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Marcelo Otero, professeur titulaire au Département de sociologie de l’UQAM, nous a quittés subitement le 3 janvier 2024 à l’âge de 63 ans.
Entré à l’UQAM en 2002, Marcelo Otero s’est impliqué tout au long de cette période dans l’institution uqamienne qu’il chérissait et critiquait tout à la fois. Son mandat de directeur de la revue Cahiers de recherche sociologique (CRS), de 2011 à 2017, et celui de directeur du Département de sociologie, de 2016 à 2019, auront marqué son passage. Il a entre autres assuré la numérisation de l’ensemble de la collection des CRS, ce qui a contribué à leur visibilisation et à leur ouverture dans des réseaux jusque-là inconnus.
Marcelo était un pédagogue passionné, animé par un profond désir de partager ses connaissances comme ses questionnements. Il a prodigué ses enseignements aux divers cycles de formation au Département de sociologie.
Tout au long de sa carrière, il s’est intéressé aux « règles de l’individualité contemporaine » (2003), soit à l’articulation entre singularités et socialités. Son objet sociologique transversal était ce qu’il nommait « les problèmes sociaux complexes ». Cherchant à suivre la trace du rapport à la normativité (2013), il s’interrogeait sur ce qui pose problème, à qui cela pose problème, dans quels contextes sociaux et pour quels effets. La santé mentale et la dépression (2010), le rôle des institutions dans la construction de ces phénomènes (2017), la consommation de drogues et ses conséquences (2006), la souffrance sociale (2014) étaient ses sujets de prédilection. Marcelo était de surcroît un spécialiste de Foucault, dont la pensée déstabilisante et féconde permettait de problématiser ce qui fait problème dans nos sociétés (2021) tel qu’il aimait le rappeler.
Sociologue doté d’une imagination et d’une créativité hors du commun, il cherchait constamment à dépasser les limites de la discipline et à ouvrir de nouvelles avenues de réflexion. En ce sens, il a fait bouger les lignes, dépoussiéré certaines idées, proposé de nouveaux regards dans des domaines historiquement constitués et parfois fossilisés. Sa passion du débat, son insatiable volonté de déconstruire pour renouveler et moderniser la pensée sociologique étaient au centre de son approche comme chercheur.
Le monde de la sociologie et la communauté scientifique ont perdu un grand intellectuel. On se souviendra de Marcelo comme d’un être chaleureux, disponible et ouvert aux autres et de l’ampleur et de la générosité de son engagement.
N. B. Pour en connaître davantage sur le parcours (et lire les publications dont nous faisons état dans ce texte) : https://revuelespritlibre.org/de-pres-personne-nest-normal-entretien-avec-marcelo-otero