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Dube Saurabh, 2023, Disciplines of Modernity: Archives, Histories, Anthropologies. Royaume-Uni, Taylor & Francis, coll. « Routledge Focus », 136 p.

  • Maud Druais

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  • Maud Druais
    Département d’anthropologie, Université Laval, Québec (Québec), Canada
    Unité de recherche Migrations et Sociétés, Université de Paris, Paris, France

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Couverture de La situation coloniale à la lumière des archives, Volume 48, numéro 1, 2024, p. 15-318, Anthropologie et Sociétés

Cet ouvrage s’inscrit dans une réflexion entamée il y a plusieurs décennies par l’auteur, enseignant-chercheur au Colegio de Mexico, sur ce que signifie l’idée de modernité, et sur la manière dont celle-ci se diffuse matériellement dans nos sociétés, à la fois dans les politiques publiques et dans les arènes académiques, mais aussi dans les mentalités de tout un chacun, et ce, avec de puissants effets sociaux. Rédigé à la suite de son livre Subjects of Modernity (2018), qui proposait un questionnement sur l’articulation entre modernité/modernisation d’une part, et sujets de la modernité d’autre part, Saurabh Dube approfondit ses réflexions en s’intéressant ici aux disciplines anthropologiques et historiques. Plus précisément, il compte montrer et déconstruire les privilèges et le sentiment d’ayant droit (« entitlement ») caractérisant les élites académiques. Le livre, qui s’inscrit dans les paradigmes de la pensée critique et de la théorie sociale, démarre avec une introduction présentant la triple thèse de l’auteur. Tout d’abord, l’anthropologie et l’histoire sont des disciplines de la modernité — dans le sens de champ académique, mais aussi d’ordonnancement du monde et de prescription de conduites (p. 8) — qui se sont constituées de manière contradictoire et contestée, en fonction d’oppositions binaires héritées des Lumières, au premier rang desquelles celles de primitif/indigène/tradition contre modernité/civilisé/occidental. Or, pour lui, les systèmes de valeurs ou concepts ne sont pas de simples dispositifs explicatifs détachés du monde ; en réalité, ils l’habitent, en font intrinsèquement partie, le fabriquent. Ensuite, l’humain n’est pas simplement mu par un intérêt rationnel. Pour les universitaires, notamment, le côté affectif « extra-analytique » fait partie du fonctionnement routinier de nos mondes académiques modernes, bien qu’il soit sans cesse invisibilisé (p. 5). Enfin, le fait d’analyser simultanément les privilèges et la précarité présente une portée heuristique, car cela permet de questionner les ressorts du pouvoir, sans tomber dans l’exotisation de la résistance des dominés, ni dans la perspective dystopique et totalisante d’un Occident dominant, en plus de rompre avec la dichotomie sujet observant/sujet observé, pour lui qui analyse le monde académique élitaire (p. 3). De cela découle sa méthode de collecte et d’analyse plurielle, à cheval sur des « vignettes ethnographiques », des « récits quotidiens », des « instantanés sociologiques », des « théories anecdotiques » (p. 12-14). Dans une seconde partie, qui constitue le coeur de son analyse sur les disciplines anthropologique et historique, Dube montre comment celles-ci, construites historiquement comme des disciplines distinctes, en sont venues à nous apparaître naturalisées comme telles. Or, selon lui, et même si le dialogue et les emprunts entre les deux disciplines ont été continus depuis déjà des décennies, une profonde interrogation — pour ne pas dire introspection — reste à faire quant au type d’emprunts effectués de part et d’autre, notamment en ce qui concerne l’usage des archives et du terrain (p. 33-34). Au-delà de ces pratiques, il nous livre une analyse épistémologique condensée des deux disciplines depuis les Lumières, en se référant aux travaux de dizaines d’auteurs. Pour lui, anthropologie et histoire doivent être prises comme des archives de la modernité, en constante interaction (p. 19). Il faut ainsi autant prêter attention à leurs objets qu’à leurs points aveugles, à leurs généalogies et proximités conflictuelles avec les Lumières, le romantisme, la race, la raison, les empires coloniaux, la nation, les procédures herméneutiques et analytiques (p. 13). Mettant en pratique ces arguments, les chapitres suivants s’intéressent à des terrains chers et intimes à l’auteur. Le chapitre trois présente ainsi une analyse des travaux anthropologiques et historiques sur les Intouchables. Ces travaux sont traités comme des archives de la modernité : ils ont tendance à essentialiser …

Parties annexes