Hors-dossierNote de lecture

Censures à l’université : panique morale ou déni du réel ?

  • Yves Gingras et
  • Thierry Nootens

…plus d’informations

  • Yves Gingras
    Département d’histoire, UQAM

  • Thierry Nootens
    Département des sciences humaines et CIEQ, UQTR

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Couverture de Le nouveau clivage idéologique du Québec au début du XXI<sup>e</sup> siècle, Volume 30, numéro 3, printemps 2023, p. 7-284, Bulletin d'histoire politique

Avec Panique à l’université, le professeur de science politique de l’UQAM Francis Dupuis-Déri veut expliquer que la « rectitude politique » et le « wokisme » sont des « menaces imaginaires » comme l’affirme le sous-titre de l’ouvrage. Après d’autres, il apporte ainsi sa contribution aux débats qui agitent depuis quelques années le petit monde intellectuel et médiatique québécois, avec une dizaine d’années de décalage par rapport à ce qui se passe aux États-Unis. Convaincu de connaître la juste mesure des choses, Dupuis-Déri affirme que l’ampleur prise par les discussions publiques sur les discours considérés comme « politiquement corrects » et les actions des activistes dits « woke » relève de rien de moins que d’une « panique » qualifiée de « morale » – car il y a bien sûr d’autres sortes de paniques. Selon lui, « plutôt que de voir l’éveil des consciences comme une avancée scientifique, les polémistes l’ont transformé en épouvantail pour exciter l’opinion publique, identifiant l’antiracisme à un grave problème social et politique, dans les universités et la société en général » (p. 15, nous soulignons). Comme nous le verrons, alors que le titre annonce une « panique à l’université », l’auteur polémique en fait essentiellement avec ces « polémistes » qui sont presque tous extérieurs à l’université. Les titres de l’introduction et des six chapitres donnent le ton : « Survivrons-nous à l’apocalypse féministe et antiraciste ? », « Mots piégés et panique morale » (1), « Sonner l’alarme : un « nouveau » problème éternel » (2), « Amplifier la menace : une terrible « tyrannie totalitaire » (3), « Fabriquer le problème : « on ne peut plus rien dire » » (4), « Déformer la réalité : l’université dominée par les études sur le genre et le racisme » (5), « Produire la panique : l’industrie des idées réactionnaires » (6) et enfin, en conclusion : « Défendre l’homme blanc ». L’engrenage menant à la « panique » suivrait ainsi certaines étapes : 1) des « polémistes » sonnent l’alarme à partir d’anecdotes, 2) ils amplifient ensuite la menace dans les médias en inventant au besoin des faux problèmes, déformant ainsi la réalité pour enfin 3) produire la panique. Le modèle est simple et on devine déjà que l’auteur va se faire le preux chevalier des personnes ainsi outrageusement attaquées par ces « polémistes » de tous les pays et s’en faire l’avocat principal en prenant la défense des « éveilleurs de conscience ». Dans cette note critique, on se demandera si le contenu de l’ouvrage répond bien au titre et démontre 1) qu’il existe une panique à l’université, c’est-à-dire – si l’on comprend bien le sens des mots – en son sein et 2) si la qualifier de « morale » est justifié. Mais avant d’analyser cette notion de « panique morale » empruntée au sociologue de la déviance Stanley Cohen et qui, comme on le verra, tend à être appliquée à tort et à travers, perdant ainsi son utilité spécifique, attardons-nous d’abord à la nature des arguments mobilisés par l’auteur. Dupuis-Déri affirme se placer du côté de la science et entend apporter des « éléments de réflexion et faits empiriques qui permettront d’y voir plus clair » (p. 34). Il associe même « l’éveil des consciences », donc le wokisme, à une « avancée scientifique » (p. 15). L’auteur semble ainsi associer « science » à « faits empiriques », lesquels serviraient à mesurer « objectivement » le degré d’exagération d’une « panique morale », notion censée expliquer l’action d’acteurs sociaux confrontés à des discours menaçant …

Parties annexes