Résumés
Résumé
En matière criminelle et pénale au Québec, les activités des tribunaux sont le plus souvent mesurées en termes de nombre de causes ou de décisions rendues. Mais c’est un tout autre défi de tenter de les mesurer en termes d’efficacité. Coûts de la justice, taux de confiance des usagers ou taux de récidive restent, encore et toujours, les indices les plus recherchés, mais aussi les plus inaccessibles ou contestés, pour évaluer le bon fonctionnement de notre système de justice. Cette étude présente les taux de récidive (qualifiés plutôt de « réentrée » dans le système de justice) d’accusés admis au programme de mesures de rechange général pour adultes à la Cour du Québec. Se trouvant être à la fois un programme de justice réparatrice et un programme alternatif aux procédures judiciaires, ce programme a été mis en oeuvre pour la première fois à l’automne 2017. La trajectoire des 1 000 premiers dossiers admis au programme a pu être observée de 2017 à 2022. Les dossiers ont été suivis en temps réel pendant une période de deux ans après la fin de la date de réalisation de la mesure de justice réparatrice par l’accusé. Les résultats montrent que plus d’un tiers des accusés avaient des antécédents judiciaires avant d’être admis au programme, et que seulement 93 sur 1 000 semblent de nouveau avoir été inscrits pour une nouvelle infraction dans le registre des dossiers judiciaires du Québec, dans les deux ans après la fin de leur mesure. Les résultats, tout en tentant d’apporter une contribution à la mesure de l’efficacité des programmes judiciaires au Québec, mettent en évidence les enjeux liés à l’utilisation de telles mesures, dès lors qu’il s’agit d’observer des programmes fondés sur des initiatives hybrides, à la fois pénales et sociales.
Abstract
In criminal and penal matters in Quebec, the courts’ activities are most often measured in terms of the number of cases or decisions handed down. However, trying to measure them in terms of effectiveness is a whole other challenge. The costs of justice, the confidence of the users of the judicial system as well as recidivism rates remain the most sought-after yet most inaccessible and contested indicators of how well our justice system is working. This study presents the recidivism rates (more accurately described as re-entry into the justice system) of accused persons admitted to the Court of Quebec’s Adult General Alternative Measures Program. This program, which is both a restorative justice program and an alternative to court proceedings, was implemented for the first time in the fall of 2017. The trajectory taken by the first 1,000 cases admitted to the program was observed between 2017 and 2022. The cases were monitored in real time for a period of two years after the end of the date on which the accused completed the restorative justice measure. The results show that more than one third of the accused had a criminal record before being admitted to the program and that only 93 out of 1,000 appear to have been entered again for a new offence in Quebec’s criminal records register within two years following the end of their measure. While attempting to make a contribution to measure the effectiveness of Quebec’s judicial program, the results highlight the issues associated with the use of such measures when it comes to observing programs based on hybrid penal and social initiatives.
Resumen
Las actividades de los tribunales en materia criminal y penal en Quebec suelen calcularse en términos de números de causas o de decisiones dictadas. Sin embargo, tratar de medirlas en términos de eficacia constituye un desafío totalmente diferente. Para evaluar el buen funcionamiento de nuestro sistema de justicia, los indicadores más examinados siguen siendo todavía los costos de justicia, el porcentaje de confianza de los usuarios o la tasa de reincidencia, aunque también estos son los más inaccesibles y cuestionados. Este estudio presenta las tasas de reincidencia (calificadas más bien como reingresos en el sistema judicial) de procesados que han sido admitidos en el programme de mesures de rechange général pour adultes (programa general de medidas alternativas para adultos) de la Corte de Quebec. Este programa, que al mismo tiempo es de justicia reparadora, constituye una alternativa a los procesos judiciales que se aplicó por primera vez en el otoño del año 2017. Se pudo observar la trayectoria de los mil primeros casos admitidos a dicho programa entre 2017 y 2022, y se ha hecho un seguimiento de los casos en tiempo real durante un periodo de dos años, después de que el procesado completara la medida de justicia reparadora. Los resultados demostraron que más de un tercio de los procesados tenían antecedentes judiciales antes de haber sido admitidos al programa y que solamente 93 de 1000 casos parecen haber sido registrados nuevamente por un nuevo delito en el registre des dossiers judiciaires du Québec en el lapso de dos años tras el fin de la medida. Los resultados, que a la vez intentan contribuir a estimar la eficacia de los programas judiciales en Quebec, ponen de manifiesto los problemas conexos al uso de tales medidas, cuando se trata de observar programas basados en iniciativas híbridas que a la vez son penales y sociales.
Corps de l’article
Les activités récentes des tribunaux, ou du système de justice en général, en amont des tribunaux comme en aval, révèlent des indices de grands changements sociaux. De ce fait se pose plus que jamais la question de leur capacité à être observées, suivies ou évaluées. Le droit pénal et criminel comporte à cet égard ses défis propres, partageant ses frontières avec des domaines cliniques ou sociaux aussi divers que ceux de la santé mentale, de la victimologie, de l’intervention communautaire ou féministe, de la justice autochtone ou bien d’autres. Aujourd’hui au Québec, de nombreux programmes sis à la Cour, particulièrement en droit criminel et pénal, se désignent eux-mêmes comme des programmes sociaux, cliniques ou hybrides. Or le succès des programmes judiciaires ne se mesure pas exactement de la même manière que celui des programmes cliniques ou sociaux. Des défis se posent a fortiori lorsque l’on fait face à une hybridation des objectifs.
Lorsqu’il est question d’évaluer les activités des tribunaux pénaux ou criminels en particulier, il est intéressant de constater combien trois préoccupations reviennent en permanence dans les discours – judiciaires, scientifiques, ou même de sens commun. Il s’agit premièrement de la question de la confiance des usagers ou du public dans le système de justice, deuxièmement de la question de la satisfaction des victimes ou de la qualité du traitement qui leur est réservé au sein des procédures judiciaires et troisièmement de la question de la réinsertion – et celle de la récidive – des personnes accusées. Notre recherche[1] se penche sur cette troisième préoccupation. Elle porte sur la trajectoire d’accusés ayant participé à un programme implanté à la Cour du Québec en 2017, programme qui permet pour la première fois, en matière adulte, le recours à des mesures de rechange en matière criminelle et pénale. Mais ce programme a ceci de particulier qu’il mobilise, en son sein, des pratiques et des mesures entrant dans le paradigme de la justice réparatrice. Peut-on observer, ou évaluer, un programme de justice réparatrice sur la base de son taux de « récidive », sous prétexte qu’il se trouve être également un programme de déjudiciarisation ?
Le programme québécois se trouvant au centre de la présente réflexion a pour nom le Programme de mesures de rechange général pour adultes en matière criminelle (PMR-G)[2]. Implanté pour la première fois en 2017 à la Cour du Québec, avant d’être généralisé à toute la province et offert également dans la plupart des cours municipales, il a la particularité d’être un programme hybride. Au moment de sa mise en place, il répond à la fois aux critères d’un programme de « déviation » des procédures judiciaires en matière criminelle et pénale (aussi appelé « programme de justice alternative », ou troisième voie, ou diversion program), puisqu’il est prévu par le Code criminel[3] canadien, et à ceux d’un programme de justice réparatrice[4]. Concernant ce dernier point, il est en effet officiellement déclaré comme tel dans ses textes fondateurs[5], mais aussi décrit comme tel par les institutions qui ont permis sa mise en place[6], les praticiens qui y évoluent[7], et il semble l’être également par les usagers qui en ont fait l’expérience[8]. Il semble enfin respecter les principes de base établis scientifiquement[9] pour ce type de justice. Au sein de ce programme, de nombreuses missions appartenant traditionnellement aux acteurs judiciaires sont transférées à un réseau communautaire spécialisé en justice réparatrice. La nature et le « quantum », tout comme le contexte de réalisation de cette mesure de réparation, sont, de manière assez inédite au Québec, déterminés non plus par des professionnels de la justice ou des agents institutionnels, mais bien directement par le groupe composé des intervenants sociojudiciaires (aussi appelés « médiateurs ») dévolus à l’organisation et à l’accompagnement de ces mesures, et des personnes victimes et accusées, dont les attentes sont au centre des choix opérés, afin de respecter le caractère réparateur de l’inflexion portée à la mesure. Lors des premières expérimentations de ce programme en 2017, à la Cour du Québec, il pouvait donc être craint qu’un tel changement de paradigme conduise à donner trop de poids aux attentes des usagers, particulièrement à celles des accusés, dans le dessin de leur propre trajectoire. Ultimement, on aurait pu craindre une possibilité d’accroissement de l’impunité ou encore l’émanation de formes de justice trop « douces » ou même, pourquoi pas, un risque d’aggravation de la délinquance.
Le présent article porte sur l’observation de la trajectoire des 1 000 premiers accusés référés au PMR-G, dont les dossiers ont pu être suivis deux années supplémentaires après la fin de la réalisation de la mesure. Il abordera, tout d’abord, l’état de la connaissance scientifique sur les programmes de déjudiciarisation et la justice réparatrice, en lien avec la notion de « récidive » (partie 1). Par la suite seront présentés le programme de la recherche (partie 2), puis la méthodologie précise ayant permis l’obtention des indices observés (partie 3). Cette partie méthodologique permettra de comprendre comment les données ont été obtenues, les dossiers suivis, les chiffres calculés et les différents concepts choisis et utilisés. Ces détails sont nécessaires afin de nuancer les résultats obtenus, qui seront présentés dans la section suivante (partie 4). Enfin, une discussion permettra de mettre en exergue les enjeux et les limites des résultats obtenus (partie 5).
1 État de la littérature scientifique
Bien qu’ils soient étudiés depuis déjà quelques décennies, les liens entre récidive et mesures de rechange, de même qu’entre récidive et justice réparatrice, demeurent à ce jour difficiles à saisir. Les programmes de mesures de rechange appartiennent à la famille très particulière des programmes de justice tenant du pouvoir discrétionnaire du procureur, et non du juge. Ces programmes permettent en effet non pas d’échanger la peine contre une mesure de réparation ou de réhabilitation, mais bien de remplacer la judiciarisation elle-même. Ils s’inscrivent au sein d’un champ de recherches en croissance depuis quelques dizaines d’années au Québec[10], depuis leur retour en force dans l’arsenal judiciaire ici comme partout dans le monde[11]. En droit, du fait que ces programmes ne tiennent pas du juge, il existe très peu de jurisprudence ou de doctrine à leur endroit[12]. En sciences sociales, des auteurs intemporels, tels que Michel Foucault, les ont mis au centre du débat depuis fort longtemps, et ils ont toujours fortement intéressé la littérature scientifique, notamment critique[13], car de tels programmes sont en effet loin d’être récents[14]. Ils ont commencé à imprégner la justice états-unienne dès le President’s Commission on Law Enforcement Report de 1967[15]. À l’époque déjà, on recherchait des solutions au surpeuplement carcéral et au surencombrement des tribunaux aux États-Unis. Dès les premières initiatives dans ce domaine, un pan entier de la littérature scientifique s’est consacré à l’évaluation de tels programmes et à leur impact sur les taux de judiciarisation, d’incarcération ou de récidive[16]. À la même époque naissaient les premières critiques à l’endroit des mesures de rechange, accusées par exemple d’étendre le filet pénal à des situations qui n’auraient jamais dû faire l’objet de poursuites complètes. Elles perdirent dès lors de leur éclat et de leur vigueur en Amérique du Nord à compter de la fin des années 70, surtout à cause de contraintes budgétaires. Durant les années 2000, ces types de programmes revinrent cependant sur le devant de la scène, et l’on assista littéralement à leur renaissance, en amont ou en aval du système pénal, mais cette fois uniquement pour certaines clientèles particulières : consommateurs de drogue, personnes atteintes de troubles mentaux[17]. Ces programmes ont par la suite commencé à être utilisés principalement pour les infractions criminelles non violentes[18], jusqu’à ce qu’un virage se présente vers le milieu des années 2010. Plutôt que de servir uniquement à désengorger les tribunaux ou à lutter contre les taux d’incarcération problématiques[19], une inflexion récente tend désormais à les utiliser pour permettre de baisser les coûts sociaux dégradants associés aux procédures judiciaires[20] ; ils sont aussi associés à de meilleurs résultats que le système de justice, en particulier en ce qui concerne les taux de récidive[21]. Reste qu’au final, aujourd’hui, il existe peu de recherches évaluant concrètement les effets de ces programmes. Certaines tendent à montrer que les taux de ré-arrestation restent sensiblement les mêmes que pour des procédures judiciaires, d’autres que les taux de ré-arrestation baissent considérablement, de 20 à 30 %[22], voire 50 %[23]. Au Canada, les programmes de mesures de rechange pour adultes sont étudiés ponctuellement, programme par programme ou province par province ; ou ils font l’objet d’observations générales utilisant des méthodes telles que des méta-analyses. Ils n’ont fait l’objet d’aucun portrait systématique comparé jusqu’à la publication d’un article de Julie Desrosiers[24], tentant de combler, du moins partiellement, cette lacune.
Concernant, cette fois, la justice réparatrice[25], il semble fort contestable de tenter de calculer les taux de récidive d’un programme réparateur, la notion de performance judiciaire s’emboîtant mal dans les objectifs d’une justice définie comme sociale. Il est néanmoins parfaitement établi que cette question intéresse les scientifiques depuis longtemps. D’un côté, la baisse de la récidive ne peut pas être un objectif déclaré de la justice réparatrice. Un tel lien est avant toute chose décrié par ses propres ingénieurs[26]. La justice réparatrice n’a jamais eu un tel objectif, et la lier à la récidive reviendrait à instrumentaliser sa philosophie. D’ailleurs, si l’on s’évertuait à tenter tout de même le calcul, ce dernier serait vain : un accusé qui accepte de participer à un programme de justice réparatrice se trouve souvent, déjà, considéré comme étant en voie de réinsertion, donc la démonstration s’en trouve empreinte de biais de départ[27]. Le comportement d’un accusé en termes de récidive peut également changer en fonction de ses propres caractéristiques (adulte ou mineur[28], appartenant ou non à une communauté autochtone ou à un groupe minoritaire[29]) ; les taux de récidive sont sans conteste liés à l’âge de l’accusé, à son genre, etc.[30]. Les taux de récidive changent aussi avec chaque programme de justice réparatrice (en prison, en communauté, en mesures de rechange) et avec le comportement des médiateurs ou des animateurs des programmes[31], ce à quoi il faut également ajouter l’influence de la présence de la victime ou de membres de la communauté[32], car leur présence ne va pas de soi dans l’ensemble des programmes.
D’un autre côté, un grand nombre de scientifiques insistent tout de même pour tenter de savoir si, oui ou non, la récidive peut être un indice de performance des programmes de justice réparatrice malgré ces limites. De nombreux articles présentant des résultats de recherche, parmi eux des méta-analyses, ont permis, au cours des vingt dernières années, d’examiner l’efficacité des programmes de justice réparatrice quant à la réduction de différentes formes de récidive[33]. Il y est démontré des taux de récidive en général plus faibles que dans le cas des programmes de justice pénale[34], donc une bonne efficacité des programmes de justice réparatrice par rapport aux programmes pénaux ou cliniques. Néanmoins, les programmes de justice réparatrice proposés dans les cas de récidive violente sembleraient bien moins efficaces que les programmes offerts dans les cas les moins graves[35], si l’on en croit les recherches les plus récentes. Pour les crimes les plus graves, les taux de récidive sont souvent simplement équivalents ou mitigés[36] par rapport aux programmes pénaux ou cliniques habituels, voire carrément contre-productifs, à savoir moins efficaces que les programmes qu’ils remplacent[37]. Un tel constat doit toutefois, ici encore, être nuancé. Ces programmes prennent place le plus souvent dans des pénitenciers, et il semble difficile de passer outre l’effet de l’institution carcérale sur le comportement des accusés (par rapport à un programme en communauté). Il existe aussi de nombreux biais méthodologiques à de tels résultats : par exemple, les programmes destinés aux crimes les plus graves sont peu nombreux, et donnent lieu à des résultats statistiques moins fiables, ils ignorent des indicateurs tels que la conformité du programme observé par rapport aux programmes sociaux de justice réparatrice, ils ne tiennent pas toujours compte de leur organisation plus ou moins structurée[38]. Par ailleurs, ils ne prennent pas assez en compte la spécificité du type de crime ou d’infraction concernée[39]. Au final, un constat global intéressant s’impose à la lumière de cet état des lieux. Le lien entre justice réparatrice et récidive est peu aisé à faire. Il semble surtout refléter bien plus les choix méthodologiques des auteurs que l’efficacité réelle du programme évalué, ce qui est admis au sein des publications les plus récentes[40]. Pour se faire une bonne idée de la situation, il faudrait donc pouvoir se prononcer sur chaque population, chaque pays, chaque programme, comme sur chaque niveau de gravité infractionnelle.
Si l’on fait abstraction des programmes offerts au Service correctionnel du Canada[41], qui concernent des programmes fédéraux accessibles aux détenus québécois comme à ceux d’autres provinces, il n’existe pas, à notre connaissance, d’étude publiée portant sur l’efficacité d’un programme québécois pour adultes de justice réparatrice quant à son taux de récidive. L’immense majorité des travaux disponibles dans la littérature scientifique, et donnant un effet de profusion de la recherche sur cette question, prennent pour échantillon des programmes qui n’ont pas ou peu d’équivalent dans le système sociojudiciaire québécois, ou qui sont destinés à une clientèle mineure, ou qui ne sont que peu ou pas comparables aux programmes ou aux approches québécoises ou à d’autres programmes canadiens[42]. La présente recherche offre donc pour la première fois des données québécoises chiffrées sur la question, tout en formulant les mises en garde et les nuances qu’il est nécessaire d’apporter à ce type d’informations.
2 Présentation du programme et de la recherche
Le Québec a créé et implanté son premier programme de mesures de rechange pour adultes en matière criminelle (PMR-G)[43] le 1er septembre 2017, dans la foulée de l’arrêt R. c. Jordan de la Cour suprême du Canada[44]. Bien que de nombreux programmes connexes mais portant sur des problématiques spécifiques, par exemple en santé mentale ou en toxicomanie[45], aient été testés ou en place dans la province, le Québec était la seule province du Canada à ne pas déjà avoir un programme général de mesures de rechange général (en dehors de Terre-Neuve- et-Labrador et du Yukon). Il en avait pourtant la possibilité, depuis la réforme de 1996 sur la détermination de la peine[46] instaurant l’article 717 du Code criminel, qui invite chacune des provinces canadiennes à s’en prévaloir. Mais il en avait surtout depuis longtemps l’intention, puisqu’un tel programme était « sur les tablettes » des organisations québécoises depuis la fin des années 90[47], alors même que le Québec se trouvait déjà un leader canadien en matière de mesures de rechange pour mineurs[48]. C’est seulement à l’été 2017 qu’une entente est signée pour créer le premier programme de ce type applicable aux adultes québécois. La mise en place de ce projet officialise, ce faisant, une collaboration inédite entre plusieurs partenaires. Dans cette équipe, on trouve : 1) le porteur du projet, à savoir le ministère de la Justice, par la voix de l’une de ces directions internes qui prendra définitivement, en 2018, le nom de Direction des programmes d’adaptabilité et de justice réparatrice ; 2) le directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) ; 3) le ministère de la Sécurité publique ; 4) les centres d’aide aux victimes d’actes criminels (CAVAC) ; et 5) le principal réseau d’intervenants communautaires responsables de l’application des mesures[49] de justice réparatrice au Québec[50], à savoir le réseau Équijustice. Le partenariat est complété par la présence d’une équipe de recherche de l’Université Laval[51], qui est alors sollicitée pour procéder à l’accompagnement et à l’évaluation concomitante[52] du programme, et qui se joindra, de 2017 à 2022, à l’ensemble des comités de déploiement, d’orientation et de suivi.
La mise en place du PMR-G au Québec vise au départ à réduire le recours au système de justice et au système carcéral, et à cesser le monopole judiciaire en matière de gestion des infractions de faible gravité. Au Québec, les vols de moins de 5 000 $, les méfaits, les introductions par effraction ou autres représentent plus de 50 % des infractions commises[53]. Le programme doit également tenter d’éviter le piège classique des mesures de rechange : celui de l’augmentation du filet pénal. En effet, de nombreux auteurs dénoncent depuis toujours l’instrumentalisation de ce type de programmes aux fins d’extension du contrôle de l’État à des infractions si anodines qu’elles devraient plutôt faire l’objet d’autres dispositifs (infractions réglementaires, interventions sociales non punitives, etc.[54]). Loin de se contenter d’objectifs de déjudiciarisation, le Québec décide donc de s’appuyer sur ses traditions en justice pour les adolescents et ses forces communautaires : il crée un programme mettant en son sein des mesures de justice réparatrice, et non pas simplement des mesures de déviation ou de déjudiciarisation classiques[55]. Le PMR-G est donc créé comme un programme unique, mais hybride, se retrouvant au croisement des programmes de déviation pénale et de justice réparatrice, sans ne plus être ni tout l’un ni tout l’autre.
Dans un premier temps en effet, le programme ressemble bien à un programme de déviation classique des procédures judiciaires. Le PMR-G prend en charge certaines infractions répondant aux critères prévus par la loi et admettant, notamment, des infractions poursuivies par voie sommaire, des infractions poursuivies par voie d’accusation, des infractions mixtes passibles d’une peine maximale de deux ou de cinq ans, mais également des infractions hybrides poursuivies par voie sommaire et passibles d’une peine maximale de dix ans, à condition qu’elles ne soient pas des infractions relatives à la personne (incluant les infractions relatives aux drogues et autres substances). Certaines infractions graves contre la personne, les infractions relatives à la conduite des véhicules à moteur, les infractions impliquant le non-respect d’ordonnances judiciaires et les infractions comportant des peines minimales ont été strictement exclues. L’accusé qui répond aux critères du programme et qui a commis une infraction admissible est entendu en comparution devant un juge, puis proposé au programme par le procureur aux poursuites criminelles et pénales (PPCP). S’il accepte d’y participer, il devra alors être évalué par un agent de probation, qui vérifiera dans quelle mesure il admet sa responsabilité dans les faits reprochés. Une fois passée cette étape, l’accusé voit son dossier autorisé par le PPCP, tandis que le dossier de la victime est transmis au CAVAC responsable, qui la contacte et vérifie avec elle son intention d’être, ou non, informée du programme et, le cas échéant, d’y participer elle-même en demandant réparation à l’accusé, directement ou indirectement.
C’est dans un second temps que le programme se distingue. Les dossiers des accusés comme des victimes, une fois que toutes les étapes d’admissibilité et de conformité ont été respectées, sont alors transmis au réseau Équijustice, qui prend le relais, pour la réalisation d’une mesure de justice réparatrice, sous la forme d’un accompagnement. Cette étape comporte trois particularités. La première est que, non contents d’être ceux qui vont permettre à l’accusé de réaliser une mesure de justice réparatrice, en lieu et place d’une peine ou d’une mesure de rechange classique, les intervenants d’Équijustice sont aussi responsables de la choisir, en équipe avec l’accusé et la victime. La mesure est donc déterminée non pas sur des critères pénaux, mais sous la forme d’un accompagnement, respectant des critères personnels et interindividuels choisis dans le milieu communautaire et répondant aux attentes et au désir de réparation des personnes concernées, et à la condition que l’accusé accepte le programme, qui est axé sur le désir de tenter de réparer les torts subis par les victimes. La seconde particularité est que cela a pour conséquence directe de mener à une personnalisation des mesures, et à une grande variété dans ces dernières. La médiation entre l’accusé et la victime est la mesure la plus reconnue et plébiscitée, néanmoins l’accusé pourra, si la victime y consent (ou si elle se désintéresse de la question ou encore refuse de participer), réaliser aussi un travail communautaire d’un certain nombre d’heures ou bien opter pour un remboursement ou un dédommagement, des mesures de rappel à la loi, de soutien et d’aide à la personne (référence à un organisme de droits, soutien alimentaire, soutien à l’itinérance, référence en santé mentale, etc.). Il est devenu rapidement difficile d’étiqueter de telles mesures, et Équijustice les classe, aux fins de simplification, en trois catégories : la réparation auprès des personnes victimes ; la réparation auprès de la collectivité ; les mesures de sensibilisation[56]. Au moment du démarrage du programme ainsi que de la recherche, d’autres manières de classer les mesures ont été utilisées : les mesures ont, en effet, évolué au fil du temps. Aux fins de la recherche, l’ensemble des formes d’accompagnement possibles ont été classées en trois catégories[57] qui sont différentes de la trilogie utilisée par Équijustice. Ce classement était celui utilisé au moment du démarrage du programme et de la recherche ; c’est aussi celui qui a été publié dans des rapports précédents. Il permet de montrer d’autres nuances : le tri n’est pas effectué en fonction de « qui » on répare, mais « comment ». Ont donc été distinguées :
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les mesures de type « médiation » qui impliquent directement la victime et qui impliquent un travail de dialogue entre les personnes (médiation directe ou indirecte, dialogue interpersonnel ou réunissant des proches, groupes, etc.) ;
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les mesures de type dédommagement pécuniaire prenant la forme d’un remboursement ou d’une compensation financière, qu’elles soient destinées à la victime ou à la communauté ;
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les mesures impliquant plutôt une réparation autre, entre l’accusé et la collectivité, dans lesquelles on intègre toute mesure de type travail communautaire, service à la communauté, mesures de soutien, sensibilisation ou autre.
Dans un troisième temps, on relève une particularité : quelle que soit la forme d’accompagnement choisi, en médiation, en dédommagement ou encore en service ou en sensibilisation, la mesure est toujours accompagnée par des professionnels spécialisés, à savoir un groupe limité de médiatrices[58] formées en justice réparatrice, et répondant à une approche précise : l’approche relationnelle[59], qui assure une harmonisation dans la manière de faire et utilisant les mêmes orientations réparatrices, quelle que soit la mesure préconisée[60]. Ces médiatrices, choisies et formées par le réseau pour cette mission, sont en nombre limité et travaillent ensemble de manière harmonisée. L’approche prônée est respectée, quel que soit le type d’accompagnement choisi, et s’applique aussi bien à une médiation qu’à un accompagnement dans le cadre d’un dédommagement financier ou d’un suivi, d’un travail, etc.
L’équipe de recherche a été engagée pour procéder à une évaluation complète de ce dispositif de justice, observé depuis le premier jour de sa création, le 1er septembre 2017, jusqu’au 31 mars 2022. La recherche s’est déroulée en trois phases distinctes de collectes de données :
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Phase 1 : Étude du projet pilote 2017-2019. Le PMR-G est entré en vigueur le 1er septembre 2017 et a fait l’objet d’un projet pilote jusqu’au 31 mars 2019, dans trois districts judiciaires, au niveau de la Cour du Québec. Au total, 596 dossiers[61] ont pu être référés au programme et suivis par l’équipe de recherche durant cette période. Ils ont fait l’objet d’une observation complète[62] ;
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Phase 2 : Étude 2019-2020 portant sur la généralisation du programme à l’ensemble des districts de la Cour du Québec. À compter du 31 mars 2019, de nombreux districts supplémentaires ont implanté le programme à leur tour, un à un, et les données ont été transférées au fur et à mesure et en temps réel à l’équipe de recherche. Au 31 décembre 2020, 2 587 dossiers[63] composaient le total des dossiers disponibles pour observation[64] ;
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Phase 3 : Entre le 1er janvier 2021 et le 31 mars 2022, un nombre important de dossiers supplémentaires ont été recueillis, pour un total cumulé de plus de 5 000 dossiers au moment de l’écriture de ces lignes. Ces données sont en cours de tri.
Il doit être noté que ces trois phases ne concernent que les dossiers ouverts à la Cour du Québec. La phase 4 de la recherche a débuté en 2023 et porte sur le transfert et l’adaptation du programme dans les cours municipales[65]. Le PMR-G n’ayant été implanté dans les cours municipales que récemment, les résultats ne seront disponibles que bien plus tard. Les données recueillies actuellement dans les cours municipales ne peuvent faire l’objet d’aucune comparaison, encore moins d’un amalgame, avec les données de la Cour du Québec. Le PMR-G prend une forme différente au niveau municipal : les infractions considérées sont plus limitées ; les mesures peuvent être transférées à bien d’autres organismes que ceux qui réalisent des mesures de justice réparatrice ; elles n’impliquent pas toujours des victimes ; les observations qui en résultent ne peuvent pas être mélangées ni comparées, étant donné que parfois elles réfèrent à des situations particulières ou à des quartiers spécifiques, etc. Quelques cours municipales[66] n’ont pas encore implanté le programme au moment de l’écriture de ces lignes.
Le devis général de la recherche sur les données de la Cour du Québec (phases 1, 2 et 3) est triple. Il est composé :
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d’un devis juridique, prévoyant une recension juridique complète du dispositif et un portrait du programme québécois par rapport à ceux de ses homologues canadiens ;
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d’un portrait qualitatif ayant permis la réalisation d’une centaine d’entrevues avec les accusés, les victimes, mais aussi l’ensemble des professionnels déployés au sein du programme de la Cour du Québec (juge, agents de probation, procureurs, intervenants, victimes et sociojudiciaires, dont les médiatrices, avocats de la défense) ;
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d’un portrait quantitatif (général) ayant permis l’étude du portrait et de la trajectoire de l’ensemble des dossiers admis au programme au niveau de la Cour du Québec.
Le présent article porte sur un échantillon précis composé des 1 000 premiers dossiers (chiffre exact) soumis, acceptés et renvoyés au programme, dans leur ordre chronologique d’ouverture, sans aucune considération de district ou de région (chaque dossier ayant été retracé par sa date d’ouverture et par son numéro de dossier judiciaire), et peu importe que l’accusé ait réalisé ou non, et réussi ou non, sa mesure. Ces 1 000 dossiers ont été observés à cheval sur les phases 1, 2 et 3. Tous les dossiers, une fois ouverts et acceptés au programme, ont été considérés, du premier au millième exactement. Ces choix seront justifiés plus loin. Le présent article a pour objectif de présenter la trajectoire des 1 000 premiers accusés référés au PMR-G, et dont les taux de réentrée dans le système judiciaire ont été observés durant deux ans après leur passage au sein du programme.
3 Méthodologie
Les résultats présentés ici, concernant les 1 000 premiers dossiers acceptés au programme, ont été observés dans leur ordre chronologique d’ouverture, à la Cour du Québec. Dans l’ensemble de tous les dossiers recueillis depuis l’entrée en vigueur du programme en 2017, seulement 1 000 accusés respectaient, dans leur trajectoire, notre devis pour le calcul de la « réentrée judiciaire » (définie plus loin), à savoir :
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avoir été référé au programme à compter du 1er septembre 2017 (date de mise en branle officielle) ;
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avoir expérimenté le programme, que ce soit positivement ou négativement (échoué ou réussi, mesure complétée ou non) ;
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avoir complété une durée de deux ans jour pour jour après la date enregistrée comme la date de fin du programme.
Ces 1 000 dossiers se sont retrouvés à la fois dans l’échantillon de la phase 1 et de la phase 2 de la recherche, mais les observations de plusieurs d’entre eux se sont déroulées en même temps que la phase 3 de la recherche. Le graphique 1 explique la ligne temporelle.
Graphique 1
Représentation des échelles de temps pour les périodes d’observation
Les 1 000 dossiers composant le présent échantillon sont entrés dans le programme entre 2017 et 2020. Néanmoins, le dernier et millième dossier a été observé jusqu’en mars 2022. En effet, dès le 1er septembre 2017, date de l’ouverture officielle du programme au Québec, l’équipe a obtenu chaque dossier, pour chaque accusé, dans l’ordre chronologique de son ouverture et de son entrée dans les différents registres et banques de données des partenaires institutionnels et organisationnels, le tout dans chacune des régions de la province, et ce, au fur et à mesure que chaque district judiciaire implantait le programme. Chaque dossier faisant l’objet d’une mise à jour régulière par les partenaires, l’observation de son évolution au fil du temps a été rendue possible. Le travail méthodologique pour le présent article est donc « simple » : il a consisté à prendre les 1 000 premiers dossiers référés au programme dans leur ordre chronologique d’arrivée, sans tenir compte de la région ou du district, et de les observer durant leur passage au sein du programme ainsi que pour une durée de deux ans jour pour jour après la date de fin, date différente pour chaque dossier et menant jusqu’en 2022. Le tout a donc essentiellement pris la forme d’un travail de compilation et de recension, puis de mise à jour, réalisé sans interruption depuis le premier jour de la création du programme jusqu’à la fin de la période d’observation du millième et dernier dossier, à la mi-mars 2022.
Les données disponibles obtenues sont complètes : elles comprennent les données sociodémographiques de l’accusé, l’ensemble de son dossier judiciaire, le dossier du programme de mesure de rechange (incluant la date de chacune des procédures internes, le détail de chaque infraction, les informations concernant les victimes, les mesures, etc.). Des calculs de fréquence, de distribution et autres sont en cours de réalisation et feront l’objet d’analyses ultérieures : ils ne seront donc pas mobilisés ici. Les résultats simplement descriptifs du programme nous ont semblé intéressants en eux-mêmes.
3.1 Obtention des données
La recherche a fait l’objet d’une double autorisation par voie de requête à la Cour du Québec[67] et par le comité d’éthique de la recherche de l’Université Laval[68]. Les présentes données sont uniquement celles de la Cour du Québec, et ne concernent pas les cours municipales[69]. L’accès aux informations a été autorisé pour l’ensemble des données quantitatives, qualitatives et relatives aux données personnelles propres à tous les dossiers soumis au PMR-G. Trois banques différentes ont été consultées, puis croisées entre elles : la banque de données du DPCP, dont les dossiers propres au PMR-G ont été extraits par l’équipe du DPCP ; la banque de données du réseau Équijustice, réseau de justice réparatrice responsable de l’exécution des mesures, et la banque de données des centres d’aide aux victimes d’actes criminels. Les informations, recueillies par extraction, ont été transférées sur le logiciel Excel, puis recodées sur une banque SPSS, et ont fait l’objet d’algorithmes de vérification. En cas de doute sur un dossier, il a été possible de faire appel aux personnes responsables pour les cours sises dans les différents districts ou aux partenaires institutionnels et professionnels ; des accords interjuges ont été réalisés.
3.2 Suivi des dossiers
Concernant le suivi de la trajectoire interne des dossiers, dans l’ensemble des banques de données utilisées, un même dossier a pu être suivi sur le mode « trajectoire » grâce au numéro d’identification judiciaire unique de chacun. Chaque dossier PMR-G a ainsi pu être observé depuis son entrée (date d’ouverture du dossier) jusqu’à sa sortie du programme (date de l’inscription du retrait des accusations ou équivalent), car retracé dans chacune des banques de données des différents partenaires.
Pour ce qui est du suivi des trajectoires en amont et en aval de chaque dossier, les informations obtenues au sein de chaque dossier comprenant les informations d’identification des personnes accusées et victimes (nom, date de naissance, etc.) ainsi que les numéros judiciaires attitrés à chaque poursuite initiée à la Cour du Québec : il a été possible de retracer l’ensemble de ces dossiers dans le registre public des dossiers judiciaires en matière criminelle (couramment désigné par le nom commun « plumitif[70] »), en utilisant la banque SOQUIJ[71]. Rappelons qu’aucun dossier des cours municipales n’est concerné ; le plumitif s’est donc avéré le meilleur moyen de suivre la trajectoire pré- et post- des dossiers en temps réel et de retracer les antécédents et les réentrées en limitant les erreurs concernant les identités des personnes. Des dispositifs de protection maximale des données personnelles concernant les usagers ont été utilisés tout au long de la recherche.
En matière de limites géographiques, l’ensemble des dossiers recueillis a pour limite la province de Québec. Au moment de la collecte, plusieurs districts judiciaires appliquaient le PMR-G, et d’autres intégraient le programme au fur et à mesure, la généralisation du programme s’étant déroulée sur plusieurs années[72]. La répartition géographique des dossiers observés ne sera donc pas présentée ici, le présent devis satisfaisant à des critères de temporalité (dates), peu importe la localisation de l’accusé dans l’espace et le rattachement de son dossier à un district ou à un autre.
En ce qui a trait aux limites méthodologiques, plusieurs d’entre elles doivent être précisées. La première concerne l’utilisation du plumitif pour les observations du dossier avant son entrée dans le programme et après sa sortie. Rappelons que les observations tout au long du programme ont été recueillies dans les banques de données des partenaires. Utiliser le plumitif pour les observations en amont et en aval nous a semblé le plus aisé et le plus sûr, étant donné qu’il permet l’accès à une grande quantité d’informations et qu’il permet de retracer l’identité exacte de chaque personne, et aussi ses mouvements (en cas de poursuite dans un autre district ou de changement d’adresse), etc. De plus, comme les dossiers ont été suivis en temps réel (la banque ayant été consultée plusieurs journées par semaine, et les dossiers suivis un par un), les erreurs de temps ou de dates, mais aussi la probabilité qu’un dossier ait été effacé au bout d’un certain temps à cause d’une demande d’un accusé de faire retirer son dossier du registre, était extrêmement limitée. Néanmoins, ce choix comporte d’autres biais : il ne permet pas de se faire une bonne idée des interpellations ou des arrestations ; et il ne permet de considérer que les infractions poursuivies au Québec. La seconde limite concerne le temps d’observation des taux de réentrée, qui est de deux ans, alors que les études portant sur la récidive peuvent utiliser des périodes allant jusqu’à dix ans, ou plus. Ce second biais s’explique tout simplement par le fait qu’en mars 2022, seulement deux ans d’observation avaient été possibles. Il faudrait attendre 2024 ou 2025 pour cumuler une période d’observation plus longue. Néanmoins, le délai de deux ans est acceptable, selon nous, car des études scientifiques sur toutes sortes de programmes portant sur la récidive après un an ou deux (12 ou 24 mois) sont souvent publiées[73]. La troisième limite concerne le fait que seuls les dossiers acceptés au programme sont inclus dans l’échantillon. Ainsi, les dossiers pour lesquels les procureurs craindraient des taux de récidive élevés pourraient avoir été exclus d’emblée par ces derniers. Il faut donc prendre en considération que les cas les plus à risques ne sont probablement pas renvoyés au programme. Néanmoins, notre article porte sur les dossiers référés au programme, pas sur ceux qui en sont exclus (qui deviennent alors des dossiers judiciarisés). Cela ne permet donc pas de comparaison avec un groupe contrôle. Nous avons néanmoins une idée précise[74] des taux de refus par les procureurs pour ce programme, qui étaient de 10,90 %[75] pour la phase 1 (projet pilote[76]) et qui sont montés à 19,56 %[77] à la phase 2[78]. Ce taux est stable encore aujourd’hui. L’accroissement des refus depuis la phase 1 s’explique par la généralisation du programme à toutes les régions et à l’atteinte de ce que l’on pourrait appeler une « vitesse de croisière ».
3.3 Méthode de calcul et analyse
Lors du processus de recension des écrits qui a contribué à encadrer la recherche, il est apparu que des articles scientifiques portant sur l’évaluation des taux de réentrée (ou de récidive) de programmes de déjudiciarisation font état d’un premier type de devis, qui consiste à comparer deux échantillons différents : un groupe d’accusés ayant participé à un programme, un groupe d’accusés n’y ayant pas participé. Les recherches prennent ici la forme d’analyses quantitatives utilisant des algorithmes de comparaison impliquant des groupes contrôles. Il était impossible, dans le cas présent, d’utiliser un groupe contrôle équivalent. Une comparaison avec les taux de fonctionnement de la justice n’aurait pas été aisée non plus, car elle aurait requis un accès illimité aux banques de données du PPCP. Un second type de devis utilisé consiste à comparer les taux de réussite de programmes entre eux, en utilisant des calculs probabilistes de type odds ratio : tel programme x faisant baisser de n % un taux de réentrée par rapport à un programme y. Cette méthode était exclue également, le PMR-G ne permettant pas, en l’espèce, de comparaison avec un autre programme au Québec (mentionnons dans ces dernières catégories les programmes d’accompagnement justice en toxicomanie ou en santé mentale[79], qui n’impliquent pas de mesure de justice réparatrice, ou ne sont pas comparables, ou servent aussi d’alternatives à la peine et non à la judiciarisation, etc.). Enfin, il n’était pas pertinent, pour l’équipe de recherche, de procéder par échantillonnage représentatif, puisque l’accès à la totalité des dossiers renvoyés au programme était possible. Il a donc été décidé de déterminer simplement les taux exacts, sans objectifs de comparaison. Les résultats présentés dans notre article pourront néanmoins être comparés avec d’autres résultats qui seront recueillis plus tard, à partir de ce même programme ou d’autres.
En ce qui concerne l’échantillon, rappelons que le programme de mesures de rechange général pour adultes est entré en vigueur le 1er septembre 2017. Les 1 000 premiers dossiers renvoyés au programme, sans exception, dans l’ordre d’arrivée, peu importe le district de rattachement, ont été consultés à partir du premier jour de création du PMR-G, et observés sur deux ans, la dernière période se terminant en mars 2022[80]. Afin d’observer les taux d’antécédents et de réentrée, et de constituer l’échantillon, il a fallu choisir des dates clés :
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Pour le calcul des antécédents, il a fallu fixer une date T¹, propre à chaque dossier, à partir de laquelle considérer que l’accusé « entre dans le programme ». Il suffisait alors de retracer chaque accusé dans le plumitif, et de recenser toute arrestation ou procédure judiciaire antérieure à cette date ;
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Pour le calcul des réentrées, il a fallu fixer une date T², propre à chaque dossier, à partir de laquelle considérer que l’accusé « sort du programme », et à partir de laquelle procéder à l’observation d’un comportement de réentrée ou non, peu importe que cette réentrée concerne un dossier en cours, suspendu, différé ou une véritable condamnation (toute réentrée étant considérée ici). Cette date devait être, pour tous, celle qui marque le moment où chaque accusé termine le programme (ou y échoue), et donc retourne à un quotidien « après PMR-G ». Une fois cette date identifiée dans chaque dossier, il fallait ensuite que se déroule une durée exacte de deux années jour pour jour après cette date. Par exemple, un accusé a réussi sa mesure ou y a échoué le 1er juin 2019. Cette date est donc la date T² à partir de laquelle l’accusé « sort » du programme. Il a fallu attendre patiemment le 1er juin 2021, soit deux ans jour pour jour après T², afin de pouvoir intégrer son dossier au présent devis. Le dossier a alors été rouvert et consulté au sein du plumitif, afin d’y recenser toutes les arrestations ou procédures criminelles mentionnées dans le dossier durant ces deux années. Précisons que la durée de deux ans est calculée au jour près à partir de la date de la fin de la mesure, et non après la date T¹ de l’entrée du dossier dans le programme (utilisée, elle, pour le calcul des antécédents), ou la date de l’ouverture du dossier, T0, et qui lui est très antérieure. Il est donc normal que, pour le calcul d’un taux de réentrée après deux ans, un délai de près de quatre années d’attente ait été nécessaire parfois, certains dossiers étant restés longtemps « suspendus » entre T0 et T¹.
Chaque dossier entrant a été observé, un par un et nominativement, en suivant ces critères. Les informations recueillies ont fait l’objet d’accords interjuges au sein de l’équipe de recherche, et les résultats ont été progressivement présentés à l’ensemble des partenaires institutionnels et organisationnels. En mars 2022, le seuil clé de 1 000 dossiers respectant ces critères d’inclusion a été atteint[81]. Les analyses ont été effectuées à partir d’avril et de mai 2022.
En détail, voici les dates de référence qui ont été utilisées comme « dates clés » :
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Date d’ouverture du dossier dans le programme, ou date T0 : il s’agit de la date à laquelle le dossier a été ouvert. À ce stade, on ne sait pas si l’accusé respecte l’ensemble des conditions pour être admis officiellement au programme ;
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Date d’autorisation du PMR-G, ou date T¹ : il s’agit de la date à laquelle le procureur autorise le dossier au PMR-G. Cette date a été choisie pour déclarer un dossier valide entrant dans le programme. Les calculs des taux d’antécédents et de réentrée ont été effectués à partir de dossiers acceptés uniquement, afin de ne pas inclure d’accusés refusés, ce qui aurait faussé les résultats ;
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Date limite de réalisation de la mesure, ou date T² : cette date correspond à la date après laquelle tout accusé doit obligatoirement avoir réalisé sa mesure de rechange en justice réparatrice (qui a une durée limitée). Cette date est celle à partir de laquelle ont été recherchés des indices de réentrée dans le registre public. Cette date ne correspond pas toujours exactement à la date de fin de réalisation de la mesure, car il est possible que l’accusé termine son programme bien avant la date limite enregistrée. Néanmoins, la date limite semblait la plus fiable pour une étude de la « réentrée », car elle ne contenait quasiment aucune donnée manquante, contrairement à toutes les autres dates possibles, et elle était la seule qui prenait en compte les dossiers d’échec, de réussite partielle ou autre. Un dossier suspendu ou un dossier échoué n’a pas souvent de date de « fin de réalisation de la mesure ». Cette « date limite » était donc la seule qui permettait d’observer la réentrée d’accusés ayant également échoué au programme ou ne l’ayant complété que partiellement ;
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Écart entre les dates T¹ et T² : de la date T¹ à la date T², il est arrivé qu’un accusé se voie ouvrir un autre dossier judiciaire en même temps que celui du PMR-G. Cela s’explique de plusieurs manières : l’accusé peut avoir fait l’objet de plusieurs chefs d’accusation dont seulement certains sont acceptés au PMR-G, les autres faisant l’objet de poursuites classiques ; il se peut que l’accusé ait eu plusieurs dossiers concomitants pour des faits différents ; ou qu’il ait « récidivé » pendant le programme, etc. Ces arrestations ou procédures ne pouvant être qualifiées ni d’antécédents ni de réentrée, elles ont été regroupées et nommées « taux de concomitance ».
Le graphique 2 résume les temps de trajectoire observés par rapport aux concepts utilisés et permet de se repérer dans la séquence du programme.
Graphique 2
Concepts utilisés pour l’étude en fonction des dates observées
3.4 Justification des termes utilisés et des choix opérés
Nous avons choisi les concepts d’« antécédent » et de « réentrée » pour notre article. Le terme « antécédent », semblant peu poser problème, est utilisé couramment, sur le terrain ou à l’écrit. Cependant, le terme « réentrée » a été privilégié ici uniquement pour remplacer le terme « récidive ». Il s’agit néanmoins d’admettre que le terme « récidive » est, en pratique et sur le terrain, le terme couramment utilisé, et celui choisi par plusieurs partenaires. Nous l’avons remplacé par « réentrée » uniquement pour prendre en considération des positionnements tels que celui de Laura Aubert et Philippe Mary[82], selon lesquels le terme « récidive » devrait être évité, car il fait référence à une idée de dangerosité alimentant la logique sécuritaire. Ajoutons à cela que les infractions incluses dans le PMR-G sont la plupart du temps des délits mineurs, ce qui rend un tel concept encore plus contestable. Le terme « récidive » a également le défaut de faire référence à des situations de toutes sortes, sans nécessairement de liens entre elles. Or ce terme ne pouvait être remplacé par le terme « réitération » (qui n’implique pas qu’un dossier soit ouvert pour une nouvelle infraction) ni par le terme « ré-arrestation » (car la date de l’arrestation ne correspond pas toujours avec la date de l’infraction). Le terme « réentrée », plus neutre, fait simplement référence à une nouvelle entrée du dossier dans le système ou à un « taux de reprise », comme le proposait Pierre Landreville[83].
En matière de comptabilisation des infractions, des choix méthodologiques ont été nécessaires pour cibler les dossiers d’antécédents et de réentrée à l’étude :
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Concernant les antécédents, il est arrivé qu’un accusé compte plusieurs antécédents, ce qui était facile à compiler et à dater. Le nombre d’antécédents a été comptabilisé. Mais pour les analyses de la nature de ces antécédents, la comparaison des infractions entre elles devenait difficile, car les accusés n’avaient pas le même nombre d’antécédents. Comment présenter un portrait des infractions fiable quand les antécédents d’un seul sont à même de gonfler un échantillon composé de 1 000 personnes ? C’est donc uniquement le dernier antécédent déclaré au sein du plumitif, soit le dossier le plus récent avant T¹, qui a été retenu. Par exemple, une personne X a plusieurs dossiers ouverts dans le plumitif, en 2004, en 2012, en 2015 et en 2017. Le dossier de 2017 est celui qui a conduit à l’ouverture d’un dossier PMR-G. Son dernier « antécédent » correspond donc au dossier ouvert en 2015 ;
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Concernant la réentrée : a été comptabilisé chacun des dossiers ouverts après T² sur une période de deux ans exactement. Par exemple, la personne X a été admise au programme en octobre 2017, et sa date limite de mesure était en juin 2018. Elle a un dossier de « réentrée » ouvert en août 2019 et toujours en cours. Le dossier de X est entré dans l’échantillon en juin 2020, quand au moins deux ans se sont écoulés depuis la fin de sa mesure (soit juin 2018 + 2 ans). Son dossier de 2019 constitue donc sa « réentrée ».
Au sujet de la catégorisation des infractions, précisons qu’au sein du PMR-G le nombre d’infractions admissibles est limité, ce qui rend leur portrait général possible à présenter[84]. Néanmoins, en matière d’antécédents et de réentrée, le nombre d’infractions auquel il est possible d’être confronté n’a aucune limite. Un important tri et classement a donc dû être réalisé, en fonction de critères faisant l’objet d’accords interjuges. Les infractions ont été classées pour les ramener en « grandes catégories », aux fins de lisibilité : infractions contre la personne, contre la propriété, contraires aux bonnes moeurs/inconduites/nuisances, etc. Néanmoins, cette catégorisation avait une limite importante concernant les infractions contre la personne : elle ne permettait pas de discerner les infractions particulièrement graves (la catégorie « infraction contre la personne » incluant les menaces comme elle inclut les homicides). Ne pouvant utiliser le type de poursuites pour les distinguer (par voie sommaire ou par voie d’accusation), nous avons décidé de séparer la catégorie « infractions contre la personne » en deux. Ont été créées :
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une catégorie « infractions impliquant de la violence grave contre la victime », pour les infractions contre la personne impliquant des lésions, la mort ou la tentative de meurtre, ou l’utilisation d’une arme contre la victime (équivalant aux niveaux deux et trois de gravité des infractions sexuelles, voies de fait, mais aussi aux séquestrations, aux infractions contre la personne comportant des peines minimales, etc.) ;
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une catégorie « infractions simples contre la personne », qui inclut les menaces, le harcèlement ou les voies de fait ou les agressions sexuelles sans lésion ou sans la menace d’une arme, ainsi que les autres infractions simples contre la personne.
Dans le cas de l’étude des dossiers de réentrée, il est arrivé, dans moins de cinq dossiers, qu’un même accusé, donc un même « dossier », comporte plusieurs réentrées. Il est également arrivé que, dans le cadre d’une seule réentrée, plusieurs chefs d’accusation soient mentionnés. Aux fins de clarté, dans ces situations, il a fallu isoler un seul type d’infraction possible par personne, le plus significatif, le principal ou le plus grave. Étant donné le très faible nombre de dossiers concernés, ces cas ont été traités cas par cas par accord interjuges (avec les membres de l’équipe de recherche mais aussi plusieurs partenaires professionnels dans les réseaux concernés). Il est à noter que tous les résultats ont fait l’objet de présentations régulières aux partenaires et que des juristes ont discuté ces classements. Les accords interjuges furent obtenus facilement. Il ne faut néanmoins pas oublier qu’ils résultent de classements humains et donc qu’ils comportent une marge d’erreur.
4 Résultats
Nous présenterons tout d’abord un portrait général des dossiers (4.1), puis nous observerons en détail les taux d’antécédents judiciaires (4.2) et de réentrée (4.3) des 1 000 dossiers à l’étude.
4.1 Portrait général
Sur les 1 000 dossiers observés, certains comportaient uniquement des antécédents, certains comportaient uniquement des réentrées, certains comportaient à la fois des antécédents et des réentrées, certains ne comportaient ni antécédent ni réentrée (nommés « dossiers simples » dans le tableau 1), et certains se sont révélés des dossiers complexes. Ces derniers dossiers ne présentaient, selon nos critères, ni antécédent ni réentrée, mais présentaient soit un dossier concomitant (l’accusé ayant fait l’objet d’une poursuite parallèle et concomitante du PMR-G, pour d’autres chefs d’accusation, par exemple), soit une procédure pendante (dossier ouvert en même temps et en cours de procédures, ou faisant l’objet d’une absence de décision, ou dossier suspendu pour des raisons diverses, etc.), ou encore une situation inconnue (l’entrée dans le plumitif se trouvant difficile à interpréter) ou une situation autre (la personne était décédée, avait quitté la province, etc.). Ces dossiers ont été nommés « dossiers autres ». La répartition des dossiers est présentée dans le tableau 1.
Tableau 1
Portrait général des dossiers (n = 1 000)
En résumé, si nous excluons la situation de la réentrée, les dossiers autorisés au PMR-G présentent un portrait diversifié, puisque environ un tiers d’entre eux comportent des antécédents ; plus d’un tiers d’entre eux se trouvent être des dossiers « simples » (sans antécédents et sans situation spéciale) et environ un tiers des dossiers se trouvent dans une situation spéciale (sans antécédents mais démontrant, depuis l’ouverture du dossier au PMR-G, des procédures autres, des procédures dédoublées, concomitantes, pendantes, particulières, inconnues, etc.).
4.2 Portrait des antécédents
Observons les dossiers qui comportaient au moins un antécédent judiciaire avant la référence au programme, soit N = 343. Connaissant la date exacte des infractions relatives aux antécédents grâce à la consultation du registre public des infractions (« plumitif »), nous avons été en mesure de procéder à des calculs de délai du temps écoulé, en nombre de jours, entre la date du dernier antécédent et la date d’ouverture du dossier au programme de mesures de rechange. Les calculs comportant néanmoins plusieurs données inconnues ou extrêmes, il en est proposé ici un compte rendu simplifié uniquement à titre indicatif. On constate que le dernier antécédent remonte à 3 621,5 jours[85] en moyenne avant l’ouverture du dossier au PMR-G, soit près de dix ans (n = 338). Même si ce calcul mérite bien des nuances, et malgré l’importance non négligeable des données extrêmes, étranges[86] ou manquantes, il est quand même possible d’affirmer que les antécédents judiciaires les plus « récents » sont en fait, dans la plupart des cas, « anciens ».
Connaissant les dates de naissance des accusés, ainsi que les dates exactes de l’ouverture du dossier au moment où ces derniers sont admis au PMR-G, nous avons pu vérifier la présence de liens entre les âges moyens des accusés au moment de l’ouverture du dossier et la présence ou l’absence d’un antécédent. Les résultats du test t pour échantillons indépendants permettent d’établir qu’il existe une différence concernant l’âge moyen de la personne accusée au moment de l’ouverture du dossier PMRG en fonction de la présence ou de l’absence d’au moins un antécédent (t[989] = 10,956, p < .001***). Les résultats démontrent que les personnes qui ont au moins un antécédent sont plus âgées (x = 44,11 ; s = 14,40) que celles qui n’ont pas d’antécédent (x = 33,07 ; s = 14,40). L’êta carré montre une relation modérée à grande de 0,108.
Dressons à présent le portrait infractionnel du dernier antécédent répertorié. Le dernier antécédent commis est le plus souvent une infraction relative à la conduite d’un véhicule à moteur, celles-ci représentant 28 % des derniers antécédents répertoriés. À noter que 15 % des dossiers faisaient état d’une infraction simple contre la personne et que 2 % des dossiers comportaient des violences graves, le tout est présenté dans le tableau 2 suivant :
Tableau 2
Dernier antécédent judiciaire observé avant la commission des infractions permettant la référence du dossier au PMR-G (n = 343)
En résumé, pour les 1 000 dossiers à l’étude, 343 accusés, donc environ un tiers d’entre eux, avaient des antécédents judiciaires avant d’être acceptés au programme. Dans la majorité des cas, les derniers antécédents sont anciens (remontant à environ dix ans avant la référence au programme) et ont été le plus souvent commis dans le cadre d’une infraction relative à la conduite d’un véhicule à moteur. La présence d’antécédents concerne le plus souvent des accusés qui ont été admis au programme alors qu’ils étaient plus âgés, les antécédents remontant alors souvent au début de l’âge adulte. Il existe tout de même de rares dossiers pour lesquels les antécédents peuvent être récents ou graves.
4.3 Portait de la réentrée
Le taux de réentrée dans le programme de mesures de rechange pour 1 000 dossiers suivis après deux ans se présente ainsi : le nombre d’accusés ayant un dossier de réentrée ouvert dans les deux années écoulées après la réalisation de la mesure de rechange, pour les 1 000 premiers dossiers autorisés au programme, est de 93, soit un taux de réentrée exact de 9,3 %. Dit autrement, dans 90,7 % des cas, les accusés admis au programme de mesures de rechange n’ont pas fait l’objet de la moindre entrée visible[87] au plumitif durant les deux années après la fin de la réalisation (réussie ou non) de leur mesure de justice réparatrice[88].
Par ailleurs, notons que 54 de ces 93 personnes concernées par une réentrée avaient également des antécédents. Cela pourrait sembler constituer une grande proportion des dossiers de réentrée, mais n’oublions pas qu’une telle observation signifie aussi que 289 accusés présentant des antécédents n’ont pas montré de dossier de réentrée. Dit autrement, 84 % des accusés qui avaient des antécédents judiciaires et qui ont été admis au programme n’ont pas de nouvelle inscription visible au plumitif pendant les deux ans après leur mesure. Nous désirons préciser ici qu’il ne s’agit que d’un constat descriptif, et aucunement d’un calcul prédictif. Bien que des calculs de régression soient souhaitables dans le cas présent, nous avons choisi de ne pas en réaliser ici, car ces derniers mériteraient des explications majeures, et n’auraient probablement pas permis davantage l’inférence de facteurs de cause à effet entre le fait de participer au programme et le comportement après le programme.
Le portrait de la réentrée en fonction des infractions est présenté dans le tableau 3[89].
Tableau 3
Portrait des infractions de réentrée (n = 93)
Les infractions de réentrée visible les plus courantes que l’on retrouve dans ces dossiers sont les infractions contre l’administration de la loi et la justice (31,2 %) (l’exemple le plus courant étant l’entrave au travail d’un agent de la paix dans l’exercice de ses fonctions), qui constituent la catégorie la plus courante des causes de réentrée, suivies des infractions contre la propriété (23,7 %) (en majorité des vols de moins de 5 000 $) et des infractions simples contre la personne (n’impliquant ni blessures, ni gravité, ni la présence d’une arme) (21,5 %) (par exemple, voies de fait simples ou menaces). Il est intéressant de noter par ailleurs : premièrement, l’absence de réentrée impliquant une infraction relative aux drogues et stupéfiants ; deuxièmement, la présence de deux dossiers qui ont fait état de réentrées pour voies de fait graves, impliquant la blessure de la victime ou une tentative de mettre sa vie en danger[90].
Le portrait des infractions objet du PMR-G lorsque l’accusé a une inscription de réentrée se trouve au tableau 4 : celui-ci présente les infractions pour lesquelles les accusés concernés par une réentrée ont été renvoyés au PMR-G originellement avant d’être arrêtés une nouvelle fois dans les deux années suivant le programme.
Tableau 4
Portrait des infractions objet du PMR-G lorsque l’accusé a une mention de réentrée (n= 93)
Les infractions contre la propriété (et parmi elles le vol de moins de 5 000 $) se distinguent nettement au tableau 4, où elles constituent plus de la moitié des dossiers pour lesquels l’accusé a présenté une réentrée. Il est donc possible d’observer que les accusés renvoyés au programme pour des vols sont ceux qui sont le plus souvent en situation de réentrée dans les deux années suivant le programme.
Pour ce qui est du portrait de la réentrée en fonction des mesures effectuées au sein du programme, il a été possible d’observer les mesures de justice réparatrice que les accusés ayant un dossier de réentrée avaient réalisées exactement. L’information précise n’était disponible ou complète que pour 72 dossiers sur 93. Les résultats sont présentés dans le tableau 5.
Tableau 5
Mesures principales réalisées à Équijustice dans le cadre du PMR-G lorsque l’accusé possède une mention de réentrée (n = 93)
Pour 61 dossiers sur les 93, il a été possible de savoir si l’accusé avait, ou non, complété le programme : 10 accusés seulement n’avaient pas complété leur mesure, 51 l’avaient bien complétée.
Au sujet du taux de réentrée pour chaque mesure, précisons que le choix des mesures de rechange (nommées, sur le terrain, « accompagnements en justice réparatrice ») est effectué par les intervenants d’Équijustice, en fonction de discussions qui impliquent les accusés, les victimes ou leurs représentants et les professionnels du réseau. La décision finale du choix de la mesure dépend donc d’un ensemble complexe de facteurs qui fait aussi appel au style d’approche propre au réseau, et à sa philosophie de justice réparatrice. Il nous a donc semblé que les chiffres précédents se liraient aussi en les mettant en exergue par rapport au nombre de mesures effectuées dans chaque catégorie, que l’accusé ait fait l’objet d’une nouvelle entrée au registre ou non, sur les 1 000 dossiers observés et non les seuls 93 dossiers comportant de la réentrée. L’information complète concernant la mesure était disponible pour 762 dossiers sur les 1 000. Sur 762 dossiers, il y avait 80 dossiers pour lesquels la médiation était la principale (ou unique) mesure réalisée, 183 pour lesquels la mesure était une réparation à la collectivité et 499 pour lesquels la mesure était une réparation directe sous forme de compensation financière (remise d’argent, dédommagement, etc.). Une lecture différente des résultats est donc la suivante : sur les 80 dossiers de médiation réalisés, 73 (soit 91,3 %) ne présentent pas de réentrée. Sur les 183 mesures de réparation ou services par ou pour la collectivité réalisées, 165 (soit 90,2 %) ne présentent pas de réentrée. Sur les 499 mesures de dédommagement, 452 (soit 90,6 %) ne présentent pas de réentrée. En résumé, quel que soit le type d’accompagnement réalisé, les proportions de non-réentrée sont apparues quasiment identiques. Il sera intéressant de réaliser, dans l’avenir, des tests plus complets afin de vérifier les taux d’indépendance de telles variables, question de voir si les taux de succès de chaque mesure se vérifient à long terme et de savoir dans quelle mesure elles permettent de prédire ou non les comportements des accusés.
À l’affût de certains résultats plus sensibles, l’équipe de recherche a procédé à quelques vérifications, notamment en observant de près les mesures qui avaient été réalisées par les accusés lorsque la réentrée consiste en une infraction contre la personne (simple ou grave, pour un total de 22 dossiers), puisqu’il s’agit des situations qui préoccupent le plus les partenaires du programme. Seuls 18 dossiers sur 22 présentaient l’information recherchée quant à la mesure. Les résultats montrent que 10 des accusés avaient fait, à titre de mesure principale, une démarche de compensation monétaire (don à un organisme, versement à la collectivité, remboursement à la victime corporative ou autre), 3 avaient fait une médiation et 5, un service à la collectivité.
Nous avons examiné le genre et l’âge de l’accusé lorsqu’il y a une nouvelle entrée au dossier : les dossiers de réentrée concernent des hommes dans 70,7 % des cas, des femmes dans 29,3 % des cas. Ce portrait rappelle la répartition générale des usagers du PMR-G depuis le démarrage du programme, qui comporte environ deux tiers d’accusés masculins[91]. L’âge moyen des accusés qui présentent une réentrée est de 27,01 ans (écart-type de 10,1), tandis que l’âge moyen des accusés qui n’en présentent pas s’établit à 36,98 ans (écart-type de 15,44). Un test t pour échantillons indépendants a été utilisé pour confirmer les résultats apparents ; il semble que les personnes qui ont au moins un dossier de réentrée tendent à être plus jeunes que celles qui n’en ont pas[92]. Ces résultats semblent respecter le constat général, assez stable dans la littérature scientifique, selon lequel les risques de « récidive » se retrouvent le plus souvent chez des accusés plus jeunes[93].
5 Discussion
L’ensemble des résultats présentés plus haut nous permet de dresser le portrait d’un programme hybride (alternatif et réparateur) qui présente un taux de réentrée de 9,3 %, alors même qu’un tiers environ des accusés avaient des antécédents judiciaires, et que de nombreux autres avaient des dossiers concomitants, complexes ou multiples (par exemple, accusés d’autres infractions, poursuivies par ailleurs). Une autre manière de présenter ces résultats est de dire que 907 personnes sur 1 000 des personnes accusées et renvoyées au programme de 2017 à 2020 ont pu échanger une perspective de condamnation criminelle contre une mesure de réparation envers la victime ou la communauté, en ne laissant pas de trace de réentrée dans le plumitif. Plus de la moitié des personnes pour qui on retrouve une nouvelle mention au plumitif après un passage au sein du programme avaient des antécédents (54 sur 93), mais la grande majorité des accusés présentant des antécédents n’ont pas eu de nouvelle inscription au registre deux ans après la fin de la mesure (289 sur 343).
Les réentrées enregistrées sont le plus souvent le fait d’accusés plus jeunes, qui ont été renvoyés au PMR-G, dans plus de la moitié des cas, pour des infractions contre les biens, des vols ou des fraudes de moins de 5 000 $, et dont la réentrée la plus souvent observée est une infraction contre l’administration de la loi et la justice (de type « entrave à un agent de la paix », par exemple). Les réentrées consistant en des infractions contre la personne sont rares (22 dossiers sur les 1 000, soit un taux final de 2 % de réentrée due à une infraction simple contre la personne et de 0,2 % de réentrée ayant pour cause une infraction plus grave). L’absence de réentrée pour des infractions en matière de drogues et stupéfiants est notable : alors même que les infractions concernant les drogues et autres substances constituent 10 % des entrées au PMR-G, et qu’une bonne partie des antécédents dénombrés font partie aussi de ce type d’infractions, l’absence totale de réentrée du même type est un résultat assez intéressant. Rappelons néanmoins qu’aucun test prédictif ne permet d’aller plus loin, ici, que la simple observation.
Ces résultats sont certainement encourageants : il faut cependant les relativiser. Dans la littérature scientifique, même lorsqu’étudiés par le biais de méta-analyses ou de recensions systématiques, les taux de récidive des programmes de justice alternative en général, de justice réparatrice en particulier, ou de programmes hybrides (à la fois réparateurs et alternatifs), ne nous disent pas grand-chose sur le lien entre alternative, réparation et récidive. Nos résultats ne permettent pas d’avancée plus claire à ce niveau : au contraire, ils créent de nouvelles nuances. En ce qui concerne les chiffres de la justice, au Canada, en 2021, 335 000 vols de moins de 5 000 $, 95 000 vols à l’étalage de moins de 5 000 $, 137 609 fraudes et 305 362 méfaits ont été rapportés à la police, pour un total de 873 417 infractions déclarées[94]. On sait que la prévalence de la récidive sur deux ans, pour l’ensemble des systèmes de justice pénale provinciaux ou fédéraux du Canada, varie de 9 à 90 %[95]. Malgré les différences de définitions et de programmes, il est intéressant de voir que ces taux, à notre connaissance, ne semblent pas descendre en deçà de 9 % quel que soit le programme, quelle que soit la population, quelle que soit la province, quelle que soit la recherche ; or le taux de récidive du PMR-G est exactement de 9,3 % à délai égal, à savoir sur deux ans. Si aucune comparaison n’est possible avec un groupe contrôle, les résultats permettent au moins de répondre en partie à une préoccupation de taille. Alors qu’on craignait qu’un programme dans lequel l’accusé peut être accompagné dans le choix d’une mesure personnalisée, et qui peut donner lieu à un retrait des poursuites, ait directement pour conséquence une « augmentation de la criminalité » due à une forme d’« impunité », le programme semble au contraire donner des résultats satisfaisants. On sait également, grâce à un dossier publié par le ministère de la Sécurité publique du Québec en 2018[96], que sur les cohortes d’accusés québécois ayant été renvoyés au système correctionnel provincial (peines de deux ans et moins) pour des infractions du même ordre en 2010-2011, les taux de récidive peuvent monter jusqu’à 60 % sur deux ans (encore une fois à délai égal). Il serait intéressant de se demander combien d’entre eux auraient été admis au PMR-G lorsqu’il a été mis en place dix ans plus tard. On pourrait également, à cet égard, faire référence aux « coûts de la justice », sans compter ses coûts sociaux. Une étude pour la Sécurité publique du Canada, publiée en 2016[97], et utilisant des indices de recension dans plusieurs pays pour les appliquer à la situation canadienne, estime les coûts de la criminalité et les interventions du système de justice pénale. Pour les catégories d’infractions dont il est question ici, on estime que les interventions du système de justice coûtent de 1 330 à 45 000 $ environ pour les atteintes aux biens ; jusqu’à 203 500 $ environ pour des voies de fait non graves. Un dossier, au sein du PMR-G, a un coût estimé à bien moins de 1 000 $[98]. D’après les recherches les plus récentes, les programmes de justice réparatrice sembleraient souvent plus efficaces en termes de baisse du risque de récidive dans les cas moins graves que pour des crimes majeurs[99]. Ce serait donc une manière possible d’expliquer les résultats encourageants du PMR-G, qui semblent suivre cette tendance. Pourtant, si l’on y regarde de plus près, les infractions contre la propriété (et parmi elles le vol de moins de 5 000 $) semblent avoir généré plus de réentrées que d’autres types d’infractions, par exemple contre la personne, ou de possession d’une arme à feu, etc. Le tout a pour conséquence que nos résultats restent difficiles à interpréter selon les tendances générales de la recherche, et ne permettent pas de clarifier la nature du lien possible entre justice réparatrice et récidive.
Un second constat intéressant est le suivant : le type même de la mesure de rechange effectuée par l’accusé, ou plutôt le type d’accompagnement en justice réparatrice choisi, semble, à première vue, donner des résultats équivalents en termes de réentrée. La petitesse des chiffres et le caractère descriptif des résultats rendent difficiles des affirmations plus complètes, mais il sera intéressant de vérifier ces informations avec un plus large échantillon dans d’autres recherches. La question qui se pose est en effet la suivante : est-ce que la présence de la victime est nécessaire à la réussite d’un programme réparateur ? Ou bien une réparation à la communauté, ou encore sous forme de service, suffit-elle ? Les méta-analyses les plus récentes[100] semblent encore se contenter d’hypothèses ou d’appels à la recherche sur cette délicate question. Nos résultats ne permettent aucune avancée ici non plus, puisque les taux de réentrée n’ont pas semblé pouvoir être mis en lien avec les mesures effectuées, ou la présence de la victime, pas même sous forme d’hypothèses. La question se pose désormais de savoir si c’est le type de mesure, impliquant ou non les victimes, qui a un effet déterminant sur la trajectoire de la personne accusée. D’autres hypothèses seraient possibles : les effets pourraient provenir plutôt du nombre d’acteurs rencontrés et de leur manière de travailler, du temps accordé à l’écoute ou à l’accompagnement de l’accusé, ou bien de la manière dont la mesure est utilisée et réalisée. Une précédente publication de notre équipe fait état d’analyses qualitatives d’entrevues réalisées avec des accusés ayant participé à ce programme, et y ayant échoué ou l’ayant réussi[101]. Selon les dires des personnes interrogées, le sentiment d’avoir vécu un programme de « justice réparatrice » n’a pas été matérialisé par leur participation à une mesure en particulier, mais bien par toutes les étapes du programme, par leur contact avec la justice dès les premières étapes de leur parcours, jusqu’au comportement des professionnels du droit et de l’intervention à leur égard. La notion de réparation (ou la sensation d’accomplissement de la justice réparatrice), pour les accusés, a semblé être une sensation diffuse, une inflexion, qui a été incarnée à tous les niveaux du programme, et qui s’est traduite par un « ton » particulier dans la manière dont ils ont été reçus. Ce ton, constructif et réparateur, a été renforcé par l’absence corrélative d’inflexions punitives, qui étaient pourtant redoutées. L’approche relationnelle[102] utilisée par le réseau Équijustice (dans toutes les mesures indifféremment), d’un côté, et expliquant qu’une même approche soit utilisée quelle que soit la mesure, la philosophie réparatrice du programme incarnée par tous les acteurs de la chaîne, de l’autre côté (procureurs et agents de probation inclus)[103], pourraient bien être des hypothèses supplémentaires à explorer, parmi les raisons à mettre en avant pour expliquer l’inflexion réparatrice du programme telle que ressentie[104].
Nos résultats confirment enfin combien les recherches – y compris la présente – peinent à répondre clairement à certaines questions récurrentes. Il est toujours difficile de savoir si la justice alternative (les programmes de rechange non nécessairement réparateurs) et a fortiori la justice réparatrice peuvent – et doivent – être évaluées sur leurs capacités en termes de non-récidive, étant donné le nombre de biais à prendre en compte. Rappelons ici quelques enjeux : les mesures de justice réparatrice devant être des mesures volontaires, il est fort possible que les accusés qui s’y engagent soient déjà en bonne voie de réinsertion[105] au départ. Les programmes de déjudiciarisation, eux, ne peuvent prétendre être qualifiés de totalement volontaires. Pourtant, en général, quels qu’ils soient, ils semblent bien efficaces pour réduire la récidive. Certains auteurs évoquent une diminution de 50 % des taux, même après plus de dix ans d’observation[106]. Mais une question demeure : sont-ce les programmes de déjudiciarisation eux-mêmes qui sont efficaces sur les taux de récidive, ou est-ce plutôt l’évitement des procédures punitives plus classiques qui, elles, entraînent des aléas susceptibles de nuire à la réinsertion sociale ? En permettant à l’accusé d’éviter une poursuite et une peine, surtout lorsqu’il est plus jeune, les programmes alternatifs font baisser les stigmates associés à une poursuite en justice, évitent de couper des facteurs de protection évidents tels que le lien à l’emploi ou à l’éducation[107], ce qui impacte l’estime de soi ou l’économie familiale ou personnelle, d’autant plus qu’il faut prendre en considération que les nombreux frais engendrés par les coûts de la justice et retombant sur les accusés (avocats, caution) seront à honorer en même temps[108]. Les seules dettes occasionnées par des poursuites en justice créent une aggravation de la situation sociale[109], elle-même un facteur de récidive.
En ce qui concerne la justice réparatrice, on ne sait toujours pas, au final, si l’on peut, ou non, lui associer des indicateurs de récidive[110] ; le consensus n’existe pas à cet égard. Mais même avant de parler de récidive, il faudrait déjà être en mesure de déterminer ce que l’on doit mesurer dans le succès d’une mesure de réparation. On ne sait toujours pas, à l’heure actuelle, à quel facteur exactement on peut associer le caractère réparateur d’un programme[111], et la question est devenue d’autant plus complexe que la justice réparatrice peut désormais être utilisée en complément du système pénal, voire en faire totalement partie[112]. Trop de biais sont à prendre en considération pour y voir clair[113], des conditions pour participer aux programmes au caractère volontaire de la démarche[114], en passant par la difficulté à évaluer un programme de justice réparatrice avec des critères pénaux[115]. La présente recherche est elle-même empreinte de tels biais. Malgré le nombre de méta-analyses existantes ou de revues systématiques sur la question[116], la justice réparatrice reste donc actuellement un univers trop hétérogène pour nous permettre de nous prononcer sur ses capacités à être évaluée ou non sur la base de ses taux de récidive. Notre recherche confirme combien la réponse à cette question est complexe.
À propos des limites de la recherche, rappelons que plusieurs nuances sont à prendre en considération. Premièrement, les procureurs conservant le pouvoir discrétionnaire de proposer, ou non, le programme à un accusé, les accusés qui ne semblent pas répondre aux critères sont écartés, et les taux de refus sont estimés à 20 %[117]. Si nous connaissons les critères d’admissibilité au programme, il n’existe pas, à ce jour, de recherche portant sur les critères décisionnels réellement mobilisés par les procureurs, ne serait-ce que les indices sur lesquels ils se fondent pour exercer leur pouvoir discrétionnaire. Il serait intéressant de voir si de telles recherches pourraient être engagées dans le futur : la clientèle renvoyée au PMR-G a en effet de grandes chances d’être moins problématique que celle à qui le programme est refusé. Deuxièmement, nous n’avons pu calculer les taux de réentrée que sur deux ans, et sur 1 000 dossiers. Il serait intéressant de vérifier si les résultats restent stables sur d’autres durées et populations : là encore, des recherches portant sur ce même programme mériteraient d’être conduites, pour savoir si ces résultats seront pérennes. Troisièmement, rappelons que notre recherche ne présente que des données descriptives, et que des analyses statistiques poussées restent à faire : des recherches futures devront être mises en place pour permettre des réponses à de telles préoccupations. Quatrièmement, si les taux de réentrée observés après deux ans semblent bas, les taux de « concomitance », eux, n’ont pas été présentés dans notre article, et demeurent élevés. Il s’agit du taux d’arrestation des accusés pendant le passage à travers le programme de mesures de rechange, du fait du découpage des chefs d’accusation en plusieurs dossiers, de la récidive presque concomitante (le cas classique étant le défaut de se présenter en cour), d’infractions connexes ou commises juste après la première, etc. Néanmoins, ce biais pourrait plutôt être un « contre-biais » : les dossiers des 1 000 accusés sont probablement bien plus lourds si l’on tient compte de ce fait ; or les récidives après deux ans ne changent pas. Des analyses plus poussées n’en restent pas moins indispensables pour nuancer nos résultats. Cinquièmement, dernier biais et non le moindre, il est contestable de discuter d’un programme ayant, au centre de ses priorités, les attentes des victimes, sans parler de ces dernières. D’autres publications suivront sur ce point. Néanmoins, notre recherche reproduit, ici, l’un des biais les plus reprochés aux recherches portant sur le lien entre justice réparatrice et récidive : il ne peut calculer strictement l’efficacité des mesures au centre desquelles se trouvaient des victimes (notamment les médiations). Bien que les observations présentées plus haut puissent constituer des indices, il n’est pas possible de déduire de résultat fiable à propos de l’influence réelle de la présence concrète de la victime au sein du programme. Il est important que la question soit plus clairement explorée à l’avenir, particulièrement au Québec, où les approches et les orientations choisies dans le cadre du programme décrit se distinguent clairement du reste des programmes canadiens ou américains similaires.
Conclusion
Notre article propose un exemple d’évaluation susceptible d’être réalisée sur les activités des tribunaux, à partir de données empiriques. Il s’attaque à la question de savoir si l’on peut analyser un programme de justice tenant à la fois de la justice criminelle et de la justice réparatrice en observant son taux de récidive. Mais tout en tentant d’apporter des données concrètes et des réponses possibles à la question posée, nous avons dû tenir compte du contexte de la recherche comme de ses résultats qui révèlent les nombreux défis, et les enjeux à la fois éthiques et empiriques, que pose ce type de démarche.
Notre équipe a suivi, jusqu’en mars 2022, la trajectoire exacte des 1 000 premiers dossiers chronologiquement admis à un programme créé le 1er septembre 2017 à la Cour du Québec : le programme de mesures de rechange pour adultes en matière criminelle. Ce programme consiste à renvoyer, sur proposition du poursuivant, certains accusés à des mesures de justice réparatrice, en lieu et place des poursuites criminelles, et à leur accorder, en cas de réussite, le retrait des accusations. La trajectoire des 1 000 premiers dossiers référés dans toute la province a été observée entre le moment où l’accusé a été admis au programme, et elle a été suivie par la suite deux ans après la fin de la réalisation de la mesure réparatrice par l’accusé, peu importe que l’accusé ait réussi sa mesure ou qu’il ait échoué au programme. Les résultats montrent qu’environ un tiers des accusés admis avaient des antécédents judiciaires. Cependant, qu’ils l’aient réussi ou non, seulement 9,3 % d’entre eux ont présenté un nouveau dossier dans le registre informatisé des dossiers judiciaires dans les deux ans après leur sortie du programme. Nos résultats permettent quelques constats concernant les capacités du programme à contribuer à la réduction des coûts judiciaires et sociaux de la prise en charge de délits courants. Mais ils montrent néanmoins comment les liens entre réinsertion sociale et récidive restent à creuser toujours davantage. Une question, posée en filigrane, attire également l’attention. Qu’est-ce qui crée réellement, ou qu’est-ce qui garantit, le caractère « réparateur » d’un programme de justice réparatrice, lorsque celui-ci, hybride, est implanté au sein du système de justice pénale ? Notre article met en lumière les espoirs, mais aussi les défis, que pose la tentative d’évaluer empiriquement les activités des tribunaux en mobilisant des démarches empiriques.
Parties annexes
Notes
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[1]
Cette recherche a été financée par le ministère de la Justice du Québec et le Conseil de recherches en sciences humaines du Canada. Elle a été autorisée par voie de requête par la Cour du Québec et le Comité d’éthique de l’Université Laval. Elle a été soutenue par l’Université Laval et le centre Recherches appliquées et interdisciplinaires sur les violences intimes, familiales et structurelles que par le projet Accès au droit et à la justice (ADAJ) de l’Université de Montréal. L’équipe de recherche remercie tous les partenaires, les professionnels, mais aussi les usagers, les accusés, les victimes et leurs proches, qui ont accepté d’y participer. L’équipe formule également ses remerciements aux évaluateurs anonymes du présent article.
-
[2]
Consulter, par exemple, la page Web de présentation du programme et les liens qu’elle propose : voir Gouvernement du Québec, « Programme de mesures de rechange général pour adultes », Justice et état civil, [En ligne], [www.quebec.ca/justice-et-etat-civil/systeme-judiciaire/processus-judiciaire/processus-judiciaire-au-criminel/programmes-contrevenants/mesures-rechange-adultes] (janvier 2024) ; voir également Catherine Rossi et autres, Le Programme de mesures de rechange général pour adultes 2017-2019 au Québec. Portrait, analyse et enjeux, rapport de recherche soumis au ministère de la Justice du Québec, Québec, Université Laval, 2020, [En ligne], [www.raiv.ulaval.ca/sites/raiv.ulaval.ca/files/publications/fichiers/Rossi%20Desrosiers%20et%20coll_PMRG_2020.pdf] (octobre 2020).
-
[3]
Code criminel, L.R.C. 1985, c. C-46.
-
[4]
Pour un encadrement proposé d’une définition québécoise, consulter Serge Charbonneau et Catherine Rossi, La médiation relationnelle. Rencontres de dialogue et justice réparatrice, Paris, L’Harmattan, 2020, p. 198.
-
[5]
Gouvernement du Québec, préc., note 2.
-
[6]
Id.
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[7]
C. Rossi et autres, préc., note 2.
-
[8]
Id. Le rapport de recherche cité comporte une section qualitative qui fait état de l’expérience des usagers au sein du programme et de leur vision de la notion de réparation en lien avec le programme.
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[9]
L’une des définitions les plus citées dans la littérature scientifique anglophone est celle de Tony F. Marshall, « The Evolution of Restorative Justice in Britain », European Journal on Criminal Policy and Research, vol. 4, no 4, 1996, p. 21. Selon cette dernière, la justice réparatrice est un processus par lequel toutes les parties concernées par un conflit se réunissent pour décider ensemble de la manière de prendre en charge les conséquences qui en découlent et d’envisager les conséquences pour l’avenir (notre traduction). Le programme semble bien fondé sur une telle approche, reconnue par les praticiens concernés. Voir, par exemple, S. Charbonneau et C. Rossi, préc., note 4.
-
[10]
Des programmes de déjudiciarisation pour des problématiques spécifiques, la santé mentale ou la toxicomanie par exemple, s’organisent depuis le début des années 2000. Le projet pilote du Programme d’accompagnement justice et santé mentale (PAJ-SM) date de 2007 ; voir, par exemple, Annie Jaimes et autres, « Les tribunaux de santé mentale : déjudiciarisation et jurisprudence thérapeutique », Santé mentale au Québec, vol. 34, no 2, 2009, p. 171.
-
[11]
Kalani C. Johnson et autres, « An Overview of Prosecutor-Led Diversion Programs : A New Incarnation of an Old Idea », (2020) 41 The Justice System Journal 63.
-
[12]
Julie Desrosiers et autres, « Étude comparative des programmes canadiens de mesures de rechange ou comment favoriser le désengorgement des tribunaux », (2020) 50 R.G.D 103.
-
[13]
Voir par exemple : Pierre Landreville, Rapport du Comité d’étude sur les solutions de rechange à l’incarcération, Québec, ministère du Solliciteur général, 1986, p. 182 ; Dan Kaminiski, « L’éthique du réductionnisme et les solutions de rechange », Criminologie, vol. 40, no 2, 2007, p. 89 ; Laura Aubert, « La troisième voie française : échec d’une alternative ? », dans Françoise VanhammeVan Hamme (dir.), “JUSTICE ! ” Entre pénalité et socialité vindicatoire, Ottawa, Laboratoire d’études et de recherches sur la justice, Université d’Ottawa, 2011, p. 114.
-
[14]
Ronald Roesch, « Does Adult Diversion Work ? The Failure of Research in Criminal Justice », Crime & Delinquency, vol. 24, no 1, 1978, p. 72.
-
[15]
Voir John A. Conley, The 1967 President’s Crime Commission Report : Its Impact 25 Years Later, Cincinnati, Anderson Publishing Co., 1994, p. 175.
-
[16]
Franklin E. Zimring, « Measuring the Impact of Pretrial Diversion from the Criminal Justice System », (1974) 41 U. Chicago L. Rev. 224 ; Madeleine Crohn, « Commentary on “Pretrial Diversion of Youthful Adults: A Decade of Reform and Research” », (1979) 7 The Justice System Journal 388.
-
[17]
Henry J. Steadman et Michelle Naples, « Assessing the Effectiveness of Jail Diversion Programs for Persons with Serious Mental Illness and Co-Occurring Substance Use Disorders », (2005) 23 Behav. Sci. & L. 163 ; Nahama Broner et autres, « Effects of Diversion on Adults with Co-Occurring Mental Illness and Substance Use: Outcomes from a National Multi-Site Study », (2004) 22 Behav. Sci. & L. 19. Pour des recherches récentes sur des programmes de justice alternative axés sur la santé mentale et la toxicomanie, voir Allison G. Robertson et autres, « Gender-Specific Participation and Outcomes among Jail Diversion Clients with Co-Occurring Substance Use and Mental Health Disorders », Journal of Substance Abuse Treatment, vol. 115, 2020, art.108035.
-
[18]
Leanne F. Alarid et Carlos D. Montemayor, « Legal and Extralegal Factors in Attorney Recommendations of Pretrial Diversion », Criminal Justice Studies, vol. 23, no 3, 2010, p. 239.
-
[19]
Seema L. Clifasefi, Heather S. Lonczak et Susan E. Collins, « Seattle’s Law Enforcement Assisted Diversion (LEAD) Program: Within-Subjects Changes on Housing, Employment, and Income/Benefits Outcomes and Associations with Recidivism », Crime & Delinquency, vol. 63, no 4, 2017, p. 429.
-
[20]
K.C. Johnson et autres, préc., note 11.
-
[21]
Michael Mueller-Smith et Kevin T. Schnepel, « Diversion in the Criminal Justice System », The Review of Economic Studies, vol. 88, no 2, 2020, p. 883.
-
[22]
Robin Lindquist-Grantz et autres, « Diversion Programs for Individuals Who Use Substances: A Review of the Literature », Journal of Drug Issues, vol. 51, no 3, 2021, p. 483 ; K.C. Johnson et autres, préc., note 11.
-
[23]
M. Mueller-Smith et K.T. Schnepel, préc., note 21.
-
[24]
J. Desrosiers et autres, préc., note 12.
-
[25]
Il n’existe, rappelons-le, aucune définition consensuelle, bien qu’une des définitions les plus couramment utilisées au sein de la littérature scientifique reste celle publiée en 1996 par T.F. Marshall, préc., note 9.
-
[26]
Lode Walgrave, « Au-delà de la rétribution et la réhabilitation : la réparation comme paradigme dominant dans l’intervention judiciaire contre la délinquance des jeunes ? », dans Jean-François Gazeau et Vincent Peyre (dir.), La justice réparatrice et les jeunes, 9e Journées internationales de criminologie juvénile, Vaucresson, Centre de recherche interdisciplinaire de Vaucresson, 1994, p. 5 ; Howard Zehr, Changing Lenses. A New Focus for Crime and Justice, 3e éd., Scottdale, Herald Press, 2005, p. 291 ; Gerry Johnstone, Restorative Justice: Ideas, Values, Debate, 2e éd., New York, Routledge, 2011 ; John Braithwaite, « Restorative Justice », dans Michael H. Tonry (dir.), The Handbook of Crime and Punishment, Oxford, Oxford University Press, 2000, p. 323.
-
[27]
Jiska Jonas-Van Dijk et autres, « Victim-Offender Mediation and Reduced Reoffending: Gauging the Self-Selection Bias », Crime & Delinquency, vol. 66, nos 6-7, 2020, p. 949.
-
[28]
James Bonta et autres, « Restorative Justice and Recidivism. Promises Made, Promises Kept? », dans Dennis Sullivan et Larry Tifft (dir.), Handbook of Restorative Justice: A Global Perspective, New York, Routledge, 2006, p. 108 ; William Bradshaw, David Roseborough et Mark S. Umbreit, « The Effect of Victim Offender Mediation on Juvenile Offender Recidivism: A Meta-Analysis », Conflict Resolution Quarterly, vol. 24, no 1, 2006, p. 87.
-
[29]
Kristin Bain, Restorative Justice and Recidivism: A Meta-Analysis, mémoire de maîtrise, Denver, Faculté des études internationales de Josef Korbel, Université de Denver, 2012, p. 141 ; Laurence W. Sherman et autres, « Are Restorative Justice Conferences Effective in Reducing Repeat Offending ? Findings from a Campbell Systematic Review », Journal of Quantitative Criminology, vol. 31, no 1, 2015, p. 24.
-
[30]
Hennessey Hayes, « Reoffending and Restorative Justice », dans Gerry Johnstone et Daniel W. Van Ness (dir.), Handbook of Restorative Justice, Portland, Willan, 2007, p. 426 ; Jeff Latimer, Craig Dowden et Danielle Muise, « The Effectiveness of Restorative Justice Practices: A Meta-Analysis », The Prison Journal, vol. 85, no 2, 2005, p. 127 ; Katrin Riedl et autres, « Restorative Justice in Children », Current Biology, vol. 25, no 13, 2015, p. 1731.
-
[31]
J. Latimer, C. Dowden et D. Muise, préc., note 30.
-
[32]
K. Bain, préc., note 29.
-
[33]
Les premières études parmi les plus citées remontent à 2005 (voir J. Latimer, C. Dowden et D. Muise, préc., note 30), jusqu’au moment de la rédaction de ces lignes : voir Lindsay Fulham et autres, « The Effectiveness of Restorative Justice Programs: A Meta-Analysis of Recidivism and other Relevant Outcomes », Criminology & Criminal Justice, vol. 0, novembre 2023, p. 3.
-
[34]
Voir, par exemple, L.W. Sherman et autres, préc., note 29 ; voir également : Natalie Kroovand Hipple, Jeff Gruenewald et Edmund F. McGarrell, « Restorativeness, Procedural Justice and Defiance as Long-Term Predictors of Reoffending of Participants in Family-Group Conferences », Criminal Justice and Behavior, vol. 42, no 11, 2015, p. 1110 ; Nuala Livingstone, Geraldine McDonald et Nicola Carr, « Restorative Justice Conferencing for Reducing Recidivism in Young Offenders (Aged 7 to 21) », The Cochrane Database of Systematic Review, vol. 2, 2013, p. 68 ; Kathleen J. Bergseth et Jeffrey A. Bouffard, « The Long-Term Impact of Restorative Justice Programming for Juvenile Offenders », Journal of Criminal Justice, vol. 35, no 4, 2007, p. 433 ; John Braithwaite, « Setting Standards for Restorative Justice », British Journal of Criminology, vol. 42, no 3, 2002, p. 563 ; Daniel W. Van Ness et autres, Restoring Justice. An Introduction to Restorative Justice, 6e éd., New York, Routledge, 2022, p. 226.
-
[35]
L. Fulham et autres, préc., note 33.
-
[36]
Lynn Stewart et autres, « The Impact of Participation in Victim-Offender Mediation Sessions on Recidivism of Serious Offenders », International Journal of Offender Therapy and Comparative Criminology, vol. 62, no 12, 2018, p. 3910.
-
[37]
Simon Little, Anna Stewart et Nicole Ryan, « Restorative Justice Conferencing: Not a Panacea for the Overrepresentation of Australia’s Indigenous Youth in the Criminal Justice System », International Journal of Offender Therapy and Comparative Criminology, vol. 62, no 13, 2018, p. 4067.
-
[38]
L. Fulham et autres, préc., note 33.
-
[39]
Jennifer S. Wong et autres, « Can At-Risk Youth Be Diverted from Crime? A Meta-Analysis of Restorative Diversion Programs », Criminal Justice and Behavior, vol. 43, no 10, 2016, p. 1310.
-
[40]
L. Fulham et autres, préc., note 33.
-
[41]
L. Stewart et autres, préc., note 36.
-
[42]
J. Desrosiers et autres, préc., note 12.
-
[43]
Voir Gouvernement du Québec, préc., note 2.
-
[44]
R. c. Jordan, [2016] 1 RCS 631, 2016 CSC 27, confirmé par R. c. Cody, [2017] 1 RCS 659, 2017 CSC 31.
-
[45]
Voir par exemple, pour les premières initiatives, A. Jaimes et autres, préc., note 10.
-
[46]
Loi modifiant le Code criminel (détermination de la peine) et d’autres lois en conséquence, L.C. 1995, c. C-22.
-
[47]
Catherine Rossi et autres, « Le programme de mesures de rechange général pour adultes en matière criminelle au Québec : la mise en forme tardive d’une idée innovante », dans Pierre Noreau et autres (dir.), 22 chantiers sur l’accès au droit et à la justice, Montréal, Éditions Yvon Blais, 2020, p. 273.
-
[48]
Julie Desrosiers, Margarida Garcia et Marie-Ève Sylvestre (dir.), Réformer le droit criminel au Canada : défis et possibilités, Montréal, Éditions Yvon Blais, 2017, p. 536 ; Pierre Hamel, avec la collab.de Louis Leclerc, Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents. Texte annoté comportant des commentaires relatifs à son application au Québec, 2e éd., Montréal, Éditions Yvon Blais, 2017, p. 765.
-
[49]
Au sein du réseau Équijustice, le terme utilisé et préféré est celui d’« accompagnement », et non de mesure.
-
[50]
Voir Équijustice, « Le programme de mesures de rechange général (PMRG) », 2023, [En ligne], [www.equijustice.ca/fr/le-programme-de-mesures-de-rechange-general-pmrg] (31 mars 2024). Jusqu’en 2020, seul le réseau Équijustice sera habilité à réaliser les mesures de rechange propres à ce programme, jusqu’à ce que le programme s’étende et que plusieurs autres organismes les rejoignent, notamment provenant de l’Association des organismes de justice alternative du Québec (ASSOJAQ) . La direction des orientations du programme en justice réparatrice reste néanmoins conférée au réseau Équijustice après cette date.
-
[51]
Nous remercions à cet égard nos commanditaires, qui ont financé ce projet : le ministère de la Justice du Québec et le Conseil de recherches en sciences humaines du Canada.
-
[52]
Consulter notamment C. Rossi et autres, préc., note 2 ; voir également Catherine Rossi et autres, « Mise en oeuvre du programme de mesures de rechange général pour adultes au Québec : premiers résultats après 19 mois d’implantation du projet pilote », (2021) 49 R.D.U.S. 519.
-
[53]
J. Desrosiers et autres, préc., note 12.
-
[54]
D. Kaminski, préc., note 13.
-
[55]
J. Desrosiers et autres, préc., note 12.
-
[56]
Voir le site Web d’Équijustice, préc., note 50.
-
[57]
Voir C. Rossi et autres, préc., note 2.
-
[58]
Ces personnes étant en immense majorité de sexe féminin, on parle plutôt de médiatrices que de médiateurs.
-
[59]
S. Charbonneau et C. Rossi, préc., note 4.
-
[60]
L’approche relationnelle prévoit des techniques particulières dans la réalisation d’une médiation entre un accusé et une victime, permettant d’assurer leur sécurité. Si l’accusé doit effectuer un don en argent à un organisme, la mesure est alors organisée comme un genre de « médiation », utilisant les mêmes techniques, mais impliquant l’accusé et l’organisme au lieu d’une personne victime. Ces deux parties sont alors préparées à la manière dont la somme sera déterminée, reçue, par qui, sur quel ton, etc., comme on préparerait une médiation entre deux personnes.
-
[61]
Il s’agit du nombre de dossiers au total soumis au programme, quelle que soit leur trajectoire par la suite, qu’ils soient acceptés ou refusés par le procureur, que l’accusé accepte ou non de suivre le programme, qu’il le réussisse ou y échoue, etc.
-
[62]
C. Rossi et autres, préc., note 52.
-
[63]
Ici, les biais et les données manquantes sont pris en considération, incluant toutes les régions et toutes les données recueillies à cette date. Le nombre de dossiers correspond au nombre de dossiers au total soumis depuis l’entrée en vigueur du programme, quelle que soit leur trajectoire par la suite, qu’ils soient acceptés ou refusés par le procureur, que l’accusé accepte ou non de suivre le programme, qu’il le réussisse ou y échoue, etc. Ce « N » inclut les 596 dossiers pilotes. Autrement dit, 1 991 dossiers supplémentaires ont été ajoutés de mars 2019 à décembre 2020, toutes régions confondues. Il ne sera pas fait état, ici, de comparaison entre les districts, étant donné que tous ont implanté le programme à des temps différents. Par exemple, à la fin de 2020, certains districts comptaient déjà une expérience de plusieurs années, et donc plusieurs centaines de dossiers avaient été traités, tandis que d’autres commençaient leur premier mois d’implantation du programme, et ne comptaient qu’une dizaine de dossiers.
-
[64]
Catherine Rossi et autres, « Le programme de mesures de rechange général pour adultes 2019-2023. Faits saillants, printemps 2021 », Québec, ministère de la Justice du Québec, 2021 (documentation interne).
-
[65]
Les résultats portant sur les dossiers du PMR-G adapté aux cours municipales font l’objet d’une autre recherche distincte, et ce, pour plusieurs raisons. Parmi ces raisons, on trouve le fait que le programme a été implanté et testé à la Cour du Québec seulement, dans ses débuts ; et bien plus tard dans les cours municipales ; que c’est notamment après les résultats de la recherche ou durant les tests pilotes qu’il a commencé à être transféré dans les cours municipales et que la mise en commun de l’échantillon entraînerait des biais de recherche majeurs ; que les autorisations judiciaires pour l’accès aux dossiers dans ces différentes cours sont extrêmement différentes ; que les infractions visées et les publics cibles sont différents ; que les cours municipales ne font pas toutes affaire avec le réseau Équijustice, et appliquent des principes de déjudiciarisation et non seulement de justice réparatrice, etc.
-
[66]
Pour obtenir la liste exacte, voir Gouvernement du Québec, préc., note 2.
-
[67]
Requête numéro 010334-180 001.
-
[68]
Approbation du Comité d’éthique de la recherche de l’Université Laval (CERUL), numéro 2017-041 R-3/03-12-2020.
-
[69]
Le PMR-G a été implanté dans les cours municipales à compter de 2020.
-
[70]
Au Québec, le registre des dossiers judiciaires est public. On ne peut néanmoins y retrouver que les infractions qui ont eu lieu au Québec.
-
[71]
SOQUIJ est un moteur de recherche juridique utilisé couramment par les professionnels du droit ou les juristes du Québec, permettant un accès direct au plumitif moyennant des accès spéciaux. Voir Soquij, « Les plumitifs », 2023, [En ligne], [www.soquij.qc.ca/a/fr/produits/plumitifs] (janvier 2024).
-
[72]
Pour les détails de la répartition géographique du programme, voir Gouvernement du Québec, préc., note 2.
-
[73]
Voir, par exemple, N. Livingstone, G. McDonald et N. Carr, préc., note 34.
-
[74]
Ces taux sont également disponibles région par région, mais étant donné que cela pourrait permettre d’identifier les personnes en charge des dossiers ou l’identité des usagers, aucune donnée selon les régions ne sera publiée.
-
[75]
N (total des dossiers autorisés et refusés) = 596.
-
[76]
C. Rossi et autres, préc., note 52.
-
[77]
N (total des dossiers autorisés et refusés) = 2342.
-
[78]
C. Rossi et autres, préc., note 52.
-
[79]
Par exemple, le Programme de traitement de la toxicomanie de la Cour du Québec a été adopté en fonction de l’article 720(2) du Code criminel ; le Programme d’accompagnement justice-santé mentale, de son côté, ne donne pas lieu nécessairement à une mesure de déjudiciarisation.
-
[80]
Pour les délais de réalisation du programme, voir C. Rossi et autres, préc., note 52.
-
[81]
Au 31 mars 2022, à peine un peu plus de 1 000 dossiers respectaient les critères. L’échantillon a néanmoins été arrêté à 1 000, à des fins purement « esthétiques ». Le millième dossier est entré dans l’échantillon à la mi-mars 2022, et non le 31 mars 2022 qui est la fin de la période officielle d’observation.
-
[82]
Laura Aubert et Philippe Mary, « L’abolition par la réforme. Dépénaliser en contexte d’intensification pénal ? », Champ pénal, vol. xii, 2015, p. 21.
-
[83]
Pierre Landreville, « Taux de récidive et taux de reprise », Canadian Journal of Criminology, vol. 24, no 4, 1982, p. 439, à la page 448.
-
[84]
J. Desrosiers et autres, préc., note 12 ; C. Rossi et autres, préc., note 2.
-
[85]
Écart-type = 3 684,88 jours. Centiles = P50 : 2 222 jours ; P75 : 5 652,5 jours ; P90 : 9 824,4 jours.
-
[86]
De manière générale est qualifiée de « donnée étrange » une donnée en apparence impossible, par exemple une date impossible (1908 alors que l’accusé est né dans les années 1970), une date négative, une date non expliquée, etc. La cause de ces phénomènes pouvant aller de la situation particulière à l’erreur de saisie en passant par le problème technique, il est impossible de les interpréter. C’est pourquoi les centiles sont également présentés dans la note 70 (voir plus haut).
-
[87]
Rappelons que le registre a été consulté plusieurs fois par semaine.
-
[88]
Rappelons qu’il existe une possibilité que l’entrée ait été « effacée » au bout d’une période, sur demande de l’accusé. Mais les observations, plurihebdomadaires et en temps réel, rendent ce risque plutôt bas. Une marge d’erreur peut cependant être possible.
-
[89]
Lorsqu’il y avait plusieurs chefs présents pour un même dossier, rappelons que c’est l’infraction la plus grave qui a été retenue.
-
[90]
Pour les mêmes raisons que celles évoquées à la note précédente, aucune information ne sera communiquée sur ces deux dossiers. Par contre, mentionnons que les accusés proviennent de régions différentes, avaient été renvoyés au programme pour des infractions différentes et à des moments différents, et ont effectué des mesures de rechange différentes.
-
[91]
C. Rossi et autres, préc., note 52.
-
[92]
Test t (112,157) = -7,755, p < .001 ; test de Levene : p < .001. L’êta carré montre une relation faible de 0,034.
-
[93]
Canada, Ministère de la Justice, Précis des faits. Récidive dans le système de justice pénale, Ottawa, ministère de la Justice du Canada, Division de la recherche et de la statistique, 2020, p. 5, [En ligne], [www.justice.gc.ca/fra/pr-rp/jr/pf-jf/2020/docs/aug01.pdf] (janvier 2024).
-
[94]
Canada, Statistique Canada, « Un portrait exhaustif des crimes déclarés par la police au Canada, 2021 », Le Quotidien, 2022, p. 13, [En ligne], [www150.statcan.gc.ca/n1/fr/daily-quotidien/220802/dq220802a-fra.pdf?st=ELcL-iPi] (janvier 2024).
-
[95]
Canada, Ministère de la Justice, préc., note 93.
-
[96]
Pierre Lalande, P. Dolmaire et R. Lévesque, La récidive/reprise de la clientèle confiée aux Services correctionnels du Québec. Cohortes 2010-2011, Québec, Ministère de la Sécurité publique, 2018, p. 124.
-
[97]
Thomas Gabor, Coûts de la criminalité et des interventions du système de justice pénale, Sommaire de recherche, Ottawa, Sécurité publique Canada, 2016, p. 45.
-
[98]
Les coûts sont estimés à 750 $ par dossier environ. Ces chiffres ont été établis par les comités internes qui suivent ou évaluent le programme ; il n’existe pas d’estimé plus précis ou publié pour le moment.
-
[99]
Voir, par exemple, L. Fulham et autres, préc., note 33.
-
[100]
Id.
-
[101]
Catherine Rossi et autres, « Quels liens entre justice réparatrice et réinsertion sociale ? Le cas des mesures de rechange pour adultes au Québec », Criminologie, vol. 54, no 2, 2021, p. 39.
-
[102]
S. Charbonneau et C. Rossi, préc., note 4.
-
[103]
C. Rossi et autres, préc., note 101.
-
[104]
Id.
-
[105]
J. Jonas-Van Dijk et autres, préc., note 27.
-
[106]
M. Mueller-Smith et K.T. Schnepel, préc., note 21.
-
[107]
Voir, par exemple, Manudeep Bhuller et autres, « Incarceration, Recidivism and Employment », Journal of Political Economy, vol. 128, no 4, 2020, p. 1269.
-
[108]
M. Mueller-Smith et K.T. Schnepel, préc., note 21.
-
[109]
Megan T. Stevenson, « Distorsion of Justice: How the Inability to Pay Bail Affects Case Outcomes », (2018) 34 J. Law Econ. Organ. 511.
-
[110]
N. Kroovand Hipple, J. Gruenewald et E.F. McGarrel, préc., note 34.
-
[111]
Id. ; J. Braithwaite, préc., note 34 ; D.W. Van Ness et autres, préc., note 34.
-
[112]
Joseph L.D. Kennedy et autres, « Long-Term Effectiveness of a Brief Restorative Justice Intervention », International Journal of Offender Therapy and Comparative Criminology, vol. 63, no 1, 2019, p. 3.
-
[113]
Don Weatherburn, Andrew McGrath et Lorana Bartles, « Three Dogmas of Juvenile Justice », (2012) 35 U.N.S.W.L.J. 779.
-
[114]
J. Jonas-van Dijk et autres, préc., note 27.
-
[115]
Margarita Zernova, « Aspirations of Restorative Justice Proponents and Experiences of Participants in Family Group Conferences », British Journal of Criminology, vol. 47, no 3, 2007, p. 491.
-
[116]
Voir, par exemple, N. Livingstone, G. McDonald et N. Carr, préc., note 34. Rappelons qu’on trouve néanmoins des méta-analyses sur le lien entre justice réparatrice et récidive depuis plus de 20 ans : voir, par exemple, J. Latimer, C. Dowden et D. Muise, préc., note 30, jusqu’à L. Fulham et autres, préc., note 33.
-
[117]
C. Rossi et autres, préc., note 64.
Liste des figures
Graphique 1
Représentation des échelles de temps pour les périodes d’observation
Graphique 2
Concepts utilisés pour l’étude en fonction des dates observées
Liste des tableaux
Tableau 1
Portrait général des dossiers (n = 1 000)
Tableau 2
Dernier antécédent judiciaire observé avant la commission des infractions permettant la référence du dossier au PMR-G (n = 343)
Tableau 3
Portrait des infractions de réentrée (n = 93)
Tableau 4
Portrait des infractions objet du PMR-G lorsque l’accusé a une mention de réentrée (n= 93)
Tableau 5
Mesures principales réalisées à Équijustice dans le cadre du PMR-G lorsque l’accusé possède une mention de réentrée (n = 93)