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L’expression « Chinafrique » est un néologisme calqué sur l’expression « Françafrique » étant surtout mobilisé pour dénoncer les caractéristiques néocoloniales des relations sino-africaines et l’expansionnisme économique chinois en Afrique (Damome, 2011) . L’ampleur de la présence chinoise en Afrique et la rapidité avec laquelle celle-ci s’est déployée ont beaucoup attiré l’attention et suscité l’inquiétude des autres puissances mondiales. Pour autant, la Chine n’est pas un acteur nouveau sur le « continent noir » (Beuret, Michel et Woods , 2008) .

Le contact fréquent sino-africain en diplomatie remonterait à la période Ming et l’année 1405, lorsque l’amiral Zheng explora ce continent à partir des côtes qui correspondent aujourd’hui à la Somalie (Korinman, 2011) . Les relations diplomatiques entre la Chine et l’Afrique ont été marquées par la Conférence de Bandung en 1955, où la délégation chinoise menée par Zhou Enlai rencontra les dirigeants de pays non alignés sur les deux blocs issus du processus de décolonisation. La vision stratégique de ce grand théoricien des relations internationales chinoises incluait notamment le précepte de se « faire des amis » ( jiao peng you ), lié aux cinq principes de la coexistence pacifique à la base de la politique étrangère de la Chine : « respect mutuel envers l’intégrité du territoire et la souveraineté de chacun, non-agression mutuelle, non-interférence mutuelle, égalité et bénéfice mutuels, coexistence pacifique » (Saint-Mézard, 2016, p. 1). Zhou Enlai théorisa aussi huit grands principes qui inspirent encore aujourd’hui la politique africaine de la Chine : égalité entre partenaires et bénéfices mutuels, respect de la souveraineté et des obligations, prêts sans intérêts, transferts technologiques, absence de barrière douanière, aide au développement « sans aucune condition » (Tang, 2011), mais aussi investissement à haut niveau de rendement.

Pendant les décennies de la guerre froide et de la décolonisation, la communication stratégique de la Chine sur la scène internationale poursuit des objectifs idéologiques. Il s’agit de promouvoir des solidarités anti et postcoloniales (Hutchison, 1976) . Le maoïsme chinois se répand largement dans les pays africains et sert de référence idéologique à des mouvements révolutionnaires de lutte contre le colonialisme (Wasserman, 2012) . La Chine apporte une aide économique à ces mouvements et aux nouveaux États indépendants; elle développe ses exportations en Afrique et encourage ses entreprises à investir localement. Un mot d’ordre incarne alors cette politique et sert de slogan : « créer un monde meilleur avec les frères et amis africains » (Zhang, 2015, p. 314) , illustrant bien l’enchevêtrement des dimensions idéologiques, économiques et affectives dans les relations sino-africaines.

Intégré à son appareil doctrinal par le Parti communiste chinois (PCC) en 1993, le concept de soft power est défini comme un outil diplomatique affectif qui permet de renforcer efficacement la capacité de séduction et d’attraction de la Chine en tant qu’État et pays (Wang, 1993) . Dans la continuité de la vision de Zhou Enlai, la Chine multiple ainsi ses aides et ses investissements économiques en Afrique (Pairault, 2011) et s’efforce de promouvoir l’image et la culture chinoises de manière dynamique et étudiée. Une série d’acteurs publics, quasi publics ou parapublics chinois s’installent en Afrique (Thussu, 2015) avec pour mission de contribuer à vendre le « rêve chinois » à l’image de l’ American dream . Cet objectif stratégique lancé par Xi Jinping se décline ainsi : « restaurer la gloire passée de la Chine et de l’État; rappeler le désir séculaire d’une Chine moderne, riche et puissante, qu’ont eu tous les empereurs; et rendre les Chinois fiers et heureux, afin de maintenir la stabilité sociale » (Le Belzic, 2013, paragr. 5). Des médias et des antennes de l’Institut Confucius sont implantés dans des villes africaines pour promouvoir le soft power chinois, en faisant rêver les publics africains de la Chine.

Le président chinois Xi Jinping a signé le compte-rendu de la conférence du comité de la propagande d’août 2013, dans lequel il est écrit : « Nous améliorons notre capacité à prendre part à la communication internationale afin de bien raconter les histoires de la Chine et de faire entendre la voix de la Chine [1]  » (Xinhua, 2018a, paragr.  10) . Considérés comme l’un des fers de lance de la promotion de la culture chinoise, les Instituts Confucius contribuent largement à ce dessein. Ces antennes culturelles sont en effet décrites par les chercheurs chinois comme d’importants relais au service de la diplomatie chinoise et, notamment, de sa diplomatie publique (Li, 2014; Wang, 2014) . À l’instar d’autres organisations de formation et d’animation culturelle (Alliance française, Institut Goethe, British Council ), l’Institut Confucius est une organisation à but non lucratif dont l’objectif est de permettre et de favoriser l’apprentissage de la langue chinoise, ainsi que de faire connaître et d’apprécier la culture chinoise grâce à des antennes implantées partout dans le monde à l’extérieur des frontières chinoises. D’après les rapports officiels de l’Institut Confucius (Hanban, 2006, 2017), celui-ci a été fondé en 2004 sous l’impulsion et grâce aux fonds de plusieurs ministères et départements gouvernementaux. Il avait créé, 13 ans plus tard, 525 unités de formation basées dans des universités et 1 113 laboratoires de langue au sein d’écoles primaires et secondaires dans 146 pays. Une description critique de l’Institut Confucius montre qu’il s’agit d’un organisme éducatif et culturel géré par le gouvernement chinois et parfaitement intégré dans sa diplomatie publique.

Le fantastique essor économique de la Chine au tournant des XX e et XXI e  siècles suscita un intérêt accru pour sa culture et sa langue (Zhao et Huang, 2010) . Des politologues chinois invitèrent dès lors le gouvernement à saisir cette occasion pour développer l’« harmonie [2]  » dans les relations étrangères, c’est-à-dire pour faire connaître à l’international la culture chinoise, promouvoir l’intercompréhension et les projets interculturels, notamment éducatifs, avec les pays étrangers (Kurlantzick, 2007; Lo et Pan, 2014). L’ensemble des antennes de l’Institut Confucius est géré par le Bureau national pour l’enseignement du chinois langue étrangère, connu sous le nom de Hanban et placé sous l’autorité directe du ministère de l’Éducation. Le président du Hanban est traditionnellement membre du Bureau politique du PCC. Sa dernière présidente, Liu Yandong [3] , avait par exemple auparavant travaillé sur des missions de propagande idéologique dans le cadre de la tactique de « front unique » des travailleurs unis contre le capitalisme et la bourgeoisie. Un organisme de formation et d’animation culturelle à l’étranger, émanation du Hanban, s’est établi en 2004 à Séoul. Le succès de cet organisme, désigné sous l’appellation d’« Institut Confucius », a ouvert la voie à l’ouverture d’une deuxième antenne l’année suivante, au sein de l’Université de Nairobi. Ces émanations sont composées de laboratoires de langue animés par des enseignants chinois au sein d’écoles primaires et secondaires, les Confucius Classroom , et d’un centre de formation pour étudiants et adultes intégré de manière organique dans une université locale, le Confucius Institute .

Les Instituts Confucius adoptent un mode original de coopération gestionnaire sinoétrangère. En effet, des partenariats sont quasiment toujours instaurés entre une université chinoise et une université du pays hôte. Les Instituts sont implantés dans les bâtiments d’une université ou d’une école publique locale, dont ils utilisent certaines ressources matérielles et immatérielles : salles de cours, bureaux, mise à disposition de personnels administratifs, etc. Dans ce cadre, les établissements d’accueil reçoivent une subvention du gouvernement chinois comprise entre 100 000 et 150 000 dollars américains par an, pour une durée allant de 3 à 5 ans. Après cette phase d’incubation, les Instituts Confucius sont censés autofinancer leurs développements par les revenus des formations commercialisées ou des dons d’entreprise (Hubbert, 2014; Starr, 2009) . Les salaires des rares enseignants étrangers sont pris en charge par les établissements d’accueil, tandis que les salaires des enseignants chinois sont à la charge du Hanban, qui contrôle le recrutement des enseignants et des enseignants bénévoles. Le Hanban finance aussi la production des ressources pédagogiques. Le management opérationnel de chaque Institut Confucius s’inscrit dans une logique bicéphale de coopération sinoétrangère : les directeurs chinois envoyés par le Hanban collaborent avec des directeurs locaux en matière d’ingénierie pédagogique, de gestion administrative, de développement d’activités culturelles et d’événements de relations publiques.

Accueillir un Institut Confucius apparaît comme une occasion de développement pour les universités des pays émergents ou en voie de développement. Pour autant, les Instituts Confucius font souvent l’objet de critiques sévères en raison de leur ingérence dans les pays hôtes, notamment dans les pays occidentaux. L’université canadienne de McMaster à Hamilton a par exemple fermé son Institut Confucius qui voulait discriminer à l’embauche les membres du Falungong [4] . En France, l’Institut créé en partenariat avec les universités Lyon 2 et 3 a été placé en liquidation judiciaire quatre ans après sa création, à la suite de la nomination d’un nouveau directeur chinois très conservateur et sévère quant à la ligne de son prédécesseur. Les Instituts Confucius sont régulièrement comparés à des chevaux de Troie (Ye et Edwards, 2018) permettant au gouvernement chinois d’atteindre des objectifs politiques. Certaines critiques portent sur l’absence de liberté académique (Schmidt, 2013) , puisque le traitement de certains sujets est manifestement orienté. Ainsi, l’on ne parle jamais, lors des cours, du massacre de la place Tian’anmen, de l’occupation du Tibet ou du statut de Taïwan. D’autres pointent la croissance exponentielle du nombre d’Instituts au détriment de la qualité, notamment en ce qui concerne les ressources pédagogiques limitées (Ren, 2012; Siow, 2011) . Bien que les Instituts Confucius doivent, selon la rhétorique politicienne chinoise, permettre de mieux communiquer avec le reste du monde, leurs objectifs consistent plutôt à présenter un visage pacifique, amical et avenant du pays, de manière à contrebalancer les perceptions d’une Chine dominatrice et conquérante, soucieuse de son seul essor économique.

Les activités des Instituts Confucius en Afrique en tant que modalités concrètes d’une diplomatie publique au service de la communication stratégique de l’État chinois sont l’objet de cet article. Une revue de littérature permettra tout d’abord d’appréhender les différentes acceptions du concept de diplomatie publique et les activités communicationnelles visant des publics étrangers afférentes dans le contexte chinois (partie 1). La description et la justification de la méthodologie d’enquête de terrain choisie pour appréhender cet objet de recherche sensible évoqueront la valeur heuristique de l’observation ethnographique des situations et des traces de travail quotidiennes au sein de l’Institut Confucius de Nairobi, rattaché à l’Université kenyane de Nairobi, celles des directeurs, des enseignants et des étudiants. Notre immersion intensive d’un mois a de surcroît permis de participer à la vie étudiante intense qui se cristallise autour d’un Institut Confucius et participe à son rayonnement (partie 2). L’analyse des nombreuses activités éducatives et culturelles qui relèvent de l’Institut Confucius de Nairobi permettra ensuite de dévoiler la manière dont s’actualise la doctrine contemporaine chinoise en matière de diplomatie publique (partie 3).

Une doctrine et des pratiques chinoises spécifiques de diplomatie publique?

Le volet des sciences politiques s’intéressant aux relations internationales décrit la communication internationale comme « le transfert de valeurs, d’attitudes, d’opinions et d’informations par l’intervention des individus, des groupes, des gouvernements et des technologies » (Mowlana, 1997, p. 207), tandis que le volet des sciences de l a communication qui traite les questions diplomatiques en propose une définition qui insiste sur la dimension relationnelle, avec l’idée de « rencontre entre entités (individus, groupes, etc.) provenant de nations différentes » (Agbobli, 2011, p. 72) . La diplomatie publique est généralement définie comme rassemblant les discours d’un gouvernement destinés spécifiquement à ses publics étrangers « dans le but d’affecter leurs opinions et in fine , celles de leurs gouvernants » (Malone, 1985, p. 199) . Elle participe donc au renforcement du soft power d’un État par la diffusion d’idées, de normes et de valeurs (Nye, 2006) .

La notion de diplomatie publique est apparue pendant la guerre froide pour évoquer les activités communicationnelles visant à soutenir et à gagner la « bataille idéologique » (Gilboa, 2008, p. 55) , soit une vision qui insiste sur les objectifs stratégiques. La diplomatie publique part du postulat contesté (Blanc, Loisel et Scherrer, 2005) que les croyances, les opinions et les attitudes des populations pèsent sur la formulation et la mise en œuvre des politiques étrangères (Pahlavi, 2013) . Il s’agit d’influer sur les cadres de pensée des catégories très variées de publics étrangers dans le but de peser sur les processus de décision politique (Huang et Arifon, 2018) en prononçant des discours, mais aussi à travers toute une série d’activités éducatives et culturelles. L’objectif est toujours de favoriser la compréhension et d’obtenir l’adhésion à des idées, des croyances, des normes et des valeurs, d’exporter des institutions et des pratiques culturelles, afin de favoriser ses intérêts nationaux (Frederick, 1992; Tuch, 1990) .

L’évolution des modèles de diplomatie publique

En communication internationale, la diplomatie publique reste très liée à une conception développementaliste qui suppose que certains modèles de gouvernance, organisations sociales ou traits culturels sont meilleurs que d’autres et doivent être exportés. Dans la littérature anglo-saxonne, la notion de diplomatie publique est occasionnellement prise comme un synonyme de celle de propagande (Blitz, 2007) , ou l’une des composantes des relations publiques internationales (L’Etang, 2009). Certains chercheurs considèrent la diplomatie publique dans une perspective de marketing et l’associent au nation branding (Buhmann et Ingenhoff, 2015; Ingenhoff et Fuhrer, 2010) . Eytan Gilboa (2008) invite à considérer la diplomatie publique comme un champ d’études à part entière, qui suppose d’analyser les discours des États et leurs objectifs, leurs supports et leurs techniques de communication, ainsi que les activités qui peuvent être déployées dans ce cadre et, enfin, les relations entre les États et leurs nombreux publics. Il a aussi proposé une typologie qui rend compte des deux formes historiques principales de diplomatie publique qu’il considère.

Dans le contexte très tendu de la guerre froide, la capacité d’un État à diffuser son modèle de développement économique et sa culture « est considérée comme un reflet de sa puissance » (Pamment, 2015, p. 190). Les États-Unis utilisent alors principalement la radiodiffusion à l’échelle mondiale pour promouvoir leur modèle politique, le libéralisme et la liberté d’expression, mais aussi l’ American way of life , gage de développement économique. On parle alors de diplomatie publique, pour éviter d’employer les termes trop connotés de propagande ou de désinformation (Cull, 2016; Scott-Smith, 2009). Lorsqu’Edmund Gullion forge le concept de diplomatie publique, il désigne la « tentative d’influencer l’esprit des gens par divers canaux, contenus et supports » (cité dans Waller, 2007, p. 25) . L’opinion publique est promue au rang d’« instrument de changement social, culturel et politique » (Pamment, 2015, p. 194) . Dans ce modèle fonctionnaliste simpliste de la communication, les publics étrangers adhèrent progressivement par capillarité à ce qu’ils lisent et entendent dans les médias internationaux, jusqu’à intégrer les idées et les valeurs promues par le gouvernement A d’un pays étranger. Puis, conformément au modèle de la communication en deux étapes, ces publics font pression sur leur propre gouvernement B pour que celui-ci abandonne son « hostilité » vis-à-vis du gouvernement A (Gilboa, 2008, p. 59) .

La conception contemporaine de la diplomatie publique est apparue après l’attaque terroriste du 11 septembre (Snow et Taylor, 2009) . Inspirée par des théories anglo-saxonnes sur les relations publiques (Kent et Taylor, 2002; Zaharna, 2000) et la communication stratégique (Hallahan et al. , 2007), cette conception dite « relationnelle » valorise les stratégies de communication mixtes qui intègrent des activités communicationnelles stratégiques comme le storytelling et le dialogue. Elle valorise les efforts faits par les États pour gérer leurs relations internationales « en s’engageant auprès des publics étrangers » (Cull, 2009, p. 12), car ces relations tissées avec des acteurs de la société civile participent en profondeur au renforcement du soft power des États au-delà de l’image de gouvernements de passage.

Pour Signitzer et Wamser (2010), la diplomatie publique serait donc une forme de communication stratégique, celle des États-nations. Si l’on définit la communication stratégique comme un ensemble d’actions conjointes et coordonnées de communication mises en œuvre par une organisation afin d’atteindre des objectifs (Hallahan et al. , 2007), alors la diplomatie publique n’est pas synonyme de communication stratégique. Elle procède néanmoins toujours d’un calcul stratégique que certaines approches théoriques contemporaines occultent. Ainsi, la conception de Nye (2004) de la diplomatie publique préfigure l’émergence d’une « nouvelle diplomatie publique » hyper relationniste qui exalte les vertus du dialogue horizontal, du débat, de l’engagement, de la collaboration et le tissage des relations humaines affectives (Peterson, 2003) .

La croissance de l’influence économique et financière chinoise depuis 2000 renforce la volonté des dirigeants du PCC d’améliorer le soft power chinois et d’investir de plus en plus dans la diplomatie publique. Contrairement au concept de diplomatie publique, celui de soft power est très usité au-delà des sphères académiques. Sa définition est aussi plus consensuelle. Le soft power d’un État correspond à sa capacité d’utiliser de manière étudiée des ressources immatérielles variées pour séduire le(s) public(s) étranger(s) : modèles économiques, idées et idéologie, et culture au sens large : langues, arts, patrimoine historique, gastronomie, mode de vie, religions, etc. (Nye, 2004.) La théorisation de la diplomatie publique dans la sphère académique chinoise est très influencée par la littérature anglo-saxonne en soft power et en relations publiques. Pour les théoriciens chinois en science politique et en science de la communication (Ji, 2012; Zhao, 2015; Zhao, 2011), la diplomatie publique chinoise est un ensemble de stratégies et d’outils communicationnels organisés par l’État pour déployer son soft power à l’échelle internationale. Elle rejoint les pratiques de wai xuan (traduit littéralement : propagande externe ) du PCC qui visent à mobiliser les relais médiatiques en vue de sensibiliser les cibles à l’international aux réalisations de la Chine et à la construction d’une nouvelle image de la Chine : une Chine amicale et pacifique à l’égard des publics étrangers (Huang et Wang, sous presse).

En raison des gigantesques investissements géopolitiques et économiques en Afrique, le gouvernement chinois considère l’Afrique comme le « terrain expérimental » le plus important pour exercer le soft power chinois et réaliser des campagnes de diplomatie publique servant à séduire les publics africains et à défendre ses intérêts nationaux (He, 2015, p. 3). Dès lors, comment analyser la diplomatie publique chinoise en direction des populations africaines? Et quelle est son éventuelle spécificité?

Une forme spécifique de diplomatie publique en Chine

L’expression « diplomatie publique » a été employée pour la première fois dans la doctrine officielle chinoise en 2012 pour défendre l’idée que la Chine devait développer encore davantage sa communication vers et avec des publics étrangers, notamment à travers des activités culturelles (Hu, 2012). Xi Jinping (2013) appela de ses vœux l’avènement d’une nouvelle rhétorique, valable pour les Chinois et les étrangers, pour parler des pratiques de diplomatie publique visant à appuyer les actions relavant du wai xuan , soit la communication stratégique de la diplomatie.

La notion de propagande évoque des stratégies de contrôle, de manipulation ou de dénigrement basées sur la falsification, la tromperie et la désinformation (Ollivier-Yaniv, 2010), soit des stratégies propres aux régimes autoritaires ou totalitaires (Dulphy et al. , 2004). Un discours de propagande peut occulter des informations, les travestir en toute mauvaise foi, par exemple en prêtant à un adversaire « des propos ou des intentions qui vont nuire à son combat » (Augé, 2015, p. 28). Cette vision de la propagande contredit celle défendue par la plupart des travaux académiques chinois de référence, qui proposent des définitions dénuées de tout jugement normatif. Les différences entre propagande et communication publique sont perçues comme des subtilités occidentales trompeuses ou non applicables dans le contexte culturel chinois (Chen et Liu, 2015; Shi et Shi, 2007). La notion de propagande ne s’applique pas seulement à la propagande idéologique; ce terme générique rassemble toutes les activités communicationnelles : relations publiques, storytelling , marketing, publicité (Wang, 2008) . Le terme wai xuan , qui signifie littéralement «   propagande externe », décrit l’ensemble des activités communicationnelles sur la scène internationale qui visent à promouvoir une image positive et attrayante de la Chine (Sun, 2015) . La nature de ces activités n’est pas envisagée et aucun jugement de valeur n’est posé dans cette définition, ce qui permet aux chercheurs chinois de considérer la diplomatie publique comme une nouvelle manière de désigner le wai xuan , revalorisant le souhait du gouvernement chinois d’entrer en discussion avec les publics étrangers (Zhou, 2018) . De fait, la diplomatie publique est perçue comme prolongeant dans la continuité la propagande externe.

Pour le gouvernement chinois, le storytelling est considéré comme un outil essentiel de promotion du « rêve chinois ». Le storytelling permet à un État de « mettre en forme un discours qui tient l’audience captive, influe sur ses croyances, lui dicte son comportement » (Berut, 2010, p. 31). Dans son discours, le président Xi Jinping développe la stratégie chinoise du storytelling  : « le récit doit incorporer l’orientation d’un plan directeur pour une vie belle et heureuse; […] la production et la circulation des messages et des récits doivent respecter une orientation centrée sur les publics » (Xi, 2018a, paragr. 5). De plus, le gouvernement chinois considère les médias comme la clé de voûte d’une communication diplomatique chargée de « modifier son image de menace à opportunité, de danger à bienfaiteur » (Thussu, 2015, p. 36) ; les lourds investissements réalisés en Afrique en matière de radiodiffusion en témoignent, ainsi que la promotion de la radio centralisée des Instituts Confucius ( Broadcasting Confucius Institute , créé fin 2007).

Dans les discours officiels chinois, les Instituts Confucius apparaissent de manière très transparente dans les listes de médias de communication diplomatique. La Chine est « très claire au sujet de la défense de ses intérêts nationaux et veille d’une main de fer à ce que les médias servent ses intérêts » (Wasserman, 2016, p. 10) . Toutes les activités des médias chinois sont encadrées et contrôlées par le département de la propagande du PCC. Les médias sont considérés comme des « porte-parole » (Sun, 2015) au sein du « nom familial » du Parti. L’expression « nom familial », guan mei xing dang , fréquente dans la bouche de Xi Jinping, exprime bien le caractère organique des relations entre médias, parti et gouvernement. Toutes les publications subissent une autocensure institutionnelle interne et une double censure externe partisane et gouvernementale (Huang et Arifon, 2018) . En conséquence, dans le modèle chinois, les médias sont au service d’une diplomatie publique sous « domination du gouvernement » (Li et Wang, 2010, p. 25), d’où l’inquiétude des chercheurs internationaux qui condamnent les atteintes à la liberté de la presse en Afrique (Wasserman, 2012, 2016) et un nouvel impérialisme culturel. La stratégie chinoise pour faire taire ces critiques véhémentes est d’inciter les médias à ne pas aborder de sujets idéologiques ou politiques, sauf s’il s’agit de décrire des acteurs ou des politiques publiques locales de manière élogieuse et univoque.

Le modèle chinois de diplomatie publique met l’accent sur les interactions entre acteurs non étatiques chinois et publics étrangers. Le ministre des Affaires étrangères chinois définit par exemple la diplomatie publique comme un « effort visant à parvenir une compréhension mutuelle et un consensus […] à travers des activités communicationnelles réalisées par les acteurs non étatiques » (Yang, 2011, paragr. 3) . Certains chercheurs chinois insistent sur la mobilisation du storytelling dans les échanges interpersonnels sous toutes les formes de dialogue afin de séduire et de persuader les publics étrangers (Chen et Liu, 2015; Zhou, 2018) , car la caractéristique principale des échanges interpersonnels est l’interaction réciproque et l’engagement mutuel de tous les participants (Taylor et Kent, 2014). Afin de mettre en œuvre une communication stratégique efficace, il faut d’abord « se faire des amis », selon la doctrine de Zhou Enlai, ou faire « rêver de la Chine », selon celle de Xi Jinping, et donc commencer par dialoguer en direct avec des acteurs étrangers pour tisser des relations personnelles avec eux ( guanxi ).

Le guanxi est une notion confucéenne ambiguë profondément enracinée dans la culture chinoise traditionnelle. Les Chinois se perçoivent eux-mêmes comme indéfectiblement insérés dans un contexte et un environnement social (Tsui, Farh et Xin, 2000, p. 229). L a comparaison avec l’autre est une expérience fondatrice autant que le fait d’être inséré dans un guanxi , soit un système asymétrique d’échange de services et d’entraide. Les relations sociales ne sont pas des cercles concentriques, mais des cercles entrecroisés en rosace. Le concept apparenté de renqing décrit un sentiment : après avoir bénéficié d’une aide, on se sent redevable sans que cela soit vécu comme un poids, car les échanges participent de la dynamique sociale. Les mécanismes anthropologiques classiques de dons et de contre-dons se doublent dans la perspective chinoise d’une logique d’investissement. Le demandeur ne s’abaisse pas. Les échanges participent à la dynamique sociale, car le demandeur et le prêteur se font aussi un don mutuel, le don de la confiance, ce qui les élève tous deux. Quand les Chinois mobilisent leurs réseaux ( guanxi ) pour demander une aide, ils savent qu’ils devront rendre la pareille avec des intérêts laissés à leur libre appréciation subjective dans un avenir très proche en raison du renqing (Hwang, 1987).

Le guanxi est un fait et un processus social dynamique basé sur la confiance et le dialogue et lié au management relationnel entre une organisation et ses publics ( relationship management ). « La gestion efficace par une organisation de ses relations humaines avec ses publics autour d’intérêts communs et d’objectifs partagés permet une meilleure compréhension et des bénéfices mutuels [5] . » (Ledingham, 2003, p. 190.) Le confucianisme est en affinité avec la doctrine de saint Irénée, qui invite les hommes à se focaliser sur ce qui les unit ou les rapproche, quitte à occulter les points de désaccord ( qiu tong cun yi ). L’idée d’harmonie est intrinsèque au guanxi. Pour éviter tout blocage, les personnes doivent toujours trouver un terrain d’entente, un plus petit dénominateur d’objectifs ou d’intérêts communs, une prescription vérifiable dans la diplomatie publique chinoise et à laquelle contribuent les acteurs non gouvernementaux.

Dans ses recherches sur les Instituts Confucius et la diplomatie publique, Lahtinen (2015) propose une hypothèse sur le people to people diplomacy . Pour lui, l’implication de non-diplomates dans les efforts gouvernementaux de diplomatie publique contribuerait à son bon fonctionnement. Dans ce cadre, les échanges interpersonnels entre citoyens de pays différents participent de manière latente à la diplomatique publique de ces pays, qu’ils aient lieu au non dans le cadre institutionnel de programmes d’échanges culturels. Considérant que l’art peut transcender les frontières et faire naître l’émotion, les activités culturelles permettraient de créer davantage de proximité et de confiance , voire d’amitié, d’où de nouvelles solidarités entre nouvelles superpuissances et pays émergents ou en voie de développement (Yu, 2009).

Une fois posées les bases d’une réflexion théorique sur la spécificité de la conception chinoise de la diplomatie publique, nous nous intéresserons à la participation concrète des Instituts Confucius à la diplomatie publique.

Une méthodologie ethnodiscursive pour appréhender le sens des situations de travail ainsi que les supports et les traces d’activités communicationnelles stratégiques

Pour explorer les pratiques concrètes derrière les stratégies de la diplomatie publique chinoise, nous avons choisi de limiter notre terrain d’enquête à l’Institut Confucius de l’Université de Nairobi au Kenya. Cet Institut accueille chaque année 400 étudiants de tout niveau. Son personnel se composait, pendant l’année universitaire 2017-2018, de vingt employés, dont un directeur chinois, un directeur kenyan, trois assistants administratifs kenyans, trois maîtres de conférence kenyans, deux maîtres de conférence chinois et dix enseignants bénévoles chinois. Les bénévoles bénéficient d’un défraiement suffisant à assurer leur autonomie financière puisqu’ils n’ont aucuns frais de logement ou d’alimentation sur place. Les employés kenyans sont recrutés et payés par l’Université de Nairobi, tous les autres employés chinois sont recrutés et payés par le Hanban.

L’Institut Confucius de Nairobi gère plusieurs formations dédiées à l’apprentissage de la langue chinoise : la Licence de chinois langue étrangère en formation initiale, les formations semi-intensives pour les adultes, les formations axées sur des objectifs spécifiques destinées à des enseignants-chercheurs et des membres de certaines administrations (ministère des Affaires étrangères, Bureau de l’immigration, Autorité aéroportuaire). En coopération avec des entreprises chinoises, les médias et l’ambassade de Chine, cet institut organise une cinquantaine de grands événements culturels par année, comme le gala du Nouvel An chinois, le concours régional du « Pont vers le chinois » et la réception de la Fête du printemps. Cet Institut Confucius enquêté est labellisé « Exemple mondial » par le Hanban, ce qui signifie que ses outils pédagogiques et ses activités culturelles ont été jugés de manière très favorable et servent de modèle de référence pour d’autres Instituts Confucius.

L’étude de terrain a eu lieu en mars 2018. Un total de 16 employés de l’Institut Confucius ont accepté de participer à des entretiens semi-directifs : cinq hommes et onze femmes, trois Kenyans et treize Chinois, soit un professeur, cinq maîtres de conférences, dix enseignants bénévoles. Lors de la négociation du contrat de communication, ces personnes ont accepté d’être citées nommément dans le cadre d’une thèse de doctorat en français, mais pas dans le cadre d’un article; nous avons donc anonymisé les verbatims cités. Le respect de cet engagement pris est crucial, car la majorité des personnels des Instituts est recrutée par le Hanban, ce qui les inscrit de facto dans un système formel de censure. Du fait de la perception que les interlocuteurs pouvaient avoir de notre identité de chercheur français, mais maîtrisant parfaitement les codes culturels chinois (naissance, études supérieures et carrière de journaliste à la radio nationale en Chine), nous avons pu recueillir des témoignages de grande qualité. La conclusion s’est imposé à nous que les mécanismes d’autocensure ne s’étaient pas enclenchés ou avaient été surmontés grâce à notre identité perçue et à notre immersion dans la vie de l’équipe, qui s’est faite de manière évidente. Bien qu’il ne s’agît jamais de dissimuler nos questions précises de recherche, la dimension réflexive critique d’un article en sciences de l’information et de la communication publié dans une revue canadienne a certainement été difficile à conceptualiser pour certains de nos interlocuteurs très enthousiastes sur leur expérience kenyane.

La politique du terrain adoptée se décompose en une observation ethnographique intensive (Fassin et Bensa, 2008; Ketele et Roegiers, 2015; Marchive, 2012) : participation aux cours de différents niveaux, participation aux réunions pédagogiques et administratives, participation aux événements culturels et aux événements festifs, aide logistique à l’organisation de manifestations, à la rédaction de supports de communication événementielle, logement proche du campus où sont hébergés les employés de l’Institut, tenue d’un carnet d’étonnement et entretiens semi-directifs avec les employés en sus des discussions informelles. Les entretiens semi-directifs devaient permettre la vérification et l’approfondissement de pistes qui étaient ressorties d’entretiens non directifs (Ferréol et Deubel, 1993). En effet, après de premiers entretiens non directifs et exploratoires qui nous ont aidé à définir les différents thèmes liés aux missions quotidiennes et communicationnelles des enseignants à l’Institut Confucius de Nairobi, nous avons poursuivi avec des entretiens semi-directifs qui nous ont permis d’approfondir notre compréhension des travaux pédagogiques, de l’organisation des activités culturelles et des moyens et des techniques communicationnels dans et/ou en dehors de la classe avec les étudiants de différents enseignants de l’Institut Confucius (Imbert, 2010; Savoie-Zajc, 1997). Les entretiens sont déroulés en chinois avec les enseignants d’origine chinoise et en anglais avec les employés kenyans. Les situations de travail observées ont été rapportées pour faire sens face à l’ensemble des interactions sociales vécues. Ces expériences ont aussi été analysées en relation avec les documents de travail (Delcambre, 1990) et les traces d’activités que nous avons pu recueillir : matériel pédagogique, compte-rendus de réunion, murs d’affiches photographiés, archives des discussions sur la rare page Facebook investie. L’observation un mois durant du travail des employés a permis de comprendre le fonctionnement des différents départements, le déroulement des activités pédagogiques et les stratégies de communication, mais aussi la manière dont les enseignants interprètent les missions qui leur sont confiées.

Confrontées aux rapports officiels du Hanban, les données empiriques très riches recueillies à Nairobi permettent d’analyser la contribution des activités pédagogiques et communicationnelles de l’Institut Confucius à la diplomatie publique chinoise.

Les activités pédagogiques et sociales de l’Institut Confucius de Nairobi : mécanismes et stratégies d’enrôlement au service de la diplomatie publique chinoise

Selon les données officielles du Hanban, des Instituts Confucius sont déjà installés dans 41 pays africains, où ils ont formé plus de 1,4 million d’étudiants, ce qui constitue un record mondial par rapport aux autres continents d’implantation (Hanban, 2018c) . Ceci procède à la fois des investissements économiques de long terme effectués par la Chine en Afrique et des stratégies des Instituts, axées autant sur les offres pédagogiques que sur la vie culturelle et l’intégration sociale. Bien que le Hanban se déclare « indépendant » par rapport au gouvernement et revendique un statut d’organisme « non lucratif » (Hanban, 2018a [paragr. 4, 12, 31], 2018b), son règlement général et ses rapports, ainsi que ses activités dans les pays hôtes sont néanmoins soumis à des mécanismes d’autocensure autant qu’au travail zélé de la censure.

L’autocensure et la censure dans les activités des Instituts Confucius et dans celle spécifiquement de l’Institut de Nairobi

Le Hanban a reçu « un fort soutien de la part du gouvernement central […] : une aide politique du Bureau général du Conseil d’État, un soutien financier de 350 millions yuans du ministère des Finances, […] [la construction et la promotion] des Instituts sont considérées comme une mission essentielle pour les départements diplomatiques » (Hanban, 2006, p. 5-7). Les missions diplomatiques et paradiplomatiques des Instituts Confucius dans les rapports annuels du Hanban et dans le programme politique du 19 e  Congrès national du PCC sont : « approfondir la coopération sinoétrangère, exporter des modèles de développement innovants et travailler avec des pays étrangers pour une communauté d’avenir pour l’humanité » (Hanban, 2017, p. 1) .

Le Hanban est responsable du recrutement des enseignants et des enseignants bénévoles chinois. Le processus de sélection et de formation des nouveaux employés participe à son intégration de mécanisme d’autocensure. Les nouveaux enseignants recrutés doivent en effet signer et approuver un document qui n’est pas un simple contrat de travail ou un règlement interne puisque la ligne officielle y est rappelée.

Avant d’entrer en poste, chaque nouvel enseignant recruté doit participer à une session obligatoire de formation organisée par le Hanban, et ce, pour une durée allant de trois à six mois. La formation aborde des techniques et des méthodes d’enseignement du chinois ainsi qu’une initiation à la communication interculturelle qui est ponctuée de rappels à deux consignes : 1) respecter les cultures, les religions et les croyances des habitants des pays hôtes; 2) éviter de parler de sujets politiques sensibles, tels que la révolution culturelle, le mouvement d’indépendance de Hong Kong ou les personnalités politiques qui comptent en Chine. Plusieurs enseignants interviewés soulignent l’usage fréquent du terme évitement par les formateurs du Hanban, qui prescrivent d’éviter de parler de sujets sensibles, mais aussi d’éviter de manière plus générale les sujets politiques afin que les Instituts Confucius ne soient pas perçus comme des institutions relevant du gouvernement et du Parti.

« Par nos comportements, nous représentons notre pays […], nous sommes invités à ne pas aborder autant que possible les sujets relevant de la politique interne de la Chine, nous ne voulons pas que les étudiants […] pensent que notre enseignement s’inscrit dans une démarche de propagande ou une communication politique. […] [N]ous discutons […] avec les étudiants […] plutôt au sujet […] de l’économie chinoise et de toutes les bonnes choses dans notre société. » (Entretiens ICN-E, ICN-F, 12 mars 2018, traduction libre)

L’un des membres du comité de direction de l’Institut Confucius à Nairobi confirme cette consigne d’évitement et son application stricte, notamment grâce à des mécanismes d’autocensure zélée :

« Aucun enseignant n’est autorisé à participer à des mouvements politiques, à des manifestations sociales et à des activités religieuses dans le pays hôte. […] Pour les questions sensibles au Kenya, nous ne participons jamais à des rassemblements et nous n’en discutons pas afin de respecter […] le pays hôte. » (Entretien ICN-A, 03-3 mars 2018, traduction libre)

Le processus de validation des divers supports d’enseignement et de communication permet au gouvernement chinois de censurer efficacement la communication institutionnelle de l’Institut Confucius de Nairobi, mais les mécanismes individuels d’autocensure par évitement jouent aussi un rôle-clé dans la composition de l’image de l’Institut comme une organisation inoffensive et apolitique. Composante d’une institution publique chinoise dédiée à la formation, l’Institut Confucius kenyan participe néanmoins, à travers ses nombreuses activités, au programme politique et diplomatique de la Chine. Ce programme est promu conjointement par les agences de presses chinoises, qui publient des articles exclusivement positifs sur le Kenya et évitent soigneusement les sujets dévalorisants sur l’Afrique en général, ce qui permet à la Chine de s’assurer du soutien des dirigeants politiques locaux (Thussu, 2016).

S’attirer la sympathie des Kenyans grâce à des activités culturelles

Si le personnel de l’Institut Confucius de Nairobi respecte scrupuleusement les consignes d’évitement des sujets politiques pendant les cours et les moments de discussion informels, il organise de nombreuses activités culturelles pour la population kenyane, ce qui permet de présenter la Chine sous un jour positif. Un membre de la direction de l’Institut Confucius explique le rôle des activités culturelles et sociales au sein de sa stratégie :

« Organiser des événements culturels pour renforcer l’attractivité de la culture chinoise et faire en sorte que tout ce qui est chinois soit labellisé comme étant d’un haut niveau de qualité est l’une des tâches majeures de l’Institut Confucius local. » (Entretien ICN-A, 5 mars 2018, traduction libre)

Le très varié panel d’activités proposées permet d’intéresser un public qui aura une bonne image de la Chine à travers sa culture. La fête du Nouvel An chinois, le Chun Jie , est le point d’orgue de l’année. Elle donne lieu à de nombreuses fêtes, notamment des défilés et des banquets. Ces fêtes gratuites permettent de montrer l’art de vivre chinois, la magnificence, le raffinement, mais aussi un luxe, un peu clinquants, qui correspond aux moyens déployés, au goût chinois et à un moyen de renvoyer une image de puissance. Le 3 mars 2018, nous avons été invités par l’Institut Confucius et l’Ambassade de Chine au Kenya à assister à un gala du Kenya Chinese Arts Troupe à l’Université de Nairobi. Ce gala a attiré environ 900 spectateurs locaux et chinois. La salle de spectacle était décorée de manière à ce que les spectateurs soient plongés dans une ambiance typiquement chinoise : rideaux rouges, lanternes, décorations. L’ambassadeur de Chine au Kenya, Liu Xianfa, a prononcé, avant le gala, un discours dans lequel il expliquait de manière très transparente : « la culture traditionnelle chinoise est […] essentielle dans les valeurs fondamentales du socialisme, elle est aussi le noyau et l’élément vivant du soft power chinois. […] [C]e type d’événement peut contribuer à donner au peuple kenyan une bonne image de la Chine » (extrait du discours de l’ambassadeur chinois, 3 mars 2018, traduction libre).

Des comédiens kenyans et chinois participaient ensemble à ce gala. Ils chantèrent plusieurs chansons chinoises, comme «  wo ai ni, zhong guo  » (Chine, je vous aime), «  ai wo zhong hua  » (j’aime ma Chine) et «  wo he wo de zu guo (ma patrie et moi). Une saynète fut représentée pour évoquer la vie réelle des « excellents travailleurs du service ferroviaire Nairobi-Mombassa ». Une conductrice kenyane et son collègue chinois racontèrent une journée de travail ensemble de manière à valoriser la collaboration et l’amitié entre les employés du ferroviaire kenyans et chinois. La saynète se termina par une déclaration de la conductrice kenyane : « Je suis très heureuse! Si d’un coup de baguette magique, un chemin de fer permettait de rejoindre la Chine depuis le Kenya, je le conduirais et j’inviterais tous mes amis à monter dans mon train pour aller visiter la belle Chine! » (Extrait du discours de la conductrice dans sa saynète, 3 mars 2018, traduction libre.) Le texte déclamé par les acteurs reprenait des éléments du discours diplomatique officiel chinois à travers la promotion d’un exemple de projet sino-kenyan de coopération économique et sociale sur le modèle du storytelling , soit présenter des visages humains. Cette technique de communication propage une image positive de la Chine, en tant que pays sympathique et bienfaiteur.

Des membres de l’Institut Confucius de Nairobi participent souvent à des manifestations organisées par l’ambassade de la Chine au Kenya. Ses employés et ses étudiants se rendent à l’aéroport pour accueillir les dirigeants chinois pendant leurs visites officielles au Kenya et ils assistent aux réceptions de l’Ambassade. Les activités sociales organisées par l’Institut Confucius, spectacles ou expositions, participent à « l’offensive de charme de la Chine » (Kurlantzick, 2007) de par leur convivialité.

Les relations sociales et amicales promues leviers de communication stratégique

L’Institut Confucius participe à la diplomatie publique à travers ses activités socioculturelles et ses activités quotidiennes d’enseignement. Les enseignants nouent avec leurs étudiants des relations de proximité en passant beaucoup de temps avec eux en cours et en dehors des cours, ce qui leur permet d’échanger avec eux des idées, des conseils et, surtout, de les faire entrer dans le cercle des ambassadeurs officieux de la Chine.

Relations interpersonnelles

Les étudiants qui apprennent le chinois à l’Institut Confucius découvrent aussi des traits de la culture chinoise, notamment en fréquentant leurs enseignants chinois. La plupart des enseignants ont expliqué, durant l’enquête, qu’ils préféraient les cours évoquant des questions culturelles à ceux traitant de questions de grammaire et qu’ils utilisaient la culture du Kenya et pas seulement celle de la Chine dans sa dimension folklorique pour enseigner la langue. Les enseignants ont aussi témoigné de leurs efforts de préparation en amont de leurs cours pour acquérir des connaissances sur la culture du Kenya, des connaissances qu’ils utilisent ensuite en classe pour intéresser les étudiants et tisser des liens afin que la relation pédagogique soit aussi une relation amicale :

« mon premier cours, j’ai dit que […] les Chinois et les Kenyans se ressemblaient beaucoup, parce que je ressentais que la majorité des étudiants […] se sentaient très éloignés de moi. Je parle habituellement de la nourriture […] pour me rapprocher d’eux : […] l’Ugali (un aliment kenyan courant) est délicieux, ce plat me rappelle un aliment similaire de ma région en Chine. […] Les étudiants ont immédiatement commencé à me poser des questions sur […] la Chine. […] Ils m’adoptent facilement quand ils réalisent que nous avons des points communs. » (Entretien ICN-G, 22 mars 2018, traduction libre)

« nous devons d’abord nous intégrer à la vie quotidienne kenyane. [Les Kenyans] pensent que le peuple chinois a un niveau de revenu et de vie élevé. […] Quand je mentionne le fait que je me rends fréquemment aux marchés Massaï et que je prends régulièrement le “Matatu” [minibus collectif] pour rejoindre l’université, les élèves se sentent plus proches de moi. » (Entretien ICN-B, 21 mars 2018, traduction libre)

Grâce aux relations humaines affectives qu’ils tissent avec les étudiants, les enseignants les comprennent mieux et sont plus à même de trouver un terrain d’entente (Ghiglione, 1993). Lorsque les enseignants de l’Institut Confucius évoquent des points communs entre les cultures chinoise et kenyane ou lorsqu’ils évoquent leur expérience de vie au Kenya en classe, ils initient des relations extraprofessionnelles avec leurs étudiants, qui peuvent ensuite se transformer en échanges réguliers et en amitiés durables.

Mise en lumière du storytelling dans la routine des activités pédagogiques

La rencontre entre personnes de cultures diverses et la gestion de la distance et des malentendus possibles entre elles figurent parmi les enjeux importants de la communication internationale et interculturelle (Hsab et Stoiciu, 2011) . Les enseignants de l’Institut Confucius appréhendent ces enjeux en contournant les éventuels problèmes de communication, ce que Jullien (2010) a désigné comme une stratégie de l’accès par les détours. Alors que la culture décisionnelle occidentale est représentée de manière linéaire pour correspondre à un idéal de rationalité avec des séquences obligatoires rapides et ordonnées, le processus décisionnel idéal chinois peut être représenté par la spirale.

Pendant les cours auxquels nous avons pu assister, nous avons constaté que les enseignants mobilisent communément le storytelling et qu’ils se réfèrent souvent à leurs propres histoires pour illustrer une problématique de traduction ou d’interculturalité. Leurs discours sont comme focalisés sur la recherche de similarités interculturelles, qui sont autant de terrains d’entente où la discussion peut s’épanouir sans risquer de heurter les Kenyans et permettre de les convaincre que le partenariat sino-kenyan coule de source et est gagnant-gagnant.

Quand les étudiants kenyans s’interrogent sur l’athéisme qui fait partie de la doctrine officielle chinoise, les enseignants leur répondent en évoquant leur enfance et en utilisant l’argument de la prise à témoins, comme dans l’exemple suivant :

« On ne peut pas parler de politique, mais on peut parler de culture. […] [O]n apprend tous le Confucianisme […] comme les premiers vers du livre Classique des Trois Caractères[6]: […] “les hommes à la naissance sont naturellement bons [ren zhi chu, xing ben shan]”. La doctrine originale de Confucius vise à ce que les hommes soient des êtres bons et aimables les uns envers les autres. […] [E]lle est similaire à celle de leur religion à chacun d’eux. […] [L]es Chinois croient en leurs ancêtres et respectent les règles morales confucéennes. […] [L]es élèves peuvent non seulement mieux comprendre et être d’accord avec nous, mais aussi percevoir les logiques chinoises. » (Entretien ICN-E, 12 mars 2018, traduction libre)

La double assertion biographique de l’enseignant et de l’apprenti est un argument motivant, car les deux personnes sont traitées sur un pied d’égalité et ramenées à la période de la petite enfance qui est éminemment fondatrice. Les enseignants influencent aussi au quotidien et imperceptiblement les opinions des étudiants. Ils utilisent des supports pédagogiques qui, sur le fond, montrent la Chine comme un modèle de développement (textes sur les systèmes de paiement mobiles, les bicyclettes partagées et les réseaux ferroviaires) et qui, sur la forme, témoignent de la réalité de la supériorité technologique chinoise (omniprésence de la technologie dans les salles de classe). L’accord entre discours et matérialité est également convaincant. Les gadgets pédagogiques technologiques sont une vitrine attirante, ils permettent de séduire de nouveaux étudiants et de motiver les apprenants soucieux de découvrir lors des cours des innovations auxquelles ils n’auraient sinon pas accès. Ce n’est pas un hasard si tous les étudiants kenyans que nous avons rencontrés rêvent d’aller étudier en Chine (notes personnelles, 06-03-2018).

Le storytelling est un outil de communication encore plus puissant quand il est pratiqué par les enseignants kenyans, car il atteste de la réalité du miracle économique chinois, mais il rend aussi le « rêve chinois » accessible. Une enseignante kenyane explique avec un enthousiasme extraordinaire sa propre expérience d’apprentissage du chinois et son expérience de vie en Chine pendant ses cours. Ces récits intéressent les étudiants et leur donnent un surcroît de motivation, mais ils jouent aussi un rôle-clé dans la diplomatie publique nationale :

« Étant ancienne étudiante […] de cette institution, j’étais à votre place en 2005. Je suis allée en Chine pour étudier […] [et] je suis diplômée d’un Master en Chinois langue étrangère et maîtresse de conférence actuellement à l’Université. Je raconte souvent […] ce que j’ai vu dans les différentes villes chinoises que j’ai visitées pour encourager mes étudiants à aller en Chine […]. Je leur dis : “Regardez! La Chine nous a vraiment beaucoup aidés […], elle est la plus avancée du monde en matière technologique […], il y a tellement de choses à apprendre de la Chine”. » (Entretien ICN-D, 8 mars 2018, traduction libre)

Les enseignants de l’Institut Confucius mobilisent des récits personnels pour illustrer les différences sociales et culturelles entre la Chine et le Kenya. Les malentendus interculturels sont traités de manière anecdotique, des exemples précis permettent d’amener les étudiants kenyans à aimer la Chine et à ressentir de la gratitude. Ces sentiments participent à l’enrôlement (Callon et Latour, 2013) des étudiants, qui deviennent de facto des ambassadeurs officieux au service de la diplomatie publique, mais aussi de la communication stratégique chinoise.

Le storytelling favorise l’engagement affectif des locuteurs à travers « une identification d’appartenance ou des réactions émotionnelles » (Johnston, 2018, p. 22) . Il génère ainsi des évolutions cognitives et comportementales (Perloff, 2010). En vue de consolider le sentiment d’appartenance des étudiants à une communauté de sympathie prochinoise, ils sont invités à toutes les activités culturelles, peu importe leurs niveaux et leurs résultats. Pour autant, l’égalitarisme n’est pas absolu, l’Institut Confucius de Nairobi et sa direction, le Hanban, utilisent différentes gratifications et récompenses qui permettent aux étudiants de financer leurs études et d’être valorisés en tant que personnes à haut potentiel.

Récompenses attractives

Le Hanban distribue des bourses aux étudiants étrangers qui ont atteint le niveau HSK [7]   3 avec au minimum 180 points. Les bénéficiaires reçoivent une subvention qui leur permet d’aller étudier et vivre en Chine pendant cinq mois au minimum et quatre ans au maximum. Les enseignants encouragent leurs étudiants à atteindre ce niveau et les aident à préparer les évaluations. Ils donnent fréquemment des cours particuliers gratuits pour certains étudiants en difficulté. Ils organisent des formations axées sur la réussite de l’HSK qui sont destinées spécifiquement aux étudiants qui sont des hauts fonctionnaires. Une poignée d’étudiants bénéficie d’une aide toute particulière non pas parce qu’ils sont doués en chinois, mais parce qu’ils ont été identifiés comme étant des relais importants dans le cadre de la stratégie d’influence chinoise. Cette aide substantielle témoigne bien de la double fonction de l’examen, qui permet à la fois de sélectionner les meilleurs étudiants et de les récompenser pour leur travail, mais aussi de faire entrer d’autres étudiants dans un système de renqing , puisqu’ils seront redevables de leur réussite.

Des étudiants kenyans sont aussi sélectionnés pour participer à un concours régional puis international appelé « Pont vers le chinois », qui offre l’occasion aux lauréats d’aller visiter la Chine et d’y étudier. Les enseignants apportent, là encore, une aide individuelle et personnalisée aux étudiants kenyans qui sont candidats, de manière à ce qu’ils améliorent leurs compétences en langue et leurs qualités oratoires, mais aussi de manière à leur permettre de mettre en valeur leurs talents artistiques. Toutes les dépenses réalisées pour préparer la participation à ce concours sont financées par l’Institut.

Enfin, il existe une catégorie d’étudiants désignée par l’expression « étudiants d’élite », qui intègre des enseignants-chercheurs et des hauts fonctionnaires issus des formations au chinois sur objectif spécifique. Pour eux, l’Institut Confucius de Nairobi et le Hanban coopèrent avec les services administratifs afin d’organiser des voyages en Chine, qu’on appelle des camps d’été ou d’hiver. L’objectif de ces voyages organisés est de démontrer à ces étudiants de très haut niveau du développement du pays. Ces voyages mêlent les cours, les rencontres avec des acteurs économiques, les visites pédagogiques de sites industriels, de quartiers flambants neufs et de réalisations majeures comme des lignes de train ultramodernes. Ils sont financés de bout en bout par le gouvernement chinois.

Pendant ces voyages, les visiteurs sympathisent avec leurs homologues chinois, ils partagent le quotidien des autres membres de la délégation, ce qui crée un sentiment partagé d’appartenance à une communauté de sympathie pour la Chine. Ils se sentent gratifiés par le privilège d’avoir été choisis pour faire partie de ce voyage destiné à une élite. Ils entrent donc plus ou moins consciemment dans une dynamique de renqing . Les interactions avec des Chinois triés sur le volet leur permettent aussi de mieux apprécier la culture chinoise et les bienfaits de la coopération avec la Chine. Ces voyages s’inscrivent dans une stratégie d’influence qui mise sur le très long terme, car nul ne sait quand il y aura un retour sur investissement et quel sera son montant. L’efficacité des stratégies d’influence visant à accéder à des ressources naturelles ou à conquérir des parts de marché qui misent sur l’émotion est difficile à évaluer. Pour autant, l’ensemble des activités qui ont lieu en rapport avec l’Institut Confucius de Nairobi semblent tournées vers le relationnel, le bon guanxi  : qu’il s’agisse des voyages exceptionnels et dispendieux ou des relations quotidiennes entre les enseignants et leurs étudiants.

Dans le processus de la diplomatie publique chinoise, l’Institut Confucius met en œuvre une stratégie relationniste affective de communication stratégique à travers une approche pédagogique fondée sur l’idée de bienveillance et de promotion du miracle économique chinois et des trésors de son patrimoine culturel. Séduits par une Chine qui vend la promesse d’occasions réelles avérées à ceux qui apprennent sa langue, les étudiants nourrissent des sentiments très positifs à l’égard du partenariat avec la Chine et de la présence chinoise au Kenya, et chacun d’eux se trouve enrôlé comme ambassadeur de la diplomatie publique chinoise.

Conclusion

Les modèles théoriques relatifs à la diplomatie publique insistent sur le fait que celle-ci peut emprunter des voies différentes : des pratiques de propagande ( wai xuan ) et des activités sociales et culturelles, qui permettent de tisser des relations amicales entre les peuples. Par ses activités pédagogiques et sociales, l’Institut Confucius de Nairobi participe très concrètement à la diplomatie publique chinoise. Afin « de créer une communauté toujours plus forte avec un avenir commun grâce à la coopération gagnant-gagnant entre la Chine et l’Afrique » (Xi, 2018b, paragr. 2), les Instituts pratiquent une forme de propagande indirecte par le truchement du discours des enseignants qui valorisent le succès économique de la Chine et ses traditions culturelles tout en évitant les sujets politiques. Le double travail de censure partisane et gouvernementale est grandement facilité par les mécanismes d’autocensure des personnels. En proposant des activités sociales et culturelles qu’ils animent et en apportant une aide personnalisée aux étudiants, ils créent un réseau relationnel de sympathie, de gratitude et d’interdépendances ( renqing ).

Le modèle chinois de diplomatie publique mêle étroitement des pratiques de propagande externe, notamment à travers un storytelling et des activités sociales, qui permettent de tisser des relations extraprofessionnelles amicales entre les Chinois et les Kenyans qui gravitent autour de l’Institut. Proximité et sympathie permettent autant de faire passer le message d’une Chine non conquérante et bienfaitrice que le financement des voyages, les bourses d’études, les prix et les activités culturelles de prestige. La diplomatie publique chinoise en Afrique s’inscrit dans une stratégie à très long terme qui suppose de « faire rêver les Africains de la Chine ». Nul doute que les Instituts Confucius y contribuent, patiemment, discrètement et efficacement.