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Jusqu’à récemment au Québec, on s’est peu intéressé aux marais littoraux, en particulier à ceux des zones intertidales. La plupart des publications disponibles concernent surtout les aspects biologiques ou écologiques (flore et faune). Les aspects géologiques et géomor-phologiques ont fait l’objet de rares études, bien que l’action du froid et des glaces ait été mise en évidence au cours des dernières décennies. Pour la majorité des gens, ces milieux humides ont longtemps été malfamés en raison d’un accès difficile, d’un substrat vaseux humide et souvent d’odeurs désagréables émanant de la décomposition d’algues et de rejets divers par la mer. Seuls certains groupes comme les chasseurs et les agriculteurs ont su en tirer profit.
La présente publication constitue un historique des marais littoraux de l’est du Canada, dont ceux de la rive sud de l’estuaire du Saint-Laurent, en particulier de la région de Kamouraska.
L’ouvrage comprend sept chapitres, une introduction, une conclusion et une bibliographie substantielle. Bien que l’auteur aborde plusieurs aspects, son propos concerne essentiellement l’historique du développement et de la mise en valeur des marais en passant par les techniques utilisées pour récupérer ces terres humides et salines aussi bien dans les Maritimes et sur la côte est américaine que sur la rive sud du Saint-Laurent estuarien. Le sujet des aboiteaux est largement traité. On y apprend que les premières digues dans la région de Kamouraska furent construites dans la deuxième moitié du XIXe siècle et qu’elles ont connu leur apogée au cours de la décennie de 1980. À la suite de fortes pressions, en particulier par des groupes d’écologistes, cette décennie marque la fin de la récupération des marais intertidaux de la rive sud du Saint-Laurent à des fins agricoles. Toutefois, plusieurs secteurs des deux rives ont par la suite été envahis par des remblaiements à des fins commerciales, résidentielles ou autres, ce qui a réduit d’autant un domaine de grande valeur écologique, domaine qui est déjà très peu étendu au Québec méridional.
L’auteur souligne avec pertinence que les marais du Saint-Laurent estuarien ont d’abord été utilisés par les Amérindiens pour la chasse et la pêche. Ceci est confirmé par l’observation de bouts de bois de pêche à fascines datant de plus d’un millénaire. Dans les temps historiques, ce sont les premiers colons de la Nouvelle-France qui ont utilisé les marais littoraux comme pâturage et source de fourrage. L’auteur soutient que la récupération des marais intertidaux de la région de Kamouraska, il y a plus d’un siècle, a été en grande partie conditionnée par des facteurs socio-économiques, à savoir une augmentation rapide de la population et la rareté des bonnes terres agricoles.
Contrairement au sous-titre de l’ouvrage, ce dernier n’est pas entièrement consacré aux marais littoraux du Saint-Laurent estuarien; il englobe davantage et se lit avec grand intérêt. L’auteur retrace quelques-unes des pages mal connues de notre histoire. Il fournit ainsi un aperçu général de l’utilisation des marais intertidaux par les pionniers de la colonisation française en Amérique du Nord et de nos vaillants ancêtres.
Bien rédigé, l’ouvrage est plutôt bien illustré, même si la reproduction des figures, en particulier des photographies, n’est pas excellente en raison de la qualité du papier. Soulignons en passant une vingtaine de fautes qui ont échappé au correcteur lors des épreuves. De même le toponyme « L’Islet », qui apparaît sur la figure 2 (p. 5), est dans le texte, remplacé au moins à cinq reprises par « L’Ilet ». Alors que l’auteur parle du St. Lawrence estuary dans le texte, certaines figures (pp. 5, 24, 75 et 90) indiquent St. Lawrence River.
La zonation des marais intertidaux offerte aux pages 18-19 et 143 ne correspond pas exactement aux niveaux reconnus par les spécialistes. La zone à Spartina alterniflora devrait correspondre au Low marsh et non à la High slikke, et celle à Spartina patens au High marsh et non au Low marsh. C’est une différence importante.
L’ouvrage comprend un chapitre concernant l’impact humain sur l’évolution des marais intertidaux de la région de Kamouraska. Bien que l’approche paléoécologique soit une donne originale dans une étude de géographie historique, les résultats des analyses de macro-restes demeurent malheureusement peu concluants et convaincants, car les éléments de plantes identifiés sont essentiellement des graines de plantes aquatiques et non des débris végétaux in situ : racines, rhyzomes et tiges. Même problème pour les foraminifères dont les espèces n’ont pas été identifiées. On peut difficilement alors définir correctement les faciès : slikke, schorre inférieur et supérieur.
En conclusion, ce premier ouvrage-synthèse de géographie historique sur les marais intertidaux ouvre un nouveau domaine de recherche et comble une lacune. C’est une contribution intéressante et utile à la connaissance de notre patrimoine national. Ouvrage recommandé à tous ceux qui s’intéressent à l’évolution du milieu naturel après l’intervention de l’homme.