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Cet ouvrage collectif est l’oeuvre d’un groupe de professeurs-chercheurs provenant principalement de l’Institut d’urbanisme de l’Université de Montréal. On y trouve également des contributions de praticiens et d’experts provenant d’autres milieux ou d’universités du Québec et de France. Les 14 textes du document sont issus des communications de deux colloques tenus dans le cadre des congrès de l’ACFAS (Association francophone pour le savoir) de 2005 et 2006. Ces événements et l’ouvrage sont situés par les auteurs eux-mêmes dans la foulée des réflexions et publications de l’Institut d’urbanisme, au cours des dernières décennies, notamment en ce qui a trait à la participation à l’aménagement. Vus sous cet angle, les propos sont beaucoup plus pragmatiques et empiriques que dans les productions du passé.
Le thème central du collectif est le renouvellement de l’urbanisme, une pratique professionnelle qui a pris un certain « coup de vieux », 30 ans à peine après l’adoption de la LAU (Loi sur l’aménagement et l’urbanisme) au Québec. Après un texte introductif, la première section de l’ouvrage s’intitule Planification territoriale et métropolitaine et elle s’ouvre sur un texte rétrospectif de Marc-Urbain Proulx sur la question de la planification régionale. Cette section regroupe quatre articles au total. La deuxième partie du recueil réunit cinq textes sous le thème Villes et débats publics. Finalement, la problématique des projets urbains est abordée à partir de trois études de cas, soit la transformation des quartiers anciens à Paris et Boston, la planification des grandes infrastructures routières au Québec ainsi que le réaménagement du Vieux-Port de Montréal. En outre, un essai de « triangulation » des concepts est offert en guise de conclusion.
Pour des raisons essentiellement subjectives, les textes qui ont davantage retenu mon attention sont ceux de Louis Guay, de Mario Gauthier et de Sabine Courcier. Le texte de Guay est un tour d’horizon large des problématiques urbaines actuelles et il se révèle être un bon document d’introduction aux études urbaines. Le texte de Proulx joue un rôle semblable pour les études régionales, mais j’en connaissais déjà la teneur. Pour sa part, Gauthier fait le point sur les démarches participatives à Montréal dans la perspective de l’appui aux politiques de développement durable. D’ailleurs, les écrits de Jean Paré et ceux du tandem Trépanier et Alain complètent fort bien le propos. En tant qu’ancien Montréalais, j’ai apprécié la dimension informative de ce bloc d’articles. Au final, l’étude de Sabine Courcier revient sur un projet déjà ancien, soit le réaménagement du Vieux-Port de Montréal, en approfondissant au passage le concept d’effet structurant.
Dans l’ensemble, les résultats sont très intéressants : un livre aux accents vulgarisateurs contenant un bon nombre d’informations factuelles sur le Montréal de l’après-réforme et sur le contexte français, sans compter diverses études de cas révélatrices. Malgré tout, les textes focalisent fortement sur Montréal. Il n’y a rien de mal à traiter de la métropole québécoise qui constitue un laboratoire social et urbanistique riche. Toutefois, il est un peu surprenant de laisser de côté la ville de Québec alors que celle-ci connaît des bouleversements impressionnants, depuis une quinzaine d’années. Dans une moindre mesure, certaines villes moyennes s’illustrent comme sujets pertinents, en particulier Sherbrooke qui a pris le virage du développement durable. D’un point de vue critique, on peut aussi affirmer que l’ouvrage ne fournit pas véritablement de pistes en vue d’un renouvellement en profondeur de l’aménagement du territoire et de l’urbanisme.
En effet, bien que la conclusion du volume permette aux auteurs d’identifier quelques tendances, comme la multiplication des dispositifs participatifs et l’effet fédérateur du développement durable, celles-ci ne s’appliquent guère à l’extérieur des contextes métropolitains, selon moi. Les pratiques urbanistiques québécoises sont souvent peu innovantes et la participation des citoyens demeure très limitée en dehors de Montréal. Pour ce qui du développement durable, son application est timide dans les banlieues de même qu’au sein des moyennes et petites villes du Québec, soit des territoires qui sont fortement marqués par l’habitat pavillonnaire. Lorsqu’elles existent, les politiques de développement durable prennent généralement la voie de démarches parallèles à l’urbanisme, par exemple par l’intermédiaire de programmes de l’Agenda 21. En dépit des effets positifs, il y a alors gaspillage de temps et de ressources, sans compter le désaveu que cela constitue pour la discipline de Cerda.