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Je suis la 5e des 7 enfants de Simonne Monet Chartrand et Michel Chartrand[2]. Mes parents ont choisi d’élever leurs enfants dans la nature. J’ai passé mon enfance dans les années 1950 à Varennes, puis à Boucherville et à Longueuil. À la maison, les questions sociales et politiques étaient très présentes. Je me suis politisée très jeune. J’ai commencé à enseigner au secondaire en 1967 après avoir obtenu le baccalauréat français. J’ai passé l’essentiel de ma vie en éducation : dans l’enseignement secondaire, dans des organismes d’éducation populaire et dans l’enseignement universitaire après avoir fait des études doctorales en didactique du français. Après ma retraite de l’Université Laval, j’ai mis sur pied un collectif citoyen pour contribuer à l’amélioration du système scolaire. Le collectif Debout pour l’école ![3] travaille à la promotion d’une école de qualité et équitable. De nombreux engagements militants ont parcouru ma vie[4].

Le coup d’État militaire au Chili et l’onde de choc au Québec

Quand le coup d’État est survenu le 11 septembre 1973, j’habitais à Montréal. Je travaillais depuis quelques mois au Secrétariat Québec-Amérique latine (SQAL) et au Centre de formation populaire (CFP). L’animateur communautaire Louis Favreau, un des fondateurs du SQAL, et d’autres membres du CFP m’avaient recrutée au printemps 1973. Nous y travaillions vraiment très fort pour des salaires minables. Mais ce n’était pas important, l’argent ne m’a jamais intéressé. Nous faisions de la formation de type sociopolitique avec toutes sortes de mandats auprès de différents groupes sociaux dans les milieux populaires du Québec, syndiqués ou pas. J’y ai travaillé jusqu’en 1980.

Le coup d’État ne fut pas une surprise dans nos cercles du SQAL et du CFP. Nous attendions le renversement du gouvernement d’Allende d’une façon ou d’une autre. Il y a d’ailleurs eu le Tanquetazo en juin 1973[5]. On savait que les militaires n’allaient pas accepter de laisser en place un gouvernement socialiste au Chili et encore moins les États-Unis d’Amérique. Mais ce fut tout de même un coup de poing au visage de plusieurs. Beaucoup de gens pressentaient qu’une action importante allait survenir pour tenter de mettre à mal l’Unité populaire et la mobilisation populaire, mais on ne pouvait pas prévoir exactement quand elle viendrait, ni quelle forme elle prendrait.

Le golpe (coup d’État) a donc été vécu comme un choc par plusieurs au Québec. Ce sont tous les espoirs d’un peuple, en plein processus de libération, qui ont été annihilés de façon brutale. Ce fut vraiment un choc pour des milliers de gens qui suivaient avec espoir les mobilisations du peuple chilien sous l’Unité populaire.

Moi, bien sûr, comme tant d’autres, j’ai ressenti un sentiment de révolte et de colère après le coup d’État. Mais je me suis rapidement mise à l’action. Comme mon père, alors président du Conseil central de la CSN à Montréal, je me disais qu’il fallait faire en sorte que les gens comprennent ce qui s’était passé, et qu’ils refusent cette situation. Car ce qui se passait au Chili avec les militaires aidés par le gouvernement des États-Unis et de la CIA pouvait très bien se passer ailleurs aussi.

Formation du Comité Québec-Chili

Au moment du coup d’État, mon père, Jean Ménard, un prêtre ayant vécu de nombreuses années au Chili et revenu au Québec peu avant le golpe, et moi avons immédiatement alerté les trois grandes centrales syndicales de l’époque, la FTQ, la CSN et la CEQ. Nous avons dit : « Il faut vite faire quelque chose ». Il y avait déjà parmi la population progressiste du Québec un grand intérêt pour l’expérience de l’Unité populaire et, évidemment, une consternation devant le coup d’État. Nous avons donc organisé une rencontre à Montréal le 19 septembre, huit jours seulement après le coup d’État, pour mobiliser les gens.

C’est à ce moment que nous avons fondé le Comité Québec-Chili. Il y avait une centaine de personnes dans la salle le premier soir. Plusieurs parmi ces personnes avaient voyagé au Chili et avaient été les partisans de l’Unité populaire – surtout des gens des milieux syndicaux progressistes. Nous travaillions fort du matin au soir, sept jours par semaine. Nous étions quatre ou cinq à la permanence à tenter de mobiliser le plus de monde possible, en allant partout où on pouvait à Montréal et en dehors de la métropole dans les assemblées syndicales, dans les organisations populaires, dans les cégeps. Des comités locaux se sont aussi organisés à Québec, à Trois-Rivières, etc.

Dès la fondation du Comité Québec-Chili, notre objectif principal était de faire de la sensibilisation auprès de la population québécoise et de produire de l’information sur la situation chilienne. Nous voulions aussi appuyer la résistance populaire chilienne. C’est-à-dire que nous soutenions les gens qui se battaient contre la dictature sanglante qui venait de prendre le pouvoir. Les Chiliens avaient essayé de se libérer. Ils s’étaient nommés un gouvernement et s’étaient mobilisés, ils avaient aidé les plus démunis, menés des luttes sur différents fronts, comme celui du travail, de la santé, ou du logement. Et puis on leur a envoyé l’armée pour les massacrer ! Alors pour nous, il était évident qu’il fallait les soutenir. Nous voulions le faire en signant des pétitions, en ramassant de l’argent, avec toutes sortes d’actions de mobilisation (manifestations, assemblées d’information, publications, production de diaporamas, etc.). Le comité s’appelait Comité Québec-Chili, mais en réalité c’était toujours un comité de soutien à la résistance populaire chilienne. Car malgré une répression sanglante, des milliers de personnes, pas seulement des membres de partis politiques de gauche, résistaient à la dictature en organisant des actions, clandestines ou pas. La frange progressiste de l’Église catholique réunie dans la Vicaría de la Solidaridad[6] aidait les personnes qui luttaient contre la dictature. Plusieurs militants du Comité ont travaillé à la production et à la publication du Bulletin d’informations Québec-Chili qui a fait paraître 37 numéros de 1973 à 1979, chacun ayant un tirage variant entre 1500 et 3500 exemplaires.

Nos premières actions ont vraiment eu de l’impact : très rapidement, plusieurs personnes ont décidé de se joindre à nous. Plusieurs travaillaient ailleurs, dans les CLSC, les syndicats, les universités, par exemple, et mettaient des heures et des heures pour le Comité, le soir ou les fins de semaine. Pour plusieurs travailleuses et travailleurs, c’était la première fois qu’ils étaient sensibilisés à la solidarité internationale et cela renforçait leur volonté de se battre pour tous les opprimés.

Éducation politique anti-impérialiste

Ce qui nous intéressait surtout, c’était de faire réfléchir et de politiser les Québécois sur les grands enjeux politiques et économiques de la planète. Nous avions un exemple, avec la situation chilienne, de l’impérialisme américain armé intervenant contre un peuple s’étant démocratiquement donné un gouvernement. C’était inacceptable. Nous voulions que les Québécois comprennent que cette situation risquait d’arriver partout, même au Québec, si nous ne remettions pas en question la structure du pouvoir. Le mouvement indépendantiste se développait à l’époque au Québec. Avec la première élection du Parti québécois (PQ) en 1976, surtout, nous nous disions que le jour où nous voudrions faire l’indépendance, nous risquerions d’avoir l’armée canadienne sur la gueule, comme ce fut le cas lors de la crise d’Octobre en 1970. Une intervention de l’armée américaine ne serait pas non plus impossible. C’était clair pour nous : il y avait des liens entre ce qui se passait au Chili et ce qui se passait au Québec. Il fallait aussi montrer ce qu’était l’impérialisme sur le plan économique et sur le plan politique. Les gens n’entendaient pas ces mots-là dans leur quotidien, ni à l’école, ni à l’université ; il fallait donc les expliquer.

Nous ne faisions pas d’organisation politique, mais de l’éducation politique. Notre motivation et notre travail, c’était d’éduquer, sans prosélytisme ou propagande, et surtout pas en lien avec un parti politique, ni du Québec, ni du Chili. Nous voulions expliquer les grands mécanismes d’exploitation dans le monde – le capitalisme et l’impérialisme –, tout en prenant en exemple les cas de l’Amérique du Nord et de l’Amérique latine.

Activités du Comité Québec-Chili et soutien au peuple chilien

Nous avions comme objectif que partout au Québec, les gens, que ce soit dans des rencontres syndicales ou populaires, entendent parler du Chili, comprennent ce qui s’y déroulait, puis se mobilisent pour soutenir le peuple chilien. Les gens pouvaient montrer leur soutien selon les moyens du bord, tels que des campagnes de pétitions ou des campagnes de presse.

D’autres actions de mobilisation étaient ciblées. Nous nous sommes par exemple beaucoup impliqués dans la campagne de libération de prisonnières politiques chiliennes. Nous étions au courant de l’horrible traitement qu’on leur réservait dans les prisons chiliennes[7]. Quand elles n’étaient pas assassinées sur le coup, elles étaient torturées. Et puis, il y avait des conditions de détention effroyables. Si je me souviens bien, nous nous sommes mobilisés pour la libération de six femmes de différents partis politiques de gauche. Nous avons fait des assemblées dans des sous-sols d’église où se présentaient des centaines et des centaines de personnes, voire plus de mille personnes. Nous avons invité Carmen Castillo, la conjointe de Miguel Enriquez, le chef du Mouvement de la gauche révolutionnaire (MIR)[8] assassiné alors qu’ils étaient cachés dans une petite maison située dans la banlieue de Santiago. Blessée et enceinte, Carmen a été sauvée par les pressions internationales qui ont forcé la dictature à accepter son exil en Angleterre. Je ne sais plus comment nous nous sommes trouvées en relation, elle et moi, mais je l’ai invitée au Québec. Nous sommes devenues amies. Elle a fait des discours lors des rencontres qui se déroulaient dans le sous-sol de l’église Saint-Louis-de-France de Terrebonne vers les années 1974-1975. Avec elle, j’ai d’ailleurs fait une petite tournée en Europe et rencontré les comités de solidarité avec le peuple chilien à Londres, à Stockholm et à Paris. En 1973, nous avons décidé de faire une action d’envergure : nous avons invité la veuve du président Allende, Hortensia Bussi Allende, et une de leurs filles, Beatriz, au Québec. Mon père a décidé de louer le Forum de Montréal et le 1er décembre 1973 nous avons fait un rassemblement où plus de 5000 personnes du Québec sont venues pour entendre parler du coup d’État et de la résistance.

Le comité s’est aussi mobilisé pour recevoir les Québécois expatriés au Chili qui revenaient au pays à la suite du coup d’État, ainsi que certains réfugiés politiques latino-américains réfugiés au Chili durant l’UP. Autant pour les réfugiés chiliens que pour les Québécois, l’arrivée ou le retour se faisaient dans un pays qu’ils ne connaissaient pas. Pour les Québécois, certes, c’était un pays qu’ils connaissaient, mais quand tu es parti pendant plus de vingt ans, au retour, tu arrives dans un tout autre monde. Entre les années 1950 et 1970 au Québec, c’était vraiment deux mondes. Il fallait qu’ils se trouvent un appartement et du boulot. Généreux et très convivial, mon père recevait beaucoup de monde chez lui, Québécois comme Chiliens. Il les invitait à la maison et leur racontait l’histoire du Québec des dernières années. C’était très rassembleur. Cela créait des échanges entre tout un ensemble de gens, autant latino-américains que québécois.

Divisions dans la solidarité avec le Chili

Il y a eu des divisions importantes dans l’organisation de la solidarité avec le Chili, entre Québécois et Chiliens exilés membres de partis politiques. Les divisions politiques de la gauche chilienne se sont reproduites au Québec… et multipliées par vingt-deux ! Il y avait des Chiliens, mais aussi des Brésiliens, réfugiés au Chili à la suite du coup d’État de 1964 dans leur pays, qui sont arrivés au Canada et qui étaient très militants. Les réunions du comité se déroulaient en espagnol et étaient interminables, alors que les militants québécois ne s’y sentaient pas trop à leur place. De fait, ces réunions n’aboutissaient pas à grand-chose pour augmenter la mobilisation des Québécois dans leur soutien au peuple chilien.

À un moment donné, nous nous sommes dit qu’il fallait instaurer des limites. Nous sentions que nous perdions notre temps, que les exilés chiliens n’allaient jamais s’entendre entre eux. En plus, ils ne connaissaient pas le Québec, puisqu’ils venaient d’arriver. Alors comment pouvaient-ils intervenir politiquement dans le Québec ? Moi, par exemple, j’avais beau n’avoir que 25 ans, je venais d’une famille où depuis que j’avais cinq ans on discutait de politique. L’Amérique latine m’intéressait depuis l’adolescence et je parlais et lisais l’espagnol. Évidemment, nous pouvions inviter les Chiliens à parler de leur expérience. Mais ce n’était pas eux qui savaient comment mobiliser les Québécois puisqu’ils ne connaissaient pas le contexte dans lequel ils arrivaient. Nous les invitions s’ils voulaient participer, mais le Comité Québec-Chili était dirigé par des Québécois. Nous voulions éviter de nous empêtrer dans des conflits politiques qui appartenaient à la gauche chilienne. Cela dit, plusieurs Chiliens et Chiliennes se sont impliqués dans le Comité et nous sommes devenus amis. Nous avons eu beaucoup de plaisir à travailler ensemble et nous avons beaucoup appris les uns des autres.

Voyage au Chili en pleine dictature

Je suis allée au Chili à l’hiver 1975. Au Comité, nous sentions qu’il était important d’établir des contacts avec la résistance populaire chilienne pour poursuivre nos activités. Quand je parle de ce sujet, je parle de la résistance des partis politiques clandestins de gauche, mais aussi de celle des gens qui étaient dans la Vicaría de la Solidaridad, des étudiants, ou encore des gens comme Marie-Denise Dubois qui, dans les poblaciones[9], continuait à aider les gens au quotidien, à survivre physiquement, mais aussi à discuter avec eux. Nous voulions en savoir plus sur ce qui se passait au Chili, et puisque c’était une dictature, les moyens d’information n’étaient pas libres. Il fallait donc aller voir sur place. Une fois dans l’avion, je me suis dit : « T’es une vraie folle. Tu vas te faire tuer en deux temps, trois mouvements ». C’était évident que j’étais fichée ! J’étais persuadée qu’on allait me repérer dès mon arrivée à l’aéroport.

Une fois au Chili, j’ai été reçue par la soeur Marie-Denise Dubois[10]. Je suis allée vivre chez elle dans la población, dans une maisonnette de bois sans eau courante. Elle vivait avec une autre religieuse, Odile, une femme magnifique, d’origine française, qui avait commencé sa vie de religieuse en Uruguay. Elles étaient toutes les deux des femmes de gauche, convaincues, mais pas des militantes de partis. Elles militaient plutôt dans les poblaciones et elles étaient liées à la Vicaría de la Solidaridad.

Mon objectif était d’établir un contact physique et réel avec au moins un représentant de chacun des partis politiques de la gauche chilienne, donc du Parti socialiste (PS), du Parti communiste (PC), du Mouvement d’action populaire unifiée (MAPU), du MIR, du MOC[11] et d’autres groupes de la résistance. C’était compliqué, puisque tous ces militants opéraient en clandestinité et que j’étais bien évidemment surveillée par les autorités militaires. Mais j’ai tout de même réussi. J’ai été prise en charge par toutes les filières clandestines de ces partis. Je me rendais à un coin de rue où m’attendait une voiture, puis on m’amenait vers une autre voiture où l’on me bandait les yeux avant de m’amener vers la destination finale. Finalement, j’ai réussi à rencontrer, il me semble, des gens de quatre ou cinq des partis que j’avais ciblés.

J’ai été amèrement déçue de mes contacts avec les représentants des partis chiliens. Aucun ne s’intéressait à ce qui se passait, ni au Québec ni ailleurs dans les petits pays comme le nôtre en matière de solidarité. On me disait : « Merci, bonjour, vous êtes bien gentille d’être venue… » et voilà tout. Il n’y avait pas d’échange possible. Je ne sentais aucune ouverture envers ce qu’on appelle l’internationalisme prolétarien des mouvements de gauche. Et chacun me récitait une espèce de communiqué de presse préparé à l’avance. Dès que j’essayais de savoir quelles étaient les forces de résistance dans le peuple chilien, dans la population, pas juste à Santiago, mais ailleurs également, les gens me répondaient qu’ils ne le savaient pas.

J’avais un peu plus d’espoir et d’atomes crochus avec les gens du MIR à cause de ma relation avec Carmen Castillo[12] et ceux qui étaient venus au Québec. La personne du MIR m’a reçue dans les conditions d’une totale clandestinité, un contexte extrêmement dangereux : une mitraillette à la porte, les yeux bandés, dans une cave glaciale ; je ne savais pas où nous étions. Mais là aussi, j’ai été déçue. J’ai trouvé que j’avais affaire à un robot d’extrême gauche qui me récitait sa leçon. Je posais des questions, mais je n’avais pas de réponse. Par exemple, le MIR avait fait un assaut peu de temps avant dans un supermarché. Je leur ai demandé : « Mais quel est le but de cette action ? » Évidemment, le pouvoir en avait profité par la suite pour dire qu’il y avait des terroristes à tous les coins de rue et qu’il fallait donc massacrer tout le monde. Par conséquent, j’étais très sceptique quant aux interventions militaires de ce type. Je ne voyais pas du tout en quoi c’était une façon politiquement utile de faire reculer la dictature. Je trouvais au contraire qu’elle l’alimentait. En somme, ma rencontre avec les partis clandestins au Chili ne m’a pas aidée à mieux comprendre la situation et la façon de combattre la dictature.

En revanche, j’ai beaucoup plus appris en vivant dans la población, en parlant avec des Chiliens. Comme je n’avais pas beaucoup d’argent, mais que j’en avais tout de même dix fois plus qu’eux, j’allais acheter de la viande (quand il y en avait), puis nous faisions un petit repas dehors pour le monde. Grâce à Marie-Denise, j’ai pu aller à Concepción, à Temuco et à Valparaíso chez des gens qu’elle connaissait. J’ai pu voir autre chose que la capitale. J’étais toujours prise en charge par les gens de la place, et surtout par les militants de la base, liés dans la plupart des cas à la Vicaría de la Solidaridad. Y avait-il des militants politiques parmi eux ? Je ne le savais pas et ça ne m’intéressait pas. Je recherchais un contact avec des Chiliens qui ne baissaient pas les bras devant la dictature, et ce, même s’ils ne faisaient aucune action d’envergure.

À mon retour au Québec, j’ai fait un compte rendu aux militantes et militants du comité à qui j’ai dit : « Écoutez, je n’ai à peu près rien appris sur ce que les partis politiques font en ce moment ». Mais j’ai vu au sein du peuple des gens qui continuaient à essayer, sinon à se battre, du moins à résister dans leur tête, à ne pas dire : « c’est normal » ou « on va finir par se conformer à ça ». Même si c’était très stimulant, la réalité est que ce séjour chilien n’a pas permis de faire en sorte que le Comité Québec-Chili ait de nouvelles sources d’inspiration.

Essoufflement

À partir de 1978-79, on s’est rendu compte que la motivation était beaucoup moins grande. Au comité, nous étions épuisés, d’une part, mais c’était surtout la mobilisation des Québécois en général, d’autre part, qui n’était plus au rendez-vous. Nous avions de la difficulté à trouver des choses nouvelles à dire, intéressantes et mobilisatrices. Et au Chili, la dictature continuait d’être dure, très dure. Nous avons donc peu à peu arrêté de publier le bulletin en 1979. Et pour ma part, déjà depuis 1976 environ, je donnais une bonne partie de mon temps au CFP où je faisais de la formation sur d’autres sujets, dans des organisations populaires. Jacques Boivin, un Québécois revenu du Chili après le golpe, et pilier du Comité Québec-Chili avec qui je travaillais au quotidien, s’est trouvé un boulot (il fallait bien vivre et faire vivre sa famille…). Pour ma part, je me suis retirée du monde latino-américain à Montréal à la fin de la décennie. J’ai continué à honorer mes idéaux par le biais d’autres activités toujours en lien avec la formation populaire et l’éducation.