L’histoire régionale est importante. Son écriture permet de dynamiser la recherche sur des aspects d’intérêt local à partir d’une documentation parfois négligée. Réduisant le champ d’investigation à un territoire contraint et à une population restreinte, les études régionales permettent d’explorer par le fin détail les dynamiques locales. Elles permettent aussi de souligner méticuleusement le parcours de certains individus. Le dernier livre de l’historien retraité de l’Assemblée nationale Gaston Deschênes, Un pays rebelle : la Côte-du-Sud et la guerre de l’Indépendance américaine, paru début 2023, correspond à ces aspirations. Trente-cinq ans après la première parution de l’Année des Anglais, quatorze ans après sa réédition revue et augmentée, Deschênes propose une suite à l’histoire de cette région rurale localisée sur les berges méridionales du fleuve Saint-Laurent. La première partie se veut une synthèse chronologique des principaux évènements conséquents ayant touché la région : l’appel aux armes du gouverneur Guy Carleton, l’invasion des troupes commandées par le colonel Benedict Arnold et le général Richard Montgomery à l’été 1775, le siège de Québec et ses suites immédiates et finalement les troupes de mercenaires allemands venus appuyer les troupes britanniques dont quelques-uns resteront et feront souche. Une justification de ce découpage aurait été la bienvenue. Le Journal de François Baby, Gabriel Taschereau et Jenkin Williams constitue l’ossature du propos de la première partie. Deschênes le cite abondamment au point que les renvois en bas de page semblent avoir été escamotés par endroit, ce qui porte à confusion. Ce document unique aurait gagné à être mieux présenté et critiqué, en particulier considérant l’identité des auteurs. François Baby, seigneur, marchand et fonctionnaire proche du gouverneur Guy Carleton, est un acteur important de la saga ayant mené à la mise en place de l’Acte de Québec en 1774, cause non négligeable de l’invasion du Canada par les troupes du Congrès. Seigneur de Sainte-Marie-de-la-Nouvelle-Beauce, Gabriel Taschereau est un participant à la défense de Québec resté fidèle à la couronne britannique. Son manoir est pillé par ses censitaires et les troupes étatsuniennes. Si plusieurs seigneurs de la Côte-du-Sud s’enrôlent sous les drapeaux, plusieurs font profil bas au moment de l’appel à la mobilisation des censitaires. Jenkins Williams est un avocat proche du régime. Fonctionnaire impérial, il est nommé en 1773 commissaire au côté d’Adam Mabane et Thomas Dunn en remplacement du juge en chef de la province. C’est aussi un propriétaire foncier prospère qui deviendra seigneur en 1777. Leurs motivations, tout comme leurs influences auprès des habitants des seigneuries, auraient mérité plus d’analyse. Certes, plusieurs ne résident pas sur leur terre, mais c’est un peu court. L’essentiel du propos de Deschênes se concentre sur le rôle des curés, s’appuyant sur quelques archives paroissiales, la correspondance et les mandements édités de l’évêque Jean-Olivier Briand. Longuement citées sans angle d’analyse explicite, ces lettres semblent montrer que l’épisode de 1775-1776 provoque plusieurs remises en cause de la culture de la déférence circonscrite par J.G.A Pocock. Un peu de contexte sur l’influence du clergé depuis la Conquête aurait été pertinent. Si le déploiement des sources est riche, l’analyse est à bien des endroits lacunaires. Le rôle pris par certaines femmes dans la mobilisation prorebelle, comme la veuve Gabourie, née Basilisse Corrivaux, de Saint-Vallier, aurait nécessité un peu plus d’attention que n’en accorde Deschênes. Surnommée « la reine d’Hongrie » cette femme et au moins deux autres – l’une à Saint-Pierre de l’Île-d’Orléans et l’autre à Sainte-Marie de Nouvelle Beauce – tiennent « des assemblées chez elles où elle soulevait les esprits contre le gouvernement ». Ce surnom d’ailleurs offert à ces femmes qui se mêlent de politique est intrigant. À lire le …
Gaston Deschênes, Un pays rebelle : la Côte-du-Sud et la guerre de l’Indépendance américaine, Québec, Septentrion, 2023, 252 p.
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Mathieu Perron
Université du Québec à Trois-Rivières
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