle de facilitateur (n = 35), qui permet d’accueillir les parties et de veiller au bon déroulement de la visite, est le troisième rôle identifié par les répondants. De manière moins saillante, les rôles d’intervenant (c.-à-d. aider la famille avec ses difficultés) et d’intermédiaire (c.-à-d. transmission d’informations, lien entre les acteurs au début et à la fin de la visite) ont aussi été rapportés.
Au moment de superviser des échanges de garde, les rôles émergeant du discours sont semblables, mais rapportés dans un ordre différent. Ainsi, le rôle le plus souvent identifié parmi les trois premiers est celui d’observateur (n = 40), suivi par ceux de facilitateur (n = 37) et de superviseur (n = 31). Moins marqués, les rôles d’intermédiaire (n = 22) et d’intervenant (n = 13) ressortent toutefois des résultats obtenus.
Des intervenants confiants, utiles et en sécurité. Parmi les sentiments que leur font vivre les services de SDA, les participants indiquent se sentir confiants (80 %) puis utiles (78 %) lors des visites supervisées tandis que 75 % et 73 % éprouvent respectivement ces deux mêmes sentiments lors des échanges de garde. Se sentir soutenus par les collègues rejoint 27 % des répondants qui font des échanges de garde et, à égalité avec le fait de ressentir du plaisir, 24 % de ceux qui font des visites supervisées. Par ailleurs, une partie non négligeable de l’échantillon se perçoit comme un intrus au moment de prendre part aux visites supervisées (22 %), sentiment qui est visiblement moins partagé lors des échanges de garde (2 %). En revanche, et toutes proportions gardées, les intervenants se sentent plus tiraillés entre les deux parents ou entre l’enfant et ses parents lors des échanges de garde (23 %) que lors des visites supervisées (13 %).
Par ailleurs, des questions abordant le sentiment de sécurité lors de la supervision de droits d’accès ont permis d’observer que les répondants ne sont que très peu inquiets pour leur sécurité personnelle. Ce sentiment ayant été mesuré sur une échelle Likert de 4 points, où un score de 1 indique que le répondant n’est jamais inquiet pour sa sécurité et un score de 4 est associé au fait d’être toujours inquiet, il semble que les intervenants se sentent plutôt en confiance, que ce soit lors des visites supervisées (M=1,62) ou des échanges de garde (M=1,52). Ce résultat n’est certes pas étranger à celui où les répondants indiquent se sentir « confiants » dans le cadre de leurs fonctions.
Les participants qui ont indiqué être parfois inquiets pour leur sécurité lors des visites supervisées (n = 28) ou des échanges de garde (n = 21) ont tenté d’identifier la source de leurs préoccupations. Sur un total de 30 répondants qui ont justifié les raisons de leurs inquiétudes, 20 sont d’avis que la violence potentielle des parents est ce qui les rend les plus craintifs. Décevoir un parent, lui annoncer l’annulation d’un contact avec son enfant ou encaisser des propos agressifs sont autant de sources de préoccupations, surtout lorsque les parents sont instables émotionnellement. Par ailleurs, le fait de miser sur un personnel exclusivement féminin contribue à justifier les inquiétudes ressenties face à une clientèle potentiellement violente.
Dans une moindre mesure, d’autres indiquent se sentir inquiets car ils n’ont pas suffisamment d’informations sur qui se trouve réellement devant eux (n = 5). Ne pas connaître les antécédents judiciaires des parents peut augmenter le stress des personnes travaillant dans les ressources de SDA. Enfin, d’autres indiquent que le manque de financement les empêche d’avoir suffisamment de personnel pour faire face au danger ou pour avoir des locaux sécurisés (n = 6).
Les forces et difficultés des services de SDA
Les intervenants ont également partagé leur vision des points forts de même que des difficultés et défis rencontrés au sein des ressources de SDA, et des moyens qui pourraient être envisagés pour y faire face.
La sécurité, la relation et la neutralité au coeur des services. Alors que les répondants se sont exprimés sur les forces d’un bon intervenant, il leur a aussi été demandé de nommer celles associées aux services de SDA. Témoins de la réalité quotidienne, le discours des répondants a permis de dégager quatre catégories de forces : la sécurité, le soutien ou le maintien de la relation parent-enfant, la neutralité du service ainsi que l’aide aux parents.
Si la notion de sécurité englobe toutes les parties impliquées dans les services (parents, enfants, personnel), on dénote néanmoins une priorité orientée vers celle de l’enfant. Pour les répondants qui s’expriment sur le sujet (n = 28), assurer la sécurité de l’enfant, c’est le protéger des conflits et le préserver de l’exposition aux différends qui opposent ses parents. Dans ce contexte, les contacts parent-enfant peuvent donc être maintenus dans ce que l’on nomme un « milieu sécuritaire ».
Dans ce même esprit, une autre force identifiée repose sur le maintien du lien parent-enfant (n = 24). Les répondants estiment que les services de SDA permettent « aux enfants de garder un lien avec leurs parents » ou encore, de « préserver et améliorer le lien parent-enfant ». La notion de lien apparaît alors centrale aux yeux des participants.
Au coeur des autres forces, on retrouve la neutralité des services de SDA (n = 22), ce qui fait précisément écho à la principale force d’un bon intervenant. Près d’une personne sur deux évoque spontanément le mot « neutralité » ou « endroit neutre » pour se référer aux forces du service. Enfin, le fait d’offrir un soutien concret aux parents (n = 11) est le dernier élément qui ressort du discours. En effet, la ressource de SDA est perçue comme un endroit permettant de « soutenir les familles dans leurs difficultés », « offrir un accompagnement aux parents qui veulent travailler des objectifs afin de sortir de leur conflit intense », etc.
Des services sous-financés et un mandat de supervision parfois incomplet. Les répondants se sont aussi prononcés sur ce qui, à leur avis, était plus difficile dans les ressources de SDA. Spontanément, 24 répondants identifient le sous-financement des services de SDA comme étant le principal élément entravant leur travail. Rappelons ici que les ressources de SDA bénéficient d’un financement provincial. Ainsi, pour plusieurs, l’insuffisance des fonds se répercute à différents niveaux. Parmi les obstacles qui s’ajoutent au sous-financement, mentionnons, entre autres, l’absence de formation continue, l’offre limitée de plages horaires pour dispenser des services, le faible salaire, les conditions de travail peu attrayantes et l’absence d’outils d’intervention adaptés. En outre, l’aménagement problématique des locaux, incluant le manque de sécurité, ainsi que la pénurie de ressources offrant ces services font partie des autres difficultés relevées. Pour chacun de ces obstacles, des conséquences en découlent, dont celles sur les familles qui sont transversales à toutes situations. En somme, l’insuffisance des fonds disponibles est à l’origine de la majorité des difficultés perçues. Pour certains (n = 10), le lien avec le système judiciaire est au nombre des éléments les plus difficiles. Plus précisément, le manque d’informations transmises et les jugements incomplets génèrent une insatisfaction importante pour ces répondants.
Dans leurs propos, certains intervenants révèlent aussi des défis liés au mandat de supervision. Transmis à la ressource via l’ordonnance, le mandat de supervision devrait préciser le motif des services, l’objectif poursuivi, les personnes autorisées à participer à la visite, la fréquence des contacts, la durée du mandat, la date de révision du mandat et, s’il y a lieu, la tarification des services (MFA, 2008). Au-delà de la supervision, les répondants à qui l’on confie des tâches liées à la gestion ou à l’administration d’un service de SDA (n = 24) sont ceux qui, généralement, ont accès au mandat de supervision. À ce sujet, ils se sont prononcés sur le contenu du mandat, et ce, en utilisant une échelle Likert allant de 1 à 4, où 1 équivaut à jamais et 4 à toujours. Leurs réponses amènent à penser que peu d’informations leur sont transmises avant d’accueillir une famille, ce qui est cohérent avec leurs inquiétudes découlant de la méconnaissance de leur clientèle. En effet, le motif des services (M=2,13; é.-t.=0,8), l’objectif poursuivi par les visites ou les échanges de garde supervisés (M=1,96; é.-t.=0,86), la durée du mandat (M=2,25; é.-t.=0,74), les personnes autorisées à participer à la visite (M=2,17; é.-t.=1,09), la date de révision du mandat (M=2,17; é.-t.=1,09) et la tarification des services (M=1,83; é.-t.=0,72) ne seraient que « parfois » transmis à la ressource. Seule la fréquence des échanges ou des visites serait « souvent » précisée (M=3,43; é.-t.=0,66).
Des pistes d’amélioration. Si le sous-financement des ressources est au carrefour des difficultés perçues, c’est sans surprise que l’augmentation du financement est une amélioration proposée de manière récurrente (n = 27). Plus précisément, la hausse du budget alloué aux ressources permettrait de rémunérer davantage le personnel (n = 5), d’offrir plus de services et d’augmenter le nombre de ressources au Québec (n = 9), d’améliorer l’environnement physique (n = 6) et de mieux reconnaître les particularités régionales (ex. en finançant le transport des parents éloignés; n = 3).
Au-delà du financement, il est proposé d’offrir plus de formation continue ou de miser sur le développement d’outils d’intervention (n = 11). En effet, l’idée de rendre accessible une formation uniforme et d’organiser des formations avec des experts est avancée. D’autres aimeraient que les intervenants aient un rôle accru (n = 8) en pouvant, par exemple, aider les parents sur le plan émotif, les conseiller et leur offrir un suivi plus serré. Enfin, jouir d’une meilleure visibilité et d’une reconnaissance plus grande (n = 9) pourrait permettre d’améliorer la situation.
En ce qui a trait au mandat de supervision, cinq propositions générales ont été évoquées pour pallier le manque d’informations sur les familles. Que soient mieux précisés le motif et les objectifs de la supervision (n = 12) et que davantage d’informations sur les familles soient accessibles aux ressources (n = 7) constituent les deux premières idées avancées. Au-delà de l’adaptation des services, ces précisions permettraient de mieux déterminer l’intensité de la supervision à offrir aux familles, tout en demeurant sensible aux enjeux d’observation propres à certaines problématiques (ex. toxicomanie, allégation d’agression sexuelle). Pour d’autres répondants, il s’avère essentiel de préciser la durée de la prestation de services et la date de retour en cour pour une réévaluation de la situation (n = 7). Si les services de SDA doivent être considérés comme une mesure transitoire et temporaire, une durée d’utilisation des services devrait être précisée. La standardisation du mandat de supervision (n = 9) et l’uniformisation des pratiques de SDA (n = 6) font partie des dernières pistes d’amélioration proposées.
Système judiciaire : entre négativisme et collaboration
Il a été demandé aux répondants d’écrire jusqu’à trois mots qui leur venaient spontanément à l’esprit en pensant au rôle des avocats. Un total de 95 mots[3] ont été catégorisés, mots qui tendent davantage vers le négatif que le positif et qui sont parfois durs envers les avocats. Si 14 mots décrivent d’emblée les avocats comme des partenaires, des collaborateurs ou des conseillers, force est de constater qu’il ne s’agit pas d’une perception répandue. Les mots des participants reflètent l’idée, de leur point de vue, que les avocats ont une attitude professionnelle de supériorité (n = 15; ex. abusif, rigide, manque de considération), qu’ils méconnaissent les services de SDA (n = 10; ex. méconnaissance du rôle, du service), qu’ils sont centrés sur l’argent (n = 9; ex. argent, facturer des heures), qu’il est difficile de communiquer avec eux (n = 7; ex. occupé, difficile à rejoindre), qu’ils passent leurs intérêts personnels en priorité (n = 8; ex. conflit d’intérêt, gagner sa cause à tout prix) et qu’ils alimentent le conflit (n = 5; ex. accentue les conflits, chicane). Dans quelques cas, les répondants s’expriment en des termes plutôt neutres et se réfèrent davantage à des considérations professionnelles, liées aux pratiques (n = 11; ex. jugement, mandat) ou aux rôles des avocats (n = 7; ex. référent, médiateur).
Si les répondants évoquent une majorité de termes négatifs pour parler du rôle des avocats, leur perception du lien de collaboration avec les acteurs du système judiciaire est somme toute différente. En effet, sur une échelle allant de médiocre (1) à excellent (4), ils indiquent que leur lien de collaboration avec les avocats est tout près d’être satisfaisant. Pour certains (n = 20), ce qui semble le plus important pour instaurer une collaboration efficace, c’est de bien connaître les services de SDA afin de rédiger une ordonnance sensible aux réalités de la pratique. Que des juges et avocats méconnaissent les services soulève des difficultés, notamment quant au réalisme de leurs demandes. Ainsi, si l’ordonnance ne tient pas compte des heures d’ouverture, de la capacité d’accueil et qu’elle n’établit pas clairement les modalités de la supervision, le travail des ressources est alors grandement complexifié. Autrement dit, une bonne ordonnance respecte les limites des ressources où sont dirigées les familles. Pour y parvenir toutefois, il faut d’abord que ceux qui l’émettent apprennent à mieux connaître les services. Pour d’autres (n = 12), la bonne communication entre tous les acteurs impliqués dans le dossier facilite grandement la collaboration. Ainsi, les avocats, les juges, les intervenants et les parents devraient tous pouvoir se parler pour bien mettre en place les dispositifs relatifs aux services de SDA. D’une certaine façon, la saine communication renforce l’idée que tous travaillent au mieux-être de l’enfant et sa famille.
Discussion et implications pour la pratique
À la lumière des principaux résultats, force est de constater que des défis et des enjeux persistent dans l’offre de services de SDA. Les répondants perçoivent leur travail et les moyens dont ils disposent pour l’exercer plutôt positivement. Pour eux, leur rôle est clair et précis. Non seulement les capacités à se positionner en retrait, à observer puis à rapporter les faits semblent-elles faire partie des fonctions importantes, mais elles sont aussi identifiées par certains comme étant les principales forces d’un bon intervenant. Néanmoins, quelques répondants ont parlé de leur désir d’offrir une aide et un soutien plus concrets aux enfants et aux parents, tout en ayant l’occasion d’intervenir de façon plus marquée. À leur avis, les services offerts pourraient être améliorés si on leur attribuait ce rôle supplémentaire. Ainsi, pour ceux qui abondent en ce sens, il apparaît que les services de SDA pourraient être mieux intégrés à l’offre globale de services aux familles en difficulté, ce qui est un constat que partagent d’autres chercheurs du domaine (Birnbaum et Chipeur, 2010; Pearson et Thoennes, 2000; Szirom et coll., 1998). En effet, le développement d’un mécanisme de concertation entre les services de SDA et les autres ressources psychosociales et juridiques permettrait d’offrir un continuum de services aux familles qui, pour certaines, ont déjà des difficultés importantes. Parallèlement à ce souhait et dans l’optique d’améliorer les services, notons que des parents interviewés par Saint-Jacques et coll. (2016) ont précisément suggéré que soient offerts des ateliers de groupe sur les habiletés parentales, en complément des services qu’ils reçoivent déjà.
Pour bien soutenir les enfants, Corcoran (2005) propose que les intervenants soient attentifs à leur historique souvent perturbé. Toutefois, comme l’ont souligné les répondants à cette étude, les règles en matière de confidentialité empêchent souvent le personnel de connaître les motifs justifiant le recours aux services. Ce manque d’information au sujet des familles ravive ainsi le questionnement lié au rôle même de l’intervention dans les services de SDA. Comment les intervenants peuvent-ils et doivent-ils soutenir les enfants, sensibiliser leurs parents ou les référer tout en restant neutres ? Comment préserver la neutralité et l’objectivité des services ? Si ces questions demeurent pour l’instant sans réponse, le dépistage et le soutien des enfants en plus grande difficulté doivent retenir notre attention.
Par ailleurs, pour être en mesure de gérer les situations à risque de façon efficace, des résultats d’études appuient l’idée que le personnel des ressources devrait être composé de professionnels formés dans le domaine de la sécurité, de la violence conjugale et de l’intervention de crise (Sellenet, 2010; Sheehan et coll., 2007; Tutty et coll., 2006). À ce sujet, une amélioration de la formation et de la supervision offertes aux intervenants, de même que le développement d’outils d’intervention standardisés font partie des améliorations proposées par les répondants, ce qui n’est pas sans rappeler les propos de Sellenet (2010) à l’effet que les intervenants devraient être formés rigoureusement. Plusieurs d’entre eux évoquent le souhait d’une pratique plus standardisée et mieux encadrée. En fait, tous les intervenants interrogés dans cette étude ne détenant pas le même niveau de formation scolaire, il serait d’autant plus important de garantir un minimum de standardisation des pratiques, et ce, à travers une formation continue. Étant donné que la supervision des droits d’accès implique la délicate mission d’assurer le respect d’une ordonnance de la Cour supérieure (ou d’une entente volontaire ou de médiation) dans le cadre d’un maintien de la relation parent-enfant, il est permis de questionner pourquoi on n’investit pas davantage pour le développement des ressources et la formation du personnel par exemple. Dans cette optique, il pourrait être intéressant d’instaurer un mécanisme de formation et de supervision favorisant la diffusion des meilleures pratiques en matière de SDA. Les nouvelles technologies et la mise sur pied d’une communauté de pratique sont autant d’avenues facilitant l’offre de formations à la fois accessibles et réutilisables.
L’hypothèse d’un financement insuffisant peut être avancée pour comprendre, du moins en partie, le manque de formation. Du point de vue des répondants, l’amélioration des services passe inévitablement par l’augmentation du financement, de la visibilité et de la reconnaissance des ressources de SDA. L’accessibilité semble aussi affectée par le sous-financement de ces services, entraînant du coup une offre limitée de plages horaires, des listes d’attente, puis des délais de contacts parent-enfant, voire une privation de services pour certaines familles. Précisons que ce type de limites a été relevé dans plusieurs études (Ajaniku, 2006; Crook et Oehme, 2007; Dunn, Flory et Berg-Weger, 2004; Park, Peterson-Badali et Jenkins 1997; Pearson, Davis et Thoennes, 2005; Peterson-Badali, Maresca, Park et Jenkins, 1997; Szirom et coll., 1998; Tutty et coll., 2006). Si ces services demeurent plus faciles d’accès dans les grands centres urbains, il en va autrement pour ceux offerts dans les régions où les familles doivent parcourir de grandes distances pour se rendre à la ressource. Or, l’existence même de ces services révèle pourtant à quel point notre société valorise la poursuite du lien parent-enfant malgré des conditions qui, a priori, la découragent (Bastard, 2010). Compte tenu de cette valorisation des liens, il est vivement souhaité que les services de SDA soient dotés des ressources leur permettant de continuer à exercer leur mission selon les standards attendus.
Enfin, il apparaît essentiel de poursuivre le dialogue entre les intervenants sociaux et judiciaires afin d’assurer plus de communication et de fluidité entre ces différentes instances. Les résultats de l’étude réitèrent l’importance d’une communication efficace et d’une collaboration étroite entre les acteurs du milieu juridique et les ressources de SDA. Pour faciliter la collaboration avec le système judiciaire, il importe de bien connaître les services de SDA afin de rédiger une ordonnance qui tienne compte des réalités de la pratique. En outre, lorsque les modalités de supervision ne sont pas bien précisées, le travail des intervenants est alors plus ardu. Considérant les difficultés notées sur le plan de l’applicabilité de certaines ordonnances et les déceptions que cela peut engendrer chez les familles touchées, il serait opportun de mieux faire connaître aux juges et aux avocats les services que les ressources de SDA sont en mesure d’offrir et les contextes de supervision qui correspondent aux besoins des familles. Parallèlement, certains ont avancé l’idée de moduler la supervision en fonction de la problématique ou de la situation à l’origine de la demande de services, ce qui a précisément été soulevé dans des études antérieures (Cummerford et Hunter, 2015; Szirom et coll., 1998; Tutty et coll., 2006). Par exemple, une reprise de contact parent-enfant devrait-elle faire l’objet d’un niveau de supervision identique à la situation d’un parent présentant un problème de dépendance ou de violence familiale ? L’idée que la procédure de supervision soit appliquée avec nuance et flexibilité est ainsi proposée. Ajoutons ici qu’il serait toutefois intéressant d’obtenir le point de vue des intervenants juridiques afin de corroborer ou non les propos des répondants de la présente étude.
Limites de l’étude
Les résultats de l’étude doivent être interprétés à l’intérieur des limites méthodologiques. Les personnes qui ont participé à l’étude sont volontaires. Il se peut qu’elles présentent des caractéristiques différentes de celles qui n’ont pas accepté de participer. Compte tenu de l’anonymat des participants par rapport à leur lieu de travail et à leur région, il est impossible de savoir combien de ressources ont participé parmi celles sollicitées. En outre, le fait que les données aient été recueillies par l’intermédiaire d’un questionnaire électronique peut limiter, pour certains, la profondeur des réponses fournies. Ajoutons que les répondants n’avaient pas d’obligation de répondre, ce qui fait qu’ils ont parfois transmis des questionnaires avec des réponses incomplètes.
Conclusion
Rappelons que les services de SDA permettent d’assister les parents séparés dans la gestion des mesures concernant l’accès à leur enfant (Sheehan et coll., 2007). Tiré d’une plus vaste étude menée dans le but de décrire les services de SDA au Québec (Saint-Jacques et coll., 2016), cet article s’est attardé à l’expérience de 50 intervenants et au regard qu’ils posent sur leur pratique au sein de ces ressources. La démarche a permis d’exposer leur point de vue au sujet de la nature du travail qu’ils effectuent, des forces et difficultés des services de SDA, des pistes d’amélioration envisagées ainsi que du système judiciaire avec lequel ils sont appelés à collaborer.
Les résultats de ce volet de l’étude ont mis en lumière l’importance qu’accordent les intervenants à la neutralité et à l’empathie dont ils doivent faire preuve au quotidien pour bien exercer leur mandat. Il s’agit d’ailleurs de l’une des forces qu’ils attribuent aux services de SDA. Quant à leurs aptitudes professionnelles, les répondants perçoivent leur travail et les moyens dont ils disposent plutôt positivement : leur rôle est clair, ils se sentent en contrôle et ils sont conscients de la nécessité de se positionner en retrait pour mieux rapporter les faits et gestes observés. À leur avis toutefois, le manque de financement des services de SDA est au centre de nombreuses difficultés. Selon eux, l’amélioration des services ne peut s’actualiser qu’à partir d’un meilleur financement, d’une formation plus adaptée, d’un accroissement de leur visibilité et d’une reconnaissance accrue de leur mission par les acteurs du milieu juridique.
Enfin, malgré les efforts déployés pour améliorer ces services et pour bien servir les familles, des enjeux importants sont encore à considérer dans le développement et le renouvellement de cette pratique. Peu d’études se sont jusqu’à présent intéressées au point de vue des intervenants impliqués dans ces services (Saint-Jacques et coll., 2016). Pourtant, il est essentiel de documenter la pratique en matière de SDA dans la perspective même de ceux qui l’exercent au quotidien. À ce sujet, des études supplémentaires seront vraisemblablement nécessaires pour approfondir non seulement l’intervention dans les services de SDA, mais également les meilleures pratiques dans ce domaine.
Parties annexes
Note biographique
Annick St-Amand est professeure agrégée et Marie-Christine Fortin est professionelle de recherche au département de psychoéducation à l’Université du Québec à Trois-Rivières. Marie-Christine Saint-Jacques est professeure titulaire à l’École de travail social et de criminologie à l’Université Laval. Sylvie Drapeau et Marie-Hélène Gagné sont professeures titulaires à l’École de psychologie à l’Université Laval.
Notes
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[1]
Cet article est tiré d’une plus vaste étude (Saint-Jacques et coll., 2016) dont l’objectif principal est de décrire les services de supervision des droits d’accès au Québec, précisément pour les familles qui détiennent une ordonnance de la Cour supérieure, une entente volontaire ou une entente survenue en médiation. Pour atteindre cet objectif, plusieurs dimensions sous-jacentes aux services de SDA ont été examinées (ex. l’offre de service, les trajectoires de services, le conflit, la coparentalité, l’adaptation des enfants et des parents, les inquiétudes, la satisfaction à l’égard des services, etc.) et plusieurs acteurs ont été consultés (les parents, les enfants, les intervenants).
-
[2]
Un intervenant à temps partiel consacre moins de 28 heures par semaine à ce travail.
-
[3]
Il est à noter que sur 95 mots, des mots ont pu être nommés de façon récurrente. Ils ont alors été comptabilisés autant de fois qu’ils ont été nommés.
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