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Le 11 juin 2008, le gouvernement du Canada présentait des excuses officielles aux peuples autochtones pour les mauvais traitements et sévices subis dans les pensionnats autochtones. Jugées essentielles dans le cheminement vers une guérison collective, ces excuses ne constituent cependant pas une fin en soi. Pour les peuples autochtones, elles représentent surtout un espoir de changement, et contribuent à l’amélioration des relations entre ces populations et la majorité canadienne.
En ce début de xxie siècle, plusieurs autres « dossiers autochtones » retiennent l’attention : autonomie gouvernementale, revendications territoriales, environnement, législation et criminalité, participation au marché du travail, éducation, santé, logement. Un élément, dont on parle pourtant peu, aura un impact considérable sur l’évolution de tous ces dossiers : la démographie de ces peuples. Entre 1996 et 2006, l’effectif de la population d’identité autochtone est passé de 780 000 personnes à 1,146 million[1] soit une augmentation globale de 47 % : presque six fois l’augmentation observée pour la population non autochtone (8 %). Une bonne compréhension de l’évolution démographique passée et future des populations autochtones est donc essentielle à tout exercice de planification des besoins et au développement de programmes et services adaptés.
La littérature démographique existante traite généralement de la situation des Autochtones de l’ensemble du Canada et n’est offerte, la plupart du temps, que dans la langue de Shakespeare. En effet, il faut remonter à 1984 pour retrouver le dernier ouvrage collectif d’analyse démographique des populations autochtones publié en langue française et au Québec : Les populations amérindiennes et inuit du Canada : aperçu démographique (sous la direction de Victor Piché et Louise Normandeau, Presses de l’Université de Montréal). Il n’est sûrement pas exagéré de revenir sur ce thème, vingt-six années plus tard. C’est l’objectif de ce numéro des Cahiers québécois de démographie, consacré à la démographie des Premières nations, Métis et Inuit au Québec et au Canada.
Sans être exhaustif sur le sujet, ce numéro aborde plusieurs thèmes démographiques d’actualité. Les travaux de recherche présentés ici ont tous en commun d’avoir été d’abord discutés lors de la Conférence nationale sur la recherche en matière de politiques autochtones qui s’est tenue à Ottawa en mars 2009 et a réuni plus de 1 000 chercheurs, décideurs, dirigeants autochtones et autres intervenants de la scène nationale et internationale. Tous les articles sélectionnés offrent une place de choix aux Premières nations, Métis et Inuit du Québec.
Le premier texte, « Les Autochtones du Canada : une population aux multiples définitions », est le fruit d’une collaboration de longue date avec Norbert Robitaille, professeur au Département de démographie de l’Université de Montréal et spécialiste de la démographie des populations autochtones du Canada. Ce texte offre une vue d’ensemble des principaux indicateurs d’appartenance aux populations autochtones utilisés pour la collecte de données, des effectifs de population correspondants et de l’effet du choix d’une définition sur l’analyse démographique. Outre le caractère multidimensionnel de l’appartenance autochtone, cette revue des indicateurs met en lumière le caractère variable de l’appartenance, lequel ne peut être ignoré par l’analyse démographique.
Le deuxième texte, « Modifications apportées en 1985 à la Loi sur les Indiens : répercussions sur les Premières nations du Québec », nous engage précisément sur ce caractère variable de l’appartenance autochtone dans l’analyse démographique. Stewart Clatworthy y explore les effets démographiques, à court et à long terme, des changements survenus en 1985 dans les règles de transmission du statut légal d’Indien pour la population des Premières nations du Québec. Grâce à sa rigueur analytique, l’auteur éclaire la complexité de la dynamique démographique des populations indiennes dites avec statut, puis il nous présente les profonds changements à venir dans la composition des populations des Premières nations du Québec.
Le troisième texte, intitulé « Mère à l’adolescence : analyse de la fécondité des Indiennes inscrites âgées de 15 à 19 ans, de 1986 à 2004 », nous ramène sur un terrain plus classique. Largement ignorée jusqu’ici comme sujet d’analyse démographique, la fécondité des Indiennes adolescentes se révèle être d’une intensité comparable à celle des adolescentes des pays en développement confrontés à de sérieux problèmes structurels de pauvreté. Cette analyse descriptive de Eric Guimond et Norbert Robitaille a été réalisée à partir de données individuelles anonymisées du Registre des Indiens du ministère canadien des Affaires indiennes et du Nord. Elle sert de base à d’autres travaux analysant les conséquences de cette fécondité sur la santé et le statut socioéconomique de ces jeunes mères, de leurs enfants et de leurs communautés.
Le quatrième article, rédigé par Christopher Penney, Sacha Senécal et Ellen Bobet, « Mortalité par suicide dans les collectivités inuites au Canada : taux et effets des caractéristiques des collectivités », relève le défi de mesurer la mortalité par suicide dans les quatre régions du Canada où sont localisées les collectivités inuites, soit le Nunavut, le Nunavik (Nord du Québec), le Nunatsiavut (Labrador) et la région des Inuvialuit (Territoires du Nord-Ouest). L’originalité de cet article réside dans son approche géographique, qui permet de définir les collectivités au Canada où vivent les Inuit en fonction de la proportion d’habitants s’étant identifiés comme inuits dans le recensement. Pour les collectivités et les régions ainsi définies, après extraction des données d’état civil sur la mortalité, les taux de suicide sont calculés. Après avoir présenté une analyse descriptive des résultats, les auteurs explorent les données de l’Enquête auprès des peuples autochtones de 2001, en quête de facteurs explicatifs d’une mortalité par suicide au sein des collectivités inuites de 6 à 11 fois plus élevée que celle de l’ensemble de la population canadienne.
Dans le cinquième article, « La mobilité ethnique intergénérationnelle des enfants de moins de cinq ans chez les populations autochtones, Canada, 1996 et 2001 », Alexandre Boucher, Norbert Robitaille et Eric Guimond abordent la question de la transmission intergénérationnelle de l’identité autochtone. Les auteurs s’intéressent ici au fait qu’un individu peut contribuer au renouvellement démographique d’un groupe ethnique différent du sien par l’entremise de sa descendance. Les résultats des analyses pour les populations autochtones du Canada et du Québec soulignent le caractère unique de la transmission intergénérationnelle de l’identité métisse.
Enfin, un dernier article, intitulé « Besoins en logement des collectivités des Premières nations du Québec » et prenant la forme d’une note de recherche, complète ce numéro thématique. Par l’entremise d’un exercice de démographie appliquée, Stewart Clatworthy élabore une estimation de la demande future en logements dans les réserves indiennes du Québec. Le modèle développé tient compte des conditions actuelles d’habitation, de la mise aux normes canadiennes, du vieillissement du parc résidentiel, de la structure des familles et des perspectives démographiques.
Parties annexes
Note
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[1]
Cette population comprend seulement les personnes ayant déclaré appartenir à au moins l’un des groupes autochtones suivants : Indien de l’Amérique du Nord, Métis ou Inuit. (source : Statistique Canada, recensements de la population de 1996 à 2006, totalisations spéciales produites par Affaires indiennes et du Nord Canada).