Résumés
Résumé
Plusieurs études démontrent l’existence d’une association entre la mortalité et le statut socioéconomique : les personnes appartenant aux catégories sociales les plus favorisées ont une mortalité plus faible que celles appartenant aux catégories défavorisées. Les données nécessaires à ce type d’analyse ne sont pas toujours disponibles et des études sont parfois menées auprès des groupes professionnels spécifiques. Cet article fournit une estimation de la mortalité des hommes médecins au Québec faite à partir des données d’un fichier administratif du Collège des médecins du Québec. Les résultats obtenus montrent une diminution de la mortalité des hommes médecins au cours de la période étudiée (1993 à 2010), mais les différences ne sont significatives que pour les groupes d’âge à partir d’environ 60 ans. Lorsqu’on compare la mortalité des médecins à celle de l’ensemble de la population masculine québécoise, nous constatons une mortalité plus faible chez les hommes médecins inscrits au tableau des membres du Collège des médecins. Finalement, cette étude ne montre pas de différence significative entre la mortalité des hommes médecins omnipraticiens et celle des hommes médecins spécialistes.
Abstract
Many studies have shown the existence of an association between mortality and socio-economic status. People belonging to the more privileged social categories have lower mortality than those in disadvantaged categories. The data required for this kind of analysis are not always available, and studies are sometimes conducted among specific professional groups. This article provides an estimation of mortality among male doctors in Quebec, based on data from an administrative database of the Collège des médecins du Québec. The results show a lowering of mortality among male doctors over the study period (1993 to 2010), but the differences are not significant except for age groups above about 60 years. When we compare the mortality of doctors with that of the male population of Quebec as a whole, we find lower mortality among male doctors registered as members of the Collège des médecins. Finally, this study shows no significant difference between the mortality of male general practice doctors and that of male medical specialists.
Corps de l’article
INTRODUCTION
Plusieurs études sur les différences de mortalité selon le statut socioéconomique ont déjà été faites dans un grand nombre de pays. Les travaux de Hummer et collab. (1998), de Preston et Taubman (1994) et de Valkonen (2002) retracent les résultats de plusieurs études sur ce sujet, réalisées depuis le début du xxe siècle dans quelques pays développés. Malgré les différences entre les populations considérées, les résultats de ces études vont dans le même sens : les personnes appartenant aux catégories sociales les plus favorisées (ayant un niveau d’éducation plus élevé, issues d’une catégorie professionnelle privilégiée et ayant un revenu supérieur) ont une mortalité plus faible que celles appartenant aux catégories défavorisées. Au Canada, l’étude de Wilkins et collab. (2008), qui analyse la mortalité d’un échantillon de Canadiens âgés de 25 ans et plus, confirme la constance de l’association entre le statut socioéconomique et la mortalité : « les taux de mortalité étaient beaucoup moins élevés chez les personnes socioéconomiquement favorisées, peu importe si leur situation socioéconomique était déterminée par le niveau de scolarité, la profession ou le revenu » (Wilkins et collab. 2008, p. 41).
Faute de données, les études sur la mortalité différentielle selon le statut socioéconomique ne sont pas toujours possibles. Les données nécessaires à ce type d’analyse sont rarement disponibles dans les formulaires de l’état civil et on doit donc recourir à des méthodes complexes de jumelage de données qui, à leur tour, exigent des données individuelles auxquelles on a difficilement accès.
À défaut de pouvoir compter sur le jumelage des données individuelles, des études sont menées auprès des groupes professionnels spécifiques, fournissant ainsi une importante contribution à l’analyse des différences de mortalité selon le statut socioéconomique. Dans ce cadre, si on se limite au Québec, on peut citer, par exemple, les travaux sur la mortalité des députés de l’Assemblée nationale du Québec (Bourbeau et Émond, 1996) et des professeurs de certaines universités québécoises (Bédard et Léveillé, 2007).
Un groupe professionnel pour lequel on recense des études sur la mortalité est celui des médecins. Selon Samkoff et collab. (1995), ce genre d’étude peut permettre d’identifier « a considerable reservoir of preventable mortality » chez les professionnels, ainsi que chez les étudiants en médecine. De plus, en étudiant la mortalité des médecins, on peut parfois identifier leurs comportements de santé, ce qui est fort éclairant étant donné que des études ont suggéré qu’il est plus facile pour un médecin ayant de saines habitudes et un mode de vie sain de discuter des comportements préventifs avec leurs patients (Aasland et collab. 2011 ; Frank et Segura, 2009).
Cet article a pour objectif d’étudier la mortalité des hommes[2] médecins enregistrés dans le fichier de données du Collège des médecins du Québec. Ce fichier contient des informations démographiques concernant un certain nombre de médecins qui ont obtenu un permis pour pratiquer la médecine au Québec, sans égard à leur statut actuel au sein de l’ordre. Malgré la fiabilité de ce fichier de données au plan administratif, il présente certaines limites qui restreignent nos analyses, notamment le fait qu’il ne nous fournit pas la population à risque de décéder en tant que médecin et le fait que les décès des médecins n’ont commencé à être collectés de façon plus systématique que très récemment, soit à partir des années 1980. Ceci étant, cette étude propose un essai de la mesure de la mortalité des hommes médecins enregistrés dans le fichier. Il est à noter que jusqu’ici aucune étude de ce genre n’a été faite à partir de ces données.
REVUE DES ÉTUDES ET QUESTIONS DE RECHERCHE
Les études de la mortalité des médecins
La mortalité des médecins est étudiée depuis plus d’un siècle (Aasland et collab. 2011), surtout chez les médecins des États-Unis et de la Scandinavie. La majorité des études recensées comparent leur mortalité à celle de l’ensemble de la population, en raison d’un manque de données fiables concernant d’autres professionnels de la santé ou d’autres groupes socioéconomiques comparables. Juel et collab. (1999) affirment que les médecins constituent un groupe stable et homogène dont la majorité des membres entrent dans la profession entre les âges de 25 et 30 ans et en sortent le plus souvent à la retraite. Ainsi, le groupe contrôle idéal serait un autre groupe professionnel stable et hautement éduqué censé être similaire aux médecins pour tous les aspects socioéconomiques et de santé.
Selon Aasland et collab. (2011), il semble que les médecins des pays industrialisés occidentaux avaient un taux de mortalité plus élevé que celui de l’ensemble de la population jusqu’à environ 1950. Juel et collab. (1999) citent, pour leur part, des études qui ont montré une mortalité relative décroissante chez les médecins danois au cours de la période 1935-1975 : leur taux de mortalité était plus élevé que celui de l’ensemble de la population au début de la période, mais plus faible à la fin de la période. Goodman (1975) cite par contre des études qui ont montré que, jusqu’à environ cette même année 1950, le taux de mortalité des médecins des États-Unis a été plus faible ou semblable à celui de l’ensemble de la population américaine. Tant Aasland et collab. (2011) que Goodman (1975) doutent de la fiabilité des données des études plus anciennes, qui peuvent avoir sous-estimé ou surestimé les effectifs et les décès des médecins, ainsi que de la crédibilité des méthodes d’analyse utilisées. Une récente étude réalisée par Van Poppel et collab. (2016), qui analyse la profession médicale ainsi que d’autres groupes professionnels néerlandais à partir de données longitudinales « suffisamment riches » sur une longue période allant du xvie au xxe siècle, conclut à une amélioration de la survie des membres des professions médicales à partir du milieu du xviiie siècle et plus particulièrement de la deuxième moitié du xixe siècle. Pendant le xixe siècle, l’espérance de vie du corps médical a suivi celle de l’ensemble des hommes néerlandais, mais à un niveau légèrement plus bas. Toutefois, à la fin de la période étudiée, seuls les membres des professions médicales nés entre 1900 et 1910 ont eu une espérance de vie supérieure à celle de la population générale.
Jusqu’à récemment, la pratique de la médecine était assurée très majoritairement par les hommes. Ainsi, les femmes médecins ont souvent été ignorées dans la littérature sur la mortalité des médecins en raison de leur faible nombre dans la profession. Les dernières décennies sont néanmoins marquées par une forte augmentation des effectifs de médecins et par un changement important dans l’équilibre des sexes, lié à des entrées plus nombreuses des femmes dans la profession (Hem et collab. 2005). Ce fut aussi le cas au Québec où les cohortes récentes admises aux études en médecine sont majoritairement féminines.
Aux États-Unis
Goodman (1975) a étudié la mortalité des médecins aux États-Unis pendant la période 1969-1973 à l’aide des données de l’Association médicale américaine. L’auteur a constaté une mortalité plus faible chez les médecins des deux sexes par rapport à l’ensemble de la population observée en 1971 pour tous les groupes d’âge. Ainsi, la mortalité des hommes médecins pour l’ensemble des âges équivalait à 75 % de celle des hommes blancs américains. Goodman (1975) constate toutefois que les omnipraticiens avaient une mortalité plus forte que l’ensemble des médecins de sexe masculin pendant la période : leur mortalité était de 114,3 % par rapport à celle de l’ensemble des hommes médecins, tandis que parmi les différents groupes de médecins spécialistes considérés dans l’étude, ce rapport était le plus souvent entre 80 % et 85 %. Goodman (1975) attribue la situation plus favorable des spécialistes à une autosélection de la part de ceux qui choisissent la médecine spécialisée. Ces médecins étudient plus longtemps et ont le plus souvent des revenus plus élevés que les médecins omnipraticiens. Par ailleurs, selon l’auteur, les médecins qui choisissent une spécialité particulière peuvent être mieux préparés à faire face aux exigences et au stress croissants de la profession.
Samkoff et collab. (1995) ont comparé la mortalité des médecins américains âgés de 25 à 39 ans sur la base des décès enregistrés dans le Journal of the American Medical Association entre 1980 et 1988 à celle de l’ensemble de la population blanche américaine observée en 1984. Tant chez les hommes que chez les femmes, la mortalité des jeunes médecins était bien inférieure à celle de l’ensemble de la population dans les groupes d’âge considérés, équivalant entre 21 % et 48 % de celle de l’ensemble de la population dans ces groupes d’âge. Selon ces auteurs, l’utilité de comparer la mortalité des médecins à celle de l’ensemble de la population est cependant limitée, étant donné les différences socioéconomiques très marquées favorisant les médecins ainsi que le healthy worker effect (effet du travailleur en bonne santé). Cet effet prétend que les groupes de personnes qui occupent un emploi spécifique comportent un nombre plus faible de membres à la santé fragile que l’ensemble de la population du même âge et sexe, car ils excluent naturellement les personnes ne pouvant pas exercer cet emploi spécifique en raison de problèmes de santé.
Cet avantage des médecins par rapport à l’ensemble de la population a aussi été constaté par Ullmann et collab. (1991). Dans cette étude, on a considéré la mortalité des hommes médecins qui ont obtenu leur diplôme à Loma Linda University (LLU) ainsi qu’à l’University of Southern California (USC) entre 1910 et 1975. La mortalité chez les hommes médecins qui ont obtenu leur diplôme à LLU et à l’USC équivalait, respectivement, à 56 % et 76 % de celle de l’ensemble des hommes blancs américains.
En Scandinavie
À partir des données de l’Association médicale danoise (DMA), Juel et collab. (1999) ont comparé la mortalité des médecins danois pendant la période 1973-1992 à celle de l’ensemble de la population danoise correspondante. Les auteurs ont constaté que la mortalité des hommes médecins omnipraticiens et spécialistes correspondait respectivement à 85 % et 73 % de celle de l’ensemble de la population masculine. Ainsi, chez les hommes médecins, la mortalité des omnipraticiens était plus élevée que celle des spécialistes (toutes les spécialités confondues) pendant la période. Juel et collab. (1999) ont aussi constaté une diminution de leur mortalité relative au cours de la période étudiée.
Plus récemment, Aasland et collab. (2011) ont comparé la mortalité des médecins norvégiens à celle de certains groupes de professionnels des services sociaux et de santé (dentistes, infirmiers, théologiens et policiers), ainsi qu’à celle du groupe d’autres diplômés universitaires norvégiens (excluant les médecins, les dentistes et les théologiens) et du « reste de la population » (c’est-à-dire tous les autres habitants de la Norvège ayant plus de 20 ans) pendant la période 1960-2000. Comme attendu, la mortalité des médecins et de chacun des autres sous-groupes considérés a été inférieure à celle du « reste de la population » pour l’ensemble de la période. La mortalité des hommes médecins équivalait à 76 % de celle « du reste de la population » du même sexe. Lorsque cet indice a été calculé séparément pour chacune des décennies de la période, une diminution a été remarquée au fil du temps : les rapports des taux ont varié de 90 % en 1960-1969 à 69 % en 1990-1999. Ces résultats valident l’hypothèse des auteurs voulant que l’écart entre la mortalité des médecins et celle de la population générale ait augmenté au fil du temps. Par ailleurs, en comparant la mortalité des médecins à celle des autres diplômés universitaires norvégiens pour chacune des décennies, ils constatent clairement une convergence de la mortalité de ces deux groupes au cours du temps, ce qui valide également l’hypothèse proposée par les auteurs que l’écart entre la mortalité des médecins et des autres diplômés universitaires avait par contre diminué au fil du temps.
D’après Aasland et collab. (2011), la connaissance des bonnes habitudes de vie, la possibilité de les mettre en pratique et l’élimination des facteurs de risque peuvent en partie expliquer cette tendance de la mortalité des médecins. Le fait de que les autres professionnels des services sociaux et de santé retenus dans l’étude aient de plus en plus une mortalité semblable à celle des médecins peut indiquer que ces groupes ont des connaissances et opportunités similaires.
Finalement, conformément à la majorité des recherches tenant compte des causes de décès, Juel et collab. (1999) et Aasland et collab. (2011) ont remarqué un taux de suicide plus élevé chez les médecins lorsque comparé à celui de l’ensemble de la population. Selon Roman et Prévost (2015), les médecins présentent des vulnérabilités bien spécifiques et sont plus à risque d’un ensemble de problèmes de santé mentale, dont le suicide, que la population générale. Que ce soit le fait de prédispositions personnelles ou des conditions de pratique, la question est toujours sujette au débat, mais la réponse réside probablement dans la combinaison des deux facteurs. Par ailleurs, les auteurs évoquent que les données de recherche sur le suicide chez les médecins suscitent controverses et débats au sein de la communauté médicale surtout à cause des difficultés méthodologiques inhérentes aux études sur ce sujet (faible nombre de cas, problèmes de classification des cas, etc.).
Les médecins, un groupe sélectionné
Il n’est pas étonnant que la mortalité chez les médecins soit inférieure à celle de l’ensemble de la population. Tel que souligné par Goodman (1975), les exigences pour être admis en médecine sont rigoureuses et demandent de nombreuses années intenses d’études. D’une façon générale, les gens qui réussissent à y entrer viennent donc des milieux privilégiés. De plus, après l’acquisition d’un titre en médecine, ils ont un niveau élevé d’instruction, une profession privilégiée et un revenu élevé, ce qui nous permet de dire que les médecins sont sélectionnés du point de vue socioéconomique et sont par conséquent enclins à une meilleure santé que l’ensemble de la population.
Au-delà des conditions socioéconomiques, il est raisonnable de supposer que les médecins protègent leur propre santé, étant donné qu’ils protègent la santé des autres. Néanmoins, il semble y avoir des controverses sur ce sujet (Frank et collab. 2000 ; Suty, 2006 ; Wilkins, 2007). Au Canada, depuis quelques années, les organisations de la profession médicale, dont l’Association médicale canadienne, mettent des efforts afin de promouvoir la santé et le mieux-être chez les médecins, ainsi que chez les étudiants et résidants en médecine. Par ailleurs, la pratique de la médecine est de plus en plus complexe et exigeante. Le développement des technologies et les évolutions démographiques et sociales ont bouleversé la nature des soins et le travail de ceux qui les fournissent. Bien d’autres sources de stress sont inhérentes à la profession : « privation de sommeil, surplus de travail, litiges possibles, traumatismes et souffrances humaines dont les médecins sont témoins, sans oublier l’insatisfaction au travail » (Association médicale canadienne, 2003).
Van Poppel et collab. (2016) ont aussi fait état du fait que les risques professionnels liés à la pratique de la médecine avaient eu des conséquences sur la survie des médecins jusqu’au xixe siècle. Par la suite, l’amélioration de la situation économique des médecins par rapport à celle de la population active entre les années 1860 et 1960 pourrait être en rapport avec l’évolution de leur état de santé.
Nous savons que des données permettant d’étudier la mortalité des médecins dans tous ces aspects cités dans la littérature sont rarement accessibles. La section suivante présente nos objectifs et questions de recherche en se basant sur les résultats des études antérieures et sur le fichier de données auquel nous avons eu accès.
Objectifs et questions de recherche
L’objectif de cette étude est d’obtenir une estimation de la mortalité des hommes médecins québécois enregistrés dans le fichier administratif qui nous a été fourni par le Collège des médecins du Québec et de la comparer à celle de l’ensemble de la population masculine québécoise. Par la suite, nous nous intéressons à comparer la mortalité des hommes médecins omnipraticiens[3] à celle des médecins spécialistes.
Plus précisément, dans une approche transversale, nous tenterons de répondre aux questions suivantes, tout en essayant de pallier le plus possible les limites du fichier de données :
De façon générale, comment la mortalité des médecins ayant déjà obtenu un permis de pratique au Collège évolue-t-elle au cours des années retenues dans l’étude ?
La mortalité de ces médecins est-elle effectivement plus faible que celle de l’ensemble de la population québécoise ?
Les médecins spécialistes ont-ils effectivement une mortalité plus faible que celle des médecins omnipraticiens ?
En somme, il est important de se demander si, dans le cas des médecins, groupe sûrement sélectionné, leur profession a un effet protecteur ou non face à la mortalité. Il est possible que l’effet de sélection dont jouissent les médecins puisse être compensé par l’effet de leurs conditions de pratique médicale ou encore de leur style de vie, quoique certains de ces effets puissent aussi s’additionner aux facteurs de protection.
SOURCE ET CRITIQUE DES DONNÉES ET MÉTHODES
Les données proviennent d’un fichier administratif du Collège des médecins du Québec (ci-après appelé le Collège), qui contient des informations concernant les médecins ayant obtenu un permis pour pratiquer la médecine au Québec[4]. Le Collège est l’ordre professionnel des médecins québécois et sa mission est de promouvoir « une médecine de qualité au service du public »[5].
Un médecin doit obligatoirement être titulaire d’un permis de pratique, être inscrit au tableau de l’ordre professionnel et être inscrit à la Régie de l’assurance maladie du Québec (ci-après appelé la Régie) afin d’être autorisé à exercer la médecine au Québec. Lorsque le médecin est inscrit au tableau, le Collège transmet l’information à la Régie. En réalité, le Collège envoie quotidiennement à la Régie les informations concernant le statut des médecins titulaires d’un permis et cela en raison du mode de rémunération des médecins ; ne peuvent être rémunérés par la Régie que les médecins inscrits au tableau des membres de l’ordre. Ceci étant, l’un des objectifs du fichier auquel nous avons eu accès est de contrôler le statut des médecins pouvant exercer la médecine au Québec ainsi qu’être rémunérés par la Régie[6].
Nous avons eu accès au fichier à deux dates distinctes, soit le 10 juin 2010 et le 3 juin 2011. La différence entre ces deux fichiers est le changement de statut de certains médecins, ainsi que l’inclusion des médecins qui ont obtenu leur permis durant cette période. Nos analyses porteront surtout sur les données les plus récentes.
Pour chacun des médecins enregistrés, les fichiers présentent les informations sur le sexe, la date de naissance, la date du décès pour les médecins décédés, le statut du médecin à la date d’émission du fichier, la langue de communication avec le Collège (français ou anglais), l’année et le lieu d’obtention du diplôme, l’année d’émission du permis de pratique, la spécialité médicale et le domicile professionnel du médecin (pays et province).
En plus du fichier de données émis à ces deux dates, le Collège nous a fourni des tableaux donnant la répartition des médecins inscrits au tableau des membres de l’ordre selon le sexe, les groupes d’âge et le type de pratique (omnipraticien ou spécialiste). Ces tableaux ont été tirés du même fichier, mais les statistiques ont été compilées le 31 décembre de chacune des années entre 1984 et 2010. La répartition selon le sexe n’est toutefois disponible qu’à partir de 1992. Enfin, le Collège nous a transmis le nombre réel de permis qui ont été délivrés depuis l’année 1963.
Le statut des médecins selon le fichier de données
Le Tableau 1 présente la répartition des 30 685 médecins ayant déjà obtenu un permis de pratique au Collège et enregistrés dans le fichier le 3 juin 2011, selon leur statut. La majorité de ces médecins (60,7 %) avaient le statut Inscrit — Actif à la date de l’émission du fichier. Ces 18 623 médecins correspondent à l’effectif des personnes qui étaient autorisées à pratiquer la médecine en juin 2011. À cette date, 1 977 médecins avaient le statut Inscrit — Retraité (6,4 %). Ces médecins gardent leur statut de médecin en payant leur cotisation, mais ne peuvent pas pratiquer la médecine au Québec. En réalité, ce statut assure aux médecins le droit de fournir une ordonnance[7].
Les autres données présentes dans le fichier correspondent à des personnes qui ont obtenu à un moment donné un permis de pratique de la médecine au Québec, mais qui, pour diverses raisons — démission, radiation, expiration du permis liée à une pratique à l’extérieur du Québec —, n’étaient plus considérées comme inscrits au sens des exigences du Collège. On retrouve aussi dans le fichier un certain nombre de médecins pour lesquels le Collège connaît leur date de décès. On verra plus loin que ces décès ne sont pas exhaustifs et présentent un défi pour la mesure de la mortalité. Le principal défi pour l’utilisation de ce fichier à des fins de recherche est d’identifier le nombre de médecins actifs durant une période donnée et le nombre de décès survenant parmi ces médecins, car nous ne connaissons le statut des médecins qu’à la date d’émission du fichier. Le fichier idéal pour une telle étude serait celui présentant les dates de tous les changements de statut des médecins, permettant ainsi d’attribuer les décès aux personnes susceptibles d’être à risque. Finalement, on constate entre autres que le fichier ne contient que 215 décès de femmes médecins, empêchant toute mesure fiable de la mortalité des femmes. On s’en tiendra donc à la mortalité des hommes.
Exhaustivité des données
À partir de l’année d’émission du permis indiquée dans le fichier de données et du nombre réel de permis émis à partir des années 1960 qui nous a été fourni par le Collège, nous avons vérifié l’exhaustivité des données. L’analyse de ces informations nous démontre que le fichier ne contient pas tous les médecins ayant obtenu un permis pour la majorité des années, mais que la complétude des données s’améliore au fil du temps. Nous pouvons d’ailleurs croire que le fichier représente de façon exhaustive les médecins ayant obtenu leur permis à partir des années 1980.
Par ailleurs, lorsqu’on examine le nombre de décès enregistrés dans le fichier selon l’année, nous constatons que les décès des médecins n’ont commencé à être collectés de façon plus exhaustive qu’à partir des années 1980[8]. Il est toutefois difficile d’évaluer la complétude de la collecte des données sur les décès. Le Collège est le plus souvent informé du décès par la famille du médecin décédé, par les notices nécrologiques de tous les journaux du Québec (une agence étant embauchée pour s’en occuper) ou à partir du suivi d’un non-paiement de la cotisation. Il est possible que le Collège ne soit pas informé du décès de certains médecins, notamment de ceux qui sont décédés à l’extérieur du Canada. De plus, certains décès peuvent être enregistrés tardivement dans le fichier de données.
Pour conclure, des informations précises supplémentaires seraient nécessaires pour évaluer la représentativité des données ; ainsi les résultats trouvés à partir de ce fichier ne s’appliqueront donc qu’au groupe retenu dans l’étude et ne pourront pas être étendus à toute population des médecins ayant obtenu un permis de pratique depuis que le Collège a été fondé.
La prochaine étape est de choisir les individus pour lesquels nous essayerons de mesurer la mortalité à partir de ce fichier étant donné que des médecins ne pouvant pas pratiquer la médecine au Québec y sont également inscrits. De plus, comment analyser la mortalité des médecins qui ont déjà obtenu un permis de pratique au Collège, sans tenir compte de leur parcours et de leur temps de pratique au Québec ? Ces questions seront abordées dans la section suivante, conjointement à la description de la méthodologie.
Méthodes et limites du fichier de données
Au départ, sachant que nous aurions accès à des données individuelles, notre objectif était de mesurer la mortalité des médecins qui ont exercé leur profession au Québec par génération, en considérant qu’ils seraient soumis au risque de décéder sous le statut médecin inscrit et pratiquant au Québec à partir de leur âge à l’obtention du permis de pratique au Collège. La population à risque serait composée des médecins inscrits au tableau des membres et un changement de statut (un décès, une démission, une radiation, etc.) impliquerait donc une sortie de la population à risque. Un éventuel retour du médecin au statut Inscrit signifierait également son retour parmi la population à risque.
Cependant, l’enregistrement récent des décès des médecins par le Collège (à partir des années 1980), ainsi que le fait que nous ne connaissons leur statut qu’à la date de l’émission du fichier (le 3 juin 2011), limitent une analyse longitudinale de la mortalité de ces médecins. D’une part, si on regarde l’âge au décès des médecins selon les groupes quinquennaux de générations (Tableau 2), nous observons qu’une diagonale se forme. Chez les médecins des générations anciennes, par exemple 1885-1889, aucun décès avant l’âge de 85 ans n’a été enregistré et ainsi de suite. D’autre part, étant donné que les changements de statut, ainsi que leurs dates, ne sont pas inclus dans le fichier, il serait impossible de définir la population à risque de décéder pour chacun des groupes de générations. Enfin, le fait de ne pas connaître les changements de statut des médecins ne nous permet pas de vérifier si la sortie des médecins de la population à risque sélectionne des individus ayant des caractéristiques différentes de celles des personnes à risque restantes.
À défaut de pouvoir réaliser une analyse par génération, nous étudierons la mortalité des hommes médecins enregistrés dans le fichier de données dans une approche transversale ou par période. Le fait de n’avoir la répartition des médecins selon l’âge et le sexe que le 3 juin 2011 ne nous permet cependant pas de connaître la population soumise au risque de mourir durant chacune des années pour lesquelles les décès sont enregistrés de façon plus systématique dans le fichier. Ainsi, nous proposons une estimation de l’exposition au risque de décéder à l’aide des tableaux donnant la répartition des médecins inscrits (actifs ou retraités) au tableau des membres selon le sexe, les groupes d’âge et le type de pratique fournis par le Collège. Comme ces statistiques ont été compilées le 31 décembre, nous estimerons l’exposition au risque d’une année à partir de la moyenne des effectifs médicaux de cette année et de l’année précédente, en supposant que les entrées et les sorties de la population des médecins inscrits surviennent de façon uniforme.
La mesure de la mortalité par le biais de cette exposition au risque suppose que le fichier ne conserve que les décès des médecins ayant le statut Inscrit (actif ou retraité) au moment du décès. Toutefois, en observant les décès survenus entre les dates de l’émission des deux fichiers auxquels nous avons eu accès, soit entre le 10 juin 2010 et le 3 juin 2011 (Tableau 3), et en faisant l’hypothèse que pendant cette période de presque une année, ces médecins décédés n’ont changé leur statut du 10 juin 2010 que pour le statut Décédé, nous constatons que cela n’est pas le cas. Le Tableau 3 nous démontre également que plus les médecins avancent en âge, plus il semble qu’ils avaient un statut autre que celui d’Inscrit, Actif ou Retraité, au moment du décès. Pour pallier en partie ce problème, nous proposons d’analyser la mortalité des médecins avant l’âge de 75 ans, tout en sachant que la mesure portera sur un faible nombre de cas et que cette mortalité pourra être surestimée, étant donné que certains décès pourront provenir des statuts autres que ceux Inscrits (actifs et retraités). La meilleure solution nous apparaît donc de faire une mesure approximative de la mortalité des médecins inscrits au tableau des membres et enregistrés dans le fichier de données entre 40 et 75 ans.
Même si nous sommes conscients que des biais se produiront, nous croyons à une mesure acceptable de la mortalité des hommes médecins pourvu qu’elle soit analysée en tenant compte de toutes les limites des données.
La mesure de la mortalité
Notre mesure de la mortalité se traduit par le calcul de taux de mortalité par groupes d’âge quinquennaux entre 40 et 75 ans. De manière à éviter les fluctuations aléatoires liées aux petits nombres de décès, nous étudions la mortalité pour trois périodes de six années, soit 1993-1998, 1999-2004 et 2005-2010[9]. Les taux rapportent, pour chacune des années de la période, la somme du nombre de décès observés pour un groupe d’âge donné à la somme des effectifs de la population à risque. Des intervalles de confiance à 95 % seront calculés pour chacun des taux, en supposant que pour tous les groupes d’âge entre 40 et 75 ans le nombre de décès suit une distribution de Poisson, P(µx), où le paramètre µx correspond à la force de mortalité au groupe d’âge x.
Les données nécessaires pour la mesure de la mortalité de l’ensemble de la population masculine québécoise, comparable à celle des hommes médecins pour chacune des périodes, sont tirées de la Base de données sur la longévité canadienne (BDLC)[10].
ESTIMATION DE LA MORTALITÉ
La mortalité des hommes médecins inscrits au tableau des membres
La Figure 1 présente l’estimation des taux de mortalité entre 40 et 75 ans des hommes médecins inscrits au tableau des membres. De façon générale, les courbes présentent l’allure attendue pour une courbe de mortalité, les taux augmentant de façon exponentielle avec l’âge.
Nous observons une diminution de la mortalité d’une période à l’autre pour presque tous les groupes d’âge entre 40 et 75 ans. Cependant, les intervalles de confiance pour ces taux nous indiquent que les différences ne sont significatives que pour les groupes d’âge à partir d’environ 60 ans, surtout lorsque les taux des périodes 1993-1998 et 2005-2010 sont comparés (Annexe 1).
Même si des intervalles de confiance ont été calculés, nous ne sommes pas en mesure d’estimer l’erreur liée aux taux de mortalité obtenus. En nous appuyant sur les décès survenus entre les dates d’émission des deux fichiers auxquels nous avons eu accès, nous pouvons croire que les taux des médecins inscrits au tableau des membres donnent des estimations cohérentes de la mortalité des médecins enregistrés dans le fichier, car jusqu’au groupe d’âge 70-74 ans, la majorité des médecins décédés avaient effectivement les statuts Inscrit — Actif ou Inscrit — Retraité avant le décès, comme déjà précisé. Toutefois, il est possible que ces taux tiennent compte des décès de certains médecins qui ne sont pas comptabilisés dans la population à risque de mourir dans la période considérée, surestimant ainsi la mortalité des hommes médecins inscrits au tableau des membres de l’ordre.
Comparaison entre la mortalité des hommes médecins et celle de l’ensemble de la population masculine québécoise
L’un de nos objectifs était de valider l’hypothèse voulant que la mortalité des médecins soit plus faible que celle de l’ensemble de la population. La Figure 2 montre que la mortalité des hommes médecins inscrits au tableau des membres semble plus faible que celle de l’ensemble de la population québécoise de même sexe pour tous les groupes d’âge et périodes étudiés. Les intervalles de confiance présentés dans les Figures 3a, 3b et 3c valident ce résultat pour toutes les périodes analysées[11] : les intervalles des deux groupes ne se croisent pas, ce qui nous laisse croire que ces médecins jouissent effectivement d’une mortalité plus faible que l’ensemble de la population entre 40 et 75 ans[12].
Par ailleurs, l’analyse de la variation[13] des taux de mortalité par groupe d’âge entre 1993-1998 et 2005-2010 suggère que la mortalité des médecins pourrait avoir diminué plus rapidement que celle de l’ensemble de la population pendant la période. Cependant, en raison des petits nombres, surtout aux groupes d’âge plus jeunes, et des limites des données, nous ne sommes pas en mesure de le confirmer.
La mortalité des hommes médecins inscrits au tableau des membres de l’ordre selon la spécialité médicale (omnipraticiens versus spécialistes)
Certains travaux ont révélé que la mortalité des médecins spécialistes est plus faible que celle des médecins omnipraticiens (Goodman, 1975 ; Juel et collab. 1999). D’après la Figure 4, nous observons que cette relation semble être valide au Québec, malgré des taux parfois très semblables pour certains groupes d’âge, surtout pour les périodes 1999-2004 et 2005-2010. Cependant, lorsqu’on tient compte des intervalles de confiance de ces taux (Figures 5a, 5b et 5c), nous constatons que nos résultats ne nous permettent pas de valider une telle hypothèse, étant donné que les intervalles de confiance des deux groupes de médecins se chevauchent pour les trois périodes étudiées. De plus, nous avons de faibles nombres de décès dans certains groupes d’âge et d’éventuels décès omis ou excédentaires pourraient inverser la relation entre la mortalité des médecins omnipraticiens et celle des spécialistes. Nous observons d’ailleurs de larges intervalles pour les taux de ces deux grands groupes de médecins.
Il est manifeste que d’autres recherches seront nécessaires pour mieux analyser les différences de mortalité parmi les différents regroupements de médecins au Québec.
DISCUSSION DES RÉSULTATS ET CONCLUSION
Dans cet article, nous avons tenté de répondre à trois grandes questions auxquelles nous revenons maintenant :
De façon générale, comment la mortalité des médecins ayant déjà obtenu un permis de pratique au Collège évolue-t-elle au cours de la période 1993 à 2010 ?
Nos résultats montrent de façon générale une diminution de la mortalité des médecins au cours de la période étudiée pour les groupes d’âge considérés, ce qui va dans le sens attendu et suit l’évolution de la mortalité au sein de l’ensemble de la population masculine du Québec. Cependant, les différences de mortalité d’une période à l’autre ne sont significatives qu’à partir de l’âge d’environ 60 ans.
La mortalité de ces médecins semble-t-elle effectivement plus faible que celle de l’ensemble de la population québécoise ?
La mortalité des médecins s’avère plus faible que celle de la population totale, confirmant notre hypothèse et rejoignant les résultats des autres études sur le sujet. À l’image des hommes médecins américains (Goodman, 1995 ; Samkoff et collab. 1995 ; Ullmann et collab. 1991), scandinaves (Juel et collab. 1999 ; Aasland et collab. 2011) ou néerlandais (Van Poppel et collab. 2016), ceux du Québec décédés de 1993 à 2010 semblent être sélectionnés du point de vue socioéconomique et, par conséquent, enclins à une meilleure santé que l’ensemble de la population. N’oublions pas néanmoins que nos résultats font référence aux médecins enregistrés dans le fichier de données utilisé et que d’autres études, avec des données plus pertinentes à l’étude de la mortalité des médecins, seront nécessaires pour que ces résultats soient étendus à toute la population des médecins au Québec.
Deux effets principaux entrent en jeu dans cette comparaison : l’effet de sélection et l’effet de la pratique médicale. Il semble manifeste que l’effet de sélection favorise nettement les médecins comparativement à l’ensemble de la population québécoise. Quant à l’effet de la pratique de la médecine, il est difficile d’en préciser les contours, mais les études ont fait état de facteurs protecteurs (meilleure connaissance des bonnes pratiques en matière de santé, de traitement, de prévention, etc.) et de facteurs moins favorables (stress lié à la nature des services rendus, accès facile aux médicaments et drogues, horaires de travail, problèmes familiaux, etc.). La santé mentale (suicide) chez les médecins a fait l’objet d’études et de surveillance et devrait demeurer un sujet de préoccupation pour les associations médicales. Partout au Canada, des programmes d’aide aux médecins ont été créés afin de promouvoir leur santé et leur mieux-être. Initialement, ces programmes traitaient surtout des problèmes de drogue et d’alcool, mais maintenant les médecins peuvent faire appel à ces programmes pour toutes sortes de raisons. Selon le Guide de l’Association médicale canadienne sur la santé et le mieux-être des médecins, les médecins canadiens prennent de plus en plus conscience de l’importance de leur santé, notamment ceux des cohortes plus récentes (Association médicale canadienne, 2003), ce qui démontre l’efficacité de ces programmes.
Pour l’instant, sur la base de nos résultats, les effets positifs liés au fait d’être médecin prévalent sur les effets négatifs, du moins en ce qui concerne la mortalité.
Les médecins spécialistes semblent-ils effectivement avoir une mortalité plus faible que celle des médecins omnipraticiens ?
Contrairement aux autres études, notre étude ne montre pas de différences significatives entre la mortalité des médecins spécialistes et celle des médecins omnipraticiens au Québec. Il est possible que le nombre réduit de décès nous empêche de saisir une éventuelle différence de mortalité entre les deux groupes.
La réalisation de ce travail a été possible grâce à des données administratives fournies par le Collège des médecins du Québec. Les fichiers à usage administratif sont de plus en plus utilisés à des fins statistiques. Cependant, comme cette étude le démontre, il faut être prudent lorsqu’on les utilise, en raison de toutes les limites inhérentes à ce genre de données : enregistrements partiels ou manquants, différence conceptuelle susceptible d’occasionner des problèmes de biais et de couverture, niveau de contrôle de la qualité des données, etc. (Statistique Canada, 2009). Plus spécifiquement, il faudrait s’assurer de faire un meilleur suivi des médecins de manière à pouvoir jumeler les décès aux personnes qui ont subi le risque de décéder à titre de médecins. Il est important d’assurer la concordance entre le dénominateur et le numérateur lors de l’obtention des taux de mortalité et donc de connaître le parcours des médecins pratiquant au Québec.
Nous espérons que les résultats tirés de notre recherche puissent orienter les travaux de collecte de données du Collège des médecins du Québec afin de pouvoir réaliser dans l’avenir d’autres études portant sur la mortalité des médecins au Québec à partir de ces données et de pouvoir ainsi répondre à toutes questions d’intérêt liées à ce sujet.
Par ailleurs, on s’intéresse de plus en plus aux femmes médecins étant donné leur nombre croissant au Québec. Il serait intéressant de savoir comment la mortalité de ce groupe se compare à celle de leurs collègues masculins. Les données ici utilisées ont montré que peu de femmes avaient 50 ans et plus au cours des années 1990. Cependant, plus de femmes que d’hommes sont entrées en médecine durant la période étudiée et, si cette tendance dans le recrutement des médecins se poursuit, cela conduira inévitablement à une féminisation de la médecine au Québec.
Des recherches futures s’imposent afin d’améliorer l’exactitude et la validité des résultats et d’obtenir de l’information plus approfondie sur la mortalité des médecins pratiquant au Québec. La mortalité des hommes médecins diffère-t-elle de celle des femmes médecins ? Comment les médecins pratiquant au Québec se comportent-ils face à leur santé ? Les principales causes de décès chez les médecins diffèrent-elles de manière significative de celles de l’ensemble de la population québécoise ? Dans quelle mesure le système de santé québécois influence-t-il la santé des médecins ? Plusieurs autres questions se posent et il serait donc très pertinent de pouvoir dans l’avenir exploiter d’autres sources de données contenant plus de renseignements sur ces médecins.
Parties annexes
Annexes
Annexe 1. Intervalles de confiance des taux de mortalité des hommes médecins inscrits au tableau des membres, pour les groupes d’âge 40-44 ans à 70-74 ans, périodes 1993-1998 à 2005-2010
Annexe 2. Intervalles de confiance des taux de mortalité de l’ensemble de la population québécoise masculine, pour les groupes d’âge 40-44 ans à 70-74 ans, périodes 1993-1998 à 2005-2010
Remerciements
Les auteurs remercient le Collège des médecins du Québec d’avoir permis un accès aux données du fichier sur les médecins.
Cette étude a été financée en partie par une subvention du Conseil de recherches en sciences humaines du Canada.
Notes
-
[1]
Cet article est tiré du mémoire de maîtrise en démographie réalisé par Ana Cristina Azeredo Teixeira sous la direction de Robert Bourbeau du Département de démographie de l’Université de Montréal. Ce mémoire a obtenu le Prix Jacques-Henripin décerné au meilleur mémoire portant sur la démographie canadienne en 2014.
-
[2]
Les femmes médecins ne sont pas analysées dans notre article à cause de leur trop petit nombre et de leur arrivée relativement récente dans la profession, pour l’étude de la mortalité.
-
[3]
Il y a 60 spécialités médicales qui sont reconnues par le Collège des médecins du Québec. À ce jour, 59 de ces spécialités médicales sont représentées à la Fédération des médecins spécialistes du Québec (FMSQ) par 35 associations médicales affiliées. La FMSQ ne représente pas les médecins omnipraticiens, dont le champ d’activité a été reconnu comme étant la 60e spécialité médicale. (https://www.fmsq.org, site internet consulté le 27 mars 2017).
Les médecins omnipraticiens, aussi appelés « médecins de famille » au Québec, sont représentés par la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec (FMOQ).
-
[4]
Nous avons conclu une entente de respect de la confidentialité avec le Collège des médecins du Québec. De plus, le Comité d’éthique de la recherche de la Faculté des arts et des sciences (CÉRFAS) de l’Université de Montréal nous a délivré un certificat d’éthique pour la réalisation du projet.
-
[5]
http://www.cmq.org/, site internet consulté le 30 octobre 2012.
-
[6]
Tant les médecins engagés que ceux désengagés et non participants au régime d’assurance maladie sont enregistrés dans ce fichier. Les médecins engagés et désengagés sont rémunérés par la Régie aux tarifs fixés par les ententes. En contrepartie, ceux non participants fixent eux-mêmes leurs honoraires que le client prend entièrement à sa charge. Pour plus de détail sur les catégories de rémunération, consulter le site internet de la Régie (www.ramq.gouv.qc.ca/, site internet consulté le 8 janvier 2013).
-
[7]
Il semble qu’en juillet 2016 le statut Inscrit – Retraité ait été supprimé. Cette classe de médecins semble maintenant faire partie de la nouvelle classe Membre inactif. Le membre inactif conserve son titre de médecin, mais ne peut pas exercer la profession médicale. Les médecins ayant auparavant le statut Inscrit — Retraité ne pourront plus « s’autoprescrire et prescrire à leurs proches » (http://www.cmq.org/page/fr/nouvelles-classes-de-cotisation-capsule-no-7.aspx, site internet consulté le 25 septembre 2017).
-
[8]
Le nombre moyen de décès par année entre 1981 et 2010 est d’environ 104 décès, avec un écart-type de 14,6 décès.
-
[9]
Le nombre de décès des hommes médecins survenus entre 40 et 75 ans et enregistrés dans le fichier de données est de 349 en 1993-1998, 268 en 1999-2004 et 241 en 2005-2010.
- [10]
-
[11]
Notons que les intervalles de confiance pour les taux de mortalité de l’ensemble de la population sont si étroits qu’ils n’apparaissent pas autour de la courbe formée par les estimations des taux.
-
[12]
Le croisement des intervalles de confiance pour le groupe d’âge 40-44 ans est probablement dû aux petits nombres de décès observés à ces âges. Notons d’ailleurs que les intervalles sont plus larges pour les deux premiers groupes d’âge considérés. Ceci n’explique toutefois pas le croisement des valeurs à 70-74 ans.
-
[13]
La variation des taux de mortalité est calculée en faisant le rapport entre les taux de mortalité de 1993-1998 et de 2005-2010 pour chacun des groupes d’âge, chez les hommes médecins ainsi que chez l’ensemble de la population.
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