Meadow Tey, 2018, Trans Kids: Being Gendered in the Twenty-First Century. Oakland, University of California Press.

Depuis 2018, près de 400 projets de loi à l’encontre des personnes lesbiennes, gaies, bisexuelles, transgenres, queers, bispirituelles ou ayant d’autres identités ou expression de genre (LGBTQ2+) ont été déposés dans différents États américains (Branigin et Kirkpatrick 2022). Ces projets de loi et les lois adoptées concernent, entre autres, la limitation à l’accès aux toilettes séparées par sexe, à empêcher l’accès aux activités sportives à l’école pour les personnes trans, à enquêter sur les parents qui fournissent à leurs enfants des soins d’affirmation de genre, etc. (Fonteneau 2021). La lutte menée par certains conservateurs, dont le Parti républicain des États-Unis, a engendré des conséquences considérables dans les différentes sphères de vie des personnes trans. L’ouvrage de la sociologue Tey Meadow, Trans Kids Being Gendered in the Twenty-First Century, est une étude ethnographique basée sur des observations et des entretiens avec des familles ayant des enfants issus de la diversité de genre aux États-Unis et au Canada. Entre 2009 et 2013, un total de 80 entretiens avec 62 parents de 50 enfants ont été réalisés. Parmi ces entretiens, 46 ont eu lieu avec des familles basées aux États-Unis et 16 avec celles vivant au Canada. Parmi ces dernières, 12 utilisaient les services du Centre de toxicomanie et de santé mentale (CAMH) situé à Toronto. L’auteure fait une distinction entre les familles dites « facilitatrices » face à la non-conformité de leurs enfants et les familles « cliniques » ayant utilisé les services du CAMH. L’ouvrage met en évidence non seulement la façon dont les enfants se perçoivent, mais également la façon dont ils sont traités et nommés par les diverses institutions. Ce traitement, indique Meadow, découle d’un processus social au cours duquel nous observons le genre d’autrui, y donnons un sens, l’interprétons, le classons, le cataloguons et le critiquons. Les sept chapitres de l’ouvrage font état, entre autres, des « problèmes de genre », du mouvement parental et des émotions reliées aux questions de genre ainsi que de récits et d’itinéraires variés. En Occident, les modèles transaffirmatifs ont permis de dissiper les théories répressives associées à la non-conformité de genre, tout en apportant une plus grande connaissance de la réalité de ces personnes. Alors qu’auparavant, les familles envoyaient leurs enfants suivre un traitement psychiatrique visant une « guérison », l’analyse de Meadow met en lumière que les jeunes trans d’aujourd’hui reçoivent davantage de soutien familial et qu’il est plus aisé d’avoir accès aux différents services. Des parents accompagnent leurs enfants dans la transition, acceptent d’utiliser les prénoms et pronoms choisis, leur permettent de porter les vêtements de leurs choix, etc. L’ouvrage documente soigneusement le récit des familles, relatant leurs expériences, leurs luttes, leurs espoirs, leurs peurs et l’amour qu’elles ressentent pour leurs enfants. En concordance avec d’autres études empiriques sur les familles ayant de jeunes trans, celle de Meadow souligne le peu d’outils à leur disposition pour déchiffrer les indices fournis par leurs enfants, le temps mis à accepter leur identité de genre et la vaste gamme d’émotions qu’elles traversent, telle la peur, la confusion, la surprise et la détresse (voir aussi Pullen Sansfaçon et al. 2019). Pour ces parents, les situations de violence auxquelles leurs enfants sont parfois confrontés constituent des sujets d’inquiétude quant à leur sécurité. De plus, les défis auxquels leurs enfants doivent faire face sont susceptibles d’avoir des impacts sur l’ensemble des sphères de leur vie et de compromettre ainsi leur épanouissement (voir aussi Gelly et Pullen Sansfaçon 2021). Cela a conduit certaines familles à rechercher de l’information sur la prévention du suicide et à maintenir stratégiquement un certain niveau de confidentialité et de prudence …