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Mise en contexte

L’Institut de la statistique du Québec (ISQ) a publié en juillet 2009 de nouvelles projections démographiques de la population québécoise. Les Perspectives démographiques du Québec et des régions, 2006-2056 – édition 2009[1] remplacent l’édition 2003[2] qui couvrait les années 2001-2051. Un changement remarqué se dégage du nouveau scénario de référence[3] de l’ISQ : la population poursuit sa croissance durant toute la période plutôt que de diminuer à compter de 2031.

En 2007, nous avons publié aux Presses de l’Université Laval le livre « Oser choisir maintenant[4] », qui traçait l’évolution des finances publiques du Québec d’ici 2051. Cette projection économique et budgétaire s’appuyait sur le scénario de l’édition 2003 des perspectives démographiques de l’ISQ. Malgré des hypothèses optimistes quant à l’augmentation de la productivité du travail et des taux d’emplois par groupe d’âge et quant à une croissance des dépenses de santé par âge inférieure à celle de la précédente décennie, nos projections budgétaires illustraient que le rapide vieillissement de la population québécoise conduirait le gouvernement du Québec à l’impasse financière.

Le constat était que le choc démographique ralentirait la croissance économique et par voie de conséquence les recettes publiques pendant que les dépenses de santé accapareraient une part toujours croissante des dépenses de l’État. Ainsi, le résultat était l’apparition d’un déficit budgétaire annuel à partir de 2013 qui s’accroîtrait continuellement jusqu’en 2051 pour atteindre 54 milliards $, équivalant à 4,5 % du PIB. Il en ressortait donc que le gouvernement du Québec n’était pas en mesure de garantir la pérennité des services publics, ni l’application du principe d’équité entre les générations.

Après avoir exposé les principaux changements découlant des nouvelles perspectives démographiques de l’ISQ, la question centrale à laquelle veut répondre la présente note de recherche est de savoir si ces nouvelles perspectives modifient sensiblement les résultats obtenus lors de la projection des finances publiques effectuée dans Oser choisir maintenant. Notre réponse à cette question est négative. Les perspectives budgétaires demeurent inchangées, laissant présager d’importantes difficultés financières qu’annonçait Oser choisir maintenant. Dans ce document, nous faisons donc une mise à jour d’Oser choisir maintenant, en conservant l’ensemble des hypothèses utilisées à l’époque, sauf en ce qui concerne les perspectives démographiques.

Les nouvelles perspectives démographiques de l’ISQ

Le titre du communiqué de presse de l’ISQ résume bien le principal changement des nouvelles perspectives démographiques en regard à la projection de 2003 : Pas de déclin démographique d’ici 2056 mais un vieillissement de la population toujours présent[5]. Le scénario de référence de 2009 n’occasionne plus de décroissance de la population, comme c’était le cas dans l’édition 2003. Alors que les perspectives démographiques moyennes de 2003 escomptaient une population québécoise de 7,8 millions d’habitants en 2051, le nouveau scénario de référence de l’ISQ anticipe maintenant 9,2 millions de Québécois en 2056.

Dans le scénario de référence de 2009, l’indice synthétique de fécondité (ISF), l’espérance de vie et le solde migratoire sont tous plus élevés que dans le scénario de référence de l’édition 2003. Il est toutefois intéressant de noter que le scénario de référence de 2009 est fort semblable au scénario fort de l’édition 2003.

Figure 1

Population totale selon divers scénarios démographiques de l’ISQ

Population totale selon divers scénarios démographiques de l’ISQ
Sources : ISQ (2004) et ISQ (2009a).

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La population totale

Selon les perspectives démographiques de 2009, seul le scénario faible implique une décroissance de la population. Celle-ci aurait lieu après le sommet de 2029 et ramènerait la population à un niveau égal à celui de 2007-2008. Du côté du scénario de référence, la population québécoise poursuit sa croissance pour atteindre 9,2 millions de personnes en 2056, alors que le scénario fort amènerait la population à 11,0 millions.

L’accroissement naturel et migratoire

L’accroissement naturel (naissances moins décès) a très longtemps été la principale source de croissance de la population du Québec. Toutefois, dans le futur, il est plutôt prévu qu’il y aura une « décroissance » naturelle, c’est-à-dire que le nombre de décès dépassera le nombre de naissances. Alors que l’édition 2003 prévoyait ce phénomène pour 2021, selon le scénario de référence de 2009, ce serait en 2029 que le nombre de décès dépassera le nombre de naissances.

Même si l’augmentation de l’ISF entre les scénarios de référence des éditions 2003 et 2009, de 1,50 à 1,65, entraîne nécessairement une augmentation des naissances, la figure 2 montre que le nombre de naissances continue de décroître ou se stabilise autour de 85 000 naissances dans les prochaines décennies. Cette stabilisation du nombre de naissances du scénario de référence de l’ISQ s’explique par le fait que le nombre de femmes en âge de procréer est déjà, depuis 1994, en diminution au Québec, limitant du coup l’augmentation des naissances liée à la hausse de l’ISF.

Figure 2

Projections des naissances, scénario de référence 2009

Projections des naissances, scénario de référence 2009
Source : ISQ (2009a).

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Ainsi, le « mini baby-boom » actuel ne peut renverser la décroissance naturelle de la population québécoise. Une fois que les décès excéderont les naissances, la croissance de la population sera alors entièrement tributaire de l’immigration. À titre indicatif, en 2035, la population s’accroîtra de 21 260 personnes, soit le solde migratoire positif de 30 000 personnes réduit de la décroissance naturelle de la population de 8 740 personnes.

L’âge médian

L’augmentation de l’âge médian témoigne également du vieillissement démographique. Dans les nouveaux scénarios démographiques, l’âge médian augmente toujours, mais à un rythme plus faible. En 2051, l’âge médian serait, selon les perspectives démographiques de 2009, de 46,3 ans plutôt que 49,1 ans indiqués dans l’édition 2003. C’est notamment l’augmentation de la migration dans les scénarios de 2009 qui a un effet à la baisse sur l’âge médian[6].

Les jeunes et les personnes âgées

Il y avait plus d’un million de personnes âgées en 2006. Or, dans le scénario de référence de 2009, ce groupe comptera 2,5 millions d’individus en 2051. Comme le montre le tableau qui suit, le groupe des 65 ans et plus passerait de 14,5 % de la population à près de 28 %. Le groupe des plus jeunes, soit des 0-19 ans, passerait quant à lui d’une proportion de 22 % à une proportion tournant autour de 20 %. Enfin, c’est l’importance relative du groupe des 20 à 64 ans qui diminuerait le plus, passant de 63 % de la population en 2006 à 53 % à la fin de la période de projections. La comparaison du scénario de référence de 2009 à celui de 2003 montre que l’importance relative des 20 à 64 ans demeure similaire en 2051. Par contre, la proportion des personnes âgées est plus faible dans le scénario de 2009, compensée par une plus grande proportion de plus jeunes.

Tableau 1

Répartition de la population par groupe d’âge (en pourcentage)

Répartition de la population par groupe d’âge (en pourcentage)
Sources : ISQ (2004) et ISQ (2009a).

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La main-d’oeuvre potentielle et le rapport de dépendance

La main-d’oeuvre potentielle peut se définir comme étant la population des 15 à 64 ans. Il s’agit en fait du groupe de la population qui constitue la plus grande proportion de la population active et donc qui contribue le plus à la croissance économique. Un des effets négatifs du vieillissement d’une population survient lorsque ce groupe décroît, car ce phénomène conduit habituellement à une réduction de la population active et de l’emploi. Dans le scénario de référence de 2009, les 15 à 64 ans atteindront un sommet en 2013. En effet, malgré de nouvelles perspectives démographiques montrant une augmentation de la population plutôt qu’un déclin, la main-d’oeuvre potentielle connaîtra une diminution entre 2013 et 2030, perdant près de 208 000 personnes, avant de recommencer à croître à partir de 2031. Toutefois, même en 2056, le nombre de personnes âgées de 15 à 64 ans sera toujours inférieur au sommet atteint en 2013.

Le rapport de dépendance est quant à lui fonction de la structure par âge de la population. Il exprime le nombre total d’enfants de 14 ans ou moins et de personnes âgées de 65 ans et plus en pourcentage du nombre d’adultes de 15 à 64 ans. Ce rapport, égal à 43,5 % en 2006, évoluera rapidement à la hausse jusqu’en 2031. Qu’on utilise les perspectives démographiques des éditions 2003 ou 2009, le rapport de dépendance atteindra 68 % en 2031 et 73 % en 2051. Dans un cas comme dans l’autre, de moins en moins de personnes potentiellement actives devront soutenir de plus en plus de personnes potentiellement à charge.

Figure 3

Rapport de dépendance, scénarios de référence 2003 et 2009

Rapport de dépendance, scénarios de référence 2003 et 2009
Sources : ISQ (2004) et ISQ (2009a).

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Les nouvelles projections budgétaires

Afin de bien situer le présent exercice, il faut indiquer que nous ne faisons que changer la projection démographique utilisée qui était à l’origine issue du scénario de référence de l’ISQ, édition 2003, par celle de l’édition 2009[7]. Ainsi, à l’exception des données de la population, les hypothèses sont les mêmes que celles d’Oser choisir maintenant, publié en 2007. La période couverte par les projections (2005 à 2051) demeure la même et elle s’appuie toujours sur les données réelles de 2005-2006.

Les hypothèses sur les variables économiques et budgétaires[8]

Hypothèses économiques

  • Population : comme indiqué, nous utilisons le nouveau scénario démographique de référence de l’ISQ, édition 2009.

  • Taux d’emploi : nous faisons croître les taux d’emploi de tous les groupes d’âge. En effet, il nous semble assez clair que les taux d’emploi des groupes âgés de 15 à 64 ans, de 65 à 69 ans et même de 70 ans et plus sont encore en mode rattrapage au Québec en regard des taux observés en Ontario et aux États-Unis. Les points de départ sont les données réelles des taux par âge de 2005 que nous faisons croître de façon linéaire jusqu’en 2031. Ces taux sont ensuite maintenus constants jusqu’à la fin de la période en 2051. Le tableau 2 permet de constater que, malgré les hausses des taux d’emploi pour toutes les catégories d’âge, le vieillissement de la population fait diminuer le taux d’emploi global tout au long de la période de projection.

  • Heures travaillées : nous concluons, a priori, que le nombre d’heures effectivement travaillées par personne occupée au Québec se stabilisera au niveau atteint en 2006, soit 1 690 heures par année, malgré qu’elles aient diminué constamment entre 1976 et 2005.

  • Productivité : nous faisons augmenter le taux de croissance annuel de la production par heure travaillée au Québec, même s’il n’a été que de 1 % entre 2000 et 2005. Nous le faisons croître linéairement à partir du niveau de 1 % en 2005 à celui de 1,5 % en 2031, puis nous maintenons la progression annuelle constante à ce rythme jusqu’en 2051.

  • Taux d’inflation : nous utilisons un taux d’inflation de 2 %, soit la cible actuelle de la Banque du Canada.

Tableau 2

Hypothèses sur l’évolution des taux d’emploi par catégorie d’âge et du taux d’emploi global de 2006 à 2051

Hypothèses sur l’évolution des taux d’emploi par catégorie d’âge et du taux d’emploi global de 2006 à 2051
Source : ISQ (2009) et calcul des auteurs.

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Hypothèses budgétaires

  • Santé : pour la projection des dépenses publiques de santé, nous appliquons l’hypothèse sur l’évolution démographique aux dépenses par habitant, par groupe d’âge et par sexe observées dans le passé récent, puis soumettons le résultat à un taux d’augmentation annuel uniforme de la dépense réelle par habitant de 1,5 % (évolution des technologies et de la demande). Suivant ces propositions, la croissance des dépenses de santé resterait inférieure à celle qui a été observée durant la période 1996-2005.

  • Éducation et services de garde : la méthode de projection des dépenses en éducation et en services de garde est semblable à celle employée pour les dépenses de santé. L’hypothèse sur l’évolution de la population des jeunes est appliquée aux dépenses par enfant, par élève et par étudiant récemment enregistrées, puis le résultat est augmenté d’une estimation de croissance annuelle de la dépense réelle par habitant variant selon le groupe. Notons ici que la hausse de la fécondité envisagée dans les nouvelles projections démographiques entraîne une augmentation des dépenses de garde et d’éducation de 2006 à 2056.

  • Autres dépenses : pour les autres dépenses budgétaires, l’hypothèse retenue est qu’elles vont progresser au même rythme que le PIB nominal.

  • Dette : les règles comptables permettent au gouvernement du Québec de s’endetter afin d’acquérir des éléments d’actif (immobilisations, placements dans les sociétés d’État, etc.). Nous appelons la dette ainsi contractée la dette primaire du gouvernement. Entre 1998 et 2005, c’est un montant annuel moyen d’environ 1 % du PIB qui a été consacré à ces acquisitions d’actif. Nous conservons ce taux d’accroissement de l’endettement jusqu’en 2051 et lui appliquons un taux d’intérêt annuel moyen de 6,3 %.

  • Revenus autonomes et transferts fédéraux : la croissance des revenus autonomes du gouvernement (impôts, taxes, tarifs et revenus des sociétés d’État) et des transferts fédéraux est aussi calquée sur celle du PIB nominal, sauf dans le cas particulier des régimes de retraite.

  • Régimes de retraite : l’imposition nette des régimes de retraite est le solde des impôts prélevés sur les retraits des régimes enregistrés d’épargne-retraite (REER) et des régimes de pension agréés (RPA) moins les déductions fiscales accordées sur les cotisations à ces régimes. Nous tenons compte explicitement du fait que le vieillissement de la population fera augmenter les retraits plus rapidement que les cotisations, augmentant du même coup le rendement de l’impôt sur le revenu.

Les effets des nouvelles perspectives démographiques sur les finances publiques

Nous présentons dans cette section des figures faisant ressortir les principaux résultats découlant du changement de perspectives démographiques. Certains pourraient croire que les résultats obtenus sont fortement tributaires des hypothèses retenues. Afin de mesurer la sensibilité de diverses modifications aux hypothèses économiques et financières sur certaines variables clés comme le solde budgétaire, une page web a été conçue permettant, à ceux qui le souhaitent, de modifier les hypothèses et de simuler leurs propres projections sur la base de la même méthodologie[9].

Le marché du travail

La figure 4 confirme que la combinaison d’une main-d’oeuvre potentielle plus importante selon les nouvelles perspectives démographiques de 2009 et de notre hypothèse optimiste sur la hausse des taux d’emploi par âge renverse la diminution prévue du nombre de travailleurs liée aux perspectives démographiques de 2003. Plutôt que de constater une diminution de 216 500 travailleurs entre la période 2005 et 2051, le marché du travail verrait le nombre de travailleurs s’accroître de près de 395 000. Il y a clairement là une bonne nouvelle sur le plan des finances publiques. Toutefois, la relative stabilité du nombre de travailleurs, autour de 4,1 millions, contraste avec l’augmentation du nombre de travailleurs qu’a connue le Québec de 1981 à 2008.

Figure 4

Évolution de l’emploi selon les scénarios démographiques de référence de l’ISQ 2003 et 2009

Évolution de l’emploi selon les scénarios démographiques de référence de l’ISQ 2003 et 2009
Source : calcul des auteurs.

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La croissance économique

Le fait qu’il y ait plus de travailleurs sur le marché du travail laisse évidemment supposer une croissance du PIB plus rapide que celle initialement prévue. Les nouvelles perspectives démographiques permettent d’anticiper un taux de croissance du PIB plus élevé que lors des projections faites lors des perspectives démographiques de 2003. La croissance du PIB réel oscillera donc entre 1,4 % et 1,8 %, comparativement à 1,1 % et 1,3 % auparavant.

Toutefois, malgré le plus grand nombre de travailleurs et l’accélération de la productivité, la croissance économique subira tout de même un ralentissement marqué, sachant qu’elle était de 2,1 % par année en moyenne de 1981 à 2005.

Figure 5

Évolution du taux de croissance du PIB réel selon les scénarios démographiques de référence de l’ISQ 2003 et 2009

Évolution du taux de croissance du PIB réel selon les scénarios démographiques de référence de l’ISQ 2003 et 2009
Source : calcul des auteurs.

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Les revenus du gouvernement

En maintenant inchangé le poids des revenus en pourcentage du PIB, plus de croissance économique permettra au gouvernement de collecter plus de revenus. Toutefois, l’effet est relativement modeste dans l’immédiat. Les revenus additionnels escomptés seraient de l’ordre de 4 milliards $ en 2021. À long terme, soit en 2051, les revenus additionnels atteindraient 45 milliards $.

Figure 6

Évolution des revenus du gouvernement selon les scénarios démographiques de référence de l’ISQ 2003 et 2009, en milliards de dollars

Évolution des revenus du gouvernement selon les scénarios démographiques de référence de l’ISQ 2003 et 2009, en milliards de dollars
Source : calcul des auteurs.

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Les dépenses publiques

Du côté des dépenses de santé, la croissance plus rapide de la population conjuguée à son vieillissement implique, comme le confirme la figure 7, que les nouvelles perspectives démographiques vont entraîner à la hausse les dépenses de santé.

  • À court terme, comme c’était le cas pour les revenus du gouvernement, l’effet est relativement modeste. En 2021, l’augmentation s’élèverait à 2,2 milliards $, soit une majoration du déboursement projeté de 4,5 %.

  • À long terme, les dépenses de santé additionnelles générées par les nouvelles perspectives démographiques s’élèveraient à 21,2 milliards $ (+ 12 %).

Figure 7

Évolution des dépenses de santé selon les scénarios démographiques de référence de l’ISQ 2003 et 2009, en milliards de dollars

Évolution des dépenses de santé selon les scénarios démographiques de référence de l’ISQ 2003 et 2009, en milliards de dollars
Source : calcul des auteurs.

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Du côté des dépenses en éducation et services de garde, le nombre de personnes en âge pré-scolaire et scolaire augmente aussi le budget requis. Bien que les dépenses consacrées à l’éducation et aux services de garde demeurent moitié moindre que les dépenses consacrées à la santé, les nouvelles perspectives démographiques les font augmenter de manière plus marquée.

  • À court terme, l’augmentation s’élèverait à 2,3 milliards $ en 2021, une hausse nominale supérieure à la santé, équivalant à une majoration du déboursement projeté de près de 13 %.

  • À long terme, les dépenses additionnelles en éducation et en services de garde générées par les nouvelles perspectives démographiques s’élèveraient à 10,3 milliards $ en 2051 (+ 29 %).

Figure 8

Évolution des dépenses d’éducation et de services de garde selon les scénarios démographiques de référence de l’ISQ 2003 et 2009, en milliards de dollars

Évolution des dépenses d’éducation et de services de garde selon les scénarios démographiques de référence de l’ISQ 2003 et 2009, en milliards de dollars
Source : calcul des auteurs.

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Le solde budgétaire du Québec

La figure 9 compare les soldes budgétaires projetés selon les perspectives démographiques de l’ISQ de 2003 et de 2009. On y voit que la projection des finances publiques n’est pas très différente : le déficit budgétaire serait plus élevé en 2021 et atteindrait à peu près le même niveau en dollars tant en 2031, autour de 18 milliards $, qu’en 2051, autour de 55 milliards $.

Figure 9

Solde budgétaire selon les scénarios démographiques de référence de l’ISQ 2003 et 2009, en milliards de dollars

Solde budgétaire selon les scénarios démographiques de référence de l’ISQ 2003 et 2009, en milliards de dollars
Source : calcul des auteurs.

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La figure 10 compare les mêmes soldes budgétaires, mais en mesurant leur importance en proportion de la richesse collective du Québec. Cette fois-ci, il est possible de constater que les nouvelles perspectives démographiques entraînent dans un premier temps un ratio de déficit sur le PIB plus élevé en 2021 (- 1,3 % comparativement à - 0,9 %) avant de conduire à un ratio identique en 2031. Ce n’est vraiment qu’à long terme que l’on peut apercevoir une légère amélioration, où le ratio du solde budgétaire déficitaire passerait de 4,5 % à 4,0 % en proportion du PIB.

Figure 10

Solde budgétaire selon les scénarios démographiques de référence de l’ISQ 2003 et 2009, en pourcentage du PIB

Solde budgétaire selon les scénarios démographiques de référence de l’ISQ 2003 et 2009, en pourcentage du PIB
Source : calcul des auteurs.

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Ces deux figures confirment l’intuition voulant que l’effet du vieillissement sur les finances publiques, découlant principalement du changement dans la composition par âge de la population adulte, ne peut être renversé par une fécondité et une immigration nette plus fortes, lesquelles modifient peu cette composition, du moins dans un horizon de quarante-cinq ans. Cela ne signifie nullement qu’une hausse de la fécondité et de l’immigration n’est pas souhaitable, au contraire, mais simplement qu’une telle évolution ne constitue pas une solution efficace au problème des finances publiques dans l’horizon envisagé.

Une caisse démographique réversible

Il reste à identifier quelles seraient les sommes requises à verser dans une caisse démographique pour égaliser la charge fiscale entre les générations en vue d’assurer ainsi l’équité intergénérationnelle. Ces sommes proviendraient de l’augmentation des impôts, taxes et tarifs d’un pourcentage uniforme et constant du PIB de 2007 à 2051. Ces recettes fiscales supplémentaires s’accumuleraient dans un fonds (avec les intérêts) pendant un temps, puis seraient ultérieurement dépensées au profit des générations futures, selon des paramètres démographiques préétablis. Il s’agirait en fait d’une caisse démographique réversible.

Dans le scénario démographique de référence de 2003, la hausse de recettes fiscales nécessaire pour appliquer cette stratégie équivalait à 1,5 % du PIB sur la période 2007 à 2051. Les nouvelles perspectives démographiques de 2009 font croître ce ratio à 1,67 % du PIB. Ainsi, donc, l’ampleur accrue des déficits à brève échéance découlant des nouvelles perspectives démographiques, limite l’accumulation de fonds et le rendement sous-jacent dans les premières décennies et augmente l’importance des versements requis dans la caisse démographique.

Conclusion

Le vieillissement de la population se traduira à long terme par des conséquences importantes sur les finances publiques, d’une part, sur l’économie par son impact sur le marché du travail et sur la productivité, et d’autre part, sur les dépenses futures.

Comparée au précédent scénario fondé sur les perspectives démographiques de l’édition 2003, la mise à jour de la projection montre un relèvement de la croissance économique découlant d’une croissance accrue de la main-d’oeuvre. Sur cette base, la projection du budget de l’État jusqu’en 2051 conduit à la même impasse budgétaire pour les prochaines décennies. Les nouvelles perspectives démographiques ont même pour effet d’accentuer le ratio du déficit en proportion du PIB dans la première moitié de la période analysée. Ce n’est qu’à compter de 2031 que les nouvelles projections auront l’effet inverse, bien que le solde budgétaire envisagé reste largement déficitaire. De ce fait, la mise en place d’une caisse démographique nécessiterait même une mise de fonds supérieure.

La hausse accrue de la fécondité et l’immigration, incluses dans les nouvelles perspectives démographiques et permettant une croissance de la population québécoise plutôt que le déclin annoncé antérieurement, doit être vue comme une nouvelle réjouissante, et ce, même si le vieillissement de la population québécoise demeure bien présent. Les nouvelles perspectives démographiques auront relativement peu d’influence sur la proportion de la main-d’oeuvre potentielle au sein de la population totale ainsi que sur le rapport de dépendance au cours des prochaines décennies, laissant toujours d’actualité la transition démographique et ses impacts sur les finances publiques québécoises.

* * *

Il reste encore beaucoup de chemin à parcourir pour mieux comprendre les conséquences socio-économiques du vieillissement de la population, phénomène constituant un véritable enjeu de société. Néanmoins, plusieurs pistes de recherche se dégagent à la fois de la recension critique des écrits, de la façon de faire actuelle du gouvernement du Québec en matière de finances publiques et de l’évolution des principales variables économiques et financières.

Déjà, Auerbach, Gokhale et Kotlikoff (1994) ont développé la comptabilité intergénérationnelle qui permet de faire une analyse fiscale de long terme en comparant le fardeau fiscal des générations passées, présentes et futures. Nos projections actuelles des équilibres financiers de l’État québécois indiquent le non-respect de ce principe d’équité entre les générations. Vu les conséquences attendues de la transition démographique, comment le Québec va-t-il se positionner parmi les provinces canadiennes ?

Du point de vue économique, comme nous, Van Audenrode (2002) concluait dans une analyse du marché du travail que la croissance économique au Québec allait diminuer de façon marquée. La croissance ralentie de la main-d’oeuvre pourrait-elle affecter suffisamment les déterminants de la retraite de façon à modifier les taux d’emplois des plus âgés et générer l’acquisition de nouvelles technologies, accélérant du même coup la productivité ?

Du côté des revenus du gouvernement, il faudrait également déterminer si les sources de revenus sont uniquement tributaires de la croissance économique. Ne varieraient-elles pas aussi selon la structure d’âge de la population ? En matière de dépenses publiques, Zweifel, Felder et Meiers (1999) apportent un éclairage sur l’effet du vieillissement de la population sur les dépenses de santé en isolant les dépenses de santé « ordinaires » de celles rattachées à la fin de la vie. La simple projection des dépenses de santé basée sur les données par âge surestime-t-elle alors les dépenses futures de santé du simple fait que l’espérance de vie s’allonge ?

L’avancement des connaissances concernant l’impact des changements démographiques sur les finances publiques doit se poursuivre. Une fois intégrées ces différentes facettes des effets de la transition démographique, les hypothèses utilisées dans ce texte pourront être revues, ce qui permettrait d’effectuer une plus juste projection des équilibres financiers de long terme.