Résumés
Résumé
Le droit de rétention, traditionnellement fondé sur la détention, se présente comme un réflexe naturel : l’individu refuse de donner satisfaction à celui qui n’honore pas ses propres engagements. Ce principe de justice privée a été intégré dans les codes civils québécois et français qui en comptent de multiples applications au point d’y voir un droit de rétention plural. Le lien de connexité entre la créance invoquée et la chose détenue en est la condition essentielle. Le Québec l’appréhende à la fois comme une exception d’inexécution et une priorité. La France, sans le qualifier clairement, le présente comme un des effets du gage avec et sans dépossession. Au-delà des aspects techniques comparatifs, l’auteure démontrera que le droit de rétention emporte les mêmes effets dans les deux droits : l’opposabilité à l’égard des tiers et même parfois au propriétaire non tenu à la dette. Selon l’auteure, le droit de rétention répondrait à une définition fonctionnelle de la notion de sûreté et mériterait d’être assujetti à une publicité.
Abstract
Traditionally grounded in detention, the right of retention comes as a natural reflex whereby an individual refuses to give satisfaction to another who has not respected his or her own commitments. The multiple applications of this private law principle have been integrated into the Civil Codes of Québec and France to such an extent as to evoke pluralistic retention rights. The linkage between an anticipated receivable and the thing being detained constitutes the essential bonding condition. In Québec, this is seen as a non-performance of covenant and, in some cases, as a prior claim. Without clearly defining the linkage, France presents it as one of the effects of the pledge with or without delivery. Beyond the comparative technical aspects, the author demonstrates how the right to retain movable property generates the same effects in both legal systems, namely opposability with regard to third parties and even occasionally to the owner not bound by the debt. As the author sees it, the right of retention is an answer to a functional definition of the concept of security and would do well to be subject to publication.
Corps de l’article
Le droit de rétention est traditionnellement défini comme le droit de retenir une chose que l’on devrait normalement restituer. Ainsi lorsqu’un créancier détient un bien appartenant à son débiteur, il peut le retenir tant qu’il n’est pas payé. Le professeur Augustin Aynès le décrit comme la « [f]aculté reconnue à un créancier de retenir un bien de son débiteur pour faire pression sur celui-ci, la rétention est un instrument de garantie dont la consécration peut apparaître injustifiée tant au regard de sa technique que de son esprit[1] ».
Le droit de rétention constitue avant tout un acte spontané de justice privée. Le bien est ainsi pris en otage[2] aux yeux du débiteur et surtout des tiers. Il fait appel à des notions de justice ancestrale, primaire, voire même biblique. Il pourrait être compris comme une manifestation de la loi du talion souvent réduite à l’expression « oeil pour oeil, dent pour dent[3] ». Nos sociétés dites modernes[4] ont consacré le droit de rétention et lui ont donné une force, à certains égards, invincible[5]. Cette situation de fait conférant une sorte de toute-puissance à celui qui s’en sert est paradoxalement consacrée par le droit positif. En effet, les droits français et québécois ont légalisé le droit de rétention dans leur corpus civil comme un principe aux articles 1592 du Code civil du Québec[6] et 2286 du Code civil français[7]. Les deux législations ont cependant une approche différente : le droit québécois considère le droit de rétention comme une exception d’inexécution et, dans certaines situations précises, comme une sûreté légale (art. 2651 (3) C.c.Q.) ; le droit français lui confère, à certains égards, les effets attachés à une sûreté conventionnelle (art. 2286 C. civ.). Au-delà de certaines différences de techniques juridiques et de politique législative — comme la possibilité d’envisager en droit français un droit de rétention fictif sans détention —, le droit de rétention constitue un mécanisme original de garantie ayant une nature plurielle qui peut revêtir plusieurs applications pratiques (1) et avoir des effets notables quant à son opposabilité à l’égard des tiers (2). En effet, le droit de rétention est opposable aux tiers — et même parfois au propriétaire non tenu à la dette —, et ce, sans publicité préalable et formelle. Notre objectif est de rendre compte qu’en dépit d’une qualification juridique différente dans les deux pays considérés et de l’existence de spécificités juridiques propres à chaque législation, le droit de rétention répondrait en réalité à une définition fonctionnelle de la notion de sûreté et mériterait, à ce titre, un traitement uniforme dans les deux législations quant à sa publicité vis-à-vis des tiers.
1 Le droit de rétention : une institution originale ayant une nature plurale
Le Code civil du Québec a posé un principe général du droit de rétention à l’article 1592, inséré dans le livre V dans la partie consacrée à l’exécution des obligations[8]. En France, le Code civil l’a récemment inséré à l’article 2286[9] au titre des dispositions préliminaires du livre IV consacré aux sûretés[10]. La comparaison des exigences législatives encadrant le droit de rétention dans les législations française et québécoise permettra de rendre compte de la nature plurale de cette institution aux multiples applications (1.1) mais aussi de son caractère original (1.2).
1.1 Le droit de rétention : une nature plurale
Le droit de rétention donne l’impression d’une institution aux multiples visages. Mais avant d’évoquer les multiples applications possibles du droit de rétention dans les deux droits (1.1.2), l’analyse comparée des différentes conditions juridiques exigées en France et au Québec révèle que la connexité reste la condition juridique essentielle pour conclure en l’existence d’un droit de rétention (1.1.1).
1.1.1 Le lien de connexité : une condition essentielle et commune aux droits français et québécois
Au Québec, le droit de rétention issu de l’article 1592 C.c.Q. suppose que soient réunies cinq conditions : l’existence d’un contrat ; la détention par le rétenteur d’un bien fondée sur ce contrat ; le droit de propriété du contractant sur ce bien ; la connexité entre le bien et la créance ; et l’exigibilité de cette créance. Ainsi, en droit québécois, à la seule lecture de l’article 1592, le droit de rétention ne peut exister en l’absence de relation contractuelle ou encore si le bien détenu n’appartient pas au contractant, ce qui n’est pas le cas en droit français.
En effet, l’article 2286 C. civ. permet d’invoquer le droit de rétention dans une relation contractuelle synallagmatique (art. 2286 (2) C. civ.) ou même en dehors de toute relation synallagmatique (art. 2286 (3) C. civ.). L’exigence de la propriété du bien n’apparaît pas non plus dans le texte législatif français. Concernant les caractères d’exigibilité et de liquidité de la créance, les deux droits se rejoignent sur ce point en exigeant ces deux conditions[11].
Le critère fondamental qui caractérise le droit de rétention est celui de la connexité. Les droits français et québécois sont, à ce titre, très clairs et imposent d’établir un lien de connexité entre la créance et la détention de la chose. Cette connexité prend plusieurs formes. Selon le principe général posé par le droit français, cette connexité peut être soit matérielle[12], soit juridique[13], ou conventionnelle[14]. En revanche, pour le droit québécois, le principe posé à l’article 1592 C.c.Q. paraît plus restrictif dans la mesure où il ne vise que le cas de la connexité juridique lorsque la créance et la chose retenue sont nées à l’occasion d’un même contrat. À la seule lecture de cette disposition, les cas de connexité matérielle et conventionnelle semblent exclus. Toutefois, au-delà du principe général arrêté lors de sa réforme de 1991, le Code civil du Québec comporte aussi des dispositions particulières qui visent d’autres cas de rétention. Précisément, certaines de ces applications particulières impliquent une connexité matérielle[15] ou une connexité conventionnelle. Dans le premier cas, la créance du rétenteur est née à l’occasion de la chose retenue. À titre d’illustration, la créance du transporteur est née lors de la détention des biens pour lesquels il a rendu ses services (art. 2048 C.c.Q.). La créance du possesseur d’un immeuble de bonne foi, sollicitant le remboursement des impenses, qui est née du fait de la possession, justifie aussi d’une connexité matérielle (art. 963 C.c.Q.). Dans le second cas, lorsqu’il y a connexité conventionnelle, le droit québécois ne l’a pas exclue, bien au contraire. Il a adopté une position originale, sur ce point, par rapport au droit français. Il a considéré que le rétenteur d’un bien meuble pouvait retenir la chose au sens de l’article 1592 C.c.Q. et invoquer une priorité de troisième rang[16]. Toutefois, seuls les rétenteurs d’un bien de nature mobilière sont prioritaires. Ainsi, les créanciers justifiant d’un droit de rétention sur des biens immeubles[17] ou sur des biens meubles non susceptibles d’être vendus en justice[18] ne peuvent être considérés comme des créanciers prioritaires. Ces rétenteurs ne pourront bénéficier d’un droit de préférence accordé en vertu d’un rang prioritaire. Toutefois, ils se serviront de l’article 1593 C.c.Q. pour invoquer l’opposabilité « à tous » de leur droit de rétention. Sont également exclus de la catégorie des prioritaires les créanciers gagistes. Ceci marque encore une différence avec le droit français.
En effet, le créancier gagiste n’est plus considéré depuis la réforme québécoise de 1991 comme un rétenteur protégé par un privilège[19]. La réforme de 1991 a eu notamment pour résultat de supprimer un grand nombre de privilèges pour les remplacer par des priorités. En ce qui concerne le gage, il a été certes maintenu lors de l’adoption du Code civil du Québec de 1991, mais il prend désormais la forme d’une hypothèque mobilière avec dépossession et a été amputé de son droit de rétention. Le créancier gagiste ne peut se cacher derrière ce droit de rétention face à un autre créancier ordinaire, hypothécaire ou privilégié (articles 2770 C.c.Q. et 604 du Code de procédure civile[20]). Seul le droit de préférence lui servira de rempart. Des règles de rang prévues dans le Code civil du Québec pour chaque catégorie de créanciers concernés permettent au créancier rétenteur d’établir alors son rang prioritaire.
Dans ces conditions, le droit de rétention sur un bien meuble peut être considéré comme une priorité, c’est-à-dire une cause légitime de préférence s’il répond aux conditions prévues par les articles 2647 et 2651 (3) C.c.Q. L’idée d’une confusion possible entre le gage et le droit de rétention, entretenue par le droit français, a été rejetée par le droit québécois qui fait, nous semble-t-il, du droit de rétention sur bien meuble une sûreté légale à part entière. Nous verrons cependant que, en dépit de ce contraste apparent, les deux droits se rejoignent sur les effets possibles du droit de rétention, c’est-à-dire quant à son opposabilité aux tiers.
Pour en revenir à la notion de connexité, on pourrait dire que le droit français paraît a priori plus abouti en prévoyant dans une seule disposition — l’article 2286 C. civ. — les trois cas de connexité nécessaires pour établir l’existence d’un droit de rétention. Il faut préciser que cet état résulte d’une récente réforme qui a élargi le domaine d’application du droit de rétention en légalisant des solutions jurisprudentielles antérieures. Avant la réforme française intervenue par ordonnance du 23 mars 2006[21], il n’existait pas un principe général du droit de rétention, mais seulement des règles particulières accordant un droit de rétention dans certaines situations prévues par le Code civil français et étendues à d’autres hypothèses par les tribunaux[22]. La réforme a consacré les différentes applications possibles du droit de rétention sous un seul article 2286 C. civ.
1.1.2 Les applications pratiques
Au Québec, à côté d’un principe général du droit de rétention encadré dans un contexte contractuel et se présentant comme une extension de l’exception d’inexécution[23], se greffent d’autres cas de rétention mettant en exergue soit une connexité juridique, soit une connexité matérielle qui ne satisfont pas nécessairement les conditions prévues par l’article 1592 C.c.Q.[24]. Ainsi, des droits de rétention dits nommés[25] figurant dans le Code civil du Québec, et même dans certaines lois statutaires[26], ont été prévus, par exemple, au bénéfice : de celui qui, par son travail, a créé ou transformé un bien meuble (art. 974 C.c.Q.) ; de l’administrateur du bien d’autrui, (art. 1369 C.c.Q.) ; du transporteur pour le fret, les frais de transport et les frais d’entreposage (art. 2058 C.c.Q.) ; du mandataire (art. 2185 C.c.Q.) ; du dépositaire pour les frais encourus pour conserver le bien déposé ou les dommages occasionnés (art. 2293 C.c.Q.) ; de l’hôtelier sur les bagages et effets non personnels des clients (art. 2302 et 2303 C.c.Q.). Les tribunaux reconnaissent aussi à l’acheteur de bonne foi, qui a acheté dans le cours des activités d’une entreprise un bien qui n’appartenait plus à son vendeur, le droit de retenir le bien jusqu’au remboursement du prix payé par le véritable propriétaire sur le fondement de l’article 1714 C.c.Q.[27]. Ainsi, le droit de rétention est d’application large du fait de ces prévisions légales particulières ; on le retrouve dans le cadre de contrats synallagmatiques et unilatéraux et même hors champ contractuel.
En France, le Code civil prévoit aussi des applications particulières accordant ainsi un droit de rétention à de multiples bénéficiaires, comme l’ouvrier spécificateur qui a façonné des matières appartenant à autrui (art. 570 C. civ.), le cohéritier tenu au rapport pour les impenses (art. 862 C. civ.), le vendeur au comptant, l’acheteur troublé dans sa possession (art. 1653 C. civ.), le possesseur de la chose perdue ou volée acquise dans une foire ou une vente publique (art. 2277, al. 1 C. civ.), le dépositaire (art. 1948 C. civ.), le locataire (art. 1749 C. civ.), le créancier gagiste mis en possession (art. 2340 C.civ.) et l’antichrésiste (art. 2387 et 2391 C. civ.). Des dispositions spéciales concernant les notaires[28], les huissiers[29] leur assurent un droit de rétention sur les dossiers de leurs clients pour assurer le paiement des frais et avances[30]. Ces dispositions reposent sur l’idée d’un droit de rétention découlant d’un rapport juridique, contractuel ou d’un simple rapport matériel[31]. Également, par des dispositions spéciales insérées dans le Code de commerce et le Code monétaire et financier, un droit de rétention fictif a été accordé au créancier gagiste sur un véhicule automobile et au créancier bénéficiant d’un nantissement de comptes-titres[32] ainsi qu’au créancier gagiste sans dépossession de droit commun[33].
1.2 L’originalité du droit de rétention
Le droit de rétention est original, d’une part, par rapport à d’autres institutions civilistes connues comme l’exception d’inexécution (1.2.1) et, d’autre part, compte tenu d’une transformation notable de cet outil sous l’effet du phénomène de la dématérialisation du droit (1.2.2). En effet, dans certains cas, et notamment en droit français, le créancier rétenteur ne justifie d’aucune détention matérielle du bien pour exercer son pouvoir de rétention. Ce pouvoir de rétention fictif fait mentir l’adage selon lequel « pour retenir, il faut tenir ».
1.2.1 Les distinctions par rapport à d’autres institutions
Le droit de rétention a bien souvent été comparé à l’exception d’inexécution. Il en est proche puisqu’il tire sa force d’un rapport d’obligations. En droit québécois, il est envisagé comme le prolongement de l’exception d’inexécution[34]. Tout comme dans le cas de l’exception d’inexécution, le créancier refuse de rendre le bien si le débiteur n’exécute pas la prestation attendue. Ainsi, on pourrait dire que le droit de rétention est une exception d’inexécution arrivée à maturité[35]. Toutefois, son intimité avec l’exception d’inexécution ne doit pas conduire à son assimilation. Le domaine du droit de rétention est plus étendu : il vise tant les rapports synallagmatiques qu’unilatéraux. Autre différence, le rétenteur a déjà exécuté sa propre prestation, alors que celui qui invoque l’exception d’inexécution se défend de ne pas exécuter sa propre prestation sous prétexte de la carence contractuelle de l’autre partie. L’exception d’inexécution trouve sa raison d’être dans l’interdépendance des prestations réciproques des parties en cause. Or, la rétention se justifie du fait du seul lien de connexité entre la créance et le bien retenu. Enfin, l’exception d’inexécution peut être invoquée dans des multitudes de cas faisant naître un rapport synallagmatique puisque la force obligatoire du contrat sous-entend l’invocation d’une telle exception. En revanche, c’est la loi qui attribue à un créancier le droit de retenir la chose jusqu’au complément de la créance due, et ce, dans certains cas précis. Le droit de rétention tire sa force au-delà du lien obligationnel et bien au-delà du contenu implicite du contrat. Il intervient dans les relations que le débiteur peut entretenir avec ses autres créanciers. Il gèle la position des autres. Il est un perturbateur[36] ou un gêneur[37]. En réalité, il a un effet radical sur la position des autres. Il rompt l’ordre établi, l’égalité avec les autres créanciers et même l’ordre des préférences.
Le droit de rétention peut dérouter puisqu’il peut prendre l’apparence ou risque d’être assimilé voire même intégré au sein d’autres institutions[38], comme la compensation[39], le gage ou le privilège, appelé désormais « priorité » en droit québécois depuis la réforme de 1991. Certaines techniques juridiques permettent à un contractant de retenir des sommes dues comme dans le cas du propriétaire d’un immeuble sur le prix du contrat pour payer les ouvriers bénéficiaires d’une hypothèque légale de la construction (art. 2123 C.c.Q.) ou du locataire pour les dépenses faites pour l’exécution de travaux autorisés (art. 1867 C.c.Q.). Ce droit de retenue, qui peut être d’ailleurs prévu d’avance et accepté par les parties à un contrat, bien souvent combiné avec un droit de compensation, ne doit pas être assimilé à un droit de rétention au sens de l’article 1592 C.c.Q.[40], ni même de l’article 2651(3) C.c.Q., à moins d’adopter une conception extensive de la notion de sûreté. Compte tenu du cadre légal actuel, il s’agirait plutôt d’une simple défense comparable à une exception d’inexécution.
Par ailleurs, il est intéressant de revenir sur l’étroitesse apparente des relations entre gage et droit de rétention. Le droit de rétention a longtemps été l’effet attaché au gage traditionnel. En droit français, il a permis et permet encore au créancier gagiste de s’assurer du paiement de son obligation en retenant légitimement la chose que le débiteur lui a remise lors de la constitution du gage. En revanche, le législateur québécois[41] n’a pas maintenu le droit de rétention comme un effet traditionnel du gage. Au Québec, le droit de rétention s’est émancipé par rapport aux effets du contrat de gage pour compter parmi les priorités, catégorie distincte.
1.2.2 L’existence d’un droit de rétention fictif : un droit de rétention renouvelé ou altéré ?
Le droit français continue de lier le droit de rétention au gage et l’a même fictivement admis pour les gages spéciaux sans dépossession comme le gage automobile et le nantissement de comptes-titres[42]. Plus encore, le législateur français a récemment persisté dans cette voie du changement en consacrant le droit de rétention, en dehors de toute idée de possession matérielle, comme un effet attaché au gage sans dépossession de droit commun[43].
Quant au droit québécois, même s’il a supprimé le droit de rétention comme un effet traditionnel du gage, il a récemment créé une situation juridique encore plus puissante que le droit de rétention, celle du statut de l’« acquéreur protégé[44] » conféré au créancier gagiste justifiant d’une maîtrise lors d’un gage constitué sur des valeurs mobilières ou sur des titres intermédiés. En effet, ce nouveau gage par maîtrise[45] grevant des valeurs mobilières ou des titres intermédiés met en place des règles exorbitantes comparées à celles connues jusqu’à alors. En sus d’obtenir un super rang en l’absence de toute publicité faite aux tiers[46] et de permettre aussi en cas de défaut du débiteur une vente sans préavis par le créancier[47], le gage par maîtrise confère au créancier gagiste le droit d’empêcher les autres créanciers d’exercer leurs recours hypothécaires, car il a acquis ses droits « libres de toute revendication[48] ». Il a donc le droit de les ignorer[49], ce qui est une prérogative exceptionnelle par rapport au régime de droit commun, notamment au regard de l’article 2706 C.c.Q. qui ne permet pas à un créancier gagiste d’empêcher un autre créancier, titulaire d’une hypothèque sur le même bien, d’exercer ses droits de créancier saisissant ou hypothécaire.
Ce statut d’« acquéreur protégé[50] » confère une situation prioritaire au créancier gagiste par maîtrise. C’est précisément le gage par maîtrise qui lui permet de jouir de cette situation exceptionnelle lui accordant une situation monopolistique sur les valeurs mobilières et titres intermédiés. Il jouit d’une exclusivité sur les biens ainsi gagés bloqués à son profit. Cette situation rappelle clairement le pouvoir de blocage ou de contrôle, exercé ordinairement par un rétenteur.
Le droit de rétention est donc multiple, car présent dans plusieurs situations légalement prévues. On pourrait utiliser le pluriel : d’un simple droit de rétention agissant sur les rapports d’obligations entre créancier et débiteur, il peut constituer une véritable priorité, garantissant l’exécution de la créance pour devenir un outil puissant de blocage empêchant toute revendication de la part des autres créanciers dans le cas d’un gage par maîtrise. Il a subi en outre une transformation profonde puisqu’il est admis, en droit français, dans des cas où aucune détention ne se justifie. Il s’est dématérialisé en quelque sorte, tout comme le concept de gage qui a connu ces dernières années, en droit français et aussi en droit québécois, une altération de son mécanisme[51].
Rappelons que « pour retenir, il faut d’abord tenir[52] ». On peut dire que le législateur français a innové au point de dénaturer le concept originel du droit de rétention[53]. Cette extension poursuivait un objectif précis, à savoir le renforcement de l’efficacité du gage sans dépossession dans un contexte de procédure collective[54] pour faire concurrence au gage avec dépossession qui, quant à lui, est muni d’un droit de rétention. À l’instar de certains auteurs[55], force est de constater que la condition juridique élémentaire de la connexité entre le bien retenu et la créance pour considérer comme valide le droit de rétention paraît absente puisque le créancier ne peut pas justifier d’une réelle détention entre le bien et la créance. Ainsi, le législateur a fictivement permis au rétenteur, non pas de bloquer le bien, mais plutôt ses utilités : il s’agit d’un pouvoir de blocage, voire d’un pouvoir de nuisance[56], à l’encontre du débiteur et des autres créanciers de celui-ci.
Une fois l’existence de plusieurs droits de rétention soulignée, il est question à présent de s’attacher aux effets des droits de rétention à l’égard des tiers. Finalement, l’existence d’une possible unité pourrait se dégager à partir du caractère fonctionnel du mécanisme du droit de rétention qui s’assimile, en raison de ses effets, à une sûreté conventionnelle.
2 Les droits de rétention : l’effet unitaire d’une sûreté fonctionnelle
Nous avons vu qu’il existait plusieurs droits de rétention. On pourrait se poser la question de savoir si ces droits révèlent en fait d’un mécanisme unique ayant le même effet qu’une sûreté. On peut avancer quelques éléments du débat. Le Code civil français ne se prononce pas franchement sur cette question, même s’il a inséré le principe du droit de rétention à l’article 2286 dans les dispositions préliminaires du livre iv consacré aux sûretés. Quant au Code civil du Québec, il traite du droit de rétention à l’article 1592 dans le livre V, partie consacrée à l’exécution des obligations. Par ailleurs, l’article 2651 (3) C.c.Q. a octroyé au rétenteur d’un bien meuble, au sens de l’article 1592 dudit Code, la qualité de créancier prioritaire. Toutefois, ce n’est pas pour autant que les tribunaux québécois admettent facilement sa qualification en sûreté mobilière et, par conséquence, tous les effets qui y sont attachés[57]. Quant au droit positif français, certains auteurs[58] et certaines décisions de la Cour de cassation[59] semblent hostiles à l’admettre. Plusieurs raisons nous conduisent cependant à penser le contraire et à considérer le mécanisme du droit de rétention sur un bien meuble comme une sûreté mobilière à part entière[60]. Le droit de rétention accorde un droit de préférence de facto au rétenteur. L’essence même du mécanisme de rétention en fait, selon notre opinion, une sûreté. Sa finalité commande cette qualification. Cette admission serait en conformité avec la conception fonctionnelle de la notion de sûreté mobilière à laquelle nous adhérons. Par ailleurs, elle se justifierait aussi tant au regard de la loi française sur les procédures collectives que de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité du Canada qui assimilent clairement le droit de rétention sur bien meuble à une sûreté conventionnelle.
Avant de revenir en détail sur ce caractère fonctionnel (2.2), il convient de présenter préalablement les effets du droit de rétention pour mieux saisir la complexité de ce mécanisme (2.1).
2.1 Les effets
L’effet principal du mécanisme du droit de rétention est d’être opposable à tous (2.1.1). Cette opposabilité erga omnes en fait un outil juridique très recherché en droit français et en droit québécois, notamment dans un contexte de faillite (2.1.2).
2.1.1 L’opposabilité erga omnes
Le droit de rétention est opposable au débiteur de la créance et à ses héritiers[61]. Il est aussi opposable aux créanciers de son débiteur qu’ils soient chirographaires[62] ou privilégiés[63] ou prioritaires[64], selon la terminologie québécoise[65]. Cette opposabilité s’entend même parfois à l’égard du propriétaire non tenu à la dette[66]. L’article 1593 C.c.Q. ne fait pas de distinction entre le droit de rétention issu du Code civil du Québec et celui prévu par les lois statutaires. Les tribunaux et les auteurs se sont posé la question de savoir si le droit de rétention statutaire, prévu notamment par la Loi sur la commercialisation des services de navigation aérienne civile[67], était opposable au propriétaire non débiteur de taxes aéroportuaires dont étaient tenues les entreprises locataires de l’avion[68]. Les juges québécois ont même permis à une entreprise de remorquage et d’entreposage de réclamer les frais de gardiennage envers le propriétaire non tenu de la dette puisque le véhicule avait été remis par le locataire du véhicule sur le fondement d’un contrat de dépôt implicite[69]. En France, la Cour de cassation a déclaré le droit de rétention d’un garagiste opposable envers le propriétaire, alors que le véhicule avait été confié pour réparation par le locataire en décidant que « le droit de rétention […] est un droit réel, opposable à tous, et même aux tiers non tenus de la dette[70] ». Le droit de rétention bénéficie donc d’une force contraignante puisque le rétenteur peut l’opposer à l’égard des tiers et, à plus forte raison, dans un contexte d’insolvabilité ou de faillite du débiteur.
2.1.2 Le contexte de procédure collective, d’insolvabilité ou de faillite
Le droit de rétention prend toute sa mesure dans un contexte de déconfiture du débiteur. Il constitue une arme redoutable et redoutée. Même si, récemment, le législateur français paraît contraindre le rétenteur à déclarer sa créance lors de l’ouverture d’une procédure sous peine d’inopposabilité[71], le droit des procédures collectives en France lui a aménagé une place de choix[72]. En période dite d’observation, le rétenteur peut obtenir un paiement immédiat. En effet, l’article L. 622-7 (II), al. 1 C. com. précise que le juge-commissaire peut autoriser l’administrateur à payer une créance antérieure pour « retirer […] une chose légitimement retenue […] lorsque ce retrait […] est justifié par la poursuite de l’activité ». En cas de vente du bien retenu au cours de l’exécution d’un plan de continuation[73] ou encore à l’occasion d’un plan de cession[74] de l’entreprise, le rétenteur pourra être payé contre retrait de la chose avant les autres créanciers privilégiés, comme par exemple, les créances salariales considérées comme superprivilégiées[75]. En cas de liquidation, à défaut de retrait de la chose, le liquidateur devra procéder à sa réalisation et, dans ce cas, le droit de rétention sera reporté de plein droit sur le prix[76]. Dans ce cas, le rétenteur pourra bénéficier clairement d’un droit sur la valeur du bien. Ainsi, il jouit d’un véritable droit de préférence.
En ce qui concerne le droit de rétention dit fictif prévu par l’arti- cle 2286 (4) C. civ. au profit du créancier gagiste sans dépossession, il souffre de quelques faiblesses dans un contexte de procédure collective. Selon les articles L. 622-7 (I), al. 2 et L. 631-14, al. 1 C. com., le droit de rétention fictif est inopposable en période d’observation et d’exécution du plan de sauvegarde ou de redressement judiciaire, sauf si le bien est compris dans une cession d’activités décidée en application de l’article L. 626-1 dudit Code. Ce droit de rétention semble être opposable en période de cession d’activités et de liquidation judiciaire[77]. L’objectif de sauvegarde de l’entreprise ou l’idée d’un possible redressement empêche donc le créancier gagiste sans dépossession d’opposer son droit de rétention fictif.
Au Québec, la Loi sur la faillite et l’insolvabilité[78] permet au rétenteur sur un bien meuble, entendu au sens de l’article 1592 C.c.Q., d’être assimilé à un créancier dit garanti, c’est-à-dire muni d’une sûreté au même titre qu’un créancier gagiste, hypothécaire ou détenant une clause de réserve de propriété dans une vente à tempérament. Ce statut lui permet de justifier d’un rang préférentiel lors du paiement en cas de distribution des actifs du débiteur failli. Toutefois, en dehors du prononcé d’une faillite, lors d’une proposition concordataire, le créancier rétenteur est contraint de suspendre ses recours pour permettre au débiteur insolvable de préparer sa proposition (art. 69 (1) LFI) en vertu de la suspension obligatoire des recours individuels. Si la proposition est acceptée par les créanciers et approuvée par le tribunal, la suspension des procédures durera jusqu’à l’exécution intégrale de la proposition ou jusqu’à ce que le débiteur concordataire soit mis en faillite en cas de défaut (art. 42 (1) (i) LFI). Si le créancier rétenteur a accepté expressément la proposition, il sera visé par la suspension des poursuites. En revanche, s’il l’a refusée, il retrouvera alors son droit d’exercer un recours. Dans ce cas, le syndic pourrait même racheter sa garantie après avoir évalué le bien retenu (art. 127-135 LFI). En cas de faillite, le rétenteur est aussi dans une situation confortable dans la mesure où il retrouve son droit de réaliser sa garantie et le syndic, après évaluation, pourrait aussi lui proposer de racheter sa garantie (art. 128 (3) LFI)[79]. S’il ne souhaite pas réaliser par lui-même, le rétenteur pourra, en sa qualité de créancier garanti (art. 2 LFI), invoquer sa créance garantie (sous réserve du dépôt d’une réclamation prouvable) afin d’être payé par le syndic selon l’ordre établi par l’article 136 LFI.
Les législations canadienne comme française sur la faillite ont fait preuve de pragmatisme en protégeant avant tout les créanciers ayant une créance impayée en relation avec le bien détenu entre leurs mains. Cette détention va se muer en une affectation à titre de garantie qui s’avère aussi efficace, voire davantage, qu’une sûreté traditionnelle qui ne dispose pas nécessairement du droit de retenir la chose jusqu’à satisfaction.
2.2 Le caractère fonctionnel du droit de rétention
Les auteurs sont partagés sur la question de la réelle qualification du droit de rétention. Si certains auteurs français trouvent ce débat vain[80], nous jugeons utile d’y revenir un instant. Les attributs classiques accordés à la notion de sûreté sont le droit de préférence et le droit de suite. De plus, la question de l’assimilation du droit de rétention à une sûreté conduit aussi à s’interroger sur la nature du droit réel qui lui est conférée. Les deux questions sont enchevêtrées, même si la majorité des auteurs français et québécois n’y répond pas directement. Il est possible de considérer cependant que le droit de rétention est une sûreté sans être obligé de s’interroger sur la pertinence d’une liste énumérative des droits réels accessoires. Nous pensons dès lors que le droit de rétention pourrait être défini comme une sûreté mobilière entendue au sens fonctionnel[81].
Le refus d’assimiler le droit de rétention à une sûreté conventionnelle se fonde principalement sur le fait qu’il ne conférerait ni un droit de préférence ni un droit de suite à son titulaire. Ces deux effets sont traditionnellement rattachés au droit réel dit accessoire, comme le gage ou encore l’hypothèque immobilière ou mobilière[82], et n’ont pas été expressément prévus dans les codes civils français et québécois à l’endroit du droit de rétention. L’absence de droit de préférence et de droit de suite justifierait le rejet de la qualification en sûreté. Toutefois, ces deux arguments ne sont pas pertinents pour deux raisons principales : le droit de rétention entraîne un droit de préférence légal ou de facto (2.2.1) et un droit de suite implicite (2.2.2).
2.2.1 Un droit de préférence légal ou de facto
Premièrement, il ressort des droits positifs français et québécois que le droit de rétention permet, en réalité, de conférer un droit de préférence légal ou de facto[83] au rétenteur. En effet, le rétenteur est placé dans une situation préférentielle par rapport aux autres créanciers en raison de l’obstruction[84] qu’il exerce sur le bien en empêchant tant le débiteur d’en disposer et d’en jouir librement que les autres créanciers contraints de prendre en considération son existence. Ce droit lui accorde une préférence en rompant l’égalité entre les créanciers puisqu’il obstrue le droit au recouvrement des autres créanciers qui ne peuvent plus disposer librement du bien pour recouvrer leur créance.
Il existe une particularité en France : les autres créanciers du débiteur devront composer avec le rétenteur puisque souvent le bien est d’une valeur supérieure à la créance réclamée. Il est ainsi plus facile et moins coûteux de payer préalablement le rétenteur pour faire vendre le bien. Même si le créancier compte saisir et faire vendre le bien retenu, l’huissier devra prendre en considération le droit du rétenteur et le contenter en cas d’adjudication du bien. Dans les faits, ce rétenteur dispose d’un rang « ultraprioritaire » venant avant tous les autres créanciers privilégiés et avant les autres créanciers munis de sûretés traditionnelles. La jurisprudence française considère de longue date[85] que, si la vente du bien est poursuivie en justice à la demande des créanciers, la créance du rétenteur qui s’est opposé à la vente doit être prélevée sur le prix. En ce sens, le droit de rétention confère un droit préférentiel, voire prioritaire, sur la valeur du bien[86].
En période de faillite, nous avons vu que le rétenteur est payé avant les autres créanciers, et il peut même être payé sur le prix de la vente du bien en cas de liquidation selon l’article L. 642-20-1, al. 3 C. com. Cette disposition spéciale envisage clairement un droit préférentiel sur la valeur au profit du rétenteur.
Au Québec, le rétenteur d’un bien meuble est un créancier prioritaire et dispose, à ce titre, d’un droit de préférence. En cas de conflit avec un autre créancier saisissant, l’article 604 C.p.c. ne permet pas au rétenteur de maintenir sa détention sur le bien saisi et il ne peut empêcher ni la saisie ni la vente du bien. Toutefois, il pourra invoquer sa priorité, ce qui lui permettra d’être colloqué prioritairement en fonction de son rang (art. 2651 (3) C.c.Q.). En cas de conflit avec un créancier hypothécaire, agissant dans le cadre d’un recours hypothécaire, l’article 2770 C.c.Q. commande aussi au rétenteur de délaisser son bien, mais « à charge de sa priorité », c’est-à-dire qu’il pourra invoquer son droit de préférence prioritaire sur le produit de la vente du bien.
Il est vrai que le droit de préférence est clairement inscrit dans la législation québécoise qui fait du rétenteur d’un bien meuble un créancier prioritaire. Toutefois, tous les rétenteurs ne jouissent pas de cette préférence légale. Certains rétenteurs, comme ceux ne remplissant pas les conditions de l’article 1592 C.c.Q. ou ceux justifiant d’un droit de rétention statutaire, ne bénéficient pas, en principe, de cette qualité de créancier prioritaire et n’ont donc pas, en principe, de droit de préférence légale. Dans l’absolu, tous les droits de rétention nommés devraient pouvoir constituer des priorités. Devant les tribunaux, l’enjeu porte souvent sur la qualification du contrat reliant le créancier-rétenteur avec celui qui s’est dépossédé du bien. S’agit-il d’un droit de rétention au sens de l’article 1592 C.c.Q. ou alors d’un droit de rétention nommé comme celui octroyé dans un contrat de dépôt ? S’il ne peut être qualifié de rétenteur prioritaire, le droit de rétention du créancier perd un peu de son attractivité en cas de conflit avec d’autres créanciers : il se limite donc à n’être qu’une exception d’inexécution qui peut se voir contrarier par un autre créancier agissant en vertu d’un titre. Le cas du rétenteur d’un bien immeuble est symptomatique ; il est vulnérable face à d’autres créanciers saisissants, en raison de l’article 604 C.p.c.[87]. Ainsi, le Code civil du Québec opère une dissociation entre le droit de rétention justifiant son origine dans l’exception d’inexécution et le droit de préférence conféré par le statut de créancier prioritaire. Cette vision est, dans la réalité juridique, imparfaite puisque la technique et la finalité du droit de rétention en font plus qu’un simple moyen défensif d’inexécution : il est plutôt une véritable sûreté opposable à tous. Par ailleurs, le débat sur la qualification du droit de rétention à titre de sûreté n’est pas pour autant clos puisque, face au silence de la loi sur la nature exacte du droit de rétention, les tribunaux québécois n’ont pas défini avec exactitude les contours du droit de rétention, du droit de retenue ou de retenir. Par exemple, certaines décisions révèlent un certain degré de flottement juridique lorsqu’il s’agit de qualifier de droit réel le droit de rétention issu du droit statutaire et de lui faire produire des effets à l’égard de tous, même à l’égard du propriétaire non tenu à la dette[88].
2.2.2 Un droit de suite implicite ou de facto
Afin que le droit de rétention soit qualifié de sûreté, il faudrait, selon une approche classique, qu’il accorde aussi un droit de suite à son titulaire. Ce point est encore soumis à controverse tant en France qu’au Québec, alors que la réalité juridique est claire. Le droit de rétention octroie un droit de suite implicite ou de facto.
En droit québécois, rappelons que le droit de rétention peut être envisagé comme une priorité. Toutefois et en principe, le droit de suite ne constitue pas un attribut traditionnellement attaché à toute créance prioritaire. En droit québécois, la priorité est en quelque sorte amputée du droit de suite. Elle n’est pas constitutive de droit réel[89]. La priorité est en principe occulte[90], sans publicité obligatoire, contrairement à l’hypothèque mobilière québécoise qui justifie alors des deux attributs, droit de préférence et droit de suite[91]. Ce dernier est alors rendu possible grâce au système de publicité institutionnalisée, le RDPRM.
Toutefois, l’article 2770 C.c.Q. a en quelque sorte permis un droit de suite implicite au profit du créancier rétenteur prioritaire qui, face à un autre créancier, peut invoquer son rang, même s’il est tenu de délaisser son bien. Son dessaisissement ne lui fera pas perdre son rang prioritaire. Même face à un créancier hypothécaire désirant exercer une prise en paiement, le rétenteur jouira de son rang prioritaire et sera payé par le créancier hypothécaire devenu propriétaire du bien. Même si, en principe, la prise en paiement éteint l’obligation du débiteur, le rétenteur disposera, en fait, d’un droit de suite implicite en vertu de l’article 2770 C.c.Q. Dans ces conditions, le droit de rétention tel qu’il est envisagé au Québec peut être considéré comme une sûreté.
En France, le droit de suite n’est pas inscrit dans les effets juridiques prévus et attachés au droit de rétention. En réalité, l’opposabilité aux tiers accordée largement par les tribunaux lui donne de facto cet attribut. Il suffit pour s’en convaincre de rappeler certains dispositifs des décisions de la Cour de cassation qui n’a pas hésité à affirmer que, « si le droit de rétention n’est pas un privilège, il en a les effets en ce qu’il est opposable à la procédure collective et confère à son titulaire le droit de refuser la restitution de la chose jusqu’à complet paiement de sa créance ou d’être payé sur son prix en cas de vente par le liquidateur[92] ».
La position de la Cour de cassation est claire : tout en refusant de qualifier ouvertement le droit de rétention de sûreté, elle lui en reconnaît les attributs et les effets. Il serait cohérent que le législateur français prenne acte de cet état et classe le droit de rétention dans la catégorie des sûretés mobilières.
Une fois ces deux barrières franchies concernant l’existence du droit de préférence et du droit de suite à l’endroit du droit de rétention, nous pensons que le droit de rétention pourrait ainsi être entendu largement comme une sûreté mobilière[93] conformément à la définition fonctionnelle qui pourrait s’énoncer comme suit : toute sûreté mobilière serait un droit préférentiel ou un droit exclusif, sur la valeur d’un bien ou d’un groupe de biens, conféré dans le but de garantir au créancier le paiement d’une obligation. La notion de sûreté pourrait enfin être définie[94] dans les codes civils du Québec et français selon le principe de l’essence de l’opération décrit par le professeur Roderick A. Macdonald[95] au lendemain de la réforme québécoise de 1991.
À ce titre, il serait souhaitable que le droit de rétention soit assujetti aux formalités de publicité auprès du RDPRM[96], à l’instar de certaines propriétés-sûretés (vente à tempérament, bail à long terme ou vente à réméré)[97]. Cette publicité formelle assurerait son opposabilité aux tiers et uniformiserait les règles de publicité en matière de sûretés mobilières. Dans cette logique, il serait utile de revoir sa qualification de priorité et de le considérer comme une sûreté mobilière au même titre que le sont les propriétés-sûretés qui ont été assujetties à la publicité mobilière et aux conditions d’exercice des recours hypothécaires. Par ailleurs, le rétenteur en tant que créancier prioritaire n’est pas non plus soumis, dans l’état actuel du droit, à l’exercice des recours hypothécaires. Ce point devrait être aussi modifié, selon notre analyse, puisqu’il vient perturber la logique du droit des sûretés mobilières qui requiert des règles uniformes de publicité des droits réels afin d’instituer un ordre de rang cohérent.
Conclusion
Dans un grand nombre de cas, le droit de rétention sur un bien meuble est plus qu’une simple exception d’inexécution arrivée à maturité ; il paralyse les prérogatives du véritable propriétaire et contraint les créanciers à le satisfaire. Il accorde une préférence de facto à son titulaire. Dans certains cas, il met en place un droit de suite implicite au bénéfice du rétenteur prioritaire en droit québécois ou un droit de suite explicite au rétenteur, ce qui a été reconnu en droit français.
Il n’y a qu’un pas pour admettre sa qualification comme sûreté au même titre qu’une hypothèque ou qu’une propriété-sûreté.
Le droit de rétention répondrait à une définition fonctionnelle de la notion de sûreté mobilière. D’une part, le rétenteur exerce un moyen de pression en retenant soit la chose entre ses mains, soit les utilités de la chose. D’autre part, il peut être aussi analysé comme un pouvoir de blocage afin de garantir le paiement préférentiel, voire exclusif, de l’obligation.
Lors de l’exercice de son droit, le rétenteur poursuit la même finalité qu’un créancier muni d’une sûreté traditionnelle telle que le gage : il souhaite être payé avant les autres créanciers. Peu importe le moment où le contractant a décidé de profiter de sa position de rétenteur pour se garantir de sa créance, le droit de rétention agit au même titre que le fait la clause de réserve de propriété insérée dans une vente à tempérament : il agit comme une sûreté en cas de défaillance, même si l’objet du contrat est la vente. Le droit de rétention ne se déploie comme une sûreté efficace que si le débiteur n’a pas payé son créancier.
La technique du droit de rétention est aussi comparable à celle utilisée par toute sûreté : le rétenteur utilise le bien ou la valeur du bien[98] pour obtenir son dû. Le bien sera rendu si un complet paiement est opéré. L’effet du droit de rétention est aussi le même obtenu dans le cadre de la réalisation d’une sûreté : sa rétention permet au rétenteur de rompre l’égalité avec les autres créanciers ordinaires ; il se démarque en paralysant les autres. Il bénéficie d’une préférence légale[99] ou de facto[100] par rapport aux autres.
On pourrait considérer le droit de rétention comme une institution juridique autonome. À ce titre, il peut être regardé comme une sûreté mobilière. Certains indices nous laissent présager un tel avenir. Depuis récemment, le législateur français semble désormais, et pour la première fois, considérer le droit de rétention en tant qu’institution autonome, notamment lorsqu’il le définit en des termes généraux à l’article 2286 C. civ.[101]. La Loi no 2008-776 du 4 août 2008 a créé au sein de l’article 2286 C. civ. un nouveau cas de droit de rétention attaché à tout gage sans dépossession. Ainsi, le droit de rétention existe en dehors de tout support matériel, il est dématérialisé[102]. Au Québec, le droit de la faillite l’assimile à une sûreté en lui conférant le statut de créancier garanti, et ce, sans distinction par rapport aux autres sûretés conventionnelles.
Il est donc possible de prendre acte de l’émancipation déjà acquise du droit de rétention qui est, de fait, une sûreté à part entière. Il serait donc logique d’envisager sa publication sur un registre national, français et québécois, afin de supprimer son caractère occulte et, ainsi, d’optimiser le concept de publicité des droits réels en France et au Québec afin de restaurer intégrité et cohérence au sein des systèmes de publicité mobilière qui requièrent : transparence et sécurité juridique.
Parties annexes
Notes
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[1]
Augustin Aynès, Le droit de rétention. Unité ou pluralité, Paris, Economica, 2005, no 2, p. 1.
-
[2]
Catherine Pourquier, « La rétention du gagiste ou la supériorité du fait sur le droit », RTD com. 2000.569, no 6.
-
[3]
Exode, 21 : 25. En ce sens, A. Aynès, préc., note 1, no 2, p. 1 et 2.
-
[4]
En ce sens, Philippe Théry, Sûretés et publicité foncière, 2e éd., Paris, Presses universitaires de France, 1998, p. 393 : « Ce qui est inhabituel, c’est son aspect fruste et concret comparé aux institutions juridiques passablement intellectualisées du droit des sûretés. »
-
[5]
Pierre-Michel Le Corre, « L’invincibilité du droit de rétention dans les procédures collectives de paiement », D. 2001.2815. Par exemple, en période de faillite, le rétenteur jouit d’une position redoutable en droit français, il prime le privilège du Trésor, des frais de justice et même le superprivilège des créances salariales : Antoine Bolze, Procédures collectives et sûretés, Paris, Vuibert, 2006, no 122, p. 56. Même chose en droit québécois, le rétenteur au sens de l’article 2 de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité, L.R.C. 1985, c. B-3 (ci-après « LFI »), est considéré comme un créancier garanti. Si le rétenteur détient un bien ayant une valeur certaine, le syndic de faillite lui proposera bien souvent de racheter sa garantie. La revendication du véritable propriétaire peut même être considérée comme inopposable au rétenteur. Cela a été le cas dans une affaire de rétention d’un aéronef à la suite du non-paiement des redevances aéroportuaires, en vertu de la disposition 9 de la Loi relative aux cessions d’aéroports, L.C. 1992, c. 5 et des articles 55 et 56 de la Loi sur la commercialisation des services de navigation aérienne civile, L.C. 1996, c. 20 : Canada 3000 Inc. (Re), [2006] 1 R.C.S. 865, par. 74 ; contra : Wilmington Trust Company c. Nav Canada, [2004] R.J.Q. 2966, par. 107 (C.A.), où les juges Pelletier et Morissette l’analysent comme un simple droit de retenir.
-
[6]
Code civil du Québec, L.Q. 1991, c. 64 (ci-après « C.c.Q. »).
-
[7]
Code civil français (ci-après « C. civ. »).
-
[8]
C.c.Q., art. 1592 : « Toute partie qui, du consentement de son cocontractant, détient un bien appartenant à celui-ci a le droit de le retenir jusqu’au paiement total de la créance qu’elle a contre lui, lorsque sa créance est exigible et est intimement liée au bien qu’elle détient. »
-
[9]
C. civ., art. 2286, modifié par la Loi no 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie, J.O. 5 août 2008, p. 12471 : « Peut se prévaloir d’un droit de rétention sur la chose : 1° Celui à qui la chose a été remise jusqu’au paiement de sa créance ; 2° Celui dont la créance impayée résulte du contrat qui l’oblige à la livrer ; 3° Celui dont la créance impayée est née à l’occasion de la détention de la chose ; 4° Celui qui bénéficie d’un gage sans dépossession. Le droit de rétention se perd par le dessaisissement volontaire. »
-
[10]
Nous verrons que le choix de l’emplacement par les législateurs de dispositions concernant le principe du droit de rétention ne permet pas de trancher définitivement la qualification de ce droit puisque, dans les deux législations considérées, le débat n’est pas clos.
-
[11]
Notamment en droit français : Com. 7 janv. 1992, Bull. civ. IV, no 10 ; Civ. 3e, 23 avr. 1974, Bull. civ. III, no 164 ; Com., 8 juill. 1997, Bull. civ. IV, no 221, D. 1998.somm.103 ; la dette doit être aussi certaine, du moins incontestable en son principe : Civ. 1er, 3 mai 1966, Bull. civ. I, no 261, D. 66.649, note Mazeaud ; Com. 14 juin 1998, Bull. civ. IV, no 199 ; Com. 7 avr. 1998, J.C.P. éd. E. 1998.1143, note Stoufflet.
-
[12]
C. civ., art. 2286 (3) : « Celui dont la créance impayée est née à l’occasion de la détention de la chose ». Cette disposition reprend les solutions jurisprudentielles dégagées depuis 1962 ; Manuella Bourassin, Vincent Brémond et Marie-Noëlle Jobard-Bachellier, Droit des sûretés, 3e éd., Paris, Sirey, 2012, no 1451, p. 384 ; Laurent Aynès et Philippe Crocq, Les sûretés. La publicité foncière, 4e éd., Paris, Defrénois, 2009, no 447, p. 197.
-
[13]
C. civ., art. 2286 (2) : « Celui dont la créance impayée résulte du contrat qui l’oblige à la livrer. » Ainsi, « la créance et la détention se rattachent à un même rapport juridique (contrat ou quasi-contrat) sans que ce rapport, pourtant, ait eu pour objet essentiel la création du droit de rétention » : L. Aynès et P. Crocq, préc., note 12, no 447, p. 197 ; M. Bourassin, V. Brémond et M.-N. Jobard-Bachellier, préc., note 12, no 1449, p. 384.
-
[14]
C. civ., art. 2286 (1) : « Celui à qui la chose a été remise jusqu’au paiement de sa créance ». Le débiteur remet un bien au créancier afin de garantir le paiement de sa dette sans pour autant donner ce bien en gage : L. Aynès et P. Crocq, préc., note 12, no 447, p. 197. Ainsi, la connexité résulte de la seule volonté des parties, elle est créée artificiellement ; Nerva-André Elekes, De quelques différences dans l’application du droit de rétention d’après la jurisprudence allemande et française, Paris, L.G.D.J., 1929, p. 108 ; A. Aynès, préc., note 1, p. 128. À titre de remarque, cette situation semble ne pas soumettre le droit de rétention à la condition d’exigibilité de la créance : M. Bourassin, V. Brémond et M.-N. Jobard-Bachellier, préc., note 12, no 1455, p. 386. Ce cas de connexité conventionnelle vise bien évidemment la mise en gage avec dépossession prévue par l’article 2340 C. civ., mais va au-delà de ce cas particulier en consacrant un droit général de rétention conventionnel. Dans un même ordre d’idées, l’article 2286 (4) C. civ. (« Celui qui bénéficie d’un gage sans dépossession ») est intervenu pour attribuer un droit de rétention au créancier gagiste sans dépossession. « Toutefois, cette rétention qui est créée par le législateur de toutes pièces dénature le concept originel » : M. Bourassin, V. Brémond et M.-N. Jobard-Bachellier, préc., note 12, p. 388-393 ; L. Aynès et P. Crocq, préc., note 12, no 446-1, p. 196 et 197 ; Stéphane Piedelièvre, « Le nouvel article 2286, 4° du Code civil », D. 2008.2950.
-
[15]
Louis Payette, Les sûretés réelles dans le Code civil du Québec, 4e éd., Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2010, no 251, p. 110 et 111. Pour quelques exemples : C.c.Q., art. 875 (héritier), art. 946 (détenteur d’un bien perdu ou oublié), art. 963 (possesseur pour les impenses), art. 974, 1249, 1250 (grevé de substitution), art. 2003 (fréteur), art. 2058 (transporteur), art. 2185 (mandataire) et art. 2293 (dépositaire).
-
[16]
C.c.Q., art. 2651 (3).
-
[17]
C.c.Q., art. 946 et 963.
-
[18]
Le grevé de substitution pourra retenir le bien jusqu’à paiement des impenses, mais il ne pourra bénéficier de la priorité de l’article 2651 C.c.Q. pour être colloqué puisqu’il ne peut saisir ni vendre en justice le bien retenu ; Jacques Deslauriers, Les sûretés réelles au Québec, Montréal, Wilson & Lafleur, 2008, nos 290 et 291, p. 98 et 99 ; Michelle Cumyn, « Les restrictions à la liberté d’aliéner dans le Code civil du Québec », (1994) 39 R.D. McGill 877.
-
[19]
J. Deslauriers, préc., note 18, no 287, p. 96 et 97 ; L. Payette, préc., note 15, nos 861 et 862, p. 420 et 421.
-
[20]
Code de procédure civile, L.R.Q. c. 25 (ci-après « C.p.c. »).
-
[21]
Ordonnance no 2006-346 du 23 mars relative aux sûretés, J.O. 24 mars 2006, p. 4475.
-
[22]
L. Aynès et P. Crocq, préc., note 12, no 436, p. 190.
-
[23]
L. Payette, préc., note 15, no 252, p. 110.
-
[24]
Id., nos 247 et 252, p. 109 et 111. Pour des exemples, C.c.Q., art. 946, 953, 1249 et 1250.
-
[25]
Formulation empruntée à L. Payette, préc., note 15, p. 112-114, et évoquée notamment par J. Deslauriers, préc., note 18, p. 98.
-
[26]
Loi relative aux cessions d’aéroports, préc., note 5 ; Loi sur la commercialisation des services de navigation aérienne civile, préc., note 5.
-
[27]
Notamment Location Holand (1995) Ltd. c. Daimler Chrysler Insurance Company, 2005 QCCA 198, par. 42-56. Le droit de rétention prévu à l’article 1714 C.c.Q. est un droit sui generis. Il peut être opposé comme un moyen de pression. Toutefois, l’acheteur de bonne foi du véhicule volé ne peut invoquer le droit de rétention qu’accorde l’article 2651 (3) C.c.Q. puisque aucun lien de droit n’existe entre lui et le véritable propriétaire. Les juges n’ont pas voulu « convertir le droit de rétention en une priorité puisque location Holand n’est pas créancière de Daimler Chrysler » (par. 55).
-
[28]
Décret no 78-262 du 8 mars 1978 portant fixation du tarif des notaires, J.O. 10 mars 1978, p. 995, art. 8.
-
[29]
Décret no 96-1080 du 12 décembre 1996 portant fixation du tarif des huissiers de justice en matière civile et commerciale, J.O. 13 déc. 1996, p. 18248, art. 22.
-
[30]
En revanche, contrairement au droit québécois, l’avocat n’est pas autorisé à retenir les pièces de ses clients pour des raisons apparemment déontologiques (Décret no 91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d’avocat, J.O. 28 nov. 1991, p. 15502, art. 157).
-
[31]
M. Bourassin, V. Brémond et M.-N. Jobard-Bachellier, préc., note 12, no 1452, p. 384.
-
[32]
Ancien nantissement de compte d’instruments financiers renommé « nantissement de comptes-titres » par l’Ordonnance no 2009-15 du 8 janvier 2009 relative aux instruments financiers, J.O. 9 janvier 2009, p. 19462 ; C. monét. et fin., art. L. 211-20 ; Décret no 2009-295 du 16 mars 2009 pris pour l’application de l’ordonnance no 2009-15 du 8 janvier 2009 relative aux instruments financiers, J.O. 18 mars 2009, p. 4863. L’originalité de ce nantissement permet au créancier nanti de bénéficier « en toute hypothèse d’un droit de rétention sur les titres financiers et sommes en toute monnaie figurant au compte gagé » : C. monét. et fin., art. L. 211-20 (IV), on noterait le double emploi par la loi des termes « gage » et « nantissement ».
-
[33]
C. civ., art. 2286 (4), suite à la Loi no 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie, préc., note 9.
-
[34]
L. Payette, préc., note 15, no 253, p. 111 ; Air Charters Inc. c. TSA Aviation Inc., 2005 QCCA 355, par. 3.
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[35]
L. Payette, préc., note 15, no 253, p. 111.
-
[36]
M. Bourassin, V. Brémond et M.-N. Jobard-Bachellier, préc., note 12, no 1384, p. 375.
-
[37]
L. Aynès et P. Crocq, préc., note 12, no 452, p. 203.
-
[38]
M. Bourassin, V. Brémond et M.-N. Jobard-Bachellier, préc., note 12.
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[39]
Une des discussions possibles en droits positifs français et québécois est de savoir si la compensation est une sûreté mobilière. La compensation est avant tout un mode extinctif de paiement. Elle peut s’opérer par l’effet de la loi si deux dettes croisées sont certaines, liquides et exigibles et consistent à payer une somme d’argent ou de biens fongibles (C.c.Q., art. 1672 et suiv. ; C. civ., art. 1289 et suiv.). Elle peut aussi être prévue de manière conventionnelle. Le droit de compensation conventionnelle pourrait alors être qualifié de garantie puisqu’il permet au créancier d’obtenir satisfaction sans subir les contraintes de la loi du concours. C’est un moyen de paiement par appropriation d’une créance. Elle constitue une technique de garantie. Est-elle alors une sûreté mobilière au sens strict du terme ? Les tribunaux français ne semblent pas l’admettre, même si certains auteurs sont favorables à une telle admission : Nicolas Borga, L’ordre public et les sûretés conventionnelles. Contribution à l’étude de la diversité des sûretés, Paris, Dalloz, 2009, no 408, p. 394. Selon cet auteur, seraient appréhendés toutes les propriétés garanties, fiduciaires ou non, le crédit-bail, l’action directe, la compensation, le droit de rétention et les sûretés dites négatives ; Anne-Marie Toledo, La notion de sûreté et droit du commerce international, thèse de doctorat, Paris, Université Panthéon-Sorbonne, 1997 ; contra : Pierre Crocq, Propriété et garantie, thèse de doctorat, Paris, Faculté de droit, Université de Paris II, 1992, p. 87 et 383 ; Gabriel Marty, Pierre Raynaud et Philippe Jestaz, Les sûretés. La publicité foncière, 2e éd., Paris, Sirey, 1987, no 5, p. 7. Or, la Cour suprême du Canada a récemment admis qu’un droit de compensation conventionnel accompagné de trois restrictions comme un droit de retenue, une obligation de maintenir les sommes déposées sur le compte et l’engagement de ne pas hypothèquer ni mettre en garantie ces sommes au profit d’un tiers pouvait former une garantie au sens de l’article 224 (1.3) de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. 1985 c. 1 (5e supp.) : Caisse populaire Desjardins de l’Est de Drummond c. Canada, [2009] 2 R.C.S. 94, notamment par. 55 et 56. L’honorable Marie Deschamps (dissidente) rejette la qualification de garantie pour le droit de compensation conventionnel comme pour le droit conventionnel de retenue (par. 120, 122, 136 et 144).
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[40]
Daltech Architectural Inc. (Syndic de), 2008 QCCA 2441, par. 43-47, 57 et suiv. : les juges ont assimilé le droit de retenue, prévu par l’article 2923 C.c.Q. et reproduit dans un contrat de sous-traitance, à un droit de rétention au sens de l’article 1592 C.c.Q. Ils ont permis à son bénéficiaire de compenser avec la dette de la débitrice faillie, non exigible, et de jouir du statut de créancier garanti (LFI, art. 2) (opposabilité au syndic). À notre avis, une confusion a été opérée entre le mécanisme civiliste du droit de rétention prévu à l’article 1592 C.c.Q., la technique juridique du droit de retenue et celle du droit de compensation au prix d’une interprétation déformante. Les juges ont considéré, à tort, que celui qui retenait les sommes suffisantes pour faire face aux paiements des créances et évitait l’inscription d’une hypothèque légale de la construction contre l’immeuble devenait alors créancier de la débitrice faillie. Les prérequis juridiques indispensables comme la qualité de créancier, le lien de connexité et l’exigibilité de la dette ont été interprétés de manière très extensive.
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[41]
Lors de la reforme de 1991, le législateur québécois a supprimé l’effet du droit de rétention traditionnellement attaché au gage, et ce, en dépit du maintien du gage avec dépossession dans le C.c.Q. L. Payette, préc., note 15, notamment no 862, p. 420 et 421 ; J. Deslauriers, préc., note 18, no 287, p. 96 et 97.
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[42]
C. monét. et fin., art. L. 211-20 (IV) : « Le créancier nanti définit avec le titulaire du compte-titres les conditions dans lesquelles ce dernier peut disposer des titres financiers et des sommes en toute monnaie figurant dans le compte nanti. Le créancier nanti bénéficie en toute hypothèse d’un droit de rétention sur les titres financiers et sommes en toute monnaie figurant au compte nanti. »
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[43]
C’est la principale innovation de l’Ordonnance no 2006-346 du 23 mars 2006 relative aux sûretés, J.O. 24 mars 2006, p. 4475, celle d’avoir créé un gage de droit commun sans dépossession, dont la publicité ne passe plus par la remise de la chose entre les mains du créancier mais par la publicité du droit de gage par le biais d’inscription sur un fichier détenu auprès du greffe du Tribunal de commerce. En vertu de l’article 2286, al. 1 (4) C. civ., le créancier gagiste sans dépossession dispose d’un droit de rétention que l’on peut qualifier de fictif.
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[44]
Loi sur le transfert des valeurs mobilières et l’obtention de titres intermédiés, L.R.Q., c. T-11.002, art. 53 et 110-112 (ci-après « LTVM »).
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[45]
La LTVM entend le concept de maîtrise de plusieurs manières : 1) i) pour le gage de valeur mobilière avec certificat : par détention d’un certificat au porteur ou d’un certificat nominatif avec endossement et inscription faite dans les livres par l’émetteur, ii) pour le gage sans certificat par inscription faite dans les livres par l’émetteur ou par accord de maîtrise ; 2) pour un titre intermédié, par transfert de compte de titre au profit du créancier gagiste et par l’intermédiaire d’un courtier ou encore au profit du courtier ou autre intermédiaire (on parle dans ce cas de maîtrise automatique : art. 2714.1 C.c.Q.) ou par accord de maîtrise qui permet à l’intermédiaire de se conformer aux instructions du créancier relativement à des actifs spécifiquement identifiés ou crédités au compte, et ce, sans le consentement additionnel du titulaire des titres ; LTVM, art. 7 (2), 55, 56, 57 (1), 103 (1), 113, al. 1 (1) et (2) et 115, al. 3 ; L. Payette, préc., note 15, no 879, 882, 898 et 899, p. 432, 434, 443 et 444.
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[46]
C.c.Q., art. 2714.1.
-
[47]
Id., art. 2759.
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[48]
LTVM, art. 110-113.
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[49]
L. Payette, préc., note 15, notamment nos 909 et 912, p. 448-451.
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[50]
LTVM, art. 53 et 110-112.
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[51]
Voir le gage par maîtrise sur les valeurs mobilières et les titres intermédiés, notamment les articles 2714.1 et suivants C.c.Q. et la LTVM.
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[52]
G. Marty, P. Raynaud et P. Jestaz, préc., note 39, no 33, p. 29.
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[53]
M. Bourassin, V. Brémond et M.-N. Jobard-Bachellier, préc., note 12, p. 388-393 ; L. Aynès et P. Crocq, préc., note 12, p. 196 et 197 ; S. Piedelièvre, préc., note 14 ; Pierre Crocq, « Droit des sûretés. Octobre 2006 – juillet 2008 », D. 2008.2104.
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[54]
M. Bourassin, V. Brémond et M.-N. Jobard-Bachellier, préc., note 12, no 1469, p. 388 et 389.
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[55]
Id., no 1471, p. 390 et 391.
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[56]
Id., no 1471, p. 390 et 391 ; L. Aynès et P. Crocq, préc., note 12, p. 193-197, notamment p. 194.
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[57]
Dans la logique du C.c.Q., une sûreté conventionnelle qui comporte un droit de préférence et un droit de suite doit être publiée pour être opposable aux tiers, que ce soit par dépossession (comme dans le cas du gage) ou par inscription au registre des droits personnels et réels mobiliers (RDPRM) (comme dans le cas de l’hypothèque sans dépossession). La réalisation de la sûreté est également strictement encadrée par le C.c.Q., qui prévoit des règles particulières concernant notamment les délais et le préavis ainsi que les différents recours hypothécaires possibles comme la vente, la prise en paiement ou la mise en possession aux fins d’administration.
-
[58]
L. Aynès et P. Crocq, préc., note 12, nos 451 et 452, p. 203 ; Michel Cabrillac et autres, Droit des sûretés, 9e éd., Paris, Litec, 2010, p. 407 ; contra : M. Bourassin, V. Brémond et M.-N. Jobard-Bachellier, préc., note 12, p. 374 et 375, Philippe Simler et Philippe Delebecque, Droit civil. Les sûretés. La publicité foncière, 6e éd., Paris, Dalloz, 2012, no 582, p. 524 ; Com. 20 mai 1997, D. 1998.somm.102, obs. Piedelièvre.
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[59]
Com. 20 mai 1997, D. 1998.479 : « Le droit de rétention n’est pas une sûreté et n’est pas assimilable au gage » ; contra : La position de certains tribunaux : Toulouse, 11 févr. 1977, D. 1978.206, note Mestre (« Sûreté de fait ») ; Civ. 1re, 27 nov. 1973, Bull. civ. I, no 322 (laissant entendre que le droit de rétention est un droit préférentiel) ; Com. 25 nov. 1997, Bull. civ. IV, no 301, J.C.P. 1998.I.149.
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[60]
Dans le même sens, P. Simler et P. Delebecque, préc., note 58, no 582, p. 524 et 525 : « on observera que le droit de rétention est toujours l’accessoire d’une créance et qu’il tend, sinon par l’affectation spéciale d’une chose, en tout cas par un pouvoir de fait sur cette chose, à procurer au rétenteur un paiement préférentiel, ou mieux prioritaire. Comment alors ne pas le qualifier de sûreté, au sens où nous avons défini cette notion ? » ; G. Marty, P. Raynaud et P. Jestaz, préc., note 39, no 16, p. 22 et 23.
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[61]
Contrairement au droit civil français, l’article 1593 C.c.Q. prévoit expressément cette opposabilité comme suit : « Le droit de rétention qu’exerce une partie est opposable à tous. La dépossession involontaire du bien n’éteint pas le droit de rétention ; la partie qui exerce ce droit peut revendiquer le bien, sous réserve des règles de la prescription. » Malgré le silence du Code civil, les tribunaux français l’admettent.
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[62]
En droit français, en cas de saisie, le rétenteur doit informer l’huissier de son droit. En l’absence de contestation, ce droit paralyse la saisie. L’adjudicataire devra le désintéresser pour récupérer le bien. Sur ce point, le droit québécois diffère, car il ne permet pas au rétenteur d’empêcher la saisie et la vente à la lecture de l’article 604 C.p.c. En revanche, le rétenteur, en sa qualité de prioritaire, pourra invoquer son rang prioritaire et être payé sur le produit de la vente s’il produit un état de créance entre les mains de l’officier sous réserve de respecter les conditions de l’article 1592 C.c.Q. Face à des créanciers dits hypothécaires, le rétenteur devra délaisser son bien conformément à l’article 2770 C.c.Q., mais « à charge de sa priorité », c’est-à-dire qu’il pourra une fois encore dessaisi du bien se payer sur le produit de la vente lors de la réalisation de l’exercice du recours hypothécaire. Si le créancier hypothécaire choisit comme recours la prise en paiement, le rétenteur ne sera pas dépourvu de son droit prioritaire malgré son dessaisissement puisqu’il pourra se faire payer par priorité par le créancier désormais propriétaire du bien : L. Payette, préc., note 15, p. 90-92 ; J. Deslauriers, préc., note 18, no 293, p. 101 et 102. Il s’agit, selon nous, d’un droit de suite implicite.
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[63]
Créances du Trésor, des douanes, créances salariales.
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[64]
Il bénéficie d’une priorité de troisième rang qui vient après les frais de justice et les créances du vendeur impayé sur le bien meuble mais avant les créances. Les tribunaux ne semblent pas hésiter en ce qui concerne le droit de rétention issu des dispositions du Code civil du Québec : Château d’Amos ltée (Syndic) c. Banque canadienne impériale de commerce, [1999] R.J.Q. 2612, par. 15 (C.A.), où, selon le juge, le rétenteur jouit d’un droit réel. En ce sens, les articles 1593, 2782 et 2770 C.c.Q. laissent supposer un droit de suite implicite au bénéfice du rétenteur prioritaire. Le rétenteur bénéficierait dès lors des deux attributs du droit réel, soit un droit de préférence et un droit de suite implicite : Québec (sous-ministre du Revenu du Québec) c. Banque Nationale du Canada, [1999] R.J.Q. 950 (C.A.). En revanche, la discussion semble plus animée en ce qui concerne le droit de rétention issu d’une loi statutaire.
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[65]
Bien évidemment, le droit de rétention est opposable aux créanciers hypothécaires puisque sa priorité de troisième rang le place devant ces derniers.
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[66]
L. Payette, préc., note 15, p. 121 et 122.
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[67]
Loi sur la commercialisation des services de navigation aérienne civile, préc., note 5.
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[68]
Canada 3000 Inc. (Re), préc., note 5, par. 38-43, 49-55 et 71-74. Dans cette affaire, plusieurs enseignements importants : 1) les juges ont retenu que le propriétaire en titre n’est pas tenu solidairement de payer les redevances au moyen d’une interprétation téléologique de l’article 55 de la Loi sur la commercialisation des services de navigation aérienne civile, préc., note 5 (conception restrictive retenue) ; 2) le recours en rétention ne porte pas atteinte à leur droit de propriété. Ce type de clause est habituel dans le commerce de transport aérien. Les propriétaires en titre peuvent négocier des mesures de protection avec les transporteurs aériens pour couvrir le montant des redevances en souffrance par des dépôts de garantie substantiels (exemple de stipulations habituelles dans les baux conclus entre l’utilisateur Canada 3000 et le propriétaire d’International Lease Finance Corporation) ; 3) les juges ont reconnu le droit d’obtenir saisie et rétention jusqu’au complet paiement ; ils ont aussi attribué à l’exercice du droit de rétention statutaire un caractère réel en le rendant opposable au véritable propriétaire du bien non tenu à la dette ; contra : Wilmington Trust Company c. Nav Canada, préc., note 5, par. 107 et 111, où les juges Pelletier et Morissette n’ont pas considéré qu’il s’agissait d’un véritable droit de rétention mais plutôt d’un droit de retenue et ont donc rejeté l’idée d’une opposabilité au véritable propriétaire du bien ; Air Charters Inc. c. TSA Aviation Inc., préc., note 34 (refus d’admission du droit de rétention de l’article 1592 C.c.Q. en faveur d’une entreprise d’entreposage pour les frais d’entretien et de gardiennage d’un avion remis par le locataire d’un avion).
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[69]
G.M.A.C. location ltée c. Bambach, [2000] no AZ-50078806 (C.Q.), [2000] J.Q. no 3573 (reconnaissance d’un contrat de dépôt implicite permettant à l’entreprise de remorquage et d’entreposage de réclamer les frais de gardiennage envers le propriétaire non tenu de la dette puisque le véhicule avait été remis par le locataire du véhicule).
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[70]
Civ. 1re, 22 mai 1962, Bull. civ. I, no 258 ; Civ. 1re, 7 janv. 1992, Bull. civ. I, no 4 ; Com. 3 mai 2006, Bull. civ. IV, no 106, RTD civ. 2006.chr.584, 586, note Revet. Il faut remarquer que l’opposabilité d’un tel droit de rétention au propriétaire non débiteur intervient dans des affaires concernant des cas de connexité matérielle, ce qui paraît justifié puisque le propriétaire bénéficiera des améliorations apportées au bien lors de sa détention ; contra : Cons. d’Ét. 2 juill. 2003, Société Outremer Finance Limited, RTD civ. 2004.chr.324.
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[71]
Depuis la loi de modernisation, la sanction a changé : le créancier qui omet de déclarer sa créance au passif risque de voir sa créance inopposable et non plus forclose (c’est-à-dire éteinte comme il était prévu sous l’ancien régime : C. com., ancien art. L. 624-9). L’ordonnance du 18 décembre 2008 a ajouté l’alinéa 2 mentionnant l’inopposabilité aux débiteurs. L’inopposabilité pourrait paralyser le droit de refuser la restitution du bien (cas du droit de rétention) : M. Bourassin, V. Brémond et M.-N. Jobard-Bachellier, préc., note 12, no 2494, p. 661-663 ; C. com., nouvel art. L. 622-26, al. 2 : « Les créances non déclarées régulièrement dans ces délais sont inopposables au débiteur pendant l’exécution du plan et après cette exécution lorsque les engagements énoncés dans le plan ou décidés par le tribunal ont été tenus » ; dans le même sens, depuis Com., 3 nov. 2010, D. 2011.2069, 2077, obs. Lucas : selon l’auteur, la décision aurait un effet possible à l’égard du rétenteur. À défaut de déclaration, la créance du rétenteur pourrait être inopposable à la procédure collective : « Ainsi on ne voit pas comment un créancier qui n’aura pas déclaré sa créance pourra prétendre en être payé en invoquant son droit de rétention sur un bien du débiteur (C. com., art. L. 622-7 (II)), un tel paiement, même autorisé par le juge-commissaire, étant un moyen d’opposer la créance à la procédure collective, ce que la Cour de cassation exclut désormais. »
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[72]
Distinction à faire entre un droit de rétention avec dépossession et le droit de rétention fictif conféré au créancier (C. civ., art. 2286 (4)). Le droit de rétention du créancier gagiste avec dépossession est efficace pendant toutes les étapes possibles de procédure collective. Le législateur lui autorise un paiement direct moyennant la restitution de la chose, en cas de sauvegarde, de redressement et un droit de report sur le prix en cas de liquidation (C. com., art. L. 622-7 (I), al. 2 et L. 641-3, al. 2). En cas de cession, le rétenteur pourra maintenir la rétention sur la chose tant qu’il n’a pas été payé (C. com., art. L. 642-12, al. 5). En revanche, le droit de rétention fictif du créancier gagiste sans dépossession connaît quelques faiblesses. En période d’observation et après l’adoption d’un plan de sauvegarde ou de redressement, le droit de rétention fictif du créancier gagiste sans dépossession fait l’objet d’un traitement distinct de celui applicable au véritable droit de rétention : il est inopposable (C. com., art. L. 622-7 (I), al. 2). L’objectif de sauvegarde de l’entreprise ou de redressement paralyse toute rétention fictive. Toutefois, le droit de rétention fictif semble être opposable lors d’un plan de cession partiel incluant le bien gagé (C. com., art. L. 622-7 (I), al. 2 écarté) et lors d’une liquidation (C. com., art. L. 641-3, al. 2 et L. 626-1) : Pierre-Michel Le Corre, « Un exemple d’exclusivité : le droit de rétention fictif du gagiste sans dépossession », Petites Affiches 2011.30.68 ; Philippe Pétel, « Le nouveau droit des entreprises en difficulté : acte II. Commentaires de l’ordonnance no 2008-1345 du 18 décembre 2008 », J.C.P. éd. E. 2009.3.1049, nos 49-52 ; Nicolas Borga, « Regards sur les sûretés dans l’ordonnance du 18 décembre 2008 », R.D. bancaire et fin. 2009.3.étude.no 20, nos 6-12 ; plus pessimiste sur son efficacité : Augustin Aynès, « Précisions sur le sort du gage sans dépossession en cas de procédure collective », J.C.P. 2009.I.119.
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[73]
C. com., art. L. 626-22, al. 1.
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[74]
Id., art. L. 642-12, modifié par l’Ordonnance no 2008-1345 du 18 décembre 2008 portant réforme du droit des entreprises en difficulté, J.O. 19 déc. 2008, p. 19462.
-
[75]
Com. 3 mai 2006, préc., note 70.
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[76]
C. com., art. L. 642-20-1, al. 3.
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[77]
Id., art. L. 622-7 (I), al. 2 écarté, L. 641-3, al. 2 et L. 626-1 ; P. Pétel, préc., note 72, nos 51 et 52.
-
[78]
LFI, art. 2, suite aux amendements de 2001. Cela exclut les droits de rétentions nommés qui ne remplissent pas les conditions de l’article 1592 C.c.Q. et quid du droit de rétention prévu par des lois statutaires.
-
[79]
Il faut alors s’interroger sur une certaine pratique des syndics de faillite qualifiant l’opération consistant à payer le rétenteur pour reprendre le bien retenu avant la répartition définitive en débours d’administration au lieu d’un rachat de garantie.
-
[80]
L. Aynès et P. Crocq, préc., note 12, no 453, p. 203 et 204 ; contra : M. Bourassin, V. Brémond et M.-N. Jobard-Bachellier, préc., note 12, no 1369, p. 373.
-
[81]
Comme le retiennent les juges majoritaires de la Cour suprême du Canada pour le droit de rétention statutaire et non provincial dans l’affaire Caisse populaire Desjardins de l’Est de Drummond c. Canada, préc., note 39, notamment par. 55 et 56 : les juges de la Cour suprême ont considéré que le droit de rétention prévu conventionnellement par une caisse populaire et une entreprise par l’effet de deux conventions d’épargne et d’ouverture de crédit pouvait constituer un des éléments pouvant former une garantie au sens des dispositions 224 (1.3) de la Loi de l’impôt sur le revenu, préc., note 39 ; contra : l’honorable Marie Deschamps, qui rejette la qualification de garantie pour le droit de compensation convention comme pour le droit conventionnel de retenue. En outre, selon l’honorable juge Deschamps, le droit de rétention ne peut porter que sur un bien corporel à la différence du droit de retenue qui s’exerce sur une somme d’argent et non sur un bien corporel (Caisse populaire Desjardins de l’Est de Drummond c. Canada, préc., note 39, par. 118, 120, 122, 136 et 144).
-
[82]
Admise légalement dans certains cas précis par le droit français (hypothèques maritimes, fluviales) et implicitement pour certaines sûretés mobilières sans dépossession comme le nantissement de fonds de commerce ou dans le cas du gage automobile. On pourrait déceler aussi une hypothèque mobilière déguisée au travers du gage de droit commun sans dépossession créé par l’Ordonnance no 2006-346 du 23 mars 2006 relative aux sûretés, préc., note 43. En revanche, l’hypothèque mobilière sans dépossession est clairement admise au Québec : C.c.Q., art. 2660 et suiv.
-
[83]
Au Québec, le droit de rétention est une priorité, donc une cause légitime de préférence : articles 2660 et 2651 (3) C.c.Q. En France, malgré l’absence d’un texte légal, certains auteurs partagent la même opinion, notamment P. Simler et P. Delebecque, préc., note 58, no 597, p. 538 et 539 ; G. Marty, P. Raynaud et P. Jestaz, préc., note 39, no 55, p. 44 : le droit de rétention « ne se distingue plus guère d’un droit de préférence » ; M. Bourassin, V. Brémond et M.-N. Jobard-Bachellier, préc., note 12.
-
[84]
Certains auteurs parlent de pouvoir de blocage : A. Aynès, préc., note 1 ; L. Aynès et P. Crocq, préc., note 12, no 444, p. 194.
-
[85]
Douai, 17 déc. 1877, D. 1878.5.RET-412 ; Trib. Com. Grenoble, 11 oct. 1954, Gaz. Pal. 1955.1.231.
-
[86]
P. Simler et P. Delebecque, préc., note 58, no 602, p. 542 et 543.
-
[87]
La créance du rétenteur d’un bien immeuble n’est assortie d’aucun droit de préférence ni de droit de suite, caractéristiques essentielles d’un droit réel accessoire : Banque Nationale du Canda c. Plourde, 2011 QCCS 3789, par. 23 ; Jacques Auger et François Brochu, « Revue de la jurisprudence 2011 en droit immobilier et des biens », (2012) 114 R. du N. 39, 53. Selon nous, cette exclusion légale est injustifiée ; pourquoi distinguer un possesseur d’un bien meuble de celui d’un bien immeuble justifiant d’impenses ? La possession de bien immeuble est-elle subitement déconsidérée, alors qu’elle a pendant longtemps été consacrée comme un précepte civiliste intégré dans certains adages datant de l’époque romaine ou de la Coutume de Paris (« Meubles n’ont pas de suite par hypothèque » ; « res mobilis, res vilis ») ?
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[88]
Canada 3000 Inc. (Re), préc., note 5, par. 74, où les juges ont retenu le caractère réel du droit de rétention statutaire, ce qui le rend opposable au véritable propriétaire du bien non tenu à la dette ; contra : Wilmington Trust Company c. Nav Canada, préc., note 5, par. 107 et 111.
-
[89]
Sauf pour les créances prioritaires des municipalités et des commissions scolaires qui, elles, le sont en vertu de l’article 2654.1 C.c.Q. depuis un amendement de 1998, elle emporte droit de préférence et droit de suite. À ce titre, elles sont opposables aux tiers en vertu de l’article 2655 C.c.Q.
-
[90]
Sauf pour la priorité de l’État qui peut être contraint de dénoncer le montant de sa créance prioritaire et de la publier au registre approprié sur demande d’un créancier saisissant agissant ou un créancier hypothécaire en vertu de l’article 2651.4 C.c.Q.
-
[91]
Notamment les articles 2647, 2660 et 2751 C.c.Q.
-
[92]
Com. 21 mars 2006, J.C.P. 2006.I.195, no 15, obs. Delebecque ; A. Aynès, préc., note 1, considère que le droit de rétention peut être qualifié, dans certains cas, de « privilège naturel ».
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[93]
Contra : L. Aynès et P. Crocq, préc., note 12 ; M. Cabrillac et autres, préc., note 58.
-
[94]
Roderick A. Macdonald et Jean-François Ménard, « Credo, credere, credidi, creditum : essai de phénoménologie des sûretés réelles », dans Sylvio Normand (dir.), Mélanges offerts au professeur François Frenette. Études portant sur le droit patrimonial, Québec, Presses Universitaires de Lyon, 2006, p. 309.
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[95]
Roderick A. Macdonald, « Faut-il s’assurer qu’on appelle un chat un chat ? Observations sur la méthodologie législative à travers l’énumération limitative des sûretés, la “présomption d’hypothèque” et le principe de “l’essence de l’opération” », dans Ernest Caparros (dir.), Mélanges Germain Brière, Montréal, Wilson & Lafleur, 1993, p. 527, aux pages 545-551.
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[96]
Actuellement, il ne fait l’objet d’aucune publicité en tant que priorité.
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[97]
C.c.Q., art. 1750, 1745 et 1852. Un assujettissement à la publicité des droits réels et à l’exercice des recours hypothécaires, avec quelques ajustements, serait souhaitable selon des critères légaux déterminés selon l’utilité et la valeur économique des biens considérés comme objet de rétention, comme ce qui est actuellement prévu par les articles 15.01 et 15.02 du Règlement sur le registre des droits personnels et réels mobiliers, (1993) 125 G.O. II, 8058.
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[98]
L’article L. 642-20-1, al. 3 C. com. permet au rétenteur de reporter son droit sur le prix du bien vendu. En effet, lors de la liquidation de l’entreprise, le liquidateur peut procéder à la réalisation du bien et, dans ce cas, le droit de rétention est reporté sur la valeur du bien. L’article 604 C.p.c. et l’article 2770 C.c.Q. permettent au rétenteur d’être payé prioritairement sur le produit de la vente ou prioritairement par le créancier hypothécaire prenant le bien en paiement en ce sens, P. Simler et P. Delebecque, préc., note 58, no 602, p. 528. En droit québécois, le rétenteur d’un bien meuble est un créancier prioritaire qui se paie sur le produit de la vente du bien en cas de réalisation (notamment art. 2651 (3) et 2657 C.c.Q.).
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[99]
Reconnue clairement par le Code civil du Québec ou le Code du commerce dans un contexte de procédure collective.
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[100]
Les tribunaux français et la doctrine française reconnaissent cet attribut au droit de rétention.
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[101]
C. civ., art. 2286, rédigé suite à l’Ordonnance no 2006-346 du 23 mars 2006 relative aux sûretés, préc., note 43.
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[102]
Le premier auteur à avoir utilisé ce vocable a été Fernand Derrida, « La “dématérialisation” du droit de rétention », dans Mélanges offerts à Monsieur le Professeur Pierre Voirin, Paris, L.G.D.J., 1966, p. 177.