Résumés
Résumé
Le phénomène de la « contractualisation » de l’action administrative interpelle les juristes. Cette mouvance très large recoupe une multitude de mécanismes, dont certains peuvent se rapprocher des catégories traditionnelles du droit, alors que d’autres semblent se situer en marge de celles-ci. Sans apporter de réponse définitive ou exhaustive au problème de la qualification juridique des instruments négociés, l’auteur veut ici mieux circonscrire le débat et faciliter la recherche future en mettant en évidence les fondements de la mouvance de la « contractualisation » et en s’interrogeant sur les critères structurants et les catégories du droit public.
Abstract
The « contractualization » of government beckons the attention of legal scholars and practitioners. This widespread phenomenon finds its way into a multitude of negotiated processes some of which closely resemble traditional categories of the law while others seem to operate just outside them. Far from attempting to provide a definitive and exhaustive answer as to the legal characterization of such negotiated instruments, this contribution seeks to endow the on-going debate with a tangible framework that will facilitate future research by identifying the premises underlying « contractualization » and by reflecting on the definition and structure of the traditional categories of public law.
Corps de l’article
L’une des manifestations évidentes des changements que connaît l’action publique à l’heure actuelle est l’emploi croissant de mécanismes ayant une composante dite « contractuelle ». Bien que l’action unilatérale soit largement présente et visible, le phénomène de la « contractualisation » de l’action gouvernementale (government by contract[1]) s’impose de plus en plus dans tout le droit public, même si certaines branches semblent plus réceptives, comme le droit de l’environnement et le droit de la concurrence. Pour les juristes, ce phénomène de « contractualisation » renvoie à la notion de contrat, catégorie claire à laquelle sont rattachées des conséquences juridiques importantes.
Si plusieurs des instruments négociés ont une composante conventionnelle, volontaire, relationnelle ou consensuelle, il est moins sûr qu’ils soient tous contractuels au sens où le droit l’entend. Par exemple, il serait probablement erroné de dire de toutes les ententes[2] entre personnes publiques qu’elles sont des contrats. De même, certaines ententes négociées avec les pollueurs avant ou après le fait s’inscrivent souvent dans les limites de programmes publics dont le régime est distinct du régime classique du contrat.
La qualification des instruments négociés nécessite généralement une analyse particularisée, puisque tous les rapports à caractère bilatéral entre l’État et les administrés ne sont pas de nature contractuelle. Or, cette analyse particularisée requiert de s’interroger sur la mécanique de qualification propre au droit, laquelle repose sur le cadre conceptuel du droit public et sur ses critères structurants.
Nous voulons préciser ici la manière dont l’étude du cadre conceptuel du droit positif et des critères propres à ce cadre peut contribuer à donner une vue d’ensemble du phénomène de l’action administrative négociée et de la qualification juridique des mécanismes rattachés à cette mouvance. L’approche privilégiée consistera à faire une synthèse non exhaustive de la problématique de la qualification juridique de l’action administrative négociée. L’accent sera placé sur les sources doctrinales et non sur la jurisprudence, puisque le débat sur la qualification juridique des instruments négociés est rarement abordé de front, les auteurs s’y intéressant généralement de façon accessoire. Il s’agira donc de faire une première tentative d’exploration générale du sujet, en vue de faciliter la recherche future sur ce thème et sur des thèmes connexes.
En guise d’entrée en matière, nous traiterons brièvement des origines et des fondements de l’action administrative négociée, qui s’expliquent principalement à partir des courants idéologiques remettant en cause le rôle et les façons de faire de l’État (1). Suivra une réflexion sur la façon dont le droit positif organise l’action administrative, laquelle sera centrée sur les notions de droit et de contrat. Cela permettra de faire le point sur les critères structurants du droit, sur le potentiel explicatif de ces critères et sur le rôle réel du contrat dans l’action publique (2).
1 Les fondements de l’action administrative négociée
L’essor de l’action administrative négociée et de la nouvelle gouvernance publique (new public management[3]) est indissociable des courants politiques dominants des dernières décennies. À gauche comme à droite, le rôle de l’État est envisagé différemment, notamment en raison des contraintes des finances publiques, de l’endettement national, de la diminution de la confiance des citoyens en l’État, de la montée de l’individualisme et de l’insatisfaction des administrés relativement à la qualité des services publics. La réforme de l’administration publique qui découle de ces circonstances est habituellement appelée « nouvelle gouvernance publique ». Ce modèle suppose l’horizontalité dans les rapports entre les acteurs, la responsabilité accrue des gestionnaires, l’évaluation du rendement et du coût de gestion des services publics, le recours au secteur privé pour la production de services publics, la mise en concurrence et la gestion par programmes, objectifs et plans stratégiques. Des réformes de cette nature ont été mises en oeuvre un peu partout en Occident au cours des dernières décennies[4], principalement sous l’influence de gouvernements inspirés par les idées libérales, dans un premier temps, et par la mouvance de la troisième voie, ensuite[5].
Pendant les décennies 70 et 80, à la faveur de l’échec des dirigismes et de la remise en question du modèle de l’État keynésien, les idées libérales ont connu un retour en force dans plusieurs pays occidentaux[6]. C’est principalement sous l’impulsion des conservateurs américains, britanniques et canadiens[7] que la première vague importante de réformes sera mise en oeuvre dans ces pays : privatisation, obligation de résultats, création d’agences, décentralisation, réglementation économique, efficacité administrative et impartition sont les thèmes de l’heure. Déjà, le modèle du contrat devait occuper une place importante dans l’application de ce programme. Le recours accru aux ententes entre personnes publiques en est une manifestation visible[8]. Nous pouvons en dire autant de la mise en concurrence appliquée aux industries relevant traditionnellement de monopoles[9] ou aux services publics (corporatization)[10].
Puis, le repositionnement stratégique et idéologique de la gauche politique[11] s’est accompagné d’une seconde vague de réformes de l’administration publique, habituellement associée à la mouvance de la troisième voie[12]. Ces changements ont été accompagnés par une réflexion large sur le rôle de l’État, dont Anthony Giddens est un des chefs de file. Dans ses écrits, Giddens traite, entre autres, du thème des droits et de celui des responsabilités qui en découlent, selon la formule no rights without responsibilities[13]. Il insiste sur le thème de l’efficacité de l’État[14] et sur celui de la légitimité démocratique[15]. Le rôle du modèle contractuel dans la mise en oeuvre d’un tel programme est clair : le contrat pourrait être employé à restructurer les relations entre l’État et les citoyens (personnes morales et individus), entre les différents organes de l’État et, finalement, entre l’État et la « société civile ». Un tel constat s’impose à l’analyse de la critique adressée par la mouvance néolibérale et, dans une moindre mesure, par celle de la troisième voie à l’action administrative coercitive et normative. Bien que ces mouvances aient peu en commun a priori, toutes deux portent en elles un certain constat d’échec, ou du moins une critique vive, de ce type d’action administrative. Cette critique se présente généralement en trois volets, et il existe une correspondance entre ces trois éléments de critique et les promesses du modèle de l’action administrative négociée[16]. Ces éléments de critique traduisent également les valeurs proclamées de la nouvelle gouvernance publique, qui sont avant tout des valeurs gestionnaires : atteinte des résultats, efficacité et participation publique. Ces valeurs mettent l’accent sur des considérations très différentes des valeurs juridiques que sont la transparence, la responsabilité et la légalité.
Le premier volet de la critique remet en question la capacité du modèle normatif et coercitif à accomplir les missions de l’État, notamment la fourniture de services publics[17] et la régulation[18]. En matière de services publics, le recours à la privatisation, à l’impartition et au partenariat public-privé est apparu, à tort ou à raison, comme un modèle mieux indiqué que la fourniture étatisée de services publics. En matière de régulation, certains auteurs ont proposé de donner un rôle plus limité à la réglementation traditionnelle et de lui préférer l’incitation à la conformité (notamment par l’emploi de taxes et de subventions) et le recours à des mécanismes du type marché[19]. D’autres mécanismes ont fait progressivement leur apparition dans le sillage de la critique du modèle normatif et coercitif. Tel est le cas des « approches volontaires », lesquelles se présentent comme un moyen permettant d’atteindre plus efficacement les différents objectifs de l’État[20]. En bref, le contrat s’est imposé comme technique ayant le potentiel de surpasser la réglementation traditionnelle sur le plan des résultats, que ce soit en matière de fourniture de services publics ou de régulation.
Le second volet de la critique est lié au premier : il met l’accent sur les difficultés propres à la nature et aux méthodes de la gestion publique. La critique vise ici l’inefficacité des organisations publiques[21], leur tendance à favoriser les intérêts particuliers au détriment de l’intérêt public[22] et la lourdeur du cadre décisionnel législatif et réglementaire. Le contrat est présenté comme une méthode permettant justement à l’État d’accroître son efficacité et d’économiser ses ressources. Selon Mark Freeland, qui adopte une vision critique de l’action administrative négociée, l’atteinte de l’objectif d’efficacité peut s’accomplir de deux manières principales[23]. La première est le transfert au secteur privé, par contrat, de fonctions ou d’activités relevant traditionnellement de l’État. La privatisation, l’impartition et les partenariats public-privé en sont des exemples. Le contrat est alors vu comme l’outil de délégation qui permet de bénéficier directement de l’efficacité accrue attribuée au secteur privé, tout en conservant un pouvoir contractuel et réglementaire sur le « partenaire privé ». La seconde méthode est la restructuration interne de l’administration publique par l’emploi d’ententes entre personnes publiques. Dans cette optique, l’entente peut permettre de séparer les fonctions normatives des fonctions exécutives[24] et de créer des obligations morales dans un document à apparence contractuelle, tout en facilitant la mise en oeuvre d’une obligation de rendre compte[25]. Par ailleurs, la séparation par entente des fonctions du fournisseur de services de celles de l’acheteur (consommateur ou gouvernement) permettrait d’accroître la transparence, la reddition de comptes et la saine gestion, outre qu’elle préviendrait les abus[26]. Plus globalement, il faudrait ajouter à ces deux mécanismes toutes les autres formes d’instruments négociés qui ont explicitement pour objet de rehausser l’efficacité administrative, cet objectif étant souvent évoqué, à tort ou à raison, comme justification du recours au modèle contractuel[27].
Le troisième et dernier volet de la critique du modèle traditionnel touche la participation publique. Sur le plan théorique, Ian Harden indique, par exemple, la dimension « morale » du contrat, en tant qu’idéal et en tant que symbole du libéralisme économique, de l’autonomie de la volonté et de la primauté du droit[28]. Dans la même veine, François Lichère mentionne que le « contrat véhicule […] une image très positive, renvoyant à toute une série de valeurs elles-mêmes portées aux nues : imagination, adaptation, souplesse, démocratisation[29] ». Associer davantage les citoyens, les entreprises et la « société civile » aux processus décisionnels favoriserait la mise en oeuvre facilitée des normes et la conciliation des intérêts divergents dans la décision publique, particulièrement lorsque celle-ci comporte des aspects techniques ou évolutifs importants. Autrement dit, le droit imposé serait incapable de bien saisir la complexité de certains enjeux de politique publique, et le contrat constituerait une réponse appropriée à ce problème. Il s’agit en quelque sorte d’un parti pris pour la négociation et la souplesse qui caractérisent le contrat, lesquelles favoriseraient la légitimité démocratique de la décision gouvernementale[30].
2 L’action administrative négociée à la lumière des critères structurants du droit
Le recours à l’action administrative négociée est davantage fondé, comme la partie 1 le laisse entrevoir, sur des valeurs gestionnaires (atteinte des résultats, efficacité, participation publique) que sur des valeurs juridiques (transparence, responsabilité, légalité). Cela explique sans doute, pour une bonne part, les difficultés majeures associées à la qualification des instruments négociés. Or, la qualification revêt une importance cruciale pour les juristes puisque c’est elle qui, par une mécanique reposant souvent sur des définitions autoréférentielles et des fictions juridiques, détermine la nature des problèmes juridiques susceptibles de survenir dans une situation donnée[31]. Ainsi, dès qu’un instrument négocié entre dans la catégorie « acte unilatéral » ou « contrat », il acquiert un caractère obligatoire[32]. Outre cette conséquence évidente de la qualification, des effets particuliers à chacune des catégories juridiques s’ensuivent. D’une part, les actes unilatéraux sont subordonnés à différentes règles de droit qui dépendent de leur nature : par exemple, les lois doivent être adoptées suivant la procédure parlementaire et les règlements sont soumis à des exigences procédurales particulières. D’autre part, si un instrument négocié est qualifié de contrat gouvernemental, il sera soumis à un régime contractuel complexe (règles de formation, règles d’interprétation, etc.), lequel est adapté au contexte du droit public. Le tableau qui suit illustre les paramètres et les catégories du cadre conceptuel du droit public tels qu’ils sont habituellement décrits dans la littérature.
Tableau
Paramètres et catégories du cadre conceptuel du droit public
|
Unilatéralité |
Accord des volontés |
---|---|---|
Juridique (caractère obligatoire, effets de droit) |
Acte administratif unilatéral (lois, règlements, etc.) |
Contrat public, administratif ou gouvernemental |
Non juridique |
Norme pararéglementaire |
Entente « non juridique » ? |
Pour mieux répondre aux interrogations sur la qualification juridique des instruments négociés, il est indispensable de présenter la démarche méthodologique rattachée à ce cadre, laquelle donne une place de premier plan aux notions de juridicité et de production d’effets de droit (2.1), ainsi qu’à celles de contrat et d’accord des volontés (2.2)[33]. Ces critères structurants du droit[34], bien que critiquables, sont essentiels au fonctionnement de la mécanique du droit. Leur relative simplicité est un avantage considérable dans cette optique. Ce cadre pose toutefois certaines difficultés.
La première difficulté consiste à situer les frontières des catégories avec précision et à y placer la multitude des instruments négociés. En effet, le degré d’unilatéralité et de juridicité d’un instrument ne s’impose pas clairement dans tous les cas.
La seconde difficulté, moins évidente, apparaît tout de même au tableau ci-dessus, où sont introduites deux analogies implicites qui complexifient la réflexion. La première analogie, qui a l’apparence d’un raccourci, est celle entre l’accord des volontés en droit privé et l’accord des volontés en droit public. On peut, à juste titre, remarquer que l’idée du contrat s’est développée, en droit privé, au moins en partie sur la base du principe libéral de l’autonomie de la volonté[35], principe qui trouve difficilement son équivalent en droit public, puisque c’est alors l’État, personne souveraine, qui manifeste sa volonté à travers ses institutions[36]. Néanmoins, et cela rend plus plausible l’analogie, il semble que, tant en common law qu’en droit civil québécois et français, la notion de contrat de droit privé entretient des rapports très étroits avec le régime des contrats publics[37]. Dans les deux traditions juridiques, plusieurs auteurs ont fait un rapprochement entre la notion de contrat de droit public et celle de contrat de droit privé[38]. La seconde analogie, qui peut sembler risquée, est celle entre le critère de la juridicité, qui est un critère du droit, et le critère de la production d’effets de droit, qui est généralement employé comme critère du contrat. Dans un article marquant paru en 1990, Jacques Ghestin reconnaît implicitement la correspondance entre le « domaine » du droit et le critère de la production d’effets de droit en soulignant qu’un contrat qui ne produirait pas d’effets de droit appartiendrait au non-droit[39]. En ce sens, l’analogie ne serait pas aussi problématique qu’il n’y paraît. En outre, la théorie du droit s’intéresse de plus en plus au thème de la séparation droit public/droit privé, certains y voyant même une distinction artificielle[40]. Si cette théorie est juste, il y aurait là un indice additionnel d’une correspondance réelle entre la notion de juridicité et celle d’effets de droit[41].
2.1 Les effets de droit, la juridicité et le non-droit
La question de la qualification juridique d’un instrument négocié renvoie inévitablement, dans un premier temps, aux frontières de la notion de droit, à la définition de la juridicité[42] et à la signification du critère de la production d’effets de droit. Il s’agira maintenant de présenter le courant dominant qui s’impose dans la doctrine, selon lequel la norme est juridique par proclamation de l’autorité publique. Il faudra en outre mettre en évidence certaines embûches de cette définition autoréférentielle qui, malgré la dissidence de certains auteurs, est dominante dans les traditions civiliste et anglo-américaine.
La pensée positiviste anglo-américaine, très marquée par les écrits de H.L.A. Hart et de John Austin, définit le droit par rapport au souverain (ou, dans le cas d’Austin, au political superior) ou en se référant à l’idée de contrainte[43]. Ces auteurs anglais ont traité abondamment, dans des textes classiques, de la différence entre la norme juridique et la norme morale[44], ce qui rejoint les idées de Kelsen, qui distingue la « science du droit positif » de la « philosophie de la justice »[45]. Renonçant à offrir une définition complète de la norme juridique, Hart insiste sur le caractère obligatoire de la norme juridique[46] et sur la doctrine de la reconnaissance légale (legal recognition)[47]. Selon cette doctrine, le droit est un commandement (order) du souverain ou de son délégué autorisé à édicter des commandements à sa place. La principale faiblesse de cette définition est son caractère autoréférentiel, qui indispose plusieurs auteurs[48].
À la suite de nombreux auteurs, Denys de Béchillon s’est interrogé dans un ouvrage de synthèse sur la nature de la règle de droit. Ses conclusions rejoignent celles des positivistes anglo-américains. Il remet en question le présupposé voulant que la sanction soit un critère du droit[49] et offre une solution pratique au dilemme que pose le caractère partiellement ineffectif du droit. Traitant de la nature de la norme, il remarque la pluralité des définitions données par la doctrine à cette notion et observe que la norme juridique est celle « dont l’auteur bénéficie d’une habilitation conférée par l’État à l’exercice d’un pouvoir normatif, quelles que soient sa forme ou sa nature[50] ». Dans la même veine, Paul Amselek a défini les règles juridiques comme des « outils de direction publique des conduites humaines, des outils de commandement ou gouvernement public[51] ». La norme serait donc juridique en ce qu’elle appartient à un système, qui est juridique par autoproclamation. Cela correspond à l’idée moniste selon laquelle « le droit ne peut que dénier à tout autre système de règles le titre de droit[52] ». Adopter ce point de vue présuppose la centralité de l’État dans la détermination du droit, ce qui, en soi, est controversé puisque l’idée de pluralisme juridique s’y oppose[53]. L’évolution du droit et des recherches sur le thème des normes pararéglementaires[54], que les juristes tendent à exclure du droit (parce qu’elles sont dites non exécutoires)[55], permet justement d’actualiser la critique de la définition autoréférentielle du droit[56]. Quoi qu’il en soit, il faut admettre la place prépondérante donnée par plusieurs auteurs à l’État et aux institutions dans les définitions de la juridicité, encore que cette question demeure non résolue pour ceux qui refusent une définition dogmatique du droit[57].
Par ailleurs, il importe de remarquer que la définition autoréférentielle du droit rappelle l’un des critères du contrat, tel qu’il est entendu au sens purement juridique, c’est-à-dire la production d’effets de droit. Retenir ce critère est controversé. Ce choix repose sur le constat selon lequel la définition du contrat donne généralement un rôle important aux idées de sanction, de reconnaissance étatique et de conséquences judiciaires dans les codes civils[58] et la doctrine[59].
Néanmoins, le critère de la production d’effets de droit semble imparfait, en particulier lorsque les instruments négociés prennent la forme d’ententes se situant à la fois dans le registre juridique et dans le registre politique. Il est alors difficile de tracer la ligne entre ce qui est véritablement contractuel et ce qui s’apparente à des ententes plus politiques, notamment parce que les obligations y sont formulées en tant qu’objectifs et non en tant qu’obligations précises. Dans ces cas, une hypothèse évidente voudrait qu’il existe en marge du droit public une dynamique politique qui n’a pas d’existence en droit, et que cela n’a rien d’étonnant puisque, à titre comparatif, le cadre conceptuel du droit privé a lui aussi ses limites[60]. Cette hypothèse apparaît peu plausible prise isolément, puisque les instruments négociés ont des effets beaucoup plus marqués sur le droit public que les obligations non juridiques sur le droit privé. Il est tout de même possible qu’une partie des réponses aux interrogations des administrativistes se trouve là, dans cet espace situé légèrement en marge du droit. Michelle Cumyn a nuancé cette hypothèse dans un article récent, en opposant le juridique et le non-juridique et en observant que le discours de la « contractualisation » se situe à la fois dans le registre juridique et dans le registre politique. Se pose alors la question de savoir quels sont les droits et obligations des parties et des tiers dans ce contexte. Est-il possible d’obtenir un jugement déclaratoire ? Faut-il se tourner vers des recours de droit commun ou vers des théories aux assises relativement fragiles, comme celle des attentes légitimes ? Le débat demeure ouvert[61].
Une hypothèse complémentaire mérite d’être envisagée à l’étude de l’action administrative négociée et de son rapport au droit. Se pourrait-il que certains instruments négociés se situent dans le domaine juridique sans pour autant correspondre aux critères du cadre conceptuel du droit public ? Si c’était le cas, alors le juriste pourrait à juste titre se demander quelles conséquences il doit tirer de cette confusion conceptuelle ! Cette hypothèse, qui apparaît comme le prolongement de la théorie de l’évincement du droit révélée par l’examen des conséquences juridiques des normes pararéglementaires, a déjà été mentionnée dans la doctrine. En effet, Daniel Mockle a soulevé quelques interrogations sur l’existence d’un droit de la gouvernance publique, qui se démarquerait à certains degrés du droit public et du droit privé, et qui constituerait, selon lui, une mutation ou une reconfiguration des catégories existantes[62]. À son avis, l’action administrative se présente sous des formes nouvelles qui correspondent à des emplois nouveaux et à des préoccupations nouvelles. La notion de contrat subirait-elle un élargissement ? Y aurait-il un « conventionnalisme diffus » en gestation, lequel serait le reflet de pratiques d’hybridation et de l’emploi de formules de substitution ? Les instruments négociés correspondraient-ils à l’emploi différent de procédés classiques ou au recours à la mixité réglementaire et conventionnelle[63] ? Ces réflexions ont le mérite de mettre en évidence des rapprochements à faire entre les catégories classiques du droit et les catégories nouvelles. Dans cette optique, l’acte unilatéral traditionnel en vue de modifier l’ordre juridique (couple loi-règlement) inspirerait le recours à la norme pararéglementaire, dont la juridicité n’est pas claire (énoncés de politique, chartes d’usagers, directives). De même, le modèle traditionnel du contrat produisant des effets de droit inspirerait le recours à différents types d’instruments négociés, dont le rôle, la nature et l’encadrement juridique sont variables.
2.2 L’accord des volontés, la bilatéralité et le contrat
Ayant expliqué sommairement la manière dont les juristes définissent le droit et appliquent cette définition en droit des contrats, nous discuterons maintenant du domaine du contrat et de ce qui distingue cette catégorie de celle d’acte unilatéral. Cela renvoie à l’un des critères du contrat mis en évidence par Ghestin, soit l’accord des volontés[64]. Dans les codes civils, ce critère ressort des définitions du contrat et de l’énumération de ses conditions de formation. En outre, plusieurs auteurs insistent sur ce critère pour définir le contrat, tant chez les civilistes[65] que chez les common lawyers[66]. Bien qu’il fasse l’objet d’une certaine controverse[67], l’accord des volontés sert donc de critère de classification en droit civil, en common law et en droit public. Il s’agira maintenant de faire un bref survol de la doctrine sur cette question et d’identifier certaines difficultés propres au critère de l’accord des volontés.
Le droit civil québécois et le droit civil français disent du contrat qu’il est un acte juridique[68] et non un fait juridique[69]. Cette division est critiquée[70], mais son utilité est avérée puisqu’il s’agit du meilleur outil d’organisation du droit privé dont disposent les juristes présentement. Toujours en droit civil, le critère de l’accord des volontés est employé pour tracer la frontière, cette fois entre les contrats et les autres actes juridiques. En common law, les choses se présentent autrement. Le droit privé des obligations est généralement divisé par la doctrine en quatre branches qui se recoupent, soit le droit des contrats (law of contracts), le droit des délits (law of torts), le droit de l’enrichissement sans cause (law of restitution) et le droit de l’obligation fiduciaire (equity)[71]. Chez les auteurs anglo-américains, différentes théories concurrentes ou complémentaires existent pour isoler le droit des contrats[72]. Une majorité accepte que, au coeur de la notion de contrat, il y a la notion de promesse (contract as promise) ou celle d’accord (contract as agreement)[73], et l’idée de volonté revient fréquemment dans la doctrine comme facteur permettant de distinguer le droit des contrats des autres branches de la common law[74]. Enfin, le critère de l’accord des volontés joue un rôle structurant semblable en droit public. Comme le remarque De Béchillon, une majorité de juristes paraît insister sur ce critère, puisqu’il permet de différencier le contrat des autres actes administratifs unilatéraux. Ainsi, « [l]e propre de l’acte unilatéral [serait] de supposer une volonté unique, autosuffisante à créer finalement la règle[75] » et le propre du contrat serait de supposer un accord des volontés.
Qu’en est-il, à la lumière du critère de l’accord des volontés, des régimes dont le statut est moins bien établi, tels que les prélèvements[76], les prestations[77], les autorisations[78] et les subventions[79] ? Une lecture très stricte des catégories du droit public laisserait probablement ces régimes de côté parce qu’ils ne sont pas assez consensuels pour être des contrats, ni suffisamment unilatéraux pour s’apparenter aux lois ou aux règlements. Aussi ces régimes sont-ils parfois déroutants pour les juristes du fait de leur hétérogénéité. Dans la plupart des cas, la qualification ne pose pas problème, mais il a néanmoins fallu donner une géométrie variable à ces régimes. Certains phénomènes seront assimilés à des contrats, d’autres, à des actes unilatéraux et d’autres encore se situeront quelque part entre les deux, notamment parce qu’ils se présentent sous une forme hybride. L’autorisation, par exemple, peut, dans certains cas, être rapprochée du modèle du contrat. Tel est le cas lorsque l’autorisation a un fort caractère consensuel[80] et lorsqu’elle comporte des conditions susceptibles de donner lieu à des effets de droit sous la forme d’une sanction de droit public (par exemple, la suspension d’un permis ou son annulation), ce qui rappelle les critères du contrat. C’est encore le cas lorsque l’administration publique doit se soumettre à un cadre procédural complexe, lequel peut créer une dynamique de négociation entre les parties[81]. La transférabilité (droit de cession ou de vente) de certains permis tend encore à différencier l’autorisation de l’acte unilatéral dans sa forme la plus pure[82]. En somme, l’autorisation peut ressembler, sous certains aspects, au contrat. Il en est de même de la subvention, des prélèvements et des prestations, dont la qualification dépendra principalement du degré de consensualisme ou d’accord des volontés qui les caractérise. Par exemple, une subvention accordée en vertu d’un programme d’assistance économique dont les critères sont très stricts pourrait difficilement être qualifiée de contrat — elle s’apparenterait davantage à un acte unilatéral. Par contre, un « partenariat » de développement officialisé dans une entente en bonne et due forme (dans laquelle l’octroi d’une subvention est la principale obligation de l’État), en vue de réaliser un projet, se rapproche beaucoup du modèle du contrat et a d’ailleurs déjà été ainsi qualifié par les tribunaux[83]. De même, les subventions accordées pour soutenir l’« économie sociale » et l’« action communautaire » peuvent parfois se rapprocher du modèle du contrat. L’administration publique élabore une série de programmes, de critères et de conditions que les organismes doivent remplir pour toucher la subvention rattachée à l’entente, dont le respect est assuré par des mécanismes de reddition de comptes et de supervision[84].
En résumé, le critère de l’accord des volontés permet dans bien des cas, tant en droit privé qu’en droit public, de distinguer ce qui est unilatéral de ce qui ne l’est pas. En droit civil, ce critère permet de différencier le contrat des autres actes juridiques. En common law, il isole le droit des contrats par rapport aux autres branches du droit. En droit public, il marque la frontière entre les contrats de l’administration et les autres actes administratifs. Ce critère permet finalement, avec un certain succès, de déterminer le régime juridique applicable aux prélèvements, aux prestations, aux autorisations et aux subventions. Ce quadruple constat mène à la conclusion que, malgré les assauts de la critique contre la classification positiviste des obligations, il existe un fort consensus chez les juristes pour employer le critère de l’accord des volontés afin d’isoler la catégorie juridique « contrat ». L’utilité de ce critère est donc avérée.
Malgré ce consensus, il devient de plus en plus clair que le critère de l’accord des volontés est aux prises avec le phénomène de l’action administrative négociée. En effet, pour qualifier certaines pratiques rattachées à cette mouvance, plusieurs auteurs ont tenté, à tort ou à raison, de dépasser le critère de l’accord des volontés. Cela en laisse entrevoir les possibles insuffisances. Pierre Delvolvé, par exemple, a expliqué que, en qualifiant un acte administratif, il faut considérer des critères organiques (auteur de l’acte) et formels (manière dont l’acte est établi), ainsi que l’objet de l’acte et ses effets sur les tiers[85]. Certains auteurs ont mentionné l’existence d’actes administratifs permettant de décrire des situations juridiques particulières, tels que l’acte mixte ou l’accord conventionnel à effets réglementaires[86], l’union[87] ou l’acte détachable[88]. Des auteurs ont distingué la situation où un accord est donné à un acte unilatéral de celle où il en est la condition[89]. D’autres parlent de « relations quasi contractuelles[90] » et de « pseudo-contrats[91] ». De son côté, Peter Vincent-Jones a tenté d’ordonner les instruments négociés en fonction de leur rôle politique et social[92], alors que d’autres les ont situés sur un « spectre des degrés de participation[93] » ou les ont classés en fonction de la proximité des rapports entre l’acteur public et l’acteur privé (jointness), d’une part, et le degré de volontarisme (voluntariness), d’autre part[94]. D’autres critères auraient pu être introduits, tels que celui de la formalisation juridique et de l’information publique[95]. L’ensemble de ces tentatives de dépassement de la notion de contrat traduisent un certain malaise devant l’incapacité réelle ou perçue du critère de l’accord des volontés à saisir certaines des évolutions de l’action administrative. Ces théories révèlent en outre une relative distanciation de la doctrine par rapport à un strict cadre positiviste, lequel serait incapable de saisir la réalité changeante de l’action publique. À défaut de trouver des réponses complètes dans la littérature juridique, certains auteurs invitent les juristes à entrer dans le champ plus large des sciences sociales[96].
Conclusion
Sur le plan théorique, le problème de l’action administrative négociée se présente comme un choc entre les valeurs managériales et les valeurs juridiques. Ce choc trouve son origine dans la remise en question partielle, au cours des dernières décennies, des méthodes appartenant au modèle coercitif et normatif. En d’autres termes, le droit obéit à une mécanique reposant sur des catégories juridiques relativement étanches dont les frontières sont définies par des critères qui se sont développés à partir de valeurs juridiques s’accommodant difficilement des valeurs managériales qui pénètrent l’action publique.
Le cadre conceptuel du droit public n’ayant pas une élasticité illimitée, il ne serait pas surprenant que les difficultés de qualification des instruments négociés découlent en grande partie de ce choc de valeurs. Des difficultés de qualification apparaissent, en particulier, dans deux cas distincts qui correspondent aux critères structurants du droit public. Le premier cas est celui des ententes qui se situent à la fois dans le registre politique et dans le registre juridique. Certains hésitent alors à qualifier l’instrument négocié « d’entente non juridique » ou de contrat. Le second cas est celui des instruments qui ne sont ni clairement consensuels ni clairement unilatéraux. Il y a parfois hésitation à l’idée de qualifier l’instrument négocié d’acte unilatéral ou de contrat. L’étude de ces deux cas de figure révèle que l’emploi du vocable « contractualisation », qui renvoie à la notion de contrat, n’est probablement pas approprié dans tous les cas. En effet, il n’y a pas accord des volontés produisant des effets de droit dans tous les cas, du moins selon la signification classique et stricte donnée à ces critères. C’est pourquoi il vaudrait probablement mieux employer l’expression « action administrative négociée ». Cette tournure, très générale, recoupe tant les véritables contrats publics que les autres formes d’action publique ayant une composante conventionnelle.
Les préoccupations gestionnaires d’atteinte des résultats, d’efficacité et de participation publique et les changements qui en découlent ont donné naissance à deux solutions théoriques principales en doctrine. Ces solutions visent à répondre aux difficultés de qualification des instruments négociés. La première solution qui vient à l’esprit serait de redéfinir les critères du contrat et d’en élargir la notion. Cela participerait d’une mouvance plus large d’essor et de « déromanisation » du contrat[97], laquelle serait en rupture avec la tradition juridique civiliste et avec celle de la common law. De plus, cette solution risquerait de donner des conséquences contractuelles à des instruments négociés qui n’ont pas cette vocation. Pour ces raisons, il est peu probable qu’il s’agisse d’un développement souhaitable du droit. Une seconde solution possible consisterait à emprunter une approche empirique en créant à la pièce de nouvelles catégories juridiques qui viendraient s’ajouter à celles qui existent déjà, que ce soit en marge ou à l’intérieur du cadre conceptuel existant. Cependant, cette avenue est risquée puisqu’il faudrait alors renoncer à la simplicité relative du droit public et s’aventurer à définir les conséquences rattachées à ces catégories. Par contre, c’est une solution éprouvée. Les régimes des prélèvements, des prestations, des autorisations et des subventions en offrent des exemples. Il s’agit de catégories hétérogènes dont les conséquences juridiques sont définies dans les lois particulières. Il est possible d’imaginer, de la même manière, que les lois permettant le recours à des instruments négociés peuvent définir précisément l’effet à leur donner. Cela permettrait de lever, au moins en partie, l’incertitude pouvant découler du recours à des instruments négociés qui ne s’appuient que partiellement sur les catégories classiques du droit. Admettre cette hypothèse ne signifie pas qu’il faille renoncer à défendre le cadre conceptuel du droit public tel qu’il existe, avec ses inconvénients et ses avantages. D’ailleurs, ce cadre suffit dans la plupart des cas à qualifier les instruments négociés, et les ententes qui posent problème sur le plan juridique ne représentent qu’une infime partie du droit public. Voilà qui explique sans doute pour une bonne part la relative indifférence des juristes à l’égard de l’essor de l’action administrative négociée. De plus, comme l’observent Richard Moulin et Pierre Brunet dans un ouvrage récent, le régime des contrats et celui des actes unilatéraux se rejoignent à certains égards, de sorte que les solutions juridiques applicables dans les deux cas sont souvent les mêmes en pratique[98].
Quoi qu’il en soit, les questionnements importants relatifs aux effets de l’action administrative négociée pour le droit et pour l’administration publique en général demeurent. Ces questionnements touchent essentiellement la préservation des valeurs juridiques de légalité, de transparence et de responsabilité dans un contexte où d’autres valeurs, gestionnaires celles-là, deviennent prééminentes. Il y a d’abord la question du cadre juridique applicable aux instruments négociés. Il est plausible que la multiplication de ces instruments ait au moins en partie pour objet d’échapper au droit, lequel est perçu comme trop rigide pour intégrer des considérations telles que l’atteinte des résultats, l’efficacité administrative et la participation publique. Le problème de l’effet des pratiques d’action administrative négociée sur la transparence, l’impartialité et la rectitude de l’action administrative est également en toile de fond[99], d’où, sans doute, les tentatives d’accroître l’encadrement de ces pratiques. En outre, d’autres questions se posent quant à la capacité de l’administration publique d’agir en se fondant sur le modèle du contrat. La souplesse que l’action administrative négociée supose soulève des questions importantes du fait que l’administration publique et les organismes de régulation se trouvent souvent investis d’une discrétion administrative très large. La politique du cas par cas qui en découle peut possiblement augmenter les risques de collusion et donner lieu, notamment en raison des asymétries informationnelles, à une multiplication de stratégies opportunistes de la part des acteurs privés. Enfin, certaines formes d’action administrative négociée ébranlent sérieusement la conception de la hiérarchie des normes qui règne en droit. Ce sont là des questions que les juristes ne peuvent éluder.
Parties annexes
Remerciements
La présente étude découle du projet de recherche dirigé par Paule Halley et subventionné par le Conseil de recherches en sciences humaines du Canada : « La contractualisation de l’action publique et la participation des citoyens ». L’article qui suit a été produit sous la supervision de Daniel Mockle, professeur à la Faculté de science politique et de droit de l’Université du Québec à Montréal, que l’auteur tient à remercier. Il remercie également les professeurs Michelle Cumyn, Paule Halley et Denis Lemieux, de la Faculté de droit de l’Université Laval, ainsi que Christine Gagnon, candidate au doctorat à la même université, pour leurs commentaires et leurs suggestions.
Note biographique
Pierre-Hugues Vallée
Avocat, Barreau du Québec.
Notes
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[1]
L’ouvrage récent de Peter Vincent-Jones est sans doute l’étude la plus exhaustive sur ce thème. Voir Peter Vincent-Jones, The New Public Contracting : Regulation, Responsiveness, Relationality, Oxford, Oxford University Press, 2006, p. 14-15. Sa définition est la suivante :
The general term « government by contract » is currently used to describe a wide range of contractual arrangements involving public bodies in addition to public procurement. Such arrangements include contracting out, public/private partnerships, franchising or state concessions, contracts of employment in the public service, agreements between state agencies and individual citizens, and various types of agreements internal to government.
Il s’agit donc d’un modèle plus vaste que le modèle plus traditionnel de recours au contrat (contrat d’achat de biens et services au secteur privé et contrat de travail). Dans la présente étude, il est indispensable de recourir à l’expression « action administrative négociée » et à la tournure « instruments négociés » pour décrire les formules rattachées à la mouvance de la « contractualisation ». L’usage de l’épithète « négocié » permet d’éviter l’emploi d’une expression renvoyant à la notion juridique de contrat et de mettre l’accent sur l’aspect « consensuel » de l’action administrative négociée, qui est apparu comme le dénominateur commun à l’ensemble des pratiques dont il sera question.
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[2]
La notion d’« entente » n’a pas au Québec la connotation péjorative qu’elle connaît en France. Elle est employée pour décrire, de façon générale, un accord ou une convention se situant ou non dans le registre juridique. Cette expression est d’usage au Québec, par exemple, lorsqu’il s’agit de décrire les accords intergouvernementaux ou les accords officieux entre deux parties, mais aussi des contrats juridiques. Dans le présent texte, le terme « entente » est donc employé dans son sens québécois, qui est très général. Le recours au vocable « convention », d’usage courant en France lorsqu’une personne se réfère aux accords entre personnes publiques, aurait pu semer la confusion chez le lecteur québécois, puisque la notion de convention emprunte au Québec le même sens que la notion de contrat. Voir : France Allard et autres, Dictionnaire de droit privé et lexiques bilingues, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2003, s.v. « contrat » ; Jean-Claude Gémar et Vo Ho-Tuy, Difficultés du langage du droit au Canada, 2e éd., Cowansville, Éditions Yvon Blais, 1997, s.v. « contrat ».
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[3]
Sur le thème de la nouvelle gouvernance publique en général, voir Ewan Ferlie, Laurence E. Lynn et Christopher Pollitt, The Oxford Handbook of Public Management, Oxford, Oxford University Press, 2005, p. 55-57.
-
[4]
Pour une comparaison des réformes de l’administration publique des dernières décennies en Occident, voir : Christopher Politt et Geert Bouckaert, Public Management Reform. A Comparative Analysis, 2e éd., Oxford, Oxford University Press, 2004 ; Ravi K. Roy, Arthur T. Denzau et Thomas D. Willett, Neoliberalism : National and Regional Experiments with Global Ideas, New York, Routledge, 2007.
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[5]
Pour une comparaison intéressante entre les différentes dimensions de la social-démocratie traditionnelle, du néolibéralisme et de la troisième voie, voir Armando Barrientos et Martin Powell, « The Route Map of the Third Way », dans Sarah Hale, Will Legett et Luke Martell, The Third Way and Beyond. Criticisms, Futures, Alternatives, Manchester, Manchester University Press, 2004, p. 9.
-
[6]
Voir : Jacques Cros, Le néo-libéralisme. Étude positive et critique, Paris, Librairie de Médicis, 1951, p. 15-46 et p. 322-330 ; Maurice Lagueux, « Qu’est-ce que le néo-libéralisme ? », Les Cahiers virtuels, Département de philosophie, Université de Montréal, [En ligne], [www.philo.umontreal.ca/textes/ Lagueux_neoliberalisme.pdf] (8 juillet 2008). Sur les fondements philosophiques et historiques du néo-libéralisme, voir Christian Laval, L’homme économique. Essai sur les racines du néolibéralisme, Paris, Gallimard, 2007.
-
[7]
Sur les États-Unis, le Royaume-Uni et le Canada en particulier, voir Donald J. Savoie, Thatcher, Reagan, Mulroney : In Search of a New Bureaucracy, Pittsburg, University of Pittsburg Press, 1994. En Australie et en Nouvelle-Zélande, les réformes inspirées de la nouvelle gouvernance publique ont d’abord été introduites par la gauche politique, ce qui fait figure d’exception. Voir Francis G. Castles, Rolf Gerritsen et Jack Vowles (dir.), The Great Experiment : Labour Parties and Public Policy Transformation in Australia and New Zealand, Sydney, Allen & Unwin, 1996.
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[8]
Le thème des ententes entre personnes publiques suscite un regain d’intérêt dans la doctrine. Voir par exemple : Anne C.L. Davies, Accountability : A Public Law Analysis of Government by Contract, Oxford, Oxford University Press, 2001 p. 27-47 (chapitre sur les internal contracts) ; Denys de Béchillon, « Le contrat comme norme dans le droit public positif », (1992) 8 Rev. fr. dr. admin. 15 ; Frank Moderne, « L’évolution récente du droit des contrats administratifs : les conventions entre personnes publiques », (1984) Rev. fr. dr. admin. 1 ; Nadine Poulet-Gibot Leclerc, « La contractualisation des relations entre personnes publiques », (1999) 3 Rev. fr. dr. admin. 551. L’objection à l’idée d’un contrat sans qu’il y ait une nette différenciation juridique des parties contractantes est un écueil important à l’idée de « contractualisation » au sein de l’administration publique, puisqu’il doit en principe y avoir des personnalités juridiques distinctes pour qu’il y ait contrat. Voir : Pierre Lemieux, Les contrats de l’Administration : fédérale, provinciale et municipale, Sherbrooke, Les Éditions Revue de droit, 1981, p. 41-48 ; Laurent Richer, « La contractualisation comme technique de gestion des affaires publiques », (2003) 19 Actualités jur. dr. admin. 973, 974. Un auteur considère que la multiplication de « services » dotés de la personnalité morale viendrait remettre en cause l’objection relative à l’interdiction du contrat avec soi-même. Voir Jean-Claude Douence, « Les conventions entre personnes publiques », dans Mélanges en l’honneur du professeur Michel Stassinopoulos, Paris, L.G.D.J., 1974, p. 113, à la page 114. En ce qui a trait précisément aux accords-cadres (framework agreements) établis entre les Next Step Agencies et leur ministère d’attache, Freeland voit une contradiction, l’objectif de ces ententes étant justement de créer une distinction fournisseur/acheteur, laquelle ne peut exister qu’en présence de personnalités juridiques réellement distinctes. Voir Mark Freeland, « Government by Contract and Public Law », [1994] P.L. 86, 89-90. Sur les framework agreements, voir Hugh Collins, Regulating Contracts, Oxford, Oxford University Press, 1999, p. 306. L’inégalité très importante entre les parties est également invoquée à l’encontre de l’idée que ces ententes pourraient constituer des contrats, de même que le coût associé à une hypothétique qualification contractuelle de ces ententes. Voir : J.-C. Douence, loc. cit., note 8, 114, 123-128 et H. Collins, op. cit., note 8, p. 315.
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[9]
Sur le thème général de la mise en concurrence de ces industries, voir : Dieter Helm et Tim Jenkinson (dir.), Competition in Regulated Industries, Oxford, Clarendon Press, 1998 ; et Christopher McCrudden (dir.), Regulation and Deregulation : Policy and Practice in the Utilities and Financial Services Industries, Oxford, Clarendon Press, 1999. Les exemples d’instruments négociés employés en vue de libéraliser certaines industries sont de deux types principaux. D’une part, il y a les instruments négociés employés en tant qu’outil de réglementation économique placée sous la responsabilité d’un organisme spécialisé. Au Royaume-Uni par exemple, l’Office of Communications (OFCOM) a accepté des engagements de la part de l’ancien monopole d’État British Telecommunications (BT) plutôt que de recourir à une procédure d’enquête, qui aurait probablement été plus longue et coûteuse. Ces engagements ont pour objet en particulier de garantir l’égalité d’accès des concurrents aux éléments essentiels du réseau de BT. Voir OFCOM, Final Statements on the Strategic Review of Telecommunications, and Undertakings in lieu of a Reference under the Enterprise Act 2002 – Statement, 22 septembre 2005, [En ligne], [www.ofcom.org.uk/consult/condocs/ statement_tsr/statement.pdf] (2 juin 2008). D’autre part, il y a le recours aux instruments négociés en droit de la concurrence. Sur la « contractualisation » du droit de la concurrence en général, voir Marie-Anne Frison-Roche, « Contrat, concurrence, régulation », (2004) 3 R.T.D. civ. 541.
-
[10]
L’exemple de la mise en concurrence du système de santé britannique vient immédiatement à l’esprit. Sur la corporatization en général, voir P. Vincent-Jones, op. cit., note 1, p. 176-180.
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[11]
Certains auteurs estiment que ce repositionnement marque un changement important dans le discours de la gauche traditionnelle. Voir Zaki Laïdi, « Qu’est-ce que la troisième voie ? », Esprit, mars 1999, p. 47-48. Pour d’autres, il s’agit en quelque sorte d’une tentative de réconcilier les tensions entre le socialisme et le libéralisme. Voir Mark Latham, « The Third Way : An Outline Statement », dans Anthony Giddens (dir.), The Global Third Way Debate, Malden, Polity Press, 2001, p. 25, aux pages 25 et 26. D’autres encore suspectent cette tentative de repositionnement de n’être qu’une diversion et une manière de solidifier l’« hégémonie néolibérale ». Pour un résumé commenté de ces critiques, voir Will Leggett, « Criticism and the Future of the Third Way », dans S. Hale, W. Legett et L. Martell, op. cit., note 5, p. 186.
-
[12]
Sur la troisième voie en général, voir Jane Lewis et Rebecca Surender, Welfare State Change. Towards a Third Way ?, Oxford, Oxford University Press, 2004. Les réformes des démocrates américains et de la gauche britannique, néerlandaise et suisse sont des exemples de cette mouvance. Voir Wolfgang Merkel, « The Third Ways of Social Democracy », dans A. Giddens (dir.), op. cit., note 11, p. 50, aux pages 57 à 68.
-
[13]
Anthony Giddens, The Third Way. The Renewal of Social Democracy, Cambridge, Polity Press, 1998, p. 65.
-
[14]
Id., p. 74-75.
-
[15]
Pour les tenants de la troisième voie, la société civile, notamment le secteur communautaire et associatif, doit jouer un rôle accru dans l’espace public, par la délégation des centres de décision et de la fourniture des services publics vers le bas. Voir : A. Giddens, op. cit., note 13, p. 73-74 et 78-86 ; M. Latham, loc. cit., note 11, 26.
-
[16]
Certains font ouvertement le lien entre l’« État contractuel » et la critique du modèle traditionnel. Voir Sylvie Trosa, Quand l’État s’engage. La démarche contractuelle, Paris, Éditions d’Organisation, 1999, chap. 2.
-
[17]
Sur la notion de « service public », voir Bertrand duMarais, Droit public de la régulation économique, Paris, Presses de Sciences Po et Dalloz, 2004, p. 72-96.
-
[18]
La notion de « régulation », issue de la littérature anglo-américaine, pénètre depuis plusieurs années déjà le monde francophone. Comme le remarque B. duMarais, cette notion emprunte plusieurs sens différents dans l’usage, ce qui provoque une certaine confusion. Il suggère la définition suivante (id., p. 483) : « L’ensemble des techniques qui permettent d’instaurer et de maintenir un équilibre économique optimum qui serait requis par un marché qui n’est pas capable, en lui-même, de produire cet équilibre. » Autrement dit, la régulation serait synonyme de réglementation économique. Elle peut être vue comme l’intervention de l’État dans les marchés dans le but d’instaurer ou de préserver la concurrence en raison d’imperfections ou de défaillances réelles ou perçues du marché. Cet auteur précise que la définition de la sociologie politique est plus large et peut englober des objectifs qui n’ont pas un caractère économique (p. 484) : « La régulation constitue […] l’ensemble des opérations consistant à concevoir des règles, à en superviser l’application, ainsi qu’à donner des instructions aux intervenants et régler les conflits entre eux lorsque le système de règles est perçu par eux comme incomplet ou imprécis. » Cela rejoint la définition proposée par P. Vincent-Jones, op. cit., note 1, p. 69-70.
-
[19]
Ces instruments économiques sont généralement présentés comme un complément ou une solution de remplacement à la réglementation. Pour le Québec, voir Ministère du Conseil exécutif (Québec), « Les instruments économiques et les mécanismes de marché : une solution de rechange à la réglementation », Bulletin électronique – L’allégement réglementaire, vol. 3, n° 1, avril 2007, [En ligne], [www.mce.gouv.qc.ca/bulletin_allegement/bulletin_sar_no6.htm] (2 juin 2008) et Ministère du Conseil exécutif (Québec), « Les solutions de rechange à la réglementation », Bulletin électronique – L’allégement réglementaire, vol. 2, n° 1, mai 2006, [En ligne], [www.mce.gouv.qc.ca/bulletin_allegement/bulletin_sar_no4.htm] (2 juin 2008). Pour le Canada, voir : Comité consultatif externe sur la réglementation intelligente (Canada), La réglementation intelligente. Une stratégie réglementaire pour le Canada. Rapport au gouvernement du Canada, 2004, p. 48-54, [En ligne], [epe.lac-bac.gc.ca/100/206/301/pco-bcp/committees/smart_regulation-ef/2006-10-11/www.pco-bcp.gc.ca/ smartreg-regint/fr/08/rpt_fnl.pdf] (2 juin 2008) ; Gouvernement du Canada, Évaluation, choix et mise en oeuvre d’instruments d’action gouvernementale, « Section 2 : Cadre analytique pour le choix des instruments », 2007, [En ligne], [www.reglementation.gc.ca/documents/gl-ld/asses-eval/asses-eval03-fra.asp#Toc175040370] (2 juin 2008). Pour l’Europe, voir Mandelkern Group on Better Regulation, Final Report, 13 novembre 2001, p. 15-16, [En ligne], [ec.europa.eu/governance/better_regulation/documents/mandelkern_report.pdf] (2 juin 2008). Ce rapport a jeté les bases de la nouvelle approche réglementaire de l’Union européenne. Il est question notamment de la logique du choix des instruments. Sur le recours aux instruments économiques en droit de l’environnement, voir CE, Commission, Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, Comité économique et social et au Comité de régions – Les accords environnementaux conclus au niveau communautaire dans le cadre du plan d’action « Simplifier et améliorer l’environnement réglementaire », Bruxelles, CE, 17 juillet 2002, COM (2002) 412 Final, p. 11, [En ligne], [eur-lex.europa.eu/LexUriServ/site/fr/com/2002/com2002_0412fr01.pdf] (2 juin 2008).
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[20]
La notion élastique d’« approche volontaire » est employée, particulièrement en droit de l’environnement, pour décrire tout un ensemble de pratiques qui ont peu à voir les unes avec les autres d’un point de vue juridique, mais qui ont pour dénominateur commun la volonté ou le consentement des administrés. Carraro et Lévêque décrivent trois types d’approches volontaires en matière de gestion environnementale. Le premier est le programme public de participation volontaire (public voluntary scheme), lequel consiste en l’adhésion par des entreprises à des normes définies par les autorités publiques en échange de privilèges ou d’avantages tels que des subventions, de l’assistance technique ou une certification écologique. Le deuxième type est l’engagement unilatéral (unilateral commitment). Dans ce cas, il s’agit pour une ou des entreprises de s’engager à respecter des normes par elles-mêmes définies. L’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) a réalisé une étude sur ce thème en 2001. Voir OCDE, Responsabilité des entreprises. Initiatives privées et objectifs publics. Gouvernance, Paris, OCDE, 2001, [En ligne], [www.oecd.org/dataoecd/58/12/35316082.pdf] (2 juin 2008). Enfin, le troisième type d’approche volontaire est l’accord négocié (negotiated agreement), pléonasme qui englobe apparemment des ententes de toutes sortes entre le gouvernement et une partie privée. Voir Carlo Carraro et François Lévêque (dir.), Voluntary Approaches in Environmental Policy, Dordrecht, Kluwer Academic, 1999, p. 2-3. Une typologie similaire est présentée dans Bruce Paton, « Voluntary Environmental Initiatives and Sustainable Industry », dans Patrick TenBrink (dir.), Voluntary Environmental Agreements. Process, Practice and Future Use, Sheffield, Greenleaf Publishing, 2002, p. 37, à la page 39. Par ailleurs, la contractualisation du droit de la concurrence est aussi motivée en partie par des objectifs d’efficacité administrative. Sur ce thème, voir en général M.-A. Frison-Roche, loc. cit., note 9.
-
[21]
Voir Emanuel S. Savas, Privatization and Public-Private Partnerships, New York, Chatham House, 2000, p. 111-125.
-
[22]
Sur ces critiques, voir la discussion sur les théories de la régulation : Robert Baldwin et Martin Cave, Understanding Regulation : Theory, Strategy and Practice, Oxford, Oxford University Press, 1999, p. 18-33 ; Bronwen Morgan et Karen Yeung, An Introduction to Law and Regulation : Text and Materials, Cambridge, Cambridge University Press, 2007, p. 16-78. Pour une synthèse de ces critiques du point de vue de l’analyse économique du droit, voir : Ejan Mackaay, L’analyse économique du droit, t. 1 : « Fondements », Montréal, Les Éditions Thémis, 2000, p. 230-235 ; sur un ton plus militant : Jean-Luc Migué, On n’a pas les gouvernements qu’on mérite : regard d’économiste sur les choix publics, Montréal, Éditions Carte blanche, 2007, p. 103-166.
-
[23]
M. Freeland, loc. cit., note 8, 86-88.
-
[24]
Sur les origines du système des agences exécutives, voir Daniel Mockle, « La gouvernance publique et le droit », (2006) 47 C. de D. 89, 145-153.
-
[25]
H. Collins, op. cit., note 8, p. 303.
-
[26]
P. Vincent-Jones, op. cit., note 1, p. 26.
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[27]
Le secteur du droit de l’environnement est particulièrement riche en exemples d’instruments négociés en vue de l’atteinte de ce type d’objectif. Voir : David A. Dana, « The New Contractarian Paradigm in Environmental Regulation », (2000) U. Ill. L. Rev. 35 ; D.A. Dana, « The Uncertain Merits of Environment Enforcement Reform : The Case of Supplemental Environmental Projects », (1998) 5 Wis. L. R. 1181 ; Robert B. Gibson, Voluntary Initiatives : The New Politics of Corporate Greening, Peterborough, Broadview Press, 1999 ; Paule Halley, « Les ententes portant immunité de poursuite et substitution de norme en droit de l’environnement québécois », (1998) 39 C. de D. 3 ; Eric W. Orts et Kurt Deketelaere (dir.), Environmental Contracts : Comparative Approaches to Regulatory Innovation in the United States and Europe, Londres, Kluwer Law International, 2001.
-
[28]
Ian Harden, The Contracting State, Buckingham, Open University Press, 1992, p. 3-5.
-
[29]
François Lichère, « Le phénomène de contractualisation de l’action publique », dans Rencontres franco-québécoises.Contractualisation, participation publique et protection de l’environnement, coll. « Faculté de droit de Montpellier. Actes de colloque », Université Montpellier I et Université Laval, 2007, p. 215.
-
[30]
Concernant les motivations derrière ce nouveau paradigme de gouvernance collaborative, voir Daniel Mockle, « L’évincement du droit par l’intervention de son double : les mécanismes néo-réglementaires en droit public », (2003) 44 C. de D. 297, 319-321.
-
[31]
Pour des exemples de situations où la qualification d’instruments négociés a été déterminante au Canada, voir Pierre Issalys et Denis Lemieux, L’action gouvernementale : précis de droit des institutions administratives, 2e éd., Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2002, p. 130-134.
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[32]
D’une part, on dit de l’acte administratif unilatéral, qu’il affecte les droits et obligations des sujets de droit. Voir Pierre Delvolvé, L’acte administratif, Paris, Éditions Sirey, 1983, p. 19-23. D’autre part, les juristes disent généralement du contrat qu’il a force obligatoire, c’est-à-dire qu’il est exécutoire et irrévocable et qu’il n’est pas modifiable unilatéralement, quoique ces règles connaissent en droit public comme en droit privé des exceptions importantes. En droit privé, voir Jean-Louis Baudouin et Pierre-Gabriel Jobin, Les obligations, 6e éd., avec la collaboration de Nathalie Vézina, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2005, p. 460-471. En droit public, voir Pierre Giroux et Denis Lemieux, Contrats des organismes publics québécois, Farnham, Publications CCH/FM, 1988, p. 1,701-2,906 (feuilles mobiles).
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[33]
Selon Ghestin, le contrat est un accord des volontés qui produit des effets de droit. Jacques Ghestin, « La notion de contrat », (1990) 12 Droits 7, 24. Il est intéressant de noter que cette définition est analogue à celle qui a été proposée par l’Office de révision du Code civil (ORCC). Voir Office de révision du Code civil (Québec), Rapport sur le Code civil du Québec, Québec, Éditeur officiel, 1977, t. 1 : « Projet du Code civil », p. 335-337 ; t. 2 : « Commentaires », p. 606-607. De plus, cette définition recueille l’adhésion d’une majorité d’auteurs civilistes. Voir par exemple : Gérard Cornu (dir.), Vocabulaire juridique, 6e éd., Paris, Presses universitaires de France, 2004, s.v. « convention » et « contrat » ; Hubert Reid (dir.), Dictionnaire de droit québécois et canadien, 3e éd., Montréal, Wilson & Lafleur, 2004, s.v. « convention » et « contrat ». La définition de Ghestin n’est pas non plus incompatible avec celles qu’en donne la littérature savante dans le monde anglo-américain. En somme, l’intérêt majeur de cette définition est qu’elle permet de présenter une conception relativement unifiée de la notion de contrat, au-delà des distinctions relatives au contrat administratif et au contrat de droit privé. La définition de Ghestin permet, en outre, de marquer des points de convergence entre les traditions juridiques de common law et de droit civil.
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[34]
Le terme « critère » est employé ici pour décrire les notions permettant de distinguer les catégories juridiques les unes des autres, d’en tracer les contours et de qualifier juridiquement les pratiques administratives.
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[35]
Ce principe n’est pas absolu, même en droit privé, puisque les idées de bonne foi, d’équité, d’utilité, de justice et d’ordre public jouent aussi un rôle prépondérant. Voir J.-L. Baudouin, P.-G. Jobin et N. Vézina, op. cit., note 32, p. 112-244. Il est devenu difficile d’échapper au constat de l’avancée en droit positif d’une conception dirigiste du contrat aux dépens d’une conception plus libérale. Voir Maurice Tancelin, Des obligations : actes et responsabilités, Montréal, Wilson & Lafleur, 1997, p. 32-38, qui résume bien les deux conceptions.
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[36]
Sur ce thème, voir par exemple Sophie Nicinski, « Le dogme de l’autonomie de la volonté en droit public des contrats », dans Guylain Clamour et Marion Ubaud-Bergeron (dir.), Contrats publics :mélanges en l’honneur du professeur Michel Guibal, t. 1, Montpellier, Presses de la Faculté de droit de Montpellier, 2006, p. 45, aux pages 47 à 50.
-
[37]
Le droit français a tendance à concevoir le contrat administratif comme une catégorie distincte de celle du contrat de droit privé, puisqu’il est sujet au contentieux administratif et que la personne publique est autorisée à mettre en oeuvre des prérogatives liées à l’intérêt général. Cette posture traditionnelle est remise en question de nos jours. Voir Jean Waline, « La théorie générale du contrat en droit civil et en droit administratif », dans Gilles Goubeaux et autres (dir.), Études offertes à Jacques Ghestin : le contrat au début du XXIe siècle, Paris, L.G.D.J., 2001, p. 965. En common law, la séparation droit public/droit privé n’est pas aussi nette qu’en droit français, même si plusieurs auteurs s’intéressent de façon distincte aux government contracts ou aux public contracts. En raison de la conception de la rule of law telle qu’elle est défendue par Dicey, le contrat passé par une autorité publique n’est pas conçu différemment du contrat de droit privé en théorie, bien que des règles particulières s’appliquent aux contrats auxquels l’État est partie. Voir : H.G. Beale (dir.), Chitty on Contracts, 29e éd., t. 1, Londres, Thompson Sweet & Maxwell, 2004, partie III, chap. 10 ; Patrick Birkinshaw, « Contrats publics et contractualisation de l’action publique : un point de vue anglais », (2006) 5 Rev. fr. dr. admin. 1015. Le droit public québécois étant tributaire de la common law, il n’est pas surprenant que sa théorie du contrat administratif soit liée de très près à celle du contrat de droit privé. Le droit québécois considère que les règles du droit commun applicables aux contrats de droit privé s’appliquent aux contrats administratifs, auxquels les règles issues du droit public peuvent déroger. Voir : Code civil du Québec, L.Q. 1991, c. 64, art. 1376 ; P. Giroux et D. Lemieux, op. cit., note 32, p. 525 à 550.
-
[38]
En droit français, voir : Charles Debbasch et Frédéric Collin, Droit administratif, Paris, Économica, 2004, p. 462 ; Jean-Baptiste Seube, « Contrats privé – Contrats administratifs : points de convergence ? », dans G. Clamour et M. Ubaud-Bergeron (dir.), op. cit., note 36, p. 367 ; Marcel Sinkondo, « La notion de contrat administratif : acte unilatéral à contenu contractuel ou contrat civil de l’administration », (1993) R.T.D. civ. 239 ; J. Waline, loc. cit., note 37, 965. En common law, voir Geoffroy C. Cheshire, Cheshire, Fifoot and Furmston’s Law of Contract, Londres, Butterworths, 1996, p. 24.
-
[39]
J. Ghestin, loc. cit., note 33, 18.
-
[40]
Voir, par exemple, Dawn Olivier, Common Values and the Public-Private Divide, Londres, Butterworths, 1999.
-
[41]
Pour une synthèse de ce débat en France et en Grande-Bretagne, voir Mark Freeland et Jean-Bernard Auby, The Public/Private Law Divide. Une entente assez cordiale ? La distinction du droit public et du droit privé : regards français et britanniques, Oxford, Hart Publishing, 2006.
-
[42]
Sur les origines du débat sur la juridicité, voir André-Jean Arnaud, « Essai d’une définition stipulative du droit », (1989) 10 Droits 11.
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[43]
Pour une critique du positivisme dans le monde anglo-américain, voir en particulier : Ronald M. Dworkin, « The Model of Rules », (1967-1968) 35 U. Chicago L. Rev. 14 ; Lon L. Fuller, « Positivism and Fidelity to Law – A Reply to Professor Hart », (1957-1958) 71 Harv. L. Rev. 630. Sur les limites théoriques du positivisme et sur le caractère essentiel de la moralité à l’existence du droit, voir Lon L. Fuller, The Morality of Law, New Haven, Yale University Press, 1969, p. 33-94.
-
[44]
John Austin, Lectures on Jurisprudence or the Philosophy of Positive Law, 5e éd., Glashütten im Taunus, Verlag Detlev Auvermann, 1972 ; Herbert L.A. Hart, « Positivism and the Separation of Law and Morals », (1958) 71 Harv. L. Rev. 593.
-
[45]
Hans Kelsen, Théorie générale du droit et de l’État, traduction par Béatrice Laroche et Valérie Faure, Paris, L.G.D.J., 1997, p. 55-99.
-
[46]
Herbert L.A. Hart, The Concept of Law, Oxford, Clarendon Press, 1961, p. 6-16.
-
[47]
Id., p. 44-76, pour un aperçu de cette doctrine et de ses critiques.
-
[48]
Pour une synthèse des débats sur le caractère circulaire de ce raisonnement, voir Scott J. Shapiro, « On Hart’s Way Out », (1998) 4 Legal Theory 469.
-
[49]
Voir Denys de Béchillon, Qu’est-ce qu’une règle de droit ?, Paris, Éditions Odile Jacob, 1997, p. 59-94. Pour une explication de l’origine et de l’évolution de l’idée largement critiquée voulant que la sanction se définisse par la contrainte et le droit par la sanction, voir Charles-Albert Morand, « La sanction », (1990) 35 Archives de philosophie du droit 293.
-
[50]
D. de Béchillon, op. cit., note 49, p. 239-261.
-
[51]
Paul Amselek, « Le droit, technique de direction publique des conduites humaines », (1989) 10 Droits 7, 10.
-
[52]
Jean Carbonnier, Flexible droit : textes pour une sociologie du droit sans rigueur, Paris, L.G.D.J., 2001, p. 18.
-
[53]
Sur les approches sociologiques de la définition du droit, voir Roger Cotterrell, The Sociology of Law : An Introduction, Londres, Butterworths, 1984, p. 41-47. Voir également Jacques Caillosse, « Sur la progression en cours des techniques contractuelles d’administration », dans Loïc Cadiet (dir.), Le droit contemporain des contrats : bilan et perspectives, Paris, Économica, 1987, p. 89, aux pages 117 à 123, qui résume la critique de certains sociologues envers l’approche de la science juridique à l’égard de la définition du droit et de la « contractualisation ».
-
[54]
Il est possible de distinguer trois grandes catégories de normes pararéglementaires : les énoncés de politique, les chartes d’usagers et les directives. Ces catégories sont ici différenciées pour des raisons de commodité, car il faut savoir que le vocabulaire employé pour les décrire, bien qu’il soit très éclaté, n’est pas déterminant pour les qualifier juridiquement. Daniel Mockle constate en effet le déclin du critère formel. Voir Daniel Mockle, Recherches sur les pratiques administratives pararéglementaires, Paris, L.G.D.J., 1984, p. 48-101. L’arrêt Friends of the Oldman River Society c. Canada (Ministre des Transports), [1992] 1 R.C.S. 3, 36, est clair sur ce point : le libellé employé ne doit pas être examiné « en vase clos ». En général, les énoncés de politique (livre blanc, plan d’action, plan de travail, plan stratégique) décrivent une mission, formulent des objectifs, des orientations, des principes ou des cibles à atteindre, leur caractère contraignant étant limité même sur le plan de la forme. Ils ont surtout pour objet de « programmer l’action publique », et non de l’encadrer juridiquement. Il faut relever qu’un débat existe dans la doctrine quant à la nature juridique réelle des énoncés de politique. Voir Daniel Mockle, « Gouverner sans le droit ? Mutation des normes et nouveaux modes de régulation », (2002) 43 C. de D. 143, 168-171. Les chartes d’usagers (déclarations de droits ou déclarations de services), qui ont des objectifs internes (sur l’autorité elle-même) et externes (sur les administrés), ont un statut plus nuancé. Sur le plan interne, il s’agit d’accroître l’efficacité et la qualité en mettant sur papier des obligations, lesquelles renforcent l’emprise des gestionnaires sur les exécutants, orientent le comportement des fonctionnaires et créent des attentes quant aux résultats. Sur le plan externe, il s’agit d’accroître la confiance du public en l’administration. Certaines chartes auraient un effet exécutoire réel, alors que d’autres ne serviraient qu’à planifier l’action publique. Voir D. Mockle, loc. cit., 171-178. Il arrive que les déclarations de service comprennent un droit de recours à un tiers indépendant permettant à une personne qui s’estime lésée de déposer une plainte à un tiers ou à un organe responsable, tel qu’un bureau ou une commission. Voir, par exemple, Immigration et Communautés culturelles (Québec), Déclaration de services aux citoyens, [En ligne], 25 avril 2008, [www.micc.gouv.qc.ca/fr/ministere/declaration-services.html] (3 juin 2008). Enfin, les directives (guides, directives, fiches d’information, règles, instructions, mémorandums, manuels et circulaires administratives) ont des effets juridiques marqués, sur le plan tant procédural que matériel. Les directives peuvent en effet avoir une valeur interprétative déterminante, influer sur la teneur de la loi, créer des droits au profit de tiers, créer un test juridique, établir des garanties procédurales, structurer un processus décisionnel, créer des normes additionnelles à celles qui sont prévues dans la loi ou les règlements, imposer un code de conduite obligatoire à des titulaires d’autorisations et limiter des libertés reconnues sur le plan constitutionnel. Voir : France Houle, Les règles administratives et le droit public : aux confins de la régulation juridique, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2001, p. 122-205 ; P. Issalys et D. Lemieux, op. cit., note 31, p. 563-576.
-
[55]
Tel est le cas, du moins, en droit canadien, à moins que la loi ne prévoie une règle différente. Voir Pezim c. Colombie-Britannique (Superintendant of Brokers), [1994] 2 R.C.S. 557, par. 75.
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[56]
Voir D. Mockle, op. cit., note 54. Les travaux récents du même auteur vont aussi en ce sens. Voir D. Mockle, loc. cit., note 30, 301, 302 et 347-354.
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[57]
Voir les numéros spéciaux de la revue Droits (1989 et 1990), nos 10 et 11, et D. Mockle, loc. cit., note 30, 310-315. Les objections à une telle définition sont généralement de trois ordres. D’abord, pour dissocier le couple droit et État, certains soulignent l’apparition dans les sociétés contemporaines du droit infraétatique et supraétatique. La deuxième objection, liée à la première, renvoie à la genèse de la puissance publique. Oppetit observe que, « si l’État est lui-même soumis au droit, il ne peut y avoir logiquement d’antériorité de l’État par rapport au droit ; corrélativement l’État ne saurait être la source de tout droit ». Voir Bruno Oppetit, « Le droit hors de la loi », (1989) 10 Droits 47. Enfin, la troisième objection est le refus d’admettre que le droit puisse avoir des frontières claires et précises. C’est l’hypothèse de la gradation du droit au non-droit.
-
[58]
Les dispositions relatives au contrat qui se trouvent dans les codes civils québécois et français font fortement ressortir l’idée d’obligation. Voir en particulier les articles 1433 et 1590 C.c.Q., ainsi que les articles 1101 et 1134 à 1145 du Code civil français (ci-après cité : « C. civ. »). Essentiellement, le système civiliste est bâti sur le modèle conceptuel contrat-obligation-exécution. La production d’effets de droit est une composante essentielle de ce modèle.
-
[59]
En droit civil, voir : Paul-André Crépeau, « La fonction du droit des obligations », (1998) 43 R.D. McGill 729, 748 ; Andrée Lajoie, Contrats administratifs : jalons pour une théorie, Montréal, Éditions Thémis, 1984, p. 15 et suiv. ; Didier Lluelles et Benoît Moore, Droit québécois des obligations, t. 1, Montréal, E´ditions The´mis, 1998, p. 57. La nature contentieuse du droit anglo-américain explique sans doute la place importante que cette tradition accorde à la « production d’effet de droit » ou à des critères similaires pour définir le contrat. Un auteur adopte carrément une définition renvoyant essentiellement à l’existence d’un recours. Voir John D. Calamari, The Law of Contracts, St. Paul, West Pub., 1977, p. 1. Par contre, la doctrine de common law emploie habituellement deux expressions moins directement liées à l’existence d’un recours pour définir le contrat, soit le caractère exécutoire (« which the law will enforce » ; « binding force of contracts ») ou une formule plus diluée qui renvoie à la reconnaissance par le droit ou à l’existence d’un devoir (« recognized by law » ; « recognized as a duty »). Voir par exemple : H.G. Beale (dir.), op. cit., note 37, p. 3, 4, 14-16 ; Grover C. Grismore, Principles of the Law of Contracts, Indianapolis, Bobbs-Merill, 1965, p. 1 ; Ewan McKendrick, Contract Law, Basingstoke, Palgrave McMillan, 2003, p. 4 et 5 ; Jill Poole, Textbook on Contract Law, 7e éd., Oxford, Oxford University Press, 2004, p. 1 ; Sir John William Salmond et Percy H. Winfield, Principles of the Law of Contracts, Londres, Sweet & Maxwell, 1927, p. 1 ; Sir Guenter Treitel, The Law of Contracts, Londres, Sweet & Maxwell, 2003, p. 1.
-
[60]
En effet, plusieurs types de relations ou d’obligations à caractère non unilatéral existent en marge du droit des contrats (ententes officieuses ou mondaines, obligations insignifiantes ou de peu d’importance, devoirs de conscience, obligations morales, obligations ajuridiques). Voir J.-L. Baudouin, P.-G. Jobin et N. Vézina, op. cit., note 32, p. 28-32. Les situations où les parties n’ont pas voulu s’assujettir au droit sont ainsi exclues du domaine contractuel. Le raisonnement est le même en common law, qui se refuse le plus souvent à forcer l’exécution des gentlemen’s agreements. Voir : Mindy Chen-Wishart, Contract Law, Oxford, Oxford University Press, 2005, p. 110-114, et John D. McCamus, The Law of Contracts, coll. « Essentials of Canadian Law », Toronto, Irwin Law, 2005, p. 111-136. Selon la même logique, les gentlemen’s agreements de droit public, ou déclarations d’intention, sont généralement exclus du domaine contractuel. Voir : J. Ghestin, loc. cit., note 33, 19 ; Collin Turpin, Government Procurement and Contracts, Harlow, Longman, 1989, p. 84.
-
[61]
Michelle Cumyn, « La contractualisation de l’action publique : contrat juridique ou contrat social ? », (2006) 47 C. de D. 677, 696-700.
-
[62]
D. Mockle, loc. cit., note 24, 307 ; D. Mockle, loc. cit., note 30.
-
[63]
Voir : André Holleaux, « Vers un ordre juridique conventionnel », Bulletin de l’Institut international d’administration publique (I.I.A.P.), vol. 32, octobre-décembre 1974, p. 667-691 ; Pierre Issalys, Répartir les normes : le choix entre les différentes formes d’action étatique, rapport de recherche, Québec, Société de l’assurance automobile du Québec, 2000, p. 13.
-
[64]
Voir supra, note 33.
-
[65]
Voir par exemple : Camille Jauffret-Spinosi, « Le domaine du contrat. Rapport français », dans Denis Tallon (dir.), Le contrat aujourd’hui, comparaisons franco-anglaises, Paris, L.G.D.J., 1987, p. 91, à la page 95 ; Christian Larroumet (dir.), Droit civil. Les obligations : le contrat, 4e éd., coll. « Droit civil », Paris, Économica, 2004, p. 37 ; Pierre Legrand, « Contrat et non-contrat : scolies sur l’indétermination en jurisprudence québécoise », (1992) 23 R.G.D. 235 ; M. Tancelin, op. cit., note 35, p. 29 et 30.
-
[66]
Voir par exemple : Randy E. Barnett, « A Consent Theory of Contract », (1986) 86 Colum. L. Rev. 269 ; Gerard H.L. Fridman, The Law of Contract in Canada, 4e éd., Scarborough, Carswell, 1999, p. 13 ; E. McKendrick, op. cit., note 59, p. 4 et 5 ; G. Treitel, op. cit., note 59, p. 1.
-
[67]
Les auteurs critiques remarquent avec raison que le critère de l’accord des volontés est souvent, dans une large mesure, une fiction juridique. En effet, la négociation précontractuelle n’a pas nécessairement à être parfaitement libre, ni les parties égales pour qu’une situation puisse être qualifiée de contractuelle. C’est du moins le constat que retient la littérature savante du droit privé et du droit public. Comme l’a observé Henri Battifol dans un article désormais classique, la conception consensualiste du contrat s’est dissoute depuis plus d’un siècle. Voir Henri Battifol, « La crise du contrat et sa portée », (1968) 13 Archives de philosophie du droit 13. Ces bouleversements n’ont cependant pas d’impact sur la qualification du contrat, puisque le consentement, au sens juridique, ne renvoie pas directement à la volonté interne ou psychologique des parties contractantes. Voir J. Ghestin, loc. cit., note 33, 14. Il correspond davantage à la reconnaissance par le droit d’une mécanique d’échange de consentements gouvernée par des règles détaillées concernant l’offre et l’acceptation, les qualités et les vices du consentement ainsi que la capacité (art. 1386-1409 C.c.Q. ; art. 1109-1125-1 C. civ.). Voir Jacques Ghestin, Traité de droit civil. La formation du contrat, 3e éd., Paris, L.G.D.J., 1993, p. 3. Des principes jurisprudentiels jouent un rôle semblable en common law. Voir J.D. McCamus, op. cit., note 60, p. 31-90. Du reste, plusieurs théories font concurrence à celle de l’autonomie de la volonté pour expliquer le caractère exécutoire du contrat. Voir : M. Chen-Wishart, op. cit., note 60, p. 20-34 ; Jacques Ghestin, « L’utile et le juste dans les contrats », (1981) 26 Archives de philosophie du droit 35 ; Éric Savaux, La théorie générale du contrat : mythe ou réalité ?, Paris, L.G.D.J., 1997, p. 264-279. En droit public, le problème de la négociation précontractuelle se pose en d’autres termes. D’abord, la capacité de modifier unilatéralement les clauses du contrat et la subordination de la partie privée à l’administration publique a suscité des questionnements importants au sein de la doctrine. Pour un aperçu, voir Shannon K. O’Byrne, « Public Power and Private Obligation : An Analysis of the Government Contract », (1992) 14 Dal. L.J. 485, 508-518. Par ailleurs, certaines personnes s’interrogent sur la liberté réelle dont jouit l’administration publique qui signe un contrat, le cocontractant bénéficiant parfois d’un monopole et la liberté de contracter étant, du point de vue de l’administration publique, plutôt illusoire dans certains cas.
-
[68]
L’acte juridique est une « [m]anifestation de volonté qui entraîne des conséquences juridiques, qui est destinée à produire des effets de droit » : H. Reid (dir.), op. cit., note 33, p. 18, s.v. « acte juridique ».
-
[69]
Le fait juridique est un « [é]vénement auquel la loi attache des conséquences juridiques sans que celles-ci aient été volontairement recherchées par l’individu auquel on l’attribue » : H. Reid (dir.), op. cit., note 33, p. 245, s.v. « fait juridique ».
-
[70]
L’article de Benoit Moore, « De l’acte et du fait juridique ou d’un critère de distinction incertain », (1997) 31 R.J.T. 277, résume bien les critiques de la distinction acte juridique/fait juridique. La notion même de source d’obligations est controversée. Pour une synthèse du débat sur cette question, voir D. de Béchillon, op. cit., note 49, p. 218 et 219.
-
[71]
Voir G.H.L. Fridman, op. cit., note 66, p. 9-12 ; Roger Halson, Contract Law, Harlow, Longman, 2001, p. 9 ; J.D. McCamus, op. cit., note 60, p. 13-18.
-
[72]
Pour un aperçu des théories majoritaires et des thèses plus marginales, voir : Stephen A. Smith, Contract Theory, Oxford, Oxford University Press, 2004, p. 43-46 ; Richard Stone, The Modern Law of Contract, 5e éd., Londres, Cavendish, 2002, p. 4-7.
-
[73]
Voir par exemple : M. Chen-Wishart, op. cit., note 60, p. 1 ; Allan E. Farnsworth, Contracts, New York, Aspen, 2004, p. 3 ; J.D. McCamus, op. cit., note 60, p. 14 ; Denis Tallon, « The Notion of Contract : A French Jurist’s Naive Look at Common Law Contract », dans David S. Clark (dir.), Comparative and Private International Law : Essays in Honor of John Henry Merryman on his Seventieth Birthday, Berlin, Dunker & Humblot, 1990, p. 288.
-
[74]
Voir par exemple : J.D. Calamari, op. cit., note 59, p. 30 et 31 ; M. Chen-Wishart, op. cit., note 60, p. 37-39 ; G.H.L. Fridman, op. cit., note 66, p. 4 et 5 ; R. Stone, op. cit., note 71, p. 7.
-
[75]
D. de Béchillon, loc. cit., note 8, 19. C’est ainsi que la consultation n’a pas pour effet de rendre contractuel ce qui est unilatéral. « [La] pluralité d’acteurs n’est pas pour autant incompatible avec l’unilatéralité de l’acte » : P. Delvolvé, op. cit., note 32, p. 14. L’acte unilatéral est donc celui qui modifie l’ordonnancement juridique sans le consentement des intéressés. Voir P. Issalys et D. Lemieux, op. cit., note 31, p. 130.
-
[76]
P. Issalys et D. Lemieux, op. cit., note 31, p. 599-711.
-
[77]
Id., p. 713-811.
-
[78]
Id., p. 813-884.
-
[79]
Id., p. 1099-1173.
-
[80]
Id., p. 881-884. Il est intéressant de voir que Françoise Saint-Martin, « L’utilisation des contrats comme mode de participation des parties privées à la détermination des normes », dans Actes de la XVe Conférence des juristes de l’État, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2002, p. 61, aux pages 66 à 69, situe le régime des autorisations juste à côté de celui des contrats.
-
[81]
Cela est particulièrement vrai lorsque la négociation met en cause une multitude d’acteurs. En raison de la nature et de l’importance des questions en jeu, les domaines de l’aménagement de l’espace et de la réglementation économique sont particulièrement sujets à la multilatéralité. Voir P. Issalys et D. Lemieux, op. cit., note 31, p. 843. Lorsque le citoyen ou l’entreprise qui demande une autorisation se trouve dans la position non pas d’un bénéficiaire de services publics mais d’un cocontractant investi de droits et d’obligations (tarification des services et logique de l’usager), le rapport administration/administré se rapproche encore du modèle du contrat.
-
[82]
Cette tendance est particulièrement visible dans le domaine du droit de l’environnement (systèmes d’échanges de quotas d’émissions). Pour une synthèse, voir Daniel Delalande, « Comment crée-t-on un marché ? Le cas des marchés de permis négociables », Concurrence et régulation des marchés. Cahiers français, vol. 313, mars-avril 2003, p. 15-19. Les droits de transfert d’autorisations se développent en outre dans le domaine des télécommunications (gestion du spectre électromagnétique). Ce type de régime est appliqué, par exemple, au Royaume-Uni. Voir OFCOM (Royaume-Uni), Trading Guidance Notes, [En ligne], [www.ofcom.org.uk/radiocomms/ifi/trading/tradingguide/] (3 juin 2008).
-
[83]
Voir P. Issalys et D. Lemieux, op. cit., note 31, p. 1114.
-
[84]
Par exemple, le Secrétariat à l’action communautaire autonome fonctionne largement par ententes de services. Voir Secrétariat à l’action communautaire autonome (Québec), Cadre de référence en matière d’action communautaire, 9 mars 2007, p. 8 et 22, [En ligne], [www.mess.gouv.qc.ca/saca/action-communautaire/cadre-reference.asp] (3 juin 2008). Voir également Emploi et Solidarité sociale (Québec),Politique gouvernementale. L’action communautaire : une contribution essentielle à l’exercice de la citoyenneté et au développement social du Québec, 22 février 2008, p. 33, [En ligne], [www.mess.gouv.qc.ca/saca/action-communautaire/ politique-reconnaissance-soutien.asp] (3 juin 2008).
-
[85]
P. Delvolvé, op. cit., note 32, p. 36-39 et p. 75-80.
-
[86]
Voir : André deLaubadère, Franck Moderne et Pierre Delvolvé, Traité des contrats administratifs, t. 1, 2e éd., Paris, L.G.D.J., 1983, p. 97-100 et Yves Madiot, Aux frontières du contrat et de l’acte administratif unilatéral : recherches sur la notion d’acte mixte en droit public français, Paris, L.G.D.J., 1971.
-
[87]
Voir Léon Duguit, Traité de droit constitutionnel, t. 1, Paris, A. Fontemoing, 1921, p. 292 et suiv.
-
[88]
Voir Didier Truchet, « Le contrat administratif, qualification juridique d’un accord de volontés », dans L. Cadiet, op. cit., note 53, p. 185, à la page 193.
-
[89]
Voir A. deLaubadère, F. Moderne et P. Delvolvé, op. cit., note 86, p. 59-66.
-
[90]
Voir Peter Vincent-Jones, « The Limits of Contractual Order in Public Sector Contracting », (1994) 14 L.S. 364, 366-368.
-
[91]
Voir Carol Harlow et Richard Rawlings, Law and Administration, Londres, Butterworths, 1997, p. 210-213.
-
[92]
Il distingue ainsi trois types d’instruments : les administrative contracts (objectif de transparence et d’efficacité de l’administration publique), les economic contracts (objectif de concurrence ou de délégation) et les social control contracts (objectif de structuration des relations entre les individus et l’État). Voir P. Vincent-Jones, op. cit., note 1, p. 21-23.
-
[93]
Voir F. Saint-Martin, loc. cit., note 80, 66. Voir également Geoffroy Hazard Jr. et Eric W. Orts, « Environnemental Contracts in the United States », dans Eric W. Orts et Kurt Deketelaere (dir.), op. cit., note 27, p. 71, à la page 81, qui présentent la régulation et les contrats comme les deux extrémités d’une gamme.
-
[94]
Voir Verina Ingram, « From Sparring Partners to Bedfellows : Joint Approaches to Environmental Policy-Making », European Environment, vol. 9, n° 2, 1999, p. 41, 42.
-
[95]
Voir Pierre Lascoumes et Jérôme Valluy, « Les activités publiques conventionnelles (APC) : un nouvel instrument de politique publique ? L’exemple de la protection de l’environnement industriel », Sociologie du travail, vol. 4, 1996, p. 551.
-
[96]
Un texte récent de Jacques Caillose sensibilise d’ailleurs le juriste, de façon convaincante, à cette nécessaire ouverture sur les sciences sociales pour comprendre le « tournant contractuel » de l’action publique. Voir Jacques Caillose, « Interrogations méthodologiques sur le « tournant » contractuel de l’action publique », dans G. Clamour et M. Ubaud-Bergeron (dir.), op. cit., note 36, p. 469.
-
[97]
Voir l’article précurseur de Michel Vasseur, « Un nouvel essor du concept contractuel. Les aspects juridiques de l’économie concertée et contractuelle », (1964) 62 R.T.D. civ. 5.
-
[98]
Voir Richard Moulin et Pierre Brunet, Droit public des interventions économiques, Paris, L.G.D.J., 2007, p. 190-201.
-
[99]
En général, voir Jean-Bernard Auby, « Comparative Approaches to the Rise of Contract in the Public Sphere », [2007] P.L. 40. Sur ces questionnements dans le contexte particulier du droit de l’environnement, voir Paule Halley, « Le droit, l’environnement et la déréglementation au Québec », dans Service de la formation permanente, Barreau du Québec,Développements récents en droit de l’environnement, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 1997, p. 343, aux pages 361 à 379.
Liste des tableaux
Tableau
Paramètres et catégories du cadre conceptuel du droit public
|
Unilatéralité |
Accord des volontés |
---|---|---|
Juridique (caractère obligatoire, effets de droit) |
Acte administratif unilatéral (lois, règlements, etc.) |
Contrat public, administratif ou gouvernemental |
Non juridique |
Norme pararéglementaire |
Entente « non juridique » ? |