Corps de l’article
Les espaces du logement sont au centre de cet ouvrage qui rassemble, autour d’un large champ réflexif, plus d’une vingtaine de travaux présentés lors de la troisième édition des journées Jeune chercheur sur le logement et l’habitat du Réseau habitat logement (REHAL). Déjà l’introduction, qui parvient magistralement à mettre en cohérence l’ensemble des contributions, laisse entrevoir la richesse de ce livre, tant par la pluralité des méthodes utilisées que par la diversité des objets d’étude et des échelles d’analyse.
Il faut dire que le logement est ici appréhendé de manière à toucher plusieurs segments qui tournent essentiellement autour des pratiques, des mobilités et des politiques résidentielles, en ouvrant le champ à des investigations plus singulières sur le vieillissement, l’habitat d’après-guerre, les financements, etc. Il ressort des trois parties de cet ouvrage une panoplie de visions et de faits, justifiés dans leur ensemble par un fondement théorique solide appuyé par des approches biographiques ou des expériences contextuelles, en France ou ailleurs dans le monde, construites autour de réflexions qui se complètent, s’entremêlent ou se singularisent.
La première partie montre que l’occupation, choisie ou contrainte, d’un nouvel espace où résider redéfinit les trajectoires résidentielles et les interactions entre l’espace et les pratiques habitantes, interprétées comme un changement de mode de vie lié à cette mobilité résidentielle. La composante sociale – individu, famille, migrants – est ici un élément-clé dans le projet migratoire et dans l’apprivoisement des nouveaux lieux ; le cas de la corésidence des migrants colombiens en Espagne en est très révélateur.
Le phénomène de migration, nourri par des motivations diverses, est analysé dans différentes proportions. Les déplacements familiaux ou individuels sont souvent liés à des contraintes ou à des tensions, comme l’illustre le cas de la mobilité quotidienne domicile-travail des immigrés luxembourgeois, ou dans le cas des divisions sociales de l’espace à Bogota. Les trajectoires résidentielles forcées que provoquent les guerres et les conflits internes (ici, en Colombie) sont de nos jours au centre des débats internationaux au regard du bouleversement qu’elles induisent, notamment en matière d’hébergement.
Les manières d’habiter sont abordées dans la seconde partie de l’ouvrage, où il est question des cas échappant aux normes dominantes d’appropriation d’un espace de logement. La domestication de cet espace passe par des formes de partage (colocation, vivre en foyer...) résultant de vulnérabilités physiques, économiques ou sociales liées aux personnes et nécessitant des pratiques collectives. Toutefois, les actions d’aménagement peuvent devenir problématiques et être à l’origine d’une déstabilisation des manières d’habiter, comme en témoigne le relogement dans le cadre des programmes de rénovation urbaine, les pratiques dans les périphéries du M’zab ou l’insertion des migrants sénégalais et gambiens dans les régions métropolitaines de Barcelone.
La dernière partie se veut un examen des politiques de logement locales confrontées à la réalité du terrain, qui nous éclaire sur le rôle de l’État et des collectivités dans la production et le financement du logement social en France. Aussi, y sont-elles dénoncées les disparités liées à certaines ambiguïtés dans la gestion, illustrées dans le cas du maintien de l’ordre sociorésidentiel par les procédures d’expulsion locatives et la prise en charge des propriétés vacantes en état de délabrement dans les quartiers périphériques de Houston.
Les contributions traitent dans leur majorité le logement en tant qu’espace de groupement, de refuge et de stabilisation, en lien direct avec les aspects socioéconomiques. Il reste que l’espace logement, en tant qu’élément de la composition urbaine qui façonne et structure l’espace en lui donnant signification et symbolique, aurait mérité plus amples développements, même s’il est timidement évoqué dans la contribution sur le M’zab, qui lie le logement à la morphologie urbaine. Par ailleurs, bien que l’ouvrage ait couvert un large champ de thématiques touchant plusieurs aspects en relation avec le logement, il n’aborde pas le désordre esthétique et urbain, causé autant par un certain incivisme des habitants que par des politiques publiques défaillantes.