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L’ouvrage, écrit à deux mains, présente une introduction commune suivie de deux analyses rétrospectives de la Politique de la ville adoptée en France depuis les années 1980. Ces textes de 40 (Wihtol de Wenden) et 30 pages (Body-Gendrot) se rejoignent mais se complètent aussi dans la mesure où ils abordent cette question complexe sous des angles qui laissent percevoir les entrées différentes à travers lesquelles on connaît ces chercheuses : la première par ses travaux sur l’immigration, la seconde par ses travaux sur les questions de violence (et de sécurité) et sa familiarité avec le monde nord-américain. Ces deux textes sont suivis d’annexes bien documentées qui, divisées en deux parties, présentent pour la première, les données essentielles relatives aux zones urbaines sensibles, aux acteurs de la politique de la ville, aux moyens mis à sa disposition, et pour la seconde, une série de témoignages d’acteurs de base de la politique de la ville. Wihtol de Wenden structure sa contribution à partir d’une lecture historique de la politique de la ville qui distingue trois périodes nettement associées à la place donnée aux immigrés dans ces quartiers, et plus globalement dans la société : la première culmine avec la marche des beurs (1983), la seconde avec la montée du communautarisme et le danger des dérives terroristes (1995), enfin la dernière avec l’obsession sécuritaire qui freine une intégration en marche. Tout au long de son argumentation, Wihtol de Wenden insiste sur ce qu’elle considère comme la principale faiblesse de cette politique (et qui est reprise dans le titre général de l’ouvrage). Les politiques de la ville se sont bien plus occupées d’« attacher les habitants à leurs cités qu’à les aider à en sortir » (p. 47). Le texte de Body-Gendrot reprend la succession de dispositifs adoptés pour les banlieues qui en font plutôt des politiques de la ville et les rattache aux alternances politiques. S’attardant sur la question de violence et les moyens de prévention policière mis en oeuvre pour y faire obstacle, Body-Gendrot s’élève contre la qualification d’émeutes donnée aux événement survenus à Clichy-sous-Bois en 2005, pour la raison qu’ils ne sont associés à aucune revendication, et souligne le rôle qu’y a joué l’outil médiatique comme l’utilisation qu’en ont fait les jeunes. Dans une longue conclusion, l’auteure considère que l’importance des actions menées dans ces quartiers difficiles ne permet pas de dire qu’ils ont été laissés à l’abandon. D’autres choix auraient pu être faits, comme celui d’une moins grande concentration des populations immigrées, de l’octroi pour elles du droit de vote local et, d’une manière générale, d’une plus grande confiance dans le potentiel positif recélé par les quartiers, notamment sa jeunesse. Deux sorties de crise qui diffèrent mais donnent à penser d’autres voies pour les habitants pauvres de ces quartiers et constituent des synthèses claires de ce qui a été fait et s’est produit dans ces quartiers depuis plus de 30 ans.