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André Siegfried (1875-1959) est une figure majeure de la IIIe et de la IVe Républiques. Son père Jules, alsacien installé au Havre comme importateur de coton, devient sénateur puis président du Sénat. Il est le fondateur du Musée social, où se forgent les idées qui dominent la politique française au XXe siècle.
André Siegfried, éduqué pour devenir importateur de coton, est candidat malheureux à diverses élections. Il tire de cette expérience le Tableau politique de la France de l’Ouest sous la IIIe République, qu’il publie en 1913 ; il fonde ainsi la géographie (et la sociologie) électorale(s). Il s’illustre par les études qu’il consacre aux pays anglo-saxons et à la Suisse : protestant lui-même, c’est le succès des grandes démocraties protestantes qui l’intéresse. Professeur à l’Institut d’études politiques, il participe de manière décisive à la gestion de l’établissement en des moments difficiles, à l’issue de la guerre, en 1945.
Voyageur infatigable et méthodique, Siegfried a déjà fait deux fois le tour du monde à 30 ans. Conférencier brillant, il parle de France dans le monde anglo-saxon et des États-Unis ou de la Grande-Bretagne en France.
Pour retracer la vie de Siegfried, André-Louis Sanguin disposait d’une documentation exceptionnelle, conservée et archivée à l’Institut d’études politiques. À partir de là, plusieurs possibilités s’offraient pour raconter la vie et l’oeuvre d’un homme aussi actif et aussi divers. L’évocation de la jeunesse et du milieu familial, celui de la grande bourgeoisie protestante française, est fascinante, comme l’est celle des séjours à Saint-Paul de Vence, où André aime se reposer. Tout l’ouvrage pouvait être bâti autour de cette trame : le style de vie et les méthodes de travail s’affirment vite. Deux découvertes aident Siegfried à structurer sa démarche : celle de la problématique tocquevillienne (comment les peuples se conçoivent-ils, et conçoivent-ils leur place sur la scène internationale ?), lors de la rédaction de La Démocratie en Nouvelle-Zélande, et celle des cadres régionaux de la vie sociale puisée 10 ans plus tard dans le Tableau de la Géographie de la France de Vidal de la Blache. À la veille de la Première Guerre mondiale, les objectifs d’André Siegfried sont fixés et ses méthodes définies. Il les mobilise pour éclairer l’évolution de la vie internationale, du monde anglo-saxon et de la scène politique et électorale française. Observateur averti, il est en relation avec les hommes politiques qui font l’histoire, de Gaulle en France, et les Présidents américains.
André-Louis Sanguin interrompt la narration chronologique qui ouvre son livre pour traiter à loisir des méthodes d’André Siegfried, de sa conception de la psychologie des peuples, de ses recherches de géographie électorale, de sa passion pour la politique française, de son intérêt permanent pour le monde anglo-saxon et de sa fascination pour les affaires internationales. Il insiste également sur le rôle de Siegfried à « Sciences Po » et sur ses enseignements au Collège de France.
Cet ouvrage manquait : il montre la richesse d’une oeuvre qu’on a tendance à oublier, l’impact qu’elle a eu sur les études électorales et la réflexion politique. L’auteur fait revivre l’atmosphère à la fois sérieuse et cultivée dans laquelle évoluaient certaines élites françaises dans la première moitié du XXe siècle.