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Dublin est le septième ouvrage de la collection métropoles 2000 de l’éditeur L’Harmattan. Dublin est évoquée dans les oeuvres de James Joyce dans Les Dublinois, et surtout dans Ulysse, ainsi que dans les drames de son contemporain Sean O’Casey, La Charrue et les étoiles et La Coupe d’Argent. Les géographes, dont Anne Buttimer, ont négligé cette ville – ce village capital – selon Heurley, car elle demeure l’une des rares métropoles européennes à l’échelle humaine.
Ce petit ouvrage de 101 pages comprend trois parties et six chapitres. La première partie décrit la ville et son agglomération d’un million d’habitants environ en 1996. Si durant un siècle Belfast, autre ville-port, a rivalisé avec Dublin, cette dernière émerge en 1921 lorsqu’elle devient capitale de l’Irlande. Avec l’entrée de l’Irlande dans la Communauté Économique Européenne en 1973, Dublin accède au cercle restreint des neuf capitales européennes. Heurley décrit son organisation administrative complexe, car elle comporte plusieurs niveaux, de l’agglomération dublinoise à la morphologie en passant par la division fonctionnelle des quartiers. En s’inscrivant dans la CEE, Dublin appartient à l’arc atlantique et à la périphérie européenne. Cette localisation aurait pu être un obstacle ou, comme nous le verrons plus loin, elle devient un tremplin à l’exemple de Barcelone ou de Lisbonne qui se distinguent par une forte croissance du secteur des services. Heurley termine ce chapitre par une analyse historique, très bien décrite, du rôle de Dublin dans la hiérarchie des villes du pays. Dans le second chapitre, elle souligne l’opposition spatiale entre le centre, en déclin, et la périphérie, en croissance, dans les années 1970 et surtout 1980, avec la construction de trois villes nouvelles. Le déclin du centre est à la fois d’ordre résidentiel (logements insalubles), démographique et industriel (entre 1973 et 1977, le centre-ville a perdu 12 000 emplois et plus de 30 000 dans les années 1980). Toutefois, fort des subventions européennes et des bénéfices de la croissance, le gouvernement a entrepris une politique de rénovation urbaine et une politique libérale de développement économique. Ces deux thèmes sont analysés dans la seconde partie.
Durant les années 1990, l’Irlande devient un « petit dragon européen » (p. 50) Heurley analyse les différents facteurs explicatifs de cette économie : développement des secteurs de pointe (électroniques, informatiques, télécommunications), augmentation de la consommation, forte expansion des services financiers, amélioration des communications à l’échelle mondiale, politique de main-d’oeuvre bon marché, appui aux investissements étrangers et au tourisme, désyndicalisation. La « marginalité comparative » est devenue un « avantage comparatif ». La « périphéralité » s’est transformée en atout dans une économie politique mondialisée à géométrie variable. Toutefois, l’auteur note que le gouvernement joue la baisse tendancielle des salaires par des réformes fiscales (une grande partie provient des subventions européennes) et finance ainsi la croissance des grandes entreprises. Dans le même temps, la population subit la précarité qui accompagne la flexibilité et souffre de la ségrégation spatiale qu’induit le désengagement de l’État dans les dépenses d’infrastructures. Heurley décrit les efforts du gouvernement pour améliorer l’habitat et la qualité de vie, remarquant que ces efforts profitent surtout aux classes moyennes et supérieures. Au-delà des transformations majeures, c’est « l’image de la ville » qui a changé. Son analyse du « marketing territorial » est très intéressant, car elle décrypte les bases de la promotion urbaine.
Le troisième chapitre pose les limites de la croissance, car non seulement les inégalités sociales se sont renforcées, mais aussi d’autres problèmes ont surgi, comme la congestion des principaux axes routiers de Dublin, qui souligne l’inadaptation des structures existantes, et les inégalités régionales, qui montrent l’hétérogénéité de la prospérité à l’échelle du pays. Or, il faut s’attendre à une diminution des subventions européennes avec la perspective de l’élargissement à l’Est, d’où une réflexion à mener sur les perspectives futures. Ce petit ouvrage bien structuré, écrit dans un langage clair, sera utile aux spécialistes et étudiants intéressés par l’Europe et par la question de la répartition équitable de la croissance.