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Pendant longtemps, l’histoire du cinéma a commencé autour de 1895 et la « naissance du cinéma », avec les travaux mettant au point le Kinetoscope d’Edison et le Cinématographe des frères Lumière. Cette vision anthropomorphique et téléologique a disparu des travaux scientifiques. Les historiens du cinéma englobent dorénavant l’évolution technique dans une série de processus d’innovation encadrés par des éléments économiques et culturels. La technologie du son au cinéma ne fait pas exception. En ce qui a trait aux images en mouvement, par exemple, si on analyse le rapport entre audio et visuel, il est nécessaire d’observer ce qui se déroule avant les années 1890. De plus, la technologie de la reproduction du son est antérieure à celle de la reproduction mécanique des images en mouvement. On trouve un discours critique, journalistique et historiographique lié au phonographe (1877) près de vingt ans avant celui qui analyse le Cinématographe, le Bioskop et le Kinetoscope. Giusy Pisano fait pour sa part démarrer son Archéologie du cinéma sonore (2004) dans l’Antiquité et s’attarde sur les travaux des xviiie et xixe siècles, pour s’arrêter dans les premières années du xxe siècle. Mais ce travail minutieux est récent. Pendant très longtemps, les articles et ouvrages ne prenaient pas en compte le passé technologique. Des années 1900 jusque vers 1930, l’association de la reproduction des sons avec la reproduction des images entraîna une littérature marquée par une vision optimiste et téléologique du progrès inéluctable de « l’analogie au réel » dans la reproduction de la réalité.

Pendant les années 1900, la presse corporative ne se soucie pas de mettre en avant « l’invention du cinéma parlant ». Cette notion viendra bien plus tard, une fois que la généralisation aura eu lieu. Le discours sur les inventions est rétrospectif, avec construction téléologique. En réalité, il y a tant de propositions d’accompagnement sonore qu’il serait difficile de proclamer que tel ou tel système va s’imposer sur le marché. Le parlant, chantant, plus ou moins synchrone, est une attraction parmi d’autres. Au discours empreint d’enthousiasme à l’endroit de la technologie se développant entre les années 1890 et les années 1920, vont succéder des points de vue très différents. On constate un retournement du discours historique, qui s’explique par l’amour/haine que les journalistes et historiens du cinéma éprouvent à l’égard des « nouvelles technologies » après 1928. Entre 1928 et 1933, on trouve de nombreux critiques refusant d’attribuer toute considération « artistique » au parlant. Le « muet » (notion qui vient d’être créée, fin 1929) semblait l’art cinématographique par excellence. Mais quand le cinéma sonore paraît définitivement installé (vers 1934), les critiques commencent à revendiquer ce « progrès technologique ». Par journaux interposés, la querelle de la primauté de l’invention du parlant s’amorce au milieu des années 1930, avec une visée nationaliste. Au cours du siècle, le discours sur la technologie du son a varié considérablement selon qu’il provenait de journalistes, de techniciens, de cinéastes, d’historiens, de théoriciens…

Pour analyser ces discours, nous étudierons des articles tirés de revues corporatives aussi bien que de journaux grand public, avant d’aborder les regards historiques. Notre choix dans ces documents de première main nous permet d’avoir une idée des différents types de textes représentatifs écrits à plusieurs époques. Les historiens ont envisagé le changement technologique sous des angles très divers. Les premiers historiens sont des critiques. Ils regardent quelques années en arrière avec nostalgie. Puis, à partir des années 1970-1980, différentes façons de lire l’histoire du cinéma permettent d’étudier l’arrivée progressive du son sous des angles très variés. Dans les dernières années, la littérature scientifique portant sur cette lente transformation technologique a permis d’éclairer des facettes oubliées de l’histoire d’un cinéma qui foisonnait de sons.

1. Enthousiasme pour les technologies du son et discours prophétique

La reproduction synchronisée des images et des sons exalte l’enthousiasme des journalistes et des scientifiques du tournant du xxe siècle. Les morts pourront continuer à nous parler, expliquent les journaux. Les textes issus de ces journaux mêlent confusément les notions de transmission, de mémoire et de paix universelle. Le style lyrique s’enflamme et ceux qui n’ont pas été témoins du procédé, mais veulent en parler, usent de leur imagination. Entre 1895 et les années 1920, on trouve un grand nombre de discours de ce type :

Il serait difficile de rencontrer un Parisien qui ne se soit rendu à l’appel du doigt articulé d’Edison, celui qui fait pstt ! psst ! sur le boulevard […]. Alors je dirai notre émerveillement devant le kinétoscope, auquel on a ajouté maintenant un phonographe, ce qui nous reconstitue en même temps le rythme par les sons de l’orchestre et par le pas de la gitana sur la scène

G.L., Le Siècle de Lyon, 9 janvier 1896, cité dans Rittaud-Hutinet 1999, p. 350

Le lyrisme des journalistes constitue le premier discours sur les techniques du son associées aux « vues » cinématographiques, si on exclut l’ouvrage intitulé History of the Kinetograph, Kinetoscope and Kineto-Phonograph, écrit par Dickson dès 1895 pour célébrer son travail avec Edison. Quand les critiques n’ont pas eux-mêmes fait l’expérience de ce spectacle, ils imaginent ce que cela donne : « […] et par combinaison avec un phonographe, la parole ou le chant, bref toute la lyre, toute la vue notée et rendue [2] ! » (anonyme, Le Journal d’Amiens, indicateur de la Somme, 19 juin 1897, cité dans Rittaud-Hutinet 1999, p. 48). Cette description ne correspond à rien de réel. La technologie « nouvelle » facilite le discours imaginaire. La plus classique de toutes les phrases revient sous la plume des chroniqueurs comme un leitmotiv :

Il ne manque plus que l’adaptation à cet appareil de la photographie en couleurs et du phonographe parleur pour donner la reproduction exacte de la vie

anonyme, La France-Comté, Besançon, 13 mai 1896, cité dans Rittaud-Hutinet 1999, p. 84, c’est nous qui soulignons

La reproduction de la vie, souvent associée à l’idée d’abolition de la mort, représente une grande partie du discours sur le cinéma parlant. Jusque dans les années 1930, ce dernier permettra aux journaux et aux inventeurs et industriels de justifier, « pour le bien de toute l’humanité », les inventions concernant ce domaine. Le film parlant permet de se faire entendre même après la mort, tel est le discours tenu par le professeur d’Arsonval présentant un système Gaumont d’enregistrement en son direct en décembre 1910 (filmé par le Chronophone), aussi bien que celui de William Hays (« Now, neither the artist, nor his art, will ever wholly die » [cité dans Bandy 1989, p. 17]), filmé avec le Vitaphone en août 1926 [3].

Qu’il soit effectif ou fantasmé, le progrès technologique entraîne la presse de la fin du xixe siècle à encourager tout élément tirant vers le « réalisme » dans un grand mouvement « positiviste » (sans le comtisme). « Mais patience, le phonographe aidant, on verra et on entendra tout et de partout, sans avoir à se déranger » (anonyme, L’Union républicaine de la Marne, 30 octobre 1896, cité dans Rittaud-Hutinet 1999, p. 126-127).

Ces visions d’un progrès infini ont entraîné chez les premiers historiens une vision téléologique. L’industrialisation et la diffusion des inventions et nouveaux procédés poussent à une vision sans cesse améliorée de l’avenir (le discours catastrophiste n’est pas de mise). Le texte d’un spécialiste du son, François Dussaud, paru en 1906, synthétise parfaitement cette manière de présenter l’évolution technique :

Depuis Gutenberg, aucune oeuvre n’aura pesé sur la destinée humaine comme celle de l’industrie du phonographe et du cinématographe […]. [Nous avons eu une 1re époque de tradition orale, une 2e époque de tradition écrite, une 3e époque avec l’imprimerie et voici la 4e époque :] l’époque contemporaine du phonographe et du cinématographe par l’industrialisation des découvertes scientifiques a mis à la portée de tous les hommes, quel que soit leur âge, quelle que soit leur ignorance, le moyen de connaître intégralement tout ce qui se passe loin d’eux dans le temps et dans l’espace.

Dussaud se place dans une dimension historique globale. Ce scientifique suisse [4], qui mit au point le système d’amplification des sons par air comprimé pour Gaumont, envisage son et image comme des outils permettant de lutter contre l’obscurantisme et la méconnaissance des autres. Avec des accents prophétiques, il déclare que « le phonographe et le cinématographe pacifieront le monde » (Dussaud 1906). Le discours journalistique reprend l’idée d’un futur idéal dans lequel la mémoire de la culture se transmet grâce au cinématographe parlant. Les films parlants de l’Exposition universelle de Paris en 1900 incitent le journaliste du Figaro à imaginer le sauvetage du patrimoine théâtral :

Grâce à la combinaison complète et absolue de ces deux merveilles modernes, le phonographe et le cinématographe, on est arrivé à un résultat d’une rare perfection et dont il faut féliciter M.M. Clément Maurice et Lioret. […] Quant au phonographe, c’est également une pure merveille de netteté et de sonorité […]. Nos petits-neveux admireront les sublimes attitudes de Sarah, entendront la voix claironnante de Coquelin, et revivront nos émotions et nos joies artistiques

Le Figaro, 8 juin 1900, cité dans Meusy 2002, p. 90, c’est nous qui soulignons[5]

Les « petits-neveux » du journaliste écrivant ces lignes en 1900 pourront donc admirer Sarah Bernhardt (qui reste muette, en fait, dans ce film de 1900) et écouter Coquelin.

Un des premiers discours concernant le son synchronisé aux films mêle donc l’admiration pour un progrès industriel sans faille et une vision prophétique de l’avenir. Grâce aux films synchronisés, entre 1896 et 1907, on pense que l’avenir sera en paix et que la culture sera préservée. En parallèle à cette vision prophétique, on trouve toutefois un discours plus promotionnel.

2. Discours critique ou promotionnel (1900-1914) ?

L’enthousiasme des journalistes est parfois forcé. Par contre, ils admirent sincèrement le « réalisme » sono-visuel, notion qui évolue au gré des époques. Les techniciens du son ont suscité une modification des critères du « réalisme », pour un temps associé au théâtre. Les journaux aiment décrire les procédés sonores, mais ils manquent parfois de précision et certains systèmes sont oubliés. Ce fut le cas d’un synchronisme Pathé.

En 1906, montrer du « théâtre parlant » avec des vues cinématographiées, c’est une réussite complète pour un exploitant :

Ce n’est plus de la pantomime morte et monotone à la longue, mais bien du théâtre, du vrai théâtre, avec du dialogue, des réparties spirituelles, des conversations hilarantes. Les gestes et la parole ! On comprend que cette innovation ouvre un champ nouveau à l’intelligent directeur M. Pierre Iunk. Il permet d’aborder l’interprétation d’opéras, d’opérettes, de comédies, de chansonnettes, de scènes dramatiques et comiques. On joue et chante : Aïda, Mignon, Carmen, La fille du régiment, Guillaume Tell, La visite au Major, Le muet mélomane […] »

anonyme, La Dépêche de Rouen, 23 octobre 1906, cité dans Poupion 2002, p. 288

Ici, le journaliste félicite un forain qui utilise les dernières technologies. Rapprocher le cinéma du théâtre, c’est alors lui donner une forme de légitimité. Au contraire, en 1930, le plus gros reproche concernant le cinéma parlant sera qu’il fait du théâtre, « du vrai théâtre », et non plus « de la pantomime », ce que beaucoup de critiques de cinéma regrettent amèrement pendant la période de généralisation du parlant. À l’opposé, faire vivre « sur scène » des personnages comme au théâtre, c’est, dans les années 1900, le gage d’une réussite. Être au plus près de la vie, du réalisme, s’avère un des leitmotivs les plus forts du discours sur la technologie du son. Le discours journalistique ne doit pas être confondu avec les écrits des spécialistes. Cette « idée de réalisme » grâce au son évolue assez vite, dans les années 1930, avec des articles du Journal of the Society of Motion Pictures Engineers qui expliquent les placements du micro et le contrôle du volume de façons différentes au début ou à la fin des années 1930 (Altman 1989). La notion de « réalisme » fluctue de façon très nette dans les discours à peu d’années d’intervalle.

Le compte rendu d’une séance à Nice, dans un quotidien local, développe ce thème en 1907 :

Le même succès a accueilli les sélections musicales d’opéras populaires, comme Le Barbier de Séville, Lakmé, Mignon, etc. Et l’illusion a été si grande qu’on a pu réellement s’imaginer assister à une véritable représentation théâtrale, avec des personnages bien vivants, se mouvant dans de naturels décors

anonyme 1907

Qualifier de théâtral un spectacle de cinématographie sonore reste un compliment jusqu’à la fin des années 1920. Cela permet d’accentuer la réussite et le « réalisme » (théâtral !) des scènes montrées. Ce discours sur la dernière technologie tend ici à légitimer le cinéma en le rapprochant des arts les plus reconnus, théâtre et opéra en tête.

En France, autour de 1906, de grandes soirées corporatives servent à encourager les exploitants à s’équiper de nouveaux appareils et à acheter (puis louer) les nouvelles productions. Le 13 mai 1906, la première « Fête de Phono-Ciné-Gazette » promeut le procédé Pathé appelé (parfois) Ciné-Phono. L’enthousiasme des critiques de la revue (qui organise l’événement) semble forcé. Les problèmes liés à la synchronisation par cette technologie sonore rudimentaire (téléphone + phono) restent sous-entendus : « Le synchronisme le plus absolu a été constaté entre le ciné et le phono et le public a compris la difficulté : il a vigoureusement applaudi » (anonyme 1906). La promotion sans questionnement sur la technique s’approche d’un discours publicitaire. Après une deuxième soirée montrant les appareils Pathé, le compte rendu de Phono-Ciné-Gazette reste promotionnel :

La concordance était parfaite, le synchronisme absolu entre le mouvement des lèvres sur l’écran et le son du phonographe à air comprimé. Il est vrai que nous avions d’excellents opérateurs de la maison Pathé qui se jouent de ces difficultés

anonyme 1906a

Le doute sur la maniabilité de l’appareil se glisse entre les lignes.

Signalons à propos de cette technologie Pathé, qui allie le savoir-faire de ses deux branches (ciné et phono) alors qu’elles devaient rester séparées (par contrat), que les historiens de la firme Pathé ont totalement oublié ces présentations sonores jusque dans les années 1990. Dans le grand ouvrage consacré à l’exposition Pathé en 1994-1995 au centre Beaubourg à Paris, on affirme que jamais cela n’exista : « [Charles Pathé] ne réalise malheureusement pas le rapprochement du son et de l’image » (Marty 1994, p. 143). Les autres histoires générales du cinéma, même récentes, quand elles ne sont pas spécialisées dans l’analyse des techniques du son, font de même. C’est le cas de l’ouvrage Une histoire du cinéma français, dirigé par Claude Beylie (2000, p. 20) [6].

Nous avons parlé de cet « escamotage du Ciné-Phono » chez les historiens [7]. La technologie du son est restée moins étudiée que celle concernant l’image, ce qui explique ces oublis. Par ailleurs, Pathé n’a jamais promu « ses recherches scientifiques », contrairement à Léon Gaumont, passionné par la question du son. Ce dernier a été attentif à mettre en valeur les travaux de son équipe d’ingénieurs en ce domaine. Il n’est donc pas étonnant de constater la présence de Gaumont au coeur de la polémique, à teneur nationaliste, recoupant les discours critiques et historiques au milieu des années 1930 au sujet de l’invention du parlant. Mais dans un premier temps, il convient d’étudier l’autre polémique liée à la généralisation du parlant, lorsque les journalistes s’opposèrent à l’arrivée de cette technologie.

3. Polémiques sur l’invention du parlant

Quand le cinéma « muet » triomphe sur les écrans, pendant les années 1920, les journalistes et critiques de cinéma sont plutôt opposés au parlant. En France, les magazines de cinéma rejettent la transformation technologique. « Le cinéma a été fait pour être muet et nous l’aimons ainsi. Il faut qu’il reste muet », explique Robert Florey (1921), alors rédacteur à Cinémagazine. Ce même Florey sera un des premiers Français à réaliser des films 100 % parlants, à Hollywood (en 1929) puis en France (en 1930). Entre le début de 1927 et la fin de 1929, nombre de critiques et de cinéastes se fendent de longs articles contre les « talkies » qui sont en train de se généraliser à Hollywood. René Clair a rassemblé certains de ces textes dans Cinéma d’hier, cinéma d’aujourd’hui (1970, p. 187-194). Il cite Pierre Scize (« on peut tout craindre du film parlant. La régression qu’il nous apporte semble fatale » [p. 189]), Émile Vuillermoz (« ces prétendus progrès risquent de condamner le septième art à l’enlisement » [p. 188]), etc. Dans toutes les revues de l’époque, on trouve de telles déclarations, comme celle de Jean Renoir à Mon Ciné en mars 1929 : « Pourquoi le film parlant, quand l’art muet nous procure, tel qu’il est, des satisfactions merveilleuses et complètes. » Au cours de l’année 1929, rares sont ceux qui défendent la production sonore. C’est le cas de Sacha Guitry (1929), qui déclare que « le cinéma parlant apportera à la fois la voix et le jeu d’acteurs qu’il [le public] n’aurait jamais pu aller entendre au théâtre. » Dans cet entretien, Guitry anticipe sur la position défendue ensuite par Marcel Pagnol. Quand ce dernier reformule ses idées sous la forme d’un texte, « Cinématurgie de Paris », en 1933, il déclenche la colère des critiques français, à cette date qui nous paraît tardive par rapport à la généralisation du parlant [8]. La « nouveauté technologique » a mis assez longtemps pour être acceptée par la critique de cinéma. Puis le discours journalistique évolue autour de 1934-1935, quand le muet a disparu. Il s’agit alors de revendiquer cette invention qui fut décriée peu avant.

Le discours de légitimation de ses inventions devant les milieux scientifiques explique pourquoi Gaumont et son Chronophone reviennent dans la mémoire des journalistes. C’est Léon Gaumont lui-même qui incite à la polémique, car il cherche (comme les Lumière) une reconnaissance nationale et « patrimoniale ». Citons, par exemple, la présence de l’appareil dans une « réunion internationale de physiciens », en 1907, qui accueillit Marie Curie et des chercheurs d’universités européennes. Dans ce cadre, « le clou de l’exposition était le nouveau Chronophone de Gaumont » (anonyme 1907a), d’après le chroniqueur de Phono-Ciné-Gazette, qui semble un peu exagérer, ou qui est peut-être dépassé par les autres sujets de discussion, tels ceux liés à la relativité einsteinienne ! Gaumont est avide de présentations devant l’Académie des sciences et autres sociétés, telle la Société française de photographie. La séance de démonstration du Chronophone avec enregistrement en son direct devant l’Académie des sciences le 27 décembre 1910 a été largement relayée par la presse [9]. Il en va de même pour la séance devant la Société française de photographie, avec le même programme, le 19 février 1911 [10]. Léon Gaumont réutilisera ensuite ces articles de presse pour prouver l’antériorité de sa production de films parlants sur celle des Warner. À partir de mars 1913, des pièces de théâtre d’une durée de quinze à vingt minutes sont enregistrées en son direct par Gaumont et diffusées dans certaines salles comme le Gaumont-Palace. Cette amélioration est signalée par les journaux corporatifs comme celui de Charles Le Fraper (1913), qui écrit :

On a donné en France, à Paris, une première audition d’une pièce de théâtre cinématographiée. La preuve est faite, et depuis vendredi dernier, l’Hippodrome Gaumont-Palace résonne des applaudissements qui saluent le couronnement d’une oeuvre grosse de conséquences artistiques et industrielles.

En réalité, la guerre de 1914-1918 et l’évolution des séances (longs métrages qui se généralisent, par exemple) empêchèrent le développement de ce « théâtre cinématographié ». Lorsque la généralisation du parlant est acquise, en 1935, les journaux parisiens polémiquent autour de l’invention du parlant et se souviennent des procédés Gaumont. Les journalistes font de l’histoire technologique sans le savoir. Leur regard rétrospectif est entièrement lié à leur contexte de rédaction. Dans une vision téléologique, ils cherchent à prouver que le procédé qui domine l’industrie du film de 1935 est bien français. Jean-Pierre Liausu (1935a), dans Comoedia, le 16 avril 1935, s’en prend à Paul Morand, qui aurait proclamé dans un numéro récent du Figaro que le cinéma parlant avait été inventé par les Américains. Un éditorialiste de La Griffe reprend la polémique, spécialité du journal, en citant l’Agence d’information cinématographique, qui confirme que Léon Gaumont a résolu le problème du synchronisme avant la guerre de 1914-1918 (anonyme 1935). Ce journal rappelle également le dépôt de brevet du 3 avril 1896 par Auguste Baron. Dans cette compilation de renseignements, Edison est cité brièvement en fin d’article. Le discours historico-journalistique de 1935 procède par simplifications, avec une visée nationaliste. Le contexte de concurrence avec Hollywood explique le côté anti-américain de nombre d’articles de l’époque [11]. Les termes « premiers films parlants » et « père du cinéma parlant » reviennent souvent dans la presse française pour désigner Gaumont. Raoul d’Ast, dans le quotidien La Liberté, tempère l’enthousiasme de ses collègues en expliquant que la synchronisation du Chronophone était approximative. Il met l’accent sur l’invention de Charles Delacommune, qui devient pendant quelques mois l’objet d’une grande attention de la part de la presse française. Cette campagne d’opinion pour aider Delacommune à réclamer sa prééminence dans les dépôts de brevets concernant le parlant sur piste optique ne l’empêchera pas de retomber dans l’oubli un peu plus tard, sans obtenir gain de cause. La polémique enfle, car d’Ast (sans aucun doute sous l’influence de Delacommune lui-même) assure que Lee De Forest rencontra le savant français à la même époque (1920-1921) et qu’il aurait volé l’invention de Delacommune (D’Ast 1935). Dans cette polémique, personne ne vérifie les dates de dépôt de brevet de De Forest (1919), qui sont antérieures aux dates de dépôt de brevet de Delacommune (1920). Les autres inventeurs, allemands, danois, etc., ne sont pas cités. Autre oublié, Eugène Augustin Lauste, qui est pourtant Français, mais qui travailla aux États-Unis et en Grande-Bretagne sur le problème de la piste optique. Un comité de scientifiques, dont Édouard Branly, membre de l’Institut catholique de Paris, se forme pour soutenir Delacommune et l’aider (en vain) à récupérer son laboratoire [12]. Cette polémique sur l’invention du son au cinéma ne pouvait pas rester sans l’intervention de Léon Gaumont lui-même. Il publie donc une lettre dans Comoedia le 20 mai 1935, avec l’aide de Jean-Pierre Liausu. Il rappelle, documents à l’appui, la séance du 27 décembre 1910 à l’Académie des sciences, qui permet, selon Gaumont, de proclamer, pour la France, la « paternité » de l’invention du parlant. Le discours sur la technologie du son se démarque très nettement de l’aspect « commercial » du parlant pour se placer dans le champ scientifique. Il s’agit de légitimer les progrès de la science. Le combat nationaliste, avec un fond d’antiaméricanisme, se place hors de la question des loisirs, du spectacle, bref de la frivolité, pour proclamer le sérieux d’une recherche scientifique. Cette « découverte » peut éventuellement avoir des retombées industrielles (donc l’enrichissement de tout un pays), mais on n’utilise pas de vocabulaire « commercial » (qui est laissé à Hollywood). La polémique se clôt en octobre 1935 avec des articles plus proches d’un travail historique sérieux, même si des documents fiables ont été produits auparavant. Gaston Thierry (1935), dans le grand quotidien populaire Paris-Soir, fait un résumé des étapes du développement des technologies du son. Il n’oublie pas Gaumont, ni Lauste. Il rappelle la grande différence entre le son sur disque et le son sur film et cite Lee De Forest.

En 1935, l’industrie du parlant fonctionne à plein régime et plus personne ne se pose de questions sur sa durabilité. Quand une technologie fonctionne, le discours devient rétrospectif. Ce fut le cas, mais plus brièvement, dans un quotidien corporatif aux États-Unis en 1931. Phil M. Daly (1931), qui, sous ce pseudonyme, signe une rubrique de petits faits oubliés dans le Film Daily de New York, cherche qui fut l’inventeur du premier système parlant. Il affirme avec de nombreuses erreurs et approximations que cette invention vit le jour en 1912 aux États-Unis. Il publie ensuite, dans sa rubrique, des corrections et précisions quotidiennes provenant de différents lecteurs, tous des professionnels, dont le secrétaire de la Motion Picture Directors’ Association. Aux États-Unis, chercher qui fut à l’origine du « FIRST sound studio » (selon le lettrage utilisé) déclenche une mini-polémique empreinte d’une touche de nationalisme, nuancée par le rappel des brevets de Baron dès 1896 [13]. Lors de la généralisation des technologies du son, des deux côtés de l’Atlantique, on a cherché qui était « le premier inventeur » dans ce domaine.

Le discours journalistique a évolué rapidement au cours des années 1930, du rejet à l’appropriation. Celui des historiens mettra plus de temps à changer.

4. Le discours historique nostalgique

Les modèles biologiques et anthropomorphiques (naissance, apogée, déclin, « mort du cinéma ») ou biblique/mythologique (âge d’or, chute, résurrection) ont longtemps dominé le système de périodisation du « septième art ». Ce découpage correspond à la fois à une vision esthétique et à une vision technologique, la rupture marquée par le parlant constituant la coupure fondamentale. La vision téléologique, même chez ceux qui s’en défendaient (tel Jean Mitry [14]), imprégnait la périodisation du cinéma. Les ruptures industrielles et esthétiques et les transformations technologiques se recoupaient. Ces historiens des années 1920 (G.-Michel Coissac, Léon Moussinac, etc.) aux années 1970 ont vu un « progrès » vers une « apothéose » d’un « langage cinématographique » (Barnier 2008). Parfois le ton est différent quand il s’agit d’un témoignage direct, même s’il est transcrit des années plus tard. Par exemple, un technicien anglais, qui montra des films parlants Edison en 1913, se rappelle en détail des problèmes et des réussites de ces projections dans une publication de ses souvenirs [15]. Il ne fait toutefois que donner des faits, sans les mettre en perspective. Mais très nombreux sont les historiens qui, ayant connu et admiré le muet, ont réagi comme les critiques de la fin des années 1920, soit avec une grande répugnance à l’égard de la généralisation du parlant [16]. Le bouleversement technologique est jugé à l’aune de la transformation esthétique. Le son signifie la fin du muet. Les « premiers parlants » (on a vu que cette expression posait problème) sont donc désignés comme des catastrophes. « Le passage du muet au parlant a d’abord été une régression totale », explique Jean Mitry (1979) dans un entretien. Les critiques des années 1930, qui écrivent aussi des histoires du cinéma (comme Sadoul, Bardèche et Brasillach, Jeanne et Ford, etc.) ont été plutôt violents à l’égard de la technologie du son. Ce rejet d’une transformation technique entraînant la disparition d’une « esthétique du muet » (si elle existe, car la multiplicité des formes est souvent oubliée) explique que l’animosité perdure. La période 1928-1931 est souvent considérée comme d’une grande médiocrité. Les diatribes contre les films des années de généralisation des technologies du son au cinéma se retrouvent à quelques mots près chez Bardèche et Brasillach (1935, tome 2, p. 43) : « ce fut terrible » ; comme chez un collectionneur et historien amateur encore en 1995, Gérard Conreur (1995, p. 244) : « Les premières années du parlant marqueront une régression pour le cinéma. La grande époque du cinéma, la belle époque du cinéma, était bien terminée. » Comme le remarque Laurent Creton (1998, p. 121), il s’agit d’attaquer la nouvelle technologie (à chaque époque) de façon quasi rituelle, en luttant contre « les méfaits des puissances technologiques, commerciales et financières ».

Nous avons compilé certains de ces exemples de textes, écrits par des journalistes ou artistes affolés devant « la régression esthétique » due à la transformation technologique [17]. L’utilisation de la couleur a rarement provoqué des discours aussi violents. La technique du son, obligeant à percevoir autrement le film, entraîne chez nombre de critiques et d’historiens une forte déception.

Sadoul (1973, p. 232-233) analyse cette déception en la liant à l’arrivée de nombreux acteurs et metteurs en scène du théâtre et du music-hall (même si, en réalité, ces derniers faisaient déjà des passages au cinéma depuis les années 1900) :

À ses débuts, le Parlant 100 % avait souvent photographié le théâtre […]. La disparition des travellings achevait de ramener la technique vingt ans en arrière.

Pourtant, si on se penche sur cette période en détail, on ne trouve pas plus de « mauvais films » qu’à d’autres périodes. Les critiques devenus historiens se concentrent sur certains problèmes sonores. Ils amplifient ainsi ce qui relevait d’un ajustement technique. Ils passent souvent à côté d’innovations esthétiques et d’expérimentations sonores remarquables. En regardant une grande partie de la production cinématographique de la période, on constate que les films considérés comme « intéressants » ou novateurs entre 1929 et 1934 sont nombreux. La proportion importante de films considérés comme « commerciaux » par la critique de l’époque est la même qu’à d’autres périodes cinématographiques. Les contraintes du parlant ne nous semblent donc pas la cause réelle d’une quelconque « régression esthétique ». Mais, du fait de la nostalgie du muet, les historiens qui ont vécu cette époque de la généralisation du son ont réagi très rapidement ; cela pose la question de la subjectivité de l’historien. Les réactions épidermiques à l’égard d’une transformation technique s’expliquent par leur difficulté à prendre un vrai recul par rapport à un événement qui les avait touchés. L’objet de l’analyse, le son, renforce encore la question de la sensibilité. En effet, passer de l’observation des films muets (quand on oublie les systèmes sonores antérieurs) à l’écoute du sonore demande un apprentissage. Il est donc logique de trouver une attitude bien différente chez les historiens des générations suivantes, nés après le passage au parlant.

5. Multiplicité des discours historiques

Depuis les années 1970, le langage historique a évolué. Les nouvelles générations d’historiens, n’ayant pas vécu le passage au parlant, ont un autre regard. Les polémiques sur cette période sont plutôt étudiées avec détachement, comme par Roger Icart dans La révolution du parlant, vue par la presse française (1988). L’étude des transformations techniques a permis d’établir des chronologies qui peu à peu se sont affinées, en partant par exemple du travail de Harry Geduld (1975). Ce dernier remonte aux brevets des années 1890 et 1900. Cette histoire technologique continue à s’écrire dans les années suivantes [18].

L’influence des cultural studies et des woman studies entraîne l’histoire vers un autre paradigme : le son est attaqué comme pourvoyeur d’une idéologie machiste dominant les studios classiques américains. À la suite des travaux de Laura Mulvey (1975), de Sarah Kozloff (1988) ou de Kaja Silverman (1988), on trouve les recherches d’Amy Lawrence (1991), qui travaille sur la place de la voix dans les films classiques. La technologie (ou plutôt son utilisation) a-t-elle un sens politique ? Le discours évolue en fonction de l’époque dans laquelle il est construit.

D’autres se penchent sur l’utilisation du son et inversent la vision traditionnelle qui donnait la prééminence à l’image : Michel Chion (Un art sonore, le cinéma. Histoire esthétique, poétique [2003]), Belton et Weis (Film Sound: Theory and Practice [1985]), Donald Crafton (The Talkies: American Cinema’s Transition to Sound [1926-1931] [1997]), Rick Altman (Sound Theory, Sound Practice [1992])… Et, de plus en plus, l’hyperspécialisation de la recherche permet d’aborder un seul point de vue de façon détaillée. James Lastra (2000) questionne la mise en place des institutions et des normes liées au son dans le cinéma classique. Douglas Gomery (2005) analyse le passage au parlant sous son angle économique. L’étude de la technologie du son du xviie siècle à 1908, comme le fait Giusy Pisano (2004), fait partie d’un ensemble de recherches qui rattachent l’évolution technique du son aux travaux antérieurs afin d’éviter une vision téléologique. De même, afin d’éviter cet écueil, Rick Altman (1994 et 2004) replace les techniques du son dans un contexte très précis qui fourmille d’autres sons et crée une historiographie de crise qui permet d’analyser les ruptures. La patrimonialisation de la culture permet, aujourd’hui, de voir resurgir des documents que l’on croyait disparus. Par exemple, les disques correspondant à certains films ont été retrouvés [19]. On s’intéresse aux industries produisant des disques [20], on commémore les premiers appareils [21]. Un livre entier a été écrit sur un seul appareil (ou presque, car quelques concurrents sont évoqués), le Chronophone fabriqué par Gaumont [22]. Le foisonnement théorique et historique sur les technologies du son au cinéma ces dernières années nous a permis de travailler sur des périodes réduites ou sur un domaine très spécifique. Dans notre ouvrage Bruits, cris, musiques de films. Les projections avant 1914 (2010), nous avons tenté de retranscrire toute l’ambiance sonore des projections : aussi bien la participation du public que les accompagnements musicaux et vocaux et toutes les synchronisations mécaniques. C’est ainsi que, paradoxalement, les recherches sur les techniques du son nous ont poussés à étudier ce qui accompagne les films sans aucune « technologie » : la voix humaine. Avec André Gaudreault (1996), puis seul, Germain Lacasse (2000) a travaillé sur les bonimenteurs qui faisaient le son du cinéma. À la suite de ces recherches, l’idée d’étudier la voix humaine avec ou sans technologie a fait son chemin, chez Jean Châteauvert (1996), Alain Boillat (2007) et dans des collectifs [23].

On peut donc dire qu’aujourd’hui, la continuité d’une technologie du son à une autre, et même d’une absence de technologie à une mécanique de l’enregistrement, est plus étudiée que l’effet de rupture technique. L’historiographie du son cinématographique participe donc d’une histoire à la croisée des médias, comme le dit Thomas Elsaesser (2004). Ces histoires du parlant (technologiques, économiques, institutionnelles, etc.) sont importantes dans le cadre du renouvellement des études en histoire du cinéma analysé par Laurent Le Forestier (2011).

Conclusion

L’évolution critique et historiographique concernant les technologies du son au cinéma dépend en partie des transformations techniques elles-mêmes (avec des variantes, des décalages dans le temps, des retournements). Souvent, le discours journalistique est amnésique. La découverte d’une « nouvelle technologie » qui apporte le son au cinéma « pour la première fois » peut se lire sous la plume de journalistes dans les années 1900, puis les années 1910, puis à la fin des années 1920. Les productions audiovisuelles précédentes sont oubliées. On ne peut pas dire qu’il n’y ait pas eu d’impact des technologies sur les discours. Après une période d’enthousiasme devant les techniques de reproduction de l’image et du son avant 1914, le discours critique est devenu hostile à la technique sonore lors de la généralisation du parlant. La « nostalgie du muet » imprègne immédiatement les textes contemporains du basculement technique vers le son. Puis vient le temps de revendiquer la mise au point de cette invention, pourtant presque impossible à dater, dans une vision nationaliste — au cours des années 1930 —, et face à la concurrence industrielle de Hollywood. Jusqu’aux années 1960, les anciens critiques, devenus historiens, restent réticents à l’égard du bouleversement technologique sonore et dans leurs textes s’entend cette nostalgie du muet qui avait quitté les colonnes des journaux. Sans doute est-ce lié à leur vécu intime de la période muette et à leur nécessaire adaptation à un « nouveau cinéma ». Mais les universitaires, depuis les années 1970, observent les techniques du son de façons très diversifiées. Dans les années 1990, le son numérique multicanal a parfois influencé la recherche. Des universitaires observent un cinéma qualifié de postmoderne (Jullier 1997) ou marquant un retour aux attractions (Paci 2011). Parallèlement, l’étude du son « sans technologie », et des continuités entre les époques muette et parlante, est sans doute influencée par l’histoire du sensible construite par Alain Corbin (1994). Son travail sur l’importance des cloches au xixe siècle en France montre que l’étude des sons passe par une observation globale de la création sonore pour les êtres humains. Son dernier ouvrage, sur un conférencier dans un village français en 1895, inspirera sans nul doute nos réflexions sur les sons qui accompagnent les films [24]. L’histoire du cinéma se situe à la croisée des images et des sons (Arnoldy 2004).

Osons une métaphore fluviale [25]. Les fleuves n’ont pas un cours technologique tranquille. Les méandres divagants et les résurgences de techniques oubliées (le son sur disque du Chronophone au Vitaphone) sont courants dans l’histoire technique du cinéma. De même, le discours des critiques et des historiens connaît des modifications qui ne dépendent pas que de l’évolution technologique. On constate aujourd’hui un phénomène s’apparentant au mascaret, lorsque la marée puissante fait remonter l’eau du fleuve vers sa source. Les historiens observent aujourd’hui le son accompagnant les films quand les techniques d’enregistrement étaient balbutiantes. Maria Tortajada (2004) propose de partir des dispositifs de vision pour créer une histoire du cinéma. Nous suggérons de partir des dispositifs sonores. Cela obligera les historiens à penser la diversité d’un média qui est issu de nombreuses séries culturelles, telles que celles de l’opéra, du Caf’Conc’, du théâtre, du cirque, du concert lyrique ou de la fanfare locale. L’historien du son au cinéma doit être à l’écoute de cette diversité pour saisir l’essence intermédiale de ce spectacle.