Résumés
Résumé
Comment TF1, France 2 et M6 tentent-elles de générer des commentaires autour de leurs émissions sur les médias sociaux numériques, et plus spécifiquement autour de vidéos publiées sur leurs pages Facebook? Comment les animateurs de communautés jouent-ils avec les injonctions que cette plateforme impose, tout en respectant les positionnements éditoriaux de ces chaînes? L’analyse sémiotique des « écrits d’écrans » des comptes Facebook de ces diffuseurs et des discours d’escorte qui accompagnent leurs publications vidéo laisse apparaître une volonté d’éditorialiser les contenus. Toutefois, l’effet de ces stratégies sur les commentaires de notre corpus reste peu significatif, comparé à celui d’un dispositif qui contraint fortement l’énonciation télévisuelle et impose aux community managers certains types de publications. Si Facebook se présente comme une agora, force est d’y constater la faiblesse des interactions entre les administrateurs des comptes étudiés et les internautes, et l’importance d’une culture de l’entre-soi.
Mots-clés :
- chaînes de télévision,
- émissions télévisées,
- commentaires numériques,
- écrit d’écran,
- discours d’escorte
Abstract
How the French Television channels TF1, France 2 and M6 try to generate online comments dedicated to their programs on social media, and specifically about their video publications on Facebook? How social media managers adjust to the platforms’ constraints and to the editorial policies of broadcasting companies? A semiotic analysis of the “screen writing process” observed on the Facebook pages of those channels, combined with a study of the type of video published and the rhetoric speeches that accompanies them, figures out an effort to maintain an editorial line. But the rhetoric speeches we studied have less influence on online comments compared to platform devices’ effects on media’s communication limited to certain types of posts . If Facebook presents itself as an agora, it must be noted the weakness of the interactions between the administrators of the accounts studied and the Internet users, and the importance of social grouping exchanges.
Keywords:
- television broadcast channels,
- television shows,
- online comments,
- Internet devices,
- semiotic analysis
Corps de l’article
Les médias socionumériques (Coutant, 2016) sont désormais sur internet les principaux espaces de commentaire des programmes télévisuels. En très peu d’années, les forums hébergés par les sites des chaînes de télévision ont été supprimés et celles-ci ont concentré leurs efforts sur Facebook ou Twitter, outils majeurs de promotion et de prescription de leurs émissions.
Ce déplacement des espaces de commentaires numériques, mais aussi des lieux de la consultation et du partage des contenus audiovisuels sur internet, n’est pas neutre. Plusieurs études montrent qu’il implique, dans l’esprit des « télénautes » (Lafrance, 2005), une redistribution des rôles entre les diffuseurs traditionnels et les médias socionumériques dont les logiques actuelles, surtout chez le public jeune, contribuent à dissocier l’« objet télévision » de ses programmes (Kervella et Loicq, 2015). Ainsi, ce qui change avec la « plateformisation » (Beuscart et Flichy, 2018, 2019; Casilli, 2017) est à la fois d’ordre socioéconomique, puisque Facebook, Twitter ou YouTube disposent des principales informations sur les profils des utilisateurs (CSA, 2018), d’autant plus qu’ils ont colonisé les sites web par des « signes passeurs [1] », mais également d’ordre sémio-discursif, car dès lors que les contenus télévisuels – comme d’autres – sont aujourd’hui diffusés en dehors des espaces gérés par leurs producteurs/diffuseurs, les énonciateurs premiers sont désormais sous l’emprise de métaénonciateurs (Rebillard, 2019; Sonnet, 2019). L’on assiste ainsi à un brouillage de l’identité éditoriale des chaînes de télévision au profit de leurs émissions et, surtout, des plateformes qui dégradent leur autorité énonciative (Vitali-Rosati, 2016), tout en reprenant des codes issus de certains médias traditionnels (presse, télévision) pour devenir des points d’accès uniques, des « guichets centraux » d’accès à l’information (Sonnet, 2019). En contrepartie, les commentaires générés sur internet accentuent les effets du replay et permettent aux chaînes de télévision de prolonger l’expérience de visionnage de leurs contenus (Boullier, 2004; Cailler et Taillibert, 2019). C’est dire l’influence, aujourd’hui, de ces pratiques sur la consommation de télévision.
Dans ce contexte, nous souhaiterions comprendre comment les chaînes de télévision tentent de générer des commentaires autour de leurs vidéos sur les médias socionumériques. Pour ce faire, nous étudierons plus spécifiquement les publications vidéo issues des comptes Facebook de TF1, de France 2 et de M6. Les extraits vidéo mis en avant par ces trois chaînes sur ce qui constitue aujourd’hui le deuxième site de consultation de contenus audiovisuels derrière YouTube (CSA, 2016) répondent inévitablement aux injonctions/prescriptions (Croissant, 2019) que ce dispositif tente de « naturaliser » (Coutant, 2016). Quels contenus audiovisuels Facebook conduit-il à valoriser, selon une logique culturelle de ranking (Cardon, 2013; Rieder, 2019)? Quelles tactiques les chargés des réseaux socionumériques emploient-ils pour susciter des interactions autour de ces contenus (Amigo et Pignard-Cheynel, 2019; Jammet, 2018), alors même que les commentaires se déploient principalement en dehors des comptes gérés par les médias traditionnels sur ce dispositif (Bastard et al ., 2017)? Et, surtout, que nous enseignent les commentaires laissés par les téléspectateurs sur ces publications : ces « traces de réception » (Péquignot, 2017) laissent-elles entrevoir des « modes de production de sens » (Odin, 2011) spécifiques? Quelles sont les conséquences énonciatives de cette migration de la promotion télévisuelle d’un « espace de communication » (Odin, 2011) vers un autre?
Pour répondre à ces interrogations, nous reviendrons tout d’abord sur la notion même de commentaire numérique, qui suscite aujourd’hui, dans la littérature scientifique, en particulier dans les sciences du langage ou les sciences de l’information et de la communication, l’émergence de définitions variées. La diversité des contenus que le terme désigne nécessite de s’accorder sur une définition permettant de circonscrire notre terrain. Nous présenterons ensuite la méthodologie et les corpus constitués pour étudier ce phénomène. Le choix d’une analyse des « écrits d’écrans » (Jeanneret, 2014; Souchier, 1996) des dispositifs retenus servira non seulement à mesurer le « faisceau de contraintes » qu’impose l’espace de communication Facebook (Odin, 2011, p. 20) sur les types de publications vidéo proposées par les chaînes de télévision, mais aussi à déterminer la place qu’il laisse aux commentaires. Nous procèderons ensuite à une étude comparative des discours d’escorte (Bigey et Simon, 2017; Rabatel, 2010; Simon, 2018) employés par les administrateurs de ces pages et considèrerons leurs effets potentiels sur le volume et le type de commentaires qu’ils engagent de la part des télénautes. Cette première approche quantitative sera complétée par une analyse qualitative des contenus de ces commentaires, considérés comme autant d’indices des modes de production de sens des récepteurs-commentateurs et des effets de cet espace de communication sur leurs contenus.
Commenter la télévision « avec esprit »
La notion de commentaire (composée de deux étymons latins cum [avec] et mentis [esprit]), dans un usage attesté depuis 1675, désigne un « texte qui glose, explique un autre texte » (Rey, 1998, p. 814). Elle renvoyait ainsi aux recueils de mémoires, ensemble de notes prises autour d’un texte. Il donc n’est guère étonnant qu’elle soit associée à des notes en marge, comme le souligne Laura Calabrese (2014) à propos des commentaires d’actualité publiés sur les sites d’information, qui permettent « à l’internaute de se focaliser sur des dimensions du discours différentes : le dit (opinions, connaissances, données ou analyses) et le dire (orthographe, adéquation de la langue et du registre, dénominations employées) » (p. 20). Relevant plutôt des « genres conversationnels » plus instables dans leur composition et leur thématique que les « genres institués » (Maingueneau, 2007), les commentaires numériques constituent donc une « conversation potentielle » (Marcoccia, 2004) dans un dispositif qui décentralise la parole et facilite l’horizontalité des échanges (Calabrese, 2014). Nombre d’entre eux, en particulier s’agissant de l’audiovisuel, se déploient d’ailleurs sur le registre de l’humour (Chambat-Houillon et Le Corff, 2017), renvoyant par là même à l’étymon latin du terme.
La littérature scientifique française publiée dans des revues issues du champ des sciences de l’information et de la communication laisse entrevoir un usage plus important de ce terme lorsqu’il s’agit de travailler sur des corpus médiatiques, là où la littérature issue des sciences de gestion et du marketing renvoie plutôt aux « avis clients ». Mais tous relèvent du « jugement en ligne » (Pasquier, 2014), et l’absence de définition stable pose d’évidentes difficultés.
Le commentaire est une notion très marquée dans l’univers médiatique, ce qui justifie peut-être sa présence dans un dictionnaire dédié aux sciences de l’information et de la communication (Lamizet et Silem, 1997). Dans ceux consacrés à l’analyse du discours ou aux sciences du langage, elle semble reliée à celles de rhème (Ducrot et Schaeffer, 1999), de prédicat, ou de dialogisme, de métadiscours et de métacommunication (Charaudeau et Maingueneau, 2002). Or une récente définition, spécifiquement dédiée aux « commentaires numériques », complète ces approches : « le commentaire en ligne peut se définir comme un technodiscours second produit dans un espace dédié scripturalement et énonciativement contraint au sein d’un écosystème numérique connecté » (Paveau, 2017, p. 40). Paveau en relève différents traits caractéristiques : l’ énonciation pseudonyme plus ou moins visible (de l’adresse IP à l’identité complète de l’internaute), la relationalité , puisque le commentaire sur les dispositifs numériques est identifié par un espace dédié qui en conditionne l’usage, la conversationnalité et la récursivité , afin de souligner ce que notait déjà Michel Marcoccia (2004), à savoir l’incomplétude de ces échanges parfois sans séquence de fermeture et aussi avec des segments d’ouverture qui ne correspondent pas nécessairement aux échanges qui s’ensuivent (et réciproquement), ce que confirment très tôt différentes études portant sur les commentaires médias (Croissant, 2010; Dupret, Klaus et Ghazzal, 2010; Jeanne-Perrier, 2010). Paveau (2017) ajoute à ces caractéristiques l’ augmentation énonciative et discursive , considérant que les commentaires complètent le texte premier sur le plan qualitatif – ils en orientent la lecture – et quantitatif, puisque les métriques associées sont susceptibles, elles aussi, de conditionner sa réception. Enfin, les commentaires numériques peuvent être publics et/ou visibles selon les paramétrages des internautes (Paveau, 2017).
Nous choisissons de partir de cette première définition qui nous semble être l’une des plus abouties. Nous emploierons également, ici, le terme médias socionumériques (Coutant et Stenger, 2013, p. 4) et privilégierons une « analyse dispositive » (Larroche, 2018), attentive aux substances de l’expression et aux « conditions dans lesquelles les configurations techniques et sémiotiques des médias peuvent soutenir les logiques sociales de la communication » (Jeanneret, 2011, cité dans Larroche, 2018, p. 104).
Antichambre de cette étude
Considérant, dans une perspective sémio-pragmatique, qu’un « espace de communication est un espace à l’intérieur duquel le faisceau de contraintes pousse les actants (E) et (R) à produire du sens sur le même axe de pertinence » (Odin, 2011, p. 39), ces contraintes étant la condition même de la communication entre un émetteur (E) et un récepteur (R), nous choisissons de commencer par décrire l’espace de communication qu’offre Facebook et, plus spécifiquement, celui des pages publiques de trois chaînes télévisuelles nationales : TF1, France 2 et M6 [2] . Ces trois diffuseurs ont comme point commun de proposer des programmes généralistes, comme différences d’être pour la seconde publique et les deux autres, privées. Il s’agit surtout des trois chaînes françaises les plus regardées, avec des lignes éditoriales différenciées, une politique numérique affirmée (Alexis, 2019; Leveneur, 2013) et des publics a priori divers, offrant ainsi au chercheur des cas complémentaires à étudier. Afin de déterminer les caractéristiques des contraintes techniques et énonciatives de ces pages publiques, nous procéderons à une étude de leurs « écrits d’écran ».
L’énonciation éditoriale à l’œuvre dans les écrits d’écrans est le produit d’un architexte qui contraint la situation de communication (voir Bonaccorsi, 2013). Comme le souligne Piment (2018), l’expression « écrit d’écran » permet de dépasser :
la dimension instrumentale des logiciels, car elle considère non seulement leur fonction de production du texte mais aussi leur nécessaire intervention dans l’organisation visuelle de celui-ci. De même que le signe passeur commande la potentialité d’un texte, l’architexte commande (du grec arkhè : commencement et commandement (Bailly, 1985, p. 120)) l’existence de l’écrit à l’écran (Piment, 2018, p. 136).
La méthodologie développée par cette chercheuse dans sa thèse nous a inspiré une grille d’analyse destinée à comparer les écrits d’écrans des pages Facebook des trois chaînes de télévision de notre corpus [3] , étape qui nous a semblé d’autant plus nécessaire que ce dispositif évolue rapidement. Cette grille a été organisée autour des éléments suivants : localisation et contenu des discours d’escorte [4] (en rouge [5] ), type de publication (image, vidéo, texte [en bleu clair]), signes passeurs (en gris foncé), traces des énonciateurs seconds (en bleu foncé), zones de commentaire et contenu (en violet), traces des énonciateurs premiers (en vert), mentions aux énonciateurs premiers pour interagir avec eux (en jaune), organisation et rubricage proposés par le dispositif (en gris clair), place des métriques (en orange) et indications liées aux dates, aux lieux et aux modifications des publications (en marron).
Une fois posées ces contraintes imposées par l’espace communicationnel de Facebook aux chaînes télévisuelles, nous étudierons la façon dont leurs chargés de médias sociaux tentent d’y produire un discours promotionnel et éditorialisé. À cette fin, une analyse comparée des discours d’escorte, qui entourent les publications vidéo de ces pages entre le 15 février et le 15 mars 2019 et représentent un volume de 181 publications, a été réalisée [6] . Ces observations se sont appuyées sur une grille d’analyse, mobilisant en partie la typologie des discours d’escorte élaborée par Simon et Bigey (2017), que nous avons complétée selon les besoins de notre corpus, éloigné de celui pour lequel cette typologie a été pensée initialement – nous y reviendrons dans la présentation des résultats. Cette analyse nous a permis de catégoriser les différentes productions de sens privilégiées par les émetteurs (autrement dit, les community managers de ces pages publiques, eux-mêmes représentants des chaînes de télévision) autour de ces contenus vidéo, dans un dispositif fortement contraint.
La troisième étape de notre recherche consiste d’abord en une étude quantitative des discours suscités par les 62 publications les plus commentées sur la période étudiée, en nous appuyant sur une typologie des commentaires proposée par Paveau (2017). Cette catégorisation permet de déterminer s’il existe un lien entre le type de discours d’escorte employé, le type de vidéo publiée et le volume ou la catégorie de commentaires générés. Cette analyse est complétée par une étude qualitative des commentaires qui sert cette fois-ci à déterminer quelles sont les productions de sens privilégiées par les commentateurs de ces publications, en particulier de vérifier si elles correspondent à celles des community managers et, à travers eux, des diffuseurs, ou bien si elles répondent plutôt aux injonctions du dispositif Facebook, de façon indifférenciée, attestant dès lors de la dégradation de l’autorité énonciative de la chaîne télévisuelle.
Facebook : un dispositif qui invite à commenter entre « amis » sur des pages publiques
Facebook, comme espace de communication, semble aplatir les phénomènes d’éditorialisation des contenus, autant pour les chaînes télévisuelles que pour d’autres types d’organisations. Quelles sont les contraintes précises que ce dispositif impose à ses utilisateurs sur le plan énonciatif? Quelles sont les conséquences de la migration de la promotion des programmes télévisuels en dehors des espaces uniquement gérés par les diffuseurs? Facebook impose-t-il des modes de production de sens spécifiques différents des « modes d’origine » (Odin, 2011, p. 82) dont sont issues les publications vidéo étudiées?
L’analyse comparée des pages officielles de TF1, France 2 et M6, selon la méthodologie évoquée ci-dessus, laisse d’abord apparaître de nombreuses similitudes. Les trois chaînes ont choisi de placer, dans le bandeau titre, soit une vidéo extraite d’un programme (TF1, France 2), soit une image des animateurs emblématiques de la chaîne (M6) (Figure 1).
En ce qui concerne les menus, une légère différence s’observe sur la page de TF1 qui, contrairement à celles de France 2 et M6, propose un onglet « Respect Zone », valorisant une charte d’utilisation des médias socionumériques. Cela lui permet de se présenter comme une organisation luttant contre les discriminations, notamment dans les espaces de commentaires.
Les valeurs de ces trois marques sont visibles dans les rubriques « À propos » : France 2 s’y affiche comme une chaîne généraliste (« France 2, c’est la chaîne de l’événement, de l’information et du sport. Chaîne généraliste du groupe France Télévisions, France 2 propose une offre large, variée et fédératrice, qui s’adresse à tous les publics. Événements, disciplines sportives, information internationale et nationale... mais aussi, jeux, fictions, polars, documentaires et séries »); TF1 souligne l’aspect émotionnel de ses programmes (« Notre mission première : vous informer et vous divertir! Rire souvent, pleurer parfois, chanter en chœur, danser ensemble, s’informer autrement... bref, prolonger ici le plaisir que l’on vit tous ensemble sur la chaîne! Partageons nos émotions avec des programmes qui inspirent, au cœur de la réalité et avec ce que le quotidien a de plus positif à vous offrir! »); et M6 mentionne simplement son slogan (« Continuons de grandir ensemble! ») ainsi que différents jalons qui renvoient directement aux pages dédiées de ses programmes. La page qui compte le plus grand nombre d’abonnés, au mois de mars 2019, est celle de la chaîne TF1 (4,1 millions), devant France 2 (2,4 millions) et M6 (2,2 millions).
Les signes passeurs, de même que l’organisation des commentaires, sont ceux que le dispositif impose. L’usager a la possibilité d’afficher les commentaires de trois façons : par « pertinence », ce qui correspond aux commentaires de ses amis Facebook ou à ceux suscitant le plus de « réactions » – le choix du terme pertinence et, surtout, sa définition ne sont pas neutres, ils renvoient implicitement à l’idée que le dispositif valorise les commentaires par grappes sociales et selon des métriques –; par ordre chronologique (les « plus récents »); ou dans leur totalité, mais avec une mise en avant des commentaires les plus « pertinents » (Figure 2).
L’affichage des profils d’utilisateurs est similaire sur toutes les pages : photographie du profil et mention du nom de la personne permettent aux autres internautes de s’interpeller. Les zones de commentaires, qu’il s’agisse d’un compte chaîne ou d’un compte dédié à un programme, ne sont pas limitées sur le plan des caractères et facilitent la visualisation des métriques associées (réactions ou nombre de réponses suscitées), que l’internaute peut choisir d’afficher ou non, ainsi que les heures/dates des publications ou des modifications (Figure 3).
Lorsque les internautes cliquent sur le lien « davantage de contenu », incrusté dans les vidéos publiées sur ces pages, ils se retrouvent au cœur d’une interface de lecture spécifique (Figure 4).
Cette interface, très inspirée de celle de YouTube, se compose d’un écran dans lequel la vidéo prend davantage de place et où les commentaires, situés à droite de la fenêtre centrale et au-dessus d’une liste de vidéos « À suivre » issues du compte initial, deviennent des « réactions ». Lorsque l’utilisateur clique sur l’onglet « Voir tous les commentaires », le terme réaction (en gris dans la Figure 4, à droite de l’écran) disparaît au profit de celui de « Commentaire ». Ce dispositif met en avant les éventuels commentaires des amis et incite à dialoguer avec eux via l’application Messenger. Ce cas semble typique des combinaisons complexes qu’observe Bourdon (2018) sur les médias sociaux : « on lit un message sur une liste de diffusion qui renvoie à un site d’information, on va sur ce site ( dissémination , ndla) , écrit un commentaire voire commence un dialogue avec d’autres commentateurs sur ce site, puis on passe à un dialogue interpersonnel avec l’un des commentateurs sur une messagerie séparée » (p. 85). Facebook, par la délocalisation du message vers une interface de lecture de vidéo spécifique puis vers Messenger, illustre un phénomène de va-et-vient constant entre dissémination d’un message et dialogue public ou privé (Bourdon, 2018).
Sur YouTube, à titre de comparaison, l’espace de commentaires est placé sous les vidéos dans le cas d’une consultation par ordinateur (Figure 5). Il est encore moins visible dans le cas d’une consultation sur smartphone qui déplace cet espace en dessous de la liste des vidéos suggérées.
Tandis que l’interface de YouTube privilégie le partage et la consultation de vidéos, celle de Facebook est davantage tournée vers l’interaction et l’expression de soi, comme l’indiquent l’emplacement et les intitulés des signes passeurs qui engagent à commenter, à réagir ou à partager. Des métriques y sont systématiquement associées et la communauté est mise en avant, incitant l’usager à associer des amis au compte, ou lui permettant d’identifier rapidement ceux qui y sont déjà abonnés : le dispositif, y compris sur des pages publiques, encourage ainsi l’entre-soi.
Comparé à l’espace de communication classique des chaînes de télévision, ce qui diffère, ici, est notamment le caractère public de cet « entre soi », la visibilité des commentaires et l’incitation implicite à publier des contenus qui seront facilement partageables et qui susciteront des réactions. Sur cet espace de communication, les diffuseurs agissent bien comme des marques à travers différents signes (logos, chartes graphiques, slogans), mais également comme des responsables de la programmation et comme des personnes (Jost, 2009). Toutefois la logique classique de réseau proposée par Facebook, dans laquelle sont mis en exergue les relations entre les individus, les centres d’intérêt partagés (au point d’ailleurs que la section « Facebook Watch » dédiée aux vidéos liste en priorité les dernières publications des pages auxquelles l’internaute est abonné), n’oblige-t-elle pas à mettre en avant certains types et genres de vidéos plutôt que d’autres, afin de susciter autour de ces contenus des réactions (partages, like , etc . ) dont les commentaires sont une des formes essentielles à leur mise en visibilité? Dès lors, les chaînes télévisuelles, sur cet espace, peuvent-elles toujours être considérées comme uniques responsables de la programmation? Sachant que leurs choix éditoriaux, leur autopromotion, contribuent à les identifier comme personnes, à leur construire un certain ethos (Jost, 2009), que nous enseignent à ce propos les types de publications vidéo et les discours d’escorte qu’elles valorisent sur Facebook?
Susciter les commentaires autour des vidéos : types de publications et discours d’escorte
TF1, France 2 et M6, dans la programmation de leurs publications, suivent une logique similaire – et commune à nombre de chargés des réseaux socionumériques d’organisations de grande taille [7] (Amigo et Pignard-Cheynel, 2019; Jammet, 2018) –, avec une moyenne de deux publications par jour, des vidéos parfois liées à une actualité significative, comme celles publiées sur TF1 et France 2 le 8 mars 2019 à l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes, ou encore celles que TF1 ou M6 ont mises en avant pendant la période des fêtes de Noël 2018, relayant pour la seconde des extraits des dessins animés à destination des enfants en vacances, ce qui répond à une stratégie classique de programmation reliée à une temporalité sociale (Jost, 2009).
Si, dans l’espace de communication traditionnel des chaînes de télévision, les émissions répondent à des choix éditoriaux qui leur permettent de s’afficher comme responsables de la programmation, sur Facebook, toutes ne sont pas exposées de la même façon. Celles du prime-time (heure de grande écoute) dominent considérablement, comme le signalent les nombreux déictiques spatiotemporels[8] faisant référence aux soirées des téléspectateurs. TF1, dont la rubrique « À propos » souligne des valeurs de divertissement et d’information, publie ainsi une variété de contenus liés à ses fictions (Les Bracelets rouges, Les Bronzés), à ses programmes de télé/docu-réalité (Koh Lanta, Baby-Boom), à ses émissions de télé-crochet (The Voice) ou à ses soirées spéciales (Les Enfoirés), à des reportages-chocs des journaux télévisés du 13H ou du 20H, ou encore à certaines séries américaines qu’elle diffuse (plusieurs publications mettent notamment en scène Shemar Moore, comédien vedette de la série S.W.A.T. également connu pour son rôle dans Esprits criminels). De façon épisodique, lorsque l’actualité est moins chargée, et dès lors que l’extrait permet de tisser de la connivence, un clin d’œil est fait à une autre catégorie de programme (une publication du 14 mars 2019 autour du jeu télévisé Les Douze coups de midi montre, par exemple, une vidéo d’un cadreur qui s’amuse sur le plateau pendant le tournage). La chaîne généraliste France 2 offre également, sur sa page, des publications autour de contenus de programmes variés : magazines d’information (Envoyé spécial, Compléments d’enquête), magazines culturels (Basique, Stupéfiant), fictions (Un si grand soleil, Keplers, Illégitime, etc.), ou documentaires (La fabuleuse histoire, Félins, etc.). La chaîne M6, sur la période concernée, fait la part belle à ses émissions de télé-réalité (Mariés au premier regard, Le Sens de l’effort), concours de cuisine (Top Chef) ou de mode (Les Reines du shopping), ou à des extraits de films diffusés en prime-time (Lol ou Brice de Nice).
Si TF1 mélange ce type de contenus à des publications plutôt promotionnelles renvoyant à ses sites web partenaires (Au Féminin [9] , site d’un magazine féminin en ligne, ou Marmiton [10] , site web de partage de recettes de cuisine) assurant ainsi leur publicité et bénéficiant en contrepartie d’une communauté plus large, France 2 et M6 communiquent essentiellement autour de leurs émissions. Il faut ajouter à cela quelques annonces liées aux prochains castings des émissions, et parfois des jeux-concours.
Ces choix éditoriaux s’accompagnent de modes d’adresse différents : ceux du ou des administrateurs de la page de France 2 restent informatifs pour la plupart, avec des discours d’escorte qui sont soit des citations extraites des vidéos (parfois doublées d’une incrustation sur la capture d’écran), soit des informations sur les dates et les heures de diffusion (ils rentrent alors dans la catégorie des déictiques spatiotemporels), parfois accompagnées de « déictiques d’ostension » (Bigey et Simon, 2017) qui pointent de façon marquée (flèche, pointeur, main) un élément de la publication. Les accroches simples – distinctes des « accroches élocutives » (qui renvoient aux énonciateurs) et « allocutives » (qui interpellent les destinataires) (Bigey et Simon, 2017) –, permettent de résumer le contenu du message de façon persuasive (Lamizet et Silem, 1997) et sont également importantes. Quel que soit le type de publication, l’usage des émoticônes y est restreint, même lorsque la publication est liée à une actualité forte (Figure 6).
Les discours d’escorte utilisés par les administrateurs de la page de TF1 sont beaucoup plus modalisés : cela se note par le nombre d’émoticônes mobilisées qui inscrivent ces publications dans un registre bien plus émotionnel (Figure 7).
M6, avec des contenus principalement issus de programmes de divertissement, n’hésite pas à relever des citations très croustillantes (parfois censurées par des astérisques) destinées à faire réagir les internautes (Figure 8, en rouge). Comme ses consœurs, elle estampille ses vidéos de son logo ou de celui de l’émission, mais y incruste aussi plus souvent des sous-titres destinés à ancrer davantage la lecture de l’extrait (Figure 9, deuxième encadré rouge).
Facebook offre aux utilisateurs la possibilité de mentionner une page, un groupe, un profil, dans une publication. La mention « est avec » ou même certains hashtags permettent ce type de renvois, et la majorité des publications observées est accompagnée soit d’une mention vers un compte animateur, émission ou acteur, le cas échéant, soit d’une précision située à côté de l’énonciateur (« TF1 est avec The Voice », par exemple), qui permet aussi de renvoyer vers un compte autre. Le volume de ces mentions, sur la totalité des 181 publications vidéo étudiées, est très important, en particulier pour les deux chaînes privées du corpus (Figure 10), ce qui atteste de la double volonté de mettre en avant soit des animateurs soit des émissions, et de bénéficier en contrepartie des réactions de leurs communautés spécifiques.
Toutefois, si l’on procède à une catégorisation des discours d’accompagnement en ne classant dans les mentions que les publications qui se restreignent à ce type de discours, nous pouvons mieux observer l’importance des accroches, en particulier pour la chaîne de service public (Figure 11).
Dans la catégorie « déictique d’ostension » (Bigey et Simon, 2017) n’ont été inclus que les discours reposant principalement sur cet effet (avec signe passeur explicite [main ou flèche vers la vidéo]). Les renvois aux créneaux de diffusion des émissions, sous la forme de déictiques spatiotemporels du type « rdv ce soir sur… » et incrustés dans les vidéos ou présents dans les discours d’escorte, sont quasiment systématiques dans notre corpus [11] . La majorité des discours d’escorte mélangent ainsi les mentions (en particulier pour TF1), les accroches simples, les citations (reprises de publications via d’autres comptes ou citations extraites des publications vidéo) et les déictiques spatiotemporels. Les catégories « accroches élocutives », « accroches allocutives », « incitations à l’action » (sous forme impérative, par exemple découvrez , participez , etc.) ou encore « actes de langage de sociabilité » (remerciements) (voir Bigey, et Simon, 2017) sont les moins employées, ce qui semble contre-intuitif sur un média social .
M6 fait un usage important de sous-titres dans ses vidéos : qu’ils renvoient au discours d’une voix off de la vidéo ou à celui d’un énonciateur visible dans le champ. Ce sous-titrage, toutes chaînes confondues, est une forme particulière de citation qui remplit une fonction clairement expressive. Nous l’avons distingué des nombreuses autres incrustations qui font référence aux créneaux ou aux logos des chaînes de diffusion ou des émissions.
Les 28 publications vidéo les plus commentées de notre corpus confirment ces légères différences. Celles de la chaîne TF1, sur la période considérée, sont majoritairement accompagnées d’une mention vers le compte programme/animateur ou acteur concerné, avec, le cas échéant, des rendez-vous fixés aux téléspectateurs sur les antennes. Celles de France 2 sont composées de déictiques d’ostension, d’accroches et de quelques mentions aux comptes programmes (moins nombreuses que celles de TF1). M6 se démarque encore de ses concurrentes par un nombre plus important de publications accompagnées de citations extraites de ses programmes ainsi que de sous-titres incrustés sur les vidéos et composés de phrases-chocs (Figure 12).
Toutes chaînes confondues, la plupart des publications très commentées renvoient principalement, pour TF1, à des fictions, des films, des divertissements, des reportages, celles de France 2, à des reportages, des documentaires, des magazines et à un divertissement-concours ( Le Grand oral ), et celles M6, autant à des extraits de programmes de télé-réalité qu’à des films. Si ces deux derniers genres se prêtent plus facilement à l’emploi de citations extraites des programmes ou à des sous-titrages (ce qui revient également à des citations), le lien entre le genre de la vidéo et le type de discours d’escorte employé n’est pas significatif dans notre corpus : les accroches simples portent aussi bien sur des reportages que sur des films, les accroches allocutives autant sur des programmes de télé-réalité que des documentaires ou des programmes de divertissement… Le recours aux citations est également visible pour des magazines. Les sous-titres, souvent présents sur les vidéos et considérés ici comme discours d’escortes, servent d’une part à interpeller l’internaute par une citation du programme, mais aussi, lorsque ces publications sont amenées à être disséminées en dehors de l’espace de la page publique étudiée, et alors que le discours d’escorte qui entoure la vidéo peut être supprimé par l’internaute utilisateur, à continuer d’en orienter la lecture.
Les contraintes de l’espace discursif de Facebook obligent toutefois les chargés de ces réseaux à faire des publications principalement au profit des programmes du prime-time , vitrines de ces chaînes et pourvoyeurs d’audience. TF1, France 2 et M6 étant par ailleurs des chaînes nationales généralistes, sur ce créneau horaire, c’est la famille qui est potentiellement ciblée, avec des émissions fédératrices. Sur ces pages publiques (comme en dehors), l’enjeu est, pour l’énonciateur-chaîne, de parler à un « public fabriqué » par sa réputation en ligne (Bastard et al. , 2017, p. 30). Ainsi, nous avons souligné quelques différences dans les discours d’escortes entre les trois pages étudiées : ceux de TF1 sont les plus modalisés; ceux de la chaîne M6 sont très marqués par des citations-chocs extraites des programmes; et ceux de France 2 semblent privilégier des accroches plus « neutres » que celles de ses consœurs. Ils répondent assez logiquement aux positionnements de ces chaînes : la première revendique sur sa page la volonté de divertir et de susciter l’émotion; la chaîne de service public se doit de tenir un discours fédérateur, généraliste; et M6 se présente comme une chaîne « en train de grandir » et tente de tisser une connivence culturelle avec son public par des références filmiques ou un vocabulaire plus familier. Les community managers , avec leurs discours d’escorte, remplacent ici les voix off des bandes-annonces autopromotionnelles des chaînes; ils portent un discours éditorialisé.
Toutefois, sur Facebook, à la différence de l’espace communicationnel d’un site web ou de celui d’une chaîne de télévision, l’horizontalité des échanges est de rigueur, ce qui oblige les administrateurs des pages étudiées à employer un discours à la fois informatif sur l’émission (par les accroches), à fixer des rendez-vous aux téléspectateurs sur la chaîne (par les déictiques), mais surtout à susciter des commentaires. Dès lors, si différents genres télévisuels sont mis en avant, les extraits choisis eux sont tout à fait révélateurs de cette logique et, surtout, les arrêts sur images sont déterminants, car ils doivent interpeller un internaute noyé dans une quantité d’informations. De toute évidence, cela n’est pas nouveau : les bandes-annonces des programmes doivent aussi, quel que soit l’espace de communication considéré, être accrocheuses, susciter l’émotion et le désir de regarder le programme. Facebook renforce donc cette logique ancienne, avec toutefois une différence sémiotique importante : si la bande-annonce classique déploie, pour susciter l’intérêt, toutes les matières de l’expression (son, image, texte), sur l’espace communicationnel étudié, la fonction d’ancrage du message linguistique (Barthes, 1964) – associée à un arrêt sur image qui doit interpeller – est mise en valeur, à tel point, d’ailleurs, que le texte (et le signe passeur qui incite à cliquer) contamine l’image.
Or la vraie nouveauté consiste principalement en la mise en visibilité des commentaires des téléspectateurs sur ces pages. Sont-ils sensibles aux propositions de sens présentes dans les discours d’escortes qui accompagnent les publications vidéo? Quelle est la nature des commentaires suscités par ces publications? Le genre du programme entraîne-t-il, cette fois-ci, des différences dans les catégories de commentaires?
Un volume important de « commentaires discursifs », sensibles au commentaire premier et au type de vidéo
TF1, dont la page Facebook compte le plus grand nombre d’abonnés, affiche aussi le plus grand nombre de commentaires sous ses publications vidéo, en moyenne une centaine par publication. Sur la période étudiée, huit publications dépassent le millier de commentaires, six dépassent les deux cents. Dans la première catégorie, cinq n’ont qu’un lien éloigné avec les programmes de TF1 (une publication est liée à la diffusion au cinéma du film coproduit par la chaîne Mais qu’est-ce qu’on a fait au Bon Dieu 2? [1 300 commentaires], une autre, en partenariat avec le site Aufeminin.com, renvoie à la Sainte Isabelle [1 600 commentaires], une autre fait la promotion du dernier clip de Matt Pokora [1 600 commentaires]). Seuls deux émissions diffusées sur l’antenne génèrent des volumes similaires : la fiction Les Bracelets rouges dont une publication, qui annonce le retour de la série sur les antennes, récolte 4 200 commentaires et une vidéo extraite d’un documentaire diffusé sur TFX et mettant en scène des bébés chiens (2 800 commentaires). Ajoutons à cela plusieurs vidéos de l’acteur Shemar Moore torse nu ( S.W.A.T. , Esprits criminels ) qui récoltent entre 1500 et 2700 commentaires.
Parmi les publications les plus commentées sur la chaîne de service public, on relève une vidéo-choc extraite du 20 heures le 4 mars 2019 et relative au suicide des retraités japonais (1 300 commentaires), plusieurs vidéos spectaculaires issues du documentaire animalier Félins (8 300 commentaires le 3 mars, 1 300 le 2 mars, 1 700 le 24 février 2019), une publication sur le berger australien issue du magazine Télé-Matin (800 commentaires, principalement critiques sur le fait de traiter l’animal en question comme un objet), un extrait du magazine 20H30 le dimanche avec Fabrice Luccini qui fait référence au métier d’instituteur (1 100 commentaires) et, enfin, un extrait du concours Le Grand oral , qui récolte 7 100 commentaires sous une vidéo montrant une candidate sourde et 4 200 sous une autre vidéo consacrée au gagnant du concours.
La chaîne M6 est celle dont les publications récoltent le moins de commentaires. Plusieurs, d’ailleurs, sont liées à des films et non à des émissions télévisées : Lol (764 commentaires), Brice de Nice (220), La Reine de Neiges 2 (promotion du film pour le cinéma qui en génère 219). Il n’y a que l’émission de télé-réalité Le Sens de l’effort qui suscite entre 536 (18 février) et 1 200 commentaires (17 février).
Notons que l’absence de limite de caractères et l’affichage du nombre de réponses facilitent les échanges ainsi que leur lecture, mais que les administrateurs interviennent peu, voire jamais, dans ces interactions, privilégiant à la logique participative celles de gatekeeping et de marketing (Amigo et Pignard-Cheynel, 2019), deux logiques traditionnelles des médias télévisuels.
Pour repérer les différents types de commentaires présents dans notre corpus, nous avons utilisé la typologie que propose Paveau (2017). Elle distingue d’abord les « commentaires relationnels », fondés sur ce qu’elle nomme une « relation de type phatique avec le discours premier » (p. 45; nous soulignons), comme les énoncés de remerciement, les réactions de type « j’aime », les liens vers des sites personnels [12] . Viennent ensuite les « commentaires conversationnels » : certains « prédiquent le texte premier » (p. 46) en augmentant son contenu, il s’agit des « commentaires discursifs »; d’autres s’attachent à la forme de ce texte premier et sont qualifiés de « méta-discursifs »; et les derniers, les « commentaires-trolls », servent à perturber la conversation (p. 46-47). Une troisième grande catégorie est constituée par les « commentaires-partage » ou « pseudo-commentaires », qui prennent la forme de republications accompagnées d’un commentaire ou d’un bien d’images (ou GIF animés) (p. 49). Une dernière et quatrième catégorie, celle des « commentaires délocalisés », désigne ceux qui se font en dehors des espaces des plateformes. Elle n’a pas été jugée pertinente au regard de notre corpus.
Les commentaires analysés sont majoritairement discursifs, dans le sens où ils portent bien sur le contenu des vidéos (Paveau, 2017). Certains se prêtent davantage aux échanges, aux discussions entre internautes et aux argumentations. C’est le cas d’un reportage sur les enfants tyrans de TF1 (14 mars, 806 commentaires), qui suscite d’abord des réactions sur le mode du témoignage (Odin, 2011), caractérisées par la prédominance de structures narratives (l’internaute raconte son histoire), par un investissement personnel fort sur le plan affectif (ce que mesurent les autres internautes, car ces commentaires entraînent des réponses de remerciements, d’encouragement), et par la construction d’un énonciateur réel, questionnable « en termes d’identité, de faire et de vérité » (Odin, 2011, p. 98). Ces témoignages suscitent ainsi de nombreuses réponses (entre 30 et 40) avec des mentions systématiques au commentateur premier.
Ils se mélangent aussi à des échanges des points de vue plus généraux sur l’éducation et le recours ou non aux châtiments corporels, qui appartiennent tantôt à ce qu’Odin (2011) qualifie de mode discursif – mais dans un sens plus restreint que celui dans lequel Paveau (2017) emploie ce terme, puisqu’il se caractérise par une argumentation forte et la volonté de convaincre –, tantôt à un mode moralisant qui valorise la production de valeurs (Odin, 2011). Le contenu de ces commentaires répond majoritairement au discours d’escorte qui les précède et qui relève de l’accroche : « Ils prennent le pouvoir dans la famille, ils imposent leur volonté, même à leurs parents... Ce qu’il faut savoir sur les “enfants tyrans” ».
La tonalité du commentaire premier semble par ailleurs avoir un effet sur le registre des réponses qu’il suscite, puisque l’emprunt d’un vocable grossier entraîne des réponses sur le même registre de langue et des critiques sur la forme. Plusieurs internautes affichent d’ailleurs leur dégoût quant à la teneur de ces propos « non ratifiés » (Goffman, 1987). Ces commentaires deviennent ainsi « métadiscursifs » (Paveau, 2017); toutefois, le texte premier n’est plus la publication initiale, mais l’un des commentaires qui l’accompagne. Ce type de déplacement de l’objet des commentaires se manifeste d’une autre façon : plusieurs dérivent vers des discours généraux liés à la politique, à l’éducation, etc., parfois de façon éloignée du sujet premier de la vidéo, qui devient prétexte à des discussions diverses, souvent sur un mode moralisant.
Des remarques semblables peuvent être faites à propos d’une publication présente sur le compte de France 2 le 4 mars 2019, autour d’un extrait du journal télévisé de 20 heures et portant sur les retraités japonais privilégiant la prison à la rue : nombre de commentaires, sur le registre de la déploration, comparent le système de retraite japonais à celui de la France, y voyant un avant-goût du futur du pays, à l’exception de quelques commentaires ironiques faisant référence « avec esprit » à Carlos Ghosn, PDG de l’alliance Nissan-Renault-Mitsubishi, alors emprisonné dans le pays. Là encore, les témoignages personnels côtoient les arguments et les discours moraux. Même la chaîne M6, avec des publications autour d’émissions de télé-réalité, provoque des débats fournis sur l’éducation ou le service militaire, quel que soit le type de discours d’escorte employé.
Outre ces commentaires qui portent sur les thèmes abordés dans les vidéos, nombreux sont ceux qui concernent les personnalités (ou les personnages dans le cas des fictions) mises en avant par les publications. Une publication vidéo de France 2, issue de 20H30 le dimanche avec Fabrice Lucchini, qui fait un plaidoyer en faveur du métier d’enseignant, suscite par exemple plusieurs commentaires sur l’évolution du métier d’enseignant, selon les modalités évoquées plus haut, et d’autres, plutôt critiques ou laudatives sur l’invité lui-même, relevant alors du jugement personnel, parfois dans des formes asymétriques d’« intimité à distance » (Bourdon, 2018, p. 84), qui font s’imaginer à certains internautes qu’ils sont les destinataires uniques d’un message adressé à une masse et qui interpellent alors personnellement la personnalité en question.
De façon semblable, les extraits issus de l’émission de télé-réalité Le Sens de l’effort (17, 18 et 19 février 2019) suscitent plusieurs échanges, parfois ironiques, parfois sérieux, sur le sujet de l’éducation militaire. Des critiques du personnage principal, là encore interpellé personnellement, se mêlent à des témoignages de militaires ou à des commentaires métadiscursifs dénonçant la caricature que ce programme fait de l’armée, d’autres échangent des points de vue plus généraux sur l’éducation. Plus rarement se nouent de véritables échanges entre les téléspectateurs et la personnalité concernée par l’extrait. Une vidéo du concours Le Grand oral datée du 20 février met en avant une candidate sourde avec comme discours d’escorte une citation extraite de son plaidoyer et portant sur son handicap. Les commentaires qui s’enchaînent sous cet extrait mêlent des témoignages très émus et une réponse de la candidate elle-même, mise en lumière par le dispositif puisqu’elle a généré le plus de réactions de la part des internautes. La lecture de l’extrait, à l’exception des critiques de l’animateur Laurent Ruquier, accusé d’exploiter le handicap pour son émission, se fait principalement ici sur le mode de l’authenticité, rapprochant l’énonciateur du récepteur (« elle est comme moi »), favorisant l’expression des affects et interdisant par là même d’interroger la véracité de l’énoncé (Odin, 2011). Les marques d’affection et les critiques des personnalités, quel que soit le type de discours d’escorte choisi, sont nombreuses dans le corpus et témoignent de l’importance de la personnalisation des publications pour susciter les réactions.
Les films (bandes-annonces de films au cinéma [ Mais qu’est-ce qu’on a fait au Bon Dieu 2 ou La reine des neiges 2 ]) sont, eux, plutôt sujets à des prescriptions critiques (Croissant, 2019), à des commentaires métadiscursifs sur la qualité de l’œuvre, mais aussi à de nombreuses mentions personnelles, chacun identifiant ses amis dans une publication afin de se donner rendez-vous devant le film ou de se remémorer des moments appréciés, ou encore d’échanger autour de répliques cultes ( Les Bronzés , Lol ). Ce partage de références communes est d’ailleurs facilité par les discours d’escorte et les incrustations, désormais très présentes dans les vidéos étudiées et qui permettent de valoriser ces citations. Les types d’échanges que les bandes-annonces provoquent semblent ressortir du mode privé (Odin, 2011). Toutefois, l’on n’assiste pas, dans le cas étudié, à la construction d’un énonciateur réel collectif, comme on peut l’observer dans des commentaires présents sur des communautés de fans (Péquignot, 2017). Les commentaires ne concernent que certains membres à l’intérieur de la communauté des abonnés : on s’interpelle entre amis sur la page publique d’une chaîne télévisuelle, on affiche des codes communs à une communauté située en dehors de cette page (bien souvent un réseau de relations privées) et on exclut ainsi le reste des lecteurs/commentateurs en faisant des private joke réservées à des happy few . Certains commentaires participent même du mode intime, puisque les internautes évoquent des moments de leur vie liés au film (nostalgie d’une époque, film d’une génération, etc.).
Plusieurs de ces commentaires métadiscursifs portent autant sur la qualité d’un programme, comme pour le documentaire Félins (France 2, 3 mars, 9 900 commentaires avec un discours d’escorte allocutif), qui suscite plusieurs réactions très positives de la part des internautes, que sur son manque de qualité, relevant, dans les deux cas, du mode esthétique (Odin, 2011). Dans ce registre, les fans considèrent, par exemple, que certaines bandes-annonces (en l’occurrence celle qui précède le retour de la fiction Les Bracelets rouges [TF1, 25 février, 4 200 commentaires]) « spoilent » le contenu des épisodes et sont donc mal réalisées. Dans ces commentaires, l’énonciateur « chaîne » réapparaît : il est l’objet de critiques et de jugements qui renvoient parfois au système médiatique dans son entier. Le manque de variété dans la programmation proposée par la chaîne ou les publicités à outrance sont dès lors vivement discutés, sur un mode plutôt moralisant puisque l’énonciateur réel est ici interrogé non pas en termes de « faire et de vérité », mais plutôt de « faire et de valeurs » (Odin, 2011).
Quel que soit le compte étudié, force est de constater la présence systématique des critiques et des avis liés à la chaîne comme marque : une publication autour de l’émission Stars sous hypnose avec Jarry (1 er mars, 5 700 commentaires), accompagnée d’un discours allocutif (« revivez… »), entraîne aussi bien des échanges sur le procédé de l’hypnose, dont plusieurs internautes doutent de la véracité, que des critiques sur la présence d’Arthur et le manque de variété des émissions sur TF1. Une vidéo extraite de Baby Boom , sur la même chaîne (16 février, 1 400 commentaires), entourée d’une citation, provoque des réactions sur le caractère voyeur de ce programme. Les publications autour du programme Le Sens de l’effort (M6) entraînent également des critiques portant sur le langage employé par le personnage principal, ou la vision caricaturale que cette émission donne de l’armée. Tous s’avèrent plutôt insensibles aux discours d’escorte qui accompagnent les publications... Notons également la présence de plusieurs commentaires trolls , qui renvoient vers des sites personnels ou vers des mouvements politiques (sur la période concernée, vers des discussions liées aux gilets jaunes et des critiques sur le fait de ne pas inviter telle ou telle personnalité politique dans une émission de débat, par exemple).
Ces commentaires, enfin, dépassent souvent le cadre de la diffusion de l’émission. Certains, reliés aux extraits de l’émission Le Sens de l’effort diffusée en février 2019, sont datés de trois semaines après la diffusion, et une vérification du corpus après la date du 15 mars nous a permis de constater l’augmentation du volume des commentaires des publications étudiées : la délinéarisation, facilitée par les services de replays , invite donc les internautes à regarder les émissions pour pouvoir participer à la discussion.
En résumé, bien plus que le discours d’escorte, il semble que ce soit le contenu même de l’extrait, le sujet sur lequel il porte et le type de personnalité qu’il met en avant qui aient un effet sur le volume et la nature des commentaires suscités. Ceux-ci sont, en référence à la typologie de Paveau (2017), majoritairement discursifs (à l’exception de ceux des bandes-annonces de films, qui sont essentiellement relationnels).
Conclusion d’un travail à venir…
Si Facebook limite les choix énonciatifs des chaînes de télévision, cela ne les empêche guère, sur les pages qu’elles administrent, de se présenter comme des marques avec des valeurs spécifiques. Elles s’affichent également comme responsables de la programmation de leurs publications , mais doivent, suivant la logique imposée par le dispositif, faire des choix forts et mettre en avant des émissions fédératrices, souvent diffusés à des heures de grande écoute. Ces logiques ne sont pas nouvelles; toutefois, Facebook contraint très fortement les administrateurs dans la sélection des extraits vidéo publiés : afin d’être visibles, les extraits vidéo doivent susciter des réactions ou des commentaires. Dès lors, les administrateurs doivent combiner des arrêts sur images qui captent l’attention à des discours d’escorte qui suscitent l’envie de lancer la lecture de la vidéo, d’une part, et le commentaire, d’autre part. Les extraits les plus commentés de notre corpus ont comme point commun de provoquer les affects (Alloing et Pierre, 2017) par leur caractère polémique, par le type de personnalité mis en avant ou par le partage de codes culturels communs à un groupe ou à une génération.
Le dispositif encourage fortement l’entre-soi : le partage de références entre amis, y compris sur une page publique, les commentaires sur un mode privé, voire intime, l’importance des témoignages personnels. Nombreux sont ceux qui relèvent ainsi du « mode de l’authenticité », qui se caractérise par un « énonciateur réel construit au niveau identitaire comme étant “comme moi” » (Odin, 2011, p. 108), ou du mode intime (Odin, 201), dans lequel l’affirmation d’un « Je » est plus forte que le dialogue avec autrui. Si Facebook est une agora , les formes prises par les commentaires sur les pages publiques ont ceci d’étonnant qu’elles privilégient des modes de production de sens relevant souvent de la sphère privée, y compris dans les échanges sur des sujets politiques liés à la vie de la « cité ». Cela semble typique d’un média social qui brouille les frontières entre espace public et dialogue privé, proposant aux internautes de passer de l’un à l’autre en un clic…
En outre, une gamme importante de commentaires porte logiquement sur les chaînes comme personnes, marques et responsables de la programmation, le tout sur un registre critique, comme cela est observable sur Twitter, par exemple (Jehel, 2018). Nos résultats montrent que les usagers adoptent dans ce cas une réception oblique (Jeanne-Perrier, 2010) dans laquelle l’image médiatique est reconfigurée : « On parle à propos de lui (le programme, ndla ), mais il semble n’être qu’un prétexte à autre chose » (Jeanne-Perrier, 2010, p. 143), et ce, même sur un dispositif dont l’interface permet une argumentation développée, avec des commentaires générant un plus grand nombre de réponses sous les vidéos issues des pages officielles. Facebook, comme Twitter, occupe une place « métamédiatique » (Jeanne-Perrier, 2010) : situé entre les médias traditionnels et le public, qui, comme l’ont observé nombre de chercheurs travaillant sur les discours générés par les émissions de télévision, porte des jugements sur « l’univers médiatique dans son ensemble » (Jeanne-Perrier, 2010, p. 129).
Mais force est de constater, dans notre corpus, l’absence totale d’échanges réels entre les administrateurs de ces pages et les internautes, ce que confirme par ailleurs le travail de Jammet (2018) :
Il apparaît en tout état de cause que les efforts déployés par les animateurs des espaces de marque sur le web social sont moins orientés vers la conduite d’un « dialogue » entre les utilisateurs, et entre les utilisateurs et la marque, que vers la stimulation d’interactions avec le contenu diffusé. (p. 160.)
La logique verticale ou descendante classique des chaînes de télévision n’est guère changée par le dispositif : le volume de commentaires est un simple indicateur de l’audience sociale d’une vidéo. Ainsi, y compris sur ce média social, les chaînes de télévision observées se cantonnent à des « artefacts de conversation » (Marti de Montety, 2012) suivant une forme communicationnelle typique de la télévision des débuts (Bourdon, 2018). Il reste à vérifier si ce phénomène est propre aux pages officielles des chaînes de télévision et si l’interaction est plus forte, par exemple, sur celles dédiées aux animateurs ou aux émissions dont on peut supposer que les communautés sont plus fortement engagées.
Le corpus étudié, en particulier s’agissant de l’analyse des commentaires, est en effet restreint à un nombre limité de publications. Nos observations, pour être généralisables, nécessiteraient donc d’être poursuivies sur un temps plus long, avec un volume de commentaires plus important. Par ailleurs, nos résultats restent tributaires du travail de modération opéré par les administrateurs des comptes, qu’ils soient internes à l’organisation (Marty, Pignard Cheynel, et Sebbah, 2016) ou membres d’une agence spécialisée (Smyrnaios et Marty, 2017). Ils nous ont toutefois permis de tester certaines catégorisations pour repérer les discours d’escorte (Bigey et Simon, 2017) ou les types de commentaires qu’ils suscitent (Paveau, 2017). Nous avons pu en éprouver à la fois le caractère opérationnel et les limites. Les publications vidéo font rarement l’objet d’un seul type de discours d’escorte et, compte tenu du type d’énonciateur dont elles émanent, les déictiques temporels, dans une logique de fixation de rendez-vous, sont omniprésents. Le rubricage captif, catégorie pensée depuis le dispositif de Twitter (Bigey et Simon, 2017), apparaît insuffisant dans notre cas et nous lui avons préféré la notion d’ accroche (Lamizet et Silem, 1997), qui nous semble davantage convenir aux textes qui accompagnent les vidéos de notre corpus. Autre spécificité des publications observées : les recours nombreux aux citations, aux incrustations (logo de la chaîne et créneau de diffusion) et aux sous-titrages, qui sont également une façon d’accrocher le spectateur et d’ancrer sa lecture du contenu diffusé, au même titre que les choix des arrêts sur images effectués par les administrateurs.
Les publications des chargés de réseaux socionumériques sont désormais un élément constitutif de l’énonciation télévisuelle. Les discours d’escorte participent donc, selon nous, de l’analyse des « promesses pragmatiques » (Jost, 2009) qui entourent les programmes de télévision. Or les scripts qu’imposent les dispositifs numériques reconfigurent partiellement l’identité des chaînes télévisuelles sur internet (Spies, 2002). Leur plasticité (Morelli et Lazar, 2015) complexifie le travail du chercheur et implique d’inscrire ces analyses dans une sémiopragmatique comparative et historique.
Parties annexes
Notes
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[1]
Ce terme désigne les indices (loupe, bulles, boutons « like », partager, Twitter, etc.) spécifiques à chaque plateforme, signalés à l’écran (surlignement, transformation du curseur, etc.) et qui renvoient à un texte latent (voir Davallon et al., 2003, p. 23).
-
[2]
Facebook est le média social qui comptabilise le plus grand nombre de commentaires devant Twitter. Nous avons en effet opéré une comparaison quantitative, sur la même période, des publications et des commentaires présents sur les comptes Twitter de ces trois chaînes.
-
[3]
Les URL des comptes Facebook de ces trois chaînes sont : https://fr-fr.facebook.com/TF1, https://fr-fr.facebook.com/france2 et https://fr-fr.facebook.com/M6. L’analyse s’est faite entre janvier et mars 2019.
-
[4]
Nous retenons la définition qu’en donnent Bigey et Simon (2017) : élément « qui entoure l’URL d’un article ou unité textuelle composée de l’URL et de sa formule de partage telle que générée par les médias et qui tente d’influencer la lecture et l’interprétation du contenu mis en lien » (p. 55). Bien que cette notion soit employée pour le dispositif Twitter par les deux chercheuses, nous choisissons ici de l’étendre à celui de Facebook, qui propose également à ses utilisateurs d’associer les contenus publiés à des discours divers qui l’entourent.
-
[5]
Les références aux couleurs sont destinées à faciliter le repérage de ces éléments, notamment dans les images contenues dans cet article.
-
[6]
Notre observation des pages et des comptes mentionnés a été en réalité plus longue; toutefois, ce bornage est destiné à proposer une analyse plus qualitative.
-
[7]
Et au contraire de ce qui peut être observé sur les compte gérés par de plus modestes organisations (voir Heïd et Lavergne, 2017).
-
[8]
Il s’agit des indicateurs spatiotemporels (Charaudeau et Maingueneau, 2002) qui renvoient à la situation des interlocuteurs au moment où ils parlent (Ducrot et Schaeffer, 1999). Par exemple : ici, maintenant, ce soir, etc.
- [9]
- [10]
-
[11]
Cela nous a obligé, comme pour les mentions, à ne pas les afficher pour des questions de lisibilité du graphique.
-
[12]
L’adjectif phatique, repris de la typologie des fonctions de la communication de Jakobson (2007), nous semble ici restrictif au regard des exemples cités, qui, tout en maintenant le contact, renvoient également à l’expressivité des énonciateurs.
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