Résumés
Résumé
Les musées ont un rôle important à jouer dans la diffusion et la légitimation de représentations de la diversité sociale auprès d’un large public bien souvent néophyte, ce qui contribue à structurer les rapports qu’entretient la population majoritaire avec des populations souvent minorisées. Cette note de recherche porte sur le processus d’élaboration d’une exposition sur la diversité de genre au Musée de la civilisation de Québec débuté en 2021, à partir des documents de travail du comité de spécialistes, de l’expérience de deux universitaires trans ayant travaillé à la scénarisation, et de discussions avec la chargée du projet. L’objectif de cet article est de situer cette expérience collaborative dans le cadre des développements récents dans le domaine de la diversité du genre dans la société québécoise au niveau politique et institutionnel, et des politiques de la représentation des personnes et communautés LGBTQ+ dans le monde muséal.
Mots-clés :
- Geoffrion,
- Drouin,
- Fiset,
- Lavoie,
- Lantagne,
- diversité de genre,
- Québec,
- justice sociale,
- musées,
- hétérocisnormativité,
- personnes trans et non binaires
Abstract
Museums have an important role to play in disseminating and legitimizing representations of social diversity to a large, often neophyte public, which contributes to structuring the relationships between the majority population and groups who have been marginalized. This research note focuses on the development of an exhibition on gender diversity at the Musée de la civilisation de Québec, from the beginning of the process in 2021 to the inauguration of the exhibit in 2023. It is based on the working documents of the committee of experts, the experience of two trans researchers hired by the museum to work on the script, and discussions with the person in charge of the project. The objective of this article is to situate this collaborative experience within the framework of recent developments in the field of gender diversity in Quebec society at the political and institutional level, and the politics of the representation of LGBTQ+ people and communities in the museum world.
Keywords:
- Geoffrion,
- Drouin,
- Fiset,
- Lavoie,
- Lantagne,
- gender diversity,
- Quebec,
- social justice,
- museums,
- heterocisnormativity,
- trans and non-binary people
Resumen
Los museos desempeñan un papel importante en la difusión y la legitimación de las representaciones de la diversidad social ante un público amplio y a menudo no iniciado, lo que contribuye a estructurar la relación entre la población mayoritaria y los grupos que a menudo son minorías. Esta nota de investigación examina el desarrollo de una exposición sobre la diversidad de género en el Musée de la civilisation de Québec, desde el inicio del proceso en 2021 hasta la inauguración de la exposición en 2023. Se basa en los documentos de trabajo del comité de expertos, en la experiencia de dos personas trans contratadas por el museo para trabajar en el diseño de la exposición y en las conversaciones con la responsable del proyecto. El objetivo de este artículo es situar esta experiencia de colaboración en el contexto de la evolución reciente en el ámbito de la diversidad de género en la sociedad quebequense a nivel político e institucional, y de las políticas de representación de las personas y comunidades LGBTQ+ en el mundo de los museos.
Palabras clave:
- Geoffrion,
- Drouin,
- Fiset,
- Lavoie,
- Lantagne,
- diversidad de género,
- Quebec,
- justicia social,
- museos,
- heteronormatividad,
- personas trans y no binarias
Corps de l’article
« Plongez au coeur de l’expérience humaine et de sa diversité en explorant les multiples réalités liées aux identités de genre. Au Québec comme ailleurs, voyez comment ces dernières se transforment dans le temps et évoluent selon les cultures […]. Par cette exposition, le Musée souhaite participer à ces importantes discussions et contribuer à démystifier et à célébrer la pluralité des identités de genre. »
Présentation de l’exposition « Unique en son genre »,site web du Musée de la civilisation de Québec[1]
Les musées ont un rôle important à jouer dans la diffusion de représentations de la diversité sociale auprès d’un large public bien souvent néophyte. Grâce au prestige dont ils bénéficient (Mazé 2009), les expositions portant sur des groupes ethnoculturels spécifiques tendent à donner une légitimité à ces représentations, ce qui contribue à structurer les rapports qu’entretient la population majoritaire avec ces populations minorisées (Lukic 2005). À la suite d’une « crise des représentations » dans les musées d’ethnologie et des pressions de groupes culturels pour se faire entendre (Cruikshank 1992 ; Turgeon et Dubuc 2002), le Musée de la civilisation de Québec (MCQ) a entamé un processus de transformation de ses manières d’élaborer ses expositions (Jérôme et Kaine 2014). En phase avec le tournant réflexif en muséologie[2] (Conlan et Levin 2010), ce dernier agit de façon plus collaborative, en impliquant les communautés concernées (les personnes dont la culture est représentée) et des personnes expertes issues des milieux académiques et communautaires dans le processus de réflexion sur l’exposition en cours de création, la sélection des objets qui y seront déployés et la constitution d’expériences immersives.
En septembre 2021, en sa qualité d’anthropologue spécialiste du genre, Karine Geoffrion a été approchée par le MCQ pour contribuer à l’élaboration d’une exposition. Un comité scientifique composé de huit personnes issues des milieux activistes et académiques, la majorité d’entre elles étant membres des communautés LGBTQ+, a été constitué. Rapidement dans le processus de consultation, l’angle de l’exposition s’est recentré sur la « diversité de genre ».
Rédigée conjointement par Karine Geoffrion, Phillie Drouin et Amélia Fiset, trois personnes directement impliquées dans ce processus consultatif, par Kévin Lavoie, chercheur spécialiste des questions LGBTQ+ et coresponsable du Pôle de recherche sur la diversité sexuelle et la pluralité des genres (Pluriels) et par Caroline Lantagne, collaboratrice institutionnelle chargée du projet d’exposition au Musée, cette note de recherche propose de réfléchir au processus d’élaboration de cette exposition à partir des documents de travail du comité scientifique, de l’expérience de Phillie Drouin à la scénarisation et de discussions avec Caroline Lantagne. En juin 2023, au moment d’écrire ces lignes, l’exposition venait tout juste d’être inaugurée. Nous n’avons donc pas le recul nécessaire pour témoigner de son impact sur les différents publics québécois. Toutefois, nous ferons le point sur les premières réactions qui ont suivi l’inauguration. L’objectif de cet article n’est donc pas de présenter un projet de recherche abouti portant sur une exposition muséale, mais bien de situer les enjeux qui ont émergé lors du processus d’élaboration dans le cadre plus large des politiques de représentation des personnes et des communautés LGBTQ+ dans les musées. Il s’agit donc de replacer cette exposition dans le contexte des développements récents sur la diversité de genre au Québec et de questionner la force normalisatrice qu’elle a le potentiel de représenter au sein de la population, notamment à travers sa visée grand public.
L’exposition sur la diversité de genre devient ainsi un prétexte pour réfléchir aux transformations plus larges, bien qu’encore inachevées (Rayside 2014), qui semblent se mettre en branle à partir du haut, soit des institutions gouvernementales et à travers des politiques publiques au Québec et au Canada (Rayside 2008). Évidemment, ces processus se sont construits en réponse à des pressions sociales de la part d’organisations et d’individus qui travaillent depuis des décennies pour obtenir des réponses à des problèmes liés à la stigmatisation, au mépris, voire à la persécution des personnes dont l’identité de genre ne cadre pas avec le modèle hétérocisnormatif (Geoffroy et Chamberland 2015). En ce sens, nous proposons que si la diversité de genre semble occuper une place grandissante sur la place publique au Canada, et plus récemment au Québec, nous soulignons toutefois les écarts qui persistent avec les réalités vécues des personnes concernées (Pullen Sansfaçon etal. 2020 ; Blais etal. 2022).
Contexte des développements récents au Canada et au Québec : terminologies, politiques et représentations
Le concept de diversité sexuelle et de genre « désigne l’ensemble des personnes de diverses identités qui ne se conforment pas aux normes sociales hétérocisnormatives de la société québécoise » (Drouin 2022 : 7). Plus précisément, cette expression
regroupe les personnes qui s’identifient comme lesbiennes, gaies, bisexuelles, transsexuelles, transgenres, bispirituelles, queer ou en questionnement (LGBTQ), ainsi que celles qui choisissent d’autres termes pour s’identifier (ou aucun terme), mais dont les attirances ou les comportements sexuels, l’identité ou l’expression de genre s’écartent des modèles hétéronormatifs dominants dans la plupart des contextes sociaux au Canada.
Chamberland et Saewyc 2012 : 7
L’hétérocisnormativité désigne la norme selon laquelle il est considéré comme habituel, naturel, souhaitable, voire supérieur, d’être une personne cis, hétérosexuelle et monogame. L’hétérocisnormativité suppose qu’être un homme cis ou une femme cis sont les seules identités de genre possibles ou acceptables, que l’hétérosexualité est l’orientation sexuelle saine et privilégiée et que les relations sexuelles et conjugales devraient être monogames entre personnes de « sexes opposés » dans le but de se reproduire (Drouin 2022 : 85). L’hétérocisnormativité s’inscrit dans une vision binaire du monde et suppose une adéquation entre le sexe assigné à la naissance, l’identité de genre, les rôles de genre et la sexualité. C’est un système par lequel les orientations sexuelles, les identités et les expressions de genre sont hiérarchisées à l’aune de référents normatifs occidentaux sur le plan du genre et des sexualités (Worthen 2016 ; Coburn 2017). L’hétérosexualité et le fait d’être cis — soit le fait d’avoir la même identité de genre que celle qui est assignée à sa naissance — sont perçus comme « naturelles » et érigés comme unique modèle social (Butler 1990). La transitude[3] et les identités non binaires sont dès lors stigmatisées (Baril 2015 ; Cloutier 2018), puisqu’elles dérogent à deux principes chers à ce système : a) la binarité, qui structure les rapports sociaux selon le découpage femme/homme, femelle/mâle, féminin/masculin ; et b) le déterminisme, qui trace des trajectoires considérées comme immuables et différenciées pour les hommes et les femmes selon leur sexe assigné à la naissance, voire projeté avant même la venue au monde du bébé à partir des images échographiques.
Ce système d’oppression génère des pratiques sociales qui occultent la pluralité des genres et invisibilisent les personnes trans binaires et non binaires dans les représentations (Ashley 2020), tant dans les relations quotidiennes, qu’au sein des institutions sociales (Richard 2018). Il engendre aussi des violences transphobes et homophobes qui affectent négativement la santé et le bien-être des personnes LGBTQ (Blais et al. 2022). Les personnes trans en sont particulièrement affectées, considérant l’opprobre social et les discriminations auxquels elles font face au quotidien. Ces situations d’adversité touchent d’autant plus certains groupes marginalisés tels que les personnes trans racisées et autochtones (Tourki etal. 2018 ; Ansloos etal. 2021), étant donné leur vécu à l’intersection de différents systèmes d’oppression.
Si les recherches menées au cours des dernières années ont permis de documenter les expériences de victimisation, mais aussi les forces et les stratégies de résistance déployées par les personnes et les communautés concernées (Pullen Sansfaçon etal. 2020 ; Lavoie et Richard 2021), des initiatives récentes annoncent un tournant sur le plan épistémique : au-delà des études sur les personnes trans, on assiste en effet depuis quelques années à l’émergence des études trans dans l’espace francophone (Baril 2015 ; Espineira et Thomas 2019). Sous le leadership d’universitaires trans, ces travaux engagent des prises de parole situées par les personnes et les communautés directement concernées, permettant par le fait même d’éclairer les inégalités sociales, mais aussi les conditions de production et de diffusion des connaissances. Les personnes trans ne sont plus réduites à des « objets » de savoirs, puisqu’elles revendiquent et prennent leur place comme « sujets » à propos des enjeux qui les concernent. Comme le montre cette étude de cas, les musées se positionnent également, quoique dans une moindre mesure, comme des acteurs pivots dans la mobilisation et la transmission de connaissances sur la diversité de genre (Mills 2008 ; Adair et Levin 2020).
Cette visibilité accrue des savoirs trans dans les champs universitaires et culturels émane notamment des mobilisations politiques portées par les communautés trans. Plusieurs avancées sur le plan légal et administratif ont ponctué l’actualité ces dernières années, par exemple l’ajout de l’identité et de l’expression de genre comme motifs illicites de discrimination dans les chartes des droits et libertés québécoise (2016) et canadienne (2017) ; l’adoption de la Loi visant à renforcer la lutte contre la transphobie et à améliorer notamment la situation des mineurs transgenres (2016) ; l’ajout de l’identifiant de genre X dans le passeport canadien (2019) ; l’adoption de la Loi visant à protéger les personnes contre les thérapies de conversion (2020) ; la reconnaissance de la pluralité des genres dans la nouvelle mouture du formulaire du Recensement (mai 2021). Les revendications des groupes militants concernant, entre autres, les marqueurs de genre sur les papiers d’identité (reconnaissance de la non-binarité) et le statut parental (ajout de la case « parent ») ont aussi été couronnées de succès à l’occasion du jugement Moore en janvier 2021, après plusieurs années de lutte sur le plan législatif. En dépit des avancées légales, ces gains demeurent fragiles, comme on a pu le voir quelques mois plus tard avec le dépôt de la première version du projet de loi 2 modifiant le Code civil en matière de droits de la personnalité et d’état civil.
Sur le plan social, nous pouvons constater l’ébullition lexicale qui entoure la pluralité des genres, avec entre autres la création de mots et de néologismes permettant aux personnes concernées de mieux se définir, se nommer et exister dans la société (Drouin 2022), et l’usage de pronoms neutres tels que « iel[4] », qui a d’ailleurs fait son apparition dans la version en ligne du dictionnaire Le Robert en 2021. Plusieurs guides, surtout destinés aux milieux scolaires, ont été récemment diffusés afin d’outiller le personnel enseignant, les jeunes, ainsi que les citoyennes et citoyens intéressés aux pratiques inclusives et respectueuses de la diversité de genre présente dans la société québécoise, notamment à travers l’utilisation d’un langage inclusif (Divergenres 2021 ; Gouvernement du Québec 2021).
Représentations des personnes trans dans les médias québécois
Les espaces que peuvent occuper les personnes trans dans le milieu de la culture sont encore très limités. Par exemple, dans le milieu littéraire, elles publient surtout de la poésie, genre à la diffusion plus restreinte, mais dont il ne faut pas négliger la polyvalence et la plasticité (Nadeau 2022), qui permettent une grande latitude lors de la mise en texte d’expériences souvent complexes et peu représentées[5]. À la télévision québécoise, les figures trans se multiplient depuis le début de la décennie 2010 et connaissent, depuis 2018, une importante augmentation. Dans ses recherches, Amélia Fiset sent une volonté claire de mettre en scène des personnages trans. Toutefois, elle constate que plusieurs scénaristes cisgenres semblent peiner à représenter la transitude avec humanité. Parmi les plus récents et frappants exemples de controverses au sujet des représentations trans à la télévision québécoise, le personnage de Pretzel, de la série M’entends-tu ? (2018), travailleuse du sexe trans toxicomane interprétée par l’acteur cis Christian Bégin, est sans doute celui qui a soulevé la plus grande ire et fait couler le plus d’encre. Dans une lettre ouverte, la bioéthicienne Florence Ashley critiquait vivement cette figure tragique : « C’est […] un personnage dangereux qui perpétue les clichés et les mythes mêmes qui sous-tendent la violence envers les femmes trans[6]. » Dans le discours populaire, une représentation trans est d’ailleurs généralement considérée comme mauvaise lorsqu’elle préserve ou nourrit les préjugés et incarne le rejet social dont sont victimes les personnes trans (Keegan 2022 : 29). Par chance, Pretzel est un cas aussi extrême que rare pour le petit écran québécois contemporain. Il n’en demeure pas moins qu’il ne suffit pas d’éviter la plus grotesque des caricatures pour représenter adéquatement la transitude et la diversité de genre dans l’espace culturel. Il s’agit d’élargir notre lunette conceptuelle et de réfléchir à une manière de produire des textes et des images trans qui soutiennent réellement les besoins des communautés trans.
Le risque avec une « bonne représentation trans », comme le soutient Keegan, est qu’elle
déploie la figure transgenre précisément en bloquant ses capacités déconstructrices, de sorte qu’elle fonctionne principalement pour étendre la logique du système de genre existant — soit par contraste, soit par assimilation à ses prémisses
2022 : 28, notre traduction
C’est le phénomène que l’on constate de plus en plus dans les séries originales diffusées à la télé québécoise. Les représentations plus positives de la transitude ne cherchent pas tant à présenter le vraisemblable ou le quotidien ; il s’agit surtout de trouver une façon de l’expliquer (Fiset 2023) et de trouver un moyen de l’assimiler à la norme cis et binaire, ce qui retire à la figure trans son pouvoir de subversion des attentes et des normes. À la télé québécoise, cette adhérence aux normes se constate par la préférence pour des personnages trans binaires, plutôt que non binaires. Les quelques figures non binaires demeurent relativement simples dans leur expression de genre et, par exemple, affirme rarement le besoin d’utiliser les pronoms et les accords neutres[7], ce qui rend leur non-binarité assez effacée (Fiset 2023).
Cette importance accordée aux normes cis, dyadiques et binaires est cependant exacerbée dans la place accordée aux parties génitales des figures trans (Fiset 2023). Prenons l’exemple de Maria dans la deuxième saison de Fugueuse (2020). Dès sa deuxième scène dans la série, elle tient un long monologue sur sa vaginoplastie. L’accent mis sur les parties génitales des personnages trans permet de préserver une norme causale entre sexe et genre, et ainsi d’éviter à l’auditoire ce que Julia Serano (2016) appelle l’« anxiété de genre », l’anxiété ou l’inconfort causé par la remise en cause de l’existence ou la présence d’un élément qui s’oppose à notre perception/compréhension du genre d’un individu. Étudier les représentations des « minorités de genre » dans la littérature, à la télé tout comme au musée n’est alors plus une question d’évaluer s’il s’agit de bonnes ou de mauvaises représentations, mais de présenter son rapport aux normes de genre dans notre société.
La représentation LGBTQ+ dans les musées : enjeux de visibilité et politiques d’inclusivité
Malgré la visibilité accrue des luttes pour la reconnaissance des droits des personnes et des communautés LGBTQ+ depuis les années 1970 et le développement des études queers dans le monde anglo-saxon dans les années 1990, la littérature muséologique publiée entre 1990 et 2006 ne contient que peu de références aux communautés LGBTQ+ (Conlan et Levin 2010). En effet, mis à part des évènements souvent temporaires organisés par les communautés elles-mêmes, peu d’initiatives durables étaient observées au sein des musées grand public dans les sociétés occidentales (Frost 2013). Sanders (2008 : 20) note que la structure hétérocisnormative[8] occulte l’histoire et les récits des personnes LGBTQ+ dans les collections. Par exemple, plusieurs membres de la communauté scientifique ainsi que des responsables de collections muséales soulèvent que les éléments relatifs à une sexualité non hétérosexuelle de certains artefacts sont effacés ou ignorés lors du processus de classification des objets, ce qui les rend difficiles à localiser pour valoriser l’histoire des communautés LGBTQ+ ou pour développer des expositions (Steorn 2012 ; Frost 2013).
Si les représentations des personnes et des communautés gaies et lesbiennes étaient rares jusqu’en 2010, les personnes intersexes et trans étaient, et sont encore souvent absentes des musées (Levin 2010 ; Foucher Zarmanian 2018 ; Jourdain 2020). Robert Mills constate la marginalisation des expériences trans dans le cadre de l’exposition « Queer is Here », tenue en Grande-Bretagne en 2005. Si cette dernière témoigne de la visibilité accrue des vies « LGBT » dans l’espace public, le « T » serait, selon lui, « often a fake T » : « La marginalisation de transgenre en tant que lentille d’interprétation est particulièrement préoccupante » (Mills 2010 : 82, notre traduction). Les musées possèdent l’autorité et les moyens de faciliter l’accès à cette « lunette interprétative », non seulement pour donner une voix aux personnes marginalisées, mais afin de déstabiliser l’hégémonie du modèle de genre hétérocisnormatif. Or, ils détiennent une part de responsabilité dans la reproduction d’un système qui opprime les personnes qui ne cadrent pas avec les normes sexuelles et de genre dans les sociétés occidentales. Sanders affirme
[qu’]en soutenant que ses pratiques traditionnelles de collecte, de catégorisation et de conservation sont académiques, scientifiques, rationnelles et objectives, le musée a (non)intentionnellement servi d’instrument d’hétéronormativité en effaçant ou en rendant invisibles le désir et les représentations queers des artistes.
2008 : 16, notre traduction
Il devient donc essentiel, comme le souligne Levin, de rendre « visibles les stratégies politiques qui codent les objets et les installations comme masculins et hétérosexuels » (2010 : 6, notre traduction).
Une des premières expositions grand public portant sur l’histoire des communautés LGBTQ+ à être organisée aux États-Unis, puis analysée, est l’exposition « Out in Chicago », présentée au Chicago History Museum en 2011. Cette exposition, qui traitait notamment du thème de la sexualité, a rapidement été confrontée à des réticences de la part de la direction du musée, qui a soulevé le caractère « illicite » et donc « non présentable » de plusieurs artefacts (Austin et al. 2012 : 188). La peur de choquer les publics cibles de ces musées, soient les jeunes, les familles et les personnes âgées, souvent hétérosexuelles, a poussé les personnes responsables des collections à retirer de l’exposition certains objets qui contrevenaient aux standards hétérocisnormatifs.
Selon Foucher Zarmanian (2018), c’est seulement à partir de 2008-2010 qu’une critique plus réfléchie de l’hétéronormativité s’implante dans la pratique des institutions muséales en Europe, notamment avec les évènements liés à l’Europride (Steorn 2012). En 2012, le British Museum procède à la valorisation de l’histoire LGBTQ+ à travers sa collection permanente. Le projet « Queering the Museum », qui visait à sensibiliser les publics réguliers aux mécanismes de reproduction de l’hétérosexualité, a été un franc succès (Frost 2013). D’autres initiatives documentées, comme « Ars Homo Erotica », en Pologne, ou encore « Sh[OUT] » à la Glasgow’s Gallery of Modern Art, n’ont pas reçu le même accueil favorable. Toutefois, selon Sandell (2012), un certain degré de controverse est parfois nécessaire pour faire avancer les pratiques, ce que Modest (2020) appelle des « investissements dans l’inconfort critique » (notre traduction).
L’exposition « Unique en son genre » s’inscrit ainsi dans une mouvance plus large sur les questions de représentation et de visibilisation des personnes et réalités LGBTQ+ dans les musées, comme en témoigne la création de musées consacrés à ces communautés à différents endroits dans le monde, tels que New York[9], Londres[10] et Aarhus au Danemark[11]. La nouvelle définition du musée adopté le 24 août 2022 par le Conseil international des musées (ICOM) place aussi en son coeur les notions d’inclusivité, de diversité, de durabilité et la collaboration avec les communautés[12]. De plus, en se basant sur le constat que les musées canadiens ont ignoré les apports et voix des communautés LGBTQ+, l’Association canadienne des musées a rédigé un guide[13] (n. d.) afin de « faciliter le lancement d’une série de stratégies inclusives pour guider les institutions culturelles quant à la façon de mobiliser, refléter et célébrer des communautés canadiennes caractérisées par la diversité ». Ce guide met l’accent sur l’importance de mobiliser les savoirs et expériences des membres des communautés « LGBTQ2+ » dans la collecte d’artefacts (p. 14), mais aussi sur la nécessité d’inclure leur point de vue sur les expositions muséales et les diverses collections afin de produire « une vision plus représentative de l’histoire » (p. 20). Ainsi, avec son accent sur la diversité de genre et le vécu des personnes trans et non binaires, le MCQ s’inscrit dans un effort récent de diversifier, décoloniser et « queeriser[14] » les musées (Mills 2008 ; Chantraine et Brulon Soares 2020 ; Sullivan et Middleton 2020a ; Macdonald 2023), soit de « dénoncer l’hétéronormativité des regards, des discours et des pratiques en place ; le queer relevant autant de l’identité que d’un outil analytique critique de cette même identité » (Foucher Zarmanian 2018 : 115), ou « pour simplifier, à les rendre plus inclusives » (Chantraine 2017).
Réflexions méthodologiques
À la suite de ces considérations d’ordre scientifique, mais aussi politique, éthique et épistémologique, comment comprendre le rôle et la place d’une exposition organisée par une institution parapublique dans les développements récents sur la diversité de genre au Québec ? Cette note de recherche tente d’apporter quelques pistes de réponses à travers les données préliminaires issues de deux types de matériaux ethnographiques. Le premier comprend tous les documents de travail relatifs à l’exposition qui ont été partagés avec les membres du comité scientifique depuis le début du processus d’élaboration : ébauche de projet, listes d’objets des collections du Musée proposés pour l’exposition, croquis et textes de scénarisation, liste et biographie des membres du comité scientifique et les différentes versions du projet détaillé produites et modifiées à la suite des rencontres du comité scientifique. Il inclut également les échanges de courriels entre Karine Geoffrion et Caroline Lantagne et une étude quantitative produite par le Musée auprès des membres du public figurant sur la liste d’envoi du Musée qui ont accepté de participer à des consultations, afin de sonder son public sur le thème de l’exposition. Ce sont 300 personnes de 35 ans et plus qui ont répondu au questionnaire, dont près de la moitié (45 %) avaient plus de 65 ans. Ces données issues de documents écrits nous permettent de suivre de façon chronologique le développement de l’exposition, son orientation, les avenues qui ont été privilégiées et celles qui ont été rejetées. À travers leur évolution, ces documents reflètent les discussions qui ont eu lieu lors de deux rencontres réunissant les membres du comité scientifique en février et en octobre 2022.
Le site web du Musée ainsi que sa page Facebook nous ont aussi permis de mieux situer l’exposition dans le cadre des activités régulières du Musée et de documenter les réactions aux activités de lancement de l’exposition. Plusieurs discussions informelles et deux entretiens avec Caroline Lantagne, la chargée de projet responsable de l’exposition, ainsi que le récit de l’expérience vécue au sein de l’équipe de scénarisation de l’exposition de Phillie Drouin et Amélia Fiset, qui corédigent cet article en tant qu’universitaires et membres de la communauté trans de la région de Québec, complètent les données.
Description du cas : l’élaboration de l’exposition sur la diversité de genre au Musée de la civilisation de Québec
En 2021, Caroline Lantagne, chargée de projet au MCQ, explorait des pistes pour la prochaine exposition qu’elle devait organiser. Des recherches préliminaires dans le monde de la muséologie lui confirmèrent l’originalité et la pertinence sociale d’explorer le thème de la diversité de genre. Comme mentionné, ce dernier s’inscrit dans une tendance observée dans les musées d’Europe et d’Amérique du Nord, bien que les personnes, artistes et communautés trans demeurent marginalisées dans le monde muséal au Québec et ailleurs dans le monde, notamment à cause du sous-financement de leurs projets (Jourdain 2020). La citation suivante, tirée de la fiche synthèse qui a servi à présenter le projet à la direction du Musée, montre déjà le ton de l’exposition que Caroline souhaitait créer :
Les transformations sociales récentes et les questionnements qui les accompagnent montrent que la question du genre est une préoccupation des plus importantes, un questionnement majeur qui aura un impact sur le vivre-ensemble. C’est une thématique par excellence qui offre la possibilité au Musée de la civilisation de contribuer à la transformation de la société, afin que celle-ci devienne plus égalitaire.
Document de travail, 2021
À travers cette exposition, elle propose de donner la parole aux personnes qui n’ont pas nécessairement la place pour s’exprimer ; leur offrir une certaine reconnaissance et une légitimité sociale. L’exposition s’inscrit ainsi dans la mission du MCQ de promouvoir la justice sociale et l’équité et une plus grande collaboration avec les communautés. Plus tard, Caroline affirmera :
Il n’y a rien d’exceptionnel à traiter de la thématique de la diversité des genres, de parler des réalités des personnes trans et non binaires. Après tout, le Québec a reconnu dans la Charte des droits et libertés de la personne, en 1977, que l’on ne pouvait pas discriminer les gens sur la base de leur orientation sexuelle et, plus récemment, en 2016, l’État québécois a aussi reconnu qu’on ne peut discriminer une personne sur la base de son identité de genre, en ajoutant cette mention dans la charte. Cela dit, le manque de visibilité des personnes LGBTQ+ et les discriminations dont elles sont victimes demeurent une réalité et c’est sur cet aspect que l’exposition peut avoir une résonance progressiste.
Le milieu du MCQ étant occupé principalement par des personnes cis et hétérosexuelles, la question de la légitimité s’est immédiatement posée pour la chargée de projet : « Est-ce qu’on a la sensibilité pour travailler ce projet-là ? Non. » Elle a donc constitué une équipe composée de huit spécialistes des questions de diversité sexuelle et de genre sur le plan professionnel, scientifique et, dans la majorité des cas, personnel. Son rôle devient celui de médiatrice ou « pivot » entre les différentes instances ou groupes de personnes concernés (comités du Musée, direction, spécialistes, scénaristes, publics). Les oeuvres d’artistes LGBTQ+ ont aussi été privilégiées dans le cadre de l’exposition.
Dès la première rencontre, en février 2022, le thème de la diversité de genre est devenu central à l’exposition. Selon Caroline Lantagne, l’une des préoccupations du comité était de donner la voix aux personnes concernées afin de les « humaniser ». Il importait donc de normaliser le quotidien des personnes LGBTQ+ ; de montrer, à travers des capsules audiovisuelles tirées de récits de vie, que le genre n’est pas la seule dimension de leur vie. Le comité s’est aussi entendu sur l’importance de déconstruire et de dénaturaliser le modèle hétérocisnormatif qui prédomine dans la société québécoise à l’aide d’outils pédagogiques vulgarisés qui « parlent » aux publics cibles du Musée. La terminologie associée à la diversité de genre étant en constante évolution et propre à chaque culture, un guide lexical a été élaboré en complément de l’exposition pour rendre compte de cette réalité au Québec. Il a été réalisé par le MCQ, en collaboration avec la sexologue Myriam Daguzan Bernier et le GRIS-Montréal, un organisme communautaire dont la mission consiste à favoriser l’inclusion des réalités LGBTQ+ dans la société, notamment à travers le témoignage.
Toutefois, la réaction des publics du Musée préoccupait la direction :
Notre comité de direction a fait part à l’équipe de l’exposition de préoccupations par rapport à la vulgarisation des contenus de la future exposition. Pour répondre à cette préoccupation, nous travaillons actuellement à évaluer les niveaux de confort et de connaissance de notre public cible afin de pouvoir adapter du mieux possible les moyens et messages de l’exposition.
Document de travail, mai 2022
Afin de sonder l’intérêt et le niveau d’aise de ces publics, et de convaincre la direction du Musée, composée de membres élus par le gouvernement québécois, de la pertinence de préparer une exposition sur la diversité de genre, une enquête auprès du public se trouvant sur la liste d’appel du Musée a été réalisée. Caroline Lantagne parle de la surprise qu’elle a éprouvée à la lecture des résultats. L’enquête montre une « belle ouverture », un intérêt certain pour le thème et des personnes plus à l’aise que ce à quoi elle s’attendait. Les résultats indiquent toutefois une différence de perception et de niveau d’aise selon les tranches d’âges. Les moins de 35 ans étaient plus confortables avec la diversité de genre et démontraient un vif intérêt pour l’exposition, quoique les individus de cette tranche d’âge n’étaient pas nécessairement plus informés que les personnes plus âgées sur ces questions, lesquelles « veulent surtout comprendre pourquoi cette différence plus qu’une autre et pourquoi autant d’attention et de bruit pour une “minorité” » (extrait du rapport de l’étude, mai 2022).
Dans les scénarios partagés aux membres du comité scientifique, on voit comment les différentes zones de l’exposition documentent la diversité sexuelle dans le monde naturel, puis les réalités contemporaines entourant la diversité de genre dans différentes cultures. Le comité insistait ici sur l’importance de montrer le rôle de la colonisation dans l’imposition de normes de genre binaires, notamment chez les peuples des Premières Nations. L’exposition se tourne ensuite vers les violences et les discriminations auxquelles sont confrontées les personnes de la diversité sexuelle et de genre en Amérique du Nord, afin de mieux comprendre l’importance des luttes et des revendications nécessaires à une société plus inclusive, respectueuse des différences et engagée pour la justice sociale. L’exposition se termine sur une note positive avec les zones 6 et 7, qui illustrent, selon les termes utilisés dans le document de travail, la résilience, la créativité et la beauté générées par les personnes issues des communautés queers et trans, à travers les oeuvres d’artistes. Les documents de travail montrent l’attention mise pour éviter de tomber dans le sensationnalisme et la fétichisation (Dumont-Harel 2022), et pour ne pas exoticiser sans leur consentement les personnes de la diversité de genre (Baril 2018).
La mission du Musée, menée par la chargée de projet, va ainsi plus loin que simplement informer le public sur les questions de diversité de genre : « Nous souhaitons créer un espace d’ouverture et d’éveil à la pluralité des expériences de genre […] qui l’incite à transformer sa perception des réalités relatives au genre » (fiche synthèse). Le Musée convie ainsi le public venu visiter l’exposition à faire preuve d’ouverture et à prendre conscience « des défis que les personnes trans et non binaires doivent affronter, et à […] les soutenir de manière proactive. En écoutant, respectant, utilisant les pronoms choisis et en s’informant, on peut devenir un.e allié.e solidaire et engagé.e » (Musée de la civilisation 2023). Le Musée, et plus largement les groupes qui ont commandité l’exposition, comme la Banque TD et Ubisoft, se positionnent ainsi en tant que vecteurs de transformation pour une société québécoise plus juste et inclusive.
Des impacts directs de cette exposition se sont déjà fait sentir au sein de la structure et de la gouvernance du Musée : étendue de l’écriture épicène aux textes de différentes expositions, formation du personnel (et de la direction) sur la diversité de genre et les pratiques inclusives, réflexion de fond sur les communications du Musée. De plus, la chargée de projet fait part d’un désir de mobilisation plus large à l’échelle des musées du Québec. Après un an au MCQ, il est prévu que l’exposition se déplace dans différentes villes du Canada et du monde afin de toucher un public plus large. Caroline se demande toutefois si une plus grande visibilité de ces enjeux peut avoir des effets de ressac, comme il s’en voit en Europe avec les campagnes anti-genre (Kuhar et Paternotte 2018), aux États-Unis (Trans Legislation Tracker 2023[15]) et au Québec, comme le montre la manifestation qui s’est tenue pour empêcher l’activité de conte offerte dans une bibliothèque par la drag queen Barbada en avril 2023 (De Rosa 2023).
Expérience de Phillie à la scénarisation
Cette section est entièrement rédigée par Phillie Drouin afin de faire ressortir, de façon réflexive et rétrospective, les enjeux, mais aussi les affects qui ont modulé son expérience de travail, d’abord au sein du comité scientifique, que l’on pourrait qualifier d’espace sécuritaire, puis dans l’équipe de scénarisation, avec toute la part d’incertitudes que représente l’intégration d’une personne trans au sein d’une équipe non trans.
On m’a d’abord approché.e pour faire partie du comité scientifique en tant que professionnel.le de recherche sur les enjeux trans, formataire sur les réalités LGBT+ et direction générale de l’organisme Divergenres. À la suite de la première rencontre du comité scientifique, en février 2022, on m’a approché.e de nouveau pour m’offrir le rôle de scénariste de l’exposition. J’ai immédiatement accepté cette offre parce qu’elle s’inscrit parfaitement dans mon travail professionnel d’éducation sur la diversité de genre, dans ma volonté de défaire les biais et les préjugés par le partage de savoirs empiriques et expérientiels et dans mon travail d’activiste militant pour une plus grande reconnaissance des droits des personnes trans.
En tant que personne trans non binaire qui travaille à la fois avec le grand public et avec les communautés trans du Québec, j’ai pu rapidement mettre à profit non seulement mes connaissances et mon expertise, mais aussi mes compétences en pédagogie et en médiation culturelle ainsi qu’une éthique de travail anti-oppressive qui priorise la voix des personnes concernées les plus marginalisées. L’équipe, composée de huit personnes cis âgées de 35 à 60 ans, a très rapidement vu les avantages qu’une personne trans ayant une réflexion critique sur le genre et un grand réseau de contacts dans la communauté pouvait apporter à l’équipe et au projet. Ainsi, un climat de respect et de reconnaissance s’est installé au sein de l’équipe.
Les premières rencontres d’équipe ont nécessité de bonnes périodes d’explication des notions de base, des thématiques qui devraient être abordées dans le cadre de l’exposition et de l’approche à préconiser pour le développement du contenu et le choix des oeuvres. Ce travail d’éducation a trouvé des oreilles ouvertes et attentives et a rapidement porté fruit. Il m’a permis de gagner en crédibilité et de gagner la confiance de l’équipe. J’ai donc pu faire mon travail de scénarisation en ayant une très grande latitude d’action et de décision. J’ai profité de cette grande latitude pour offrir une plus grande place aux artistes trans et aux récits des personnes trans dans l’exposition[16]. C’était important pour moi que les personnes principalement concernées par le sujet de l’exposition restent en contrôle de leurs narratifs, que leurs histoires soient traitées avec sensibilité et que leurs identités soient célébrées. Je souhaitais non seulement que le grand public arrive à bien comprendre la diversité de genre, mais aussi qu’il puisse découvrir nos cultures, notre histoire et notre résilience. C’est pourquoi une zone entière de l’exposition est consacrée aux luttes trans, et une autre zone, à la célébration des arts, des cultures et des identités trans. J’ai aussi constaté un changement de paradigme au sein du projet : l’exposition est passée d’un projet mené par des personnes cis pour des personnes cis, à un projet mené par des personnes cis et trans pour des personnes cis et trans.
Dix mois après le début de mon travail de scénarisation au MCQ, je ressens toujours autant de fierté de pouvoir mettre mes connaissances et ma vision au service d’un projet innovant de si grande envergure. J’éprouve de la gratitude pour l’équipe du Musée, qui a su passer par-dessus ses craintes et aller de l’avant malgré les résistances qui l’entourent. Maintenant que mon travail de scénarisation est achevé, je suis convaincu.e que cette exposition sera bien reçue, tant par le grand public que par les personnes concernées. La simplicité avec laquelle les notions sont abordées, la sensibilité avec laquelle les récits de vie sont traités et la diversité des contenus présentés auront raison des esprits les plus fermés.
Janvier 2023
L’inauguration de l’exposition : attention, « avertissement bienveillant »
Dans leur chapitre intitulé « WARNING! HETERONORMATIVITY » (2020), Nikki Sullivan and Craig Middleton (2020b) réfléchissent à la signification des signes d’avertissement déployés dans les musées à partir du cas fictif où l’on avertirait le public des risques relatifs au caractère hétéronormatif d’une exposition. Dans une société construite sur un modèle hétérocisnormatif, où l’hétérosexualité est la norme non marquée, le signe semblerait dérisoire. Or, Sullivan et Middleton nous rappellent que les effets délétères de l’hétérocisnormativité sont bien réels. À la suite de l’évènement d’inauguration, malgré une couverture médiatique positive de l’exposition par les principaux médias québécois, une vague de commentaires haineux est apparue sur les réseaux sociaux tels que la page Facebook du MCQ. Les détracteurs mobilisent l’argument de la « corruption » des enfants, maintes fois ressassé lors des expositions grand public portant sur l’histoire des personnes gaies et lesbiennes au début des années 2000 (voir Austin et al. 2012). Pour y répondre, le Musée s’est référé principalement au message d’avertissement qui figure sur son site web et à l’entrée de la salle d’exposition. C’est la première fois où le Musée met une telle notice à l’attention des visiteurs :
Avertissement bienveillant : Nous souhaitons vous aviser que, dans cette exposition, il y a des éléments anatomiques explicites et quelques scènes de nudité partielle. Nous recommandons que les jeunes de moins de 14 ans soient accompagné.e.s d’un adulte. Nous vous invitons à découvrir Unique en son genre avec ouverture et bienveillance. Bonne visite !
Cette notice « bienveillante », rédigée dans un français inclusif, est intéressante puisqu’elle permet au Musée de présenter une exposition au potentiel de controverse, tout en reproduisant l’idée que la diversité de genre constitue un risque. Selon Sullivan et Middleton (2020b : 32), les musées « gèrent la différence et la dissidence plutôt que de les étouffer, et ainsi, ils semblent encourager la diversité. Les panneaux d’avertissement permettent aux musées de s’engager avec du matériel controversé et de prendre des risques qui, autrement, ne sembleraient pas tenables » (notre traduction). Basés sur le concept de « censure implicite » (Tyburczy 2016, notre traduction) et sur celui de « censure cachée » (Katz 2018, notre traduction), ces signes
instituent ce qu’ils prétendent simplement décrire. En nommant les objets, images et/ou identités sexuelles (« non normatifs ») comme potentiellement offensants, dangereux, non appropriés pour les enfants, etc., les panneaux d’avertissement les (ré)inscrivent comme tels. En même temps, ils (ré)affirment la normalité des expositions qui ne sont pas signalées.
Sullivan et Middleton, 2020b : 33, notre traduction
Cet avertissement nous rappelle le pouvoir de la norme hétérocisnormative au Québec et souligne le double standard qui affecte les expositions muséologiques, où le nu (surtout féminin) est valorisé comme grand art dans certains cas, alors qu’il est considéré comme vulgaire dans le cadre d’une exposition sur la diversité de genre.
Conclusion : des savoirs engagés au musée
Dans la première version du document de travail sur l’exposition, un parallèle était fait entre l’exposition « Souffrir pour être belle » présentée en 1988, qui remettait en question les pressions sociétales imposées aux femmes, et l’exposition actuelle portant sur la diversité de genre. L’objectif était de montrer que les réalités sociales, notamment celles liées au genre, se transforment au fil du temps et que le Musée est un acteur important de ces transformations, « à la fois le reflet de la société et un acteur de celle-ci » (Document de travail, p. 2).
L’exemple de la réalisation de l’exposition sur la diversité de genre au Musée de la civilisation de Québec montre à quel point le processus reflète à la fois les préoccupations et les malaises de certaines personnes face à la visibilité accrue des personnes dont le genre ne cadre pas avec le système binaire et hétérocisnormatif au Québec ; mais aussi, le potentiel de transformation important que représentent ces initiatives culturelles (Marstine 2006 ; Foucher Zarmanian 2018), surtout si elles sont portées par des personnes des communautés concernées (Sneeuwloper et al. 2020). Les personnes cis qui font partie du groupe majoritaire occupaient bien des rôles clés dans le processus décisionnel et le développement des contenus de l’exposition, mais elles ont eu la sensibilité de remettre en question leur propre légitimité dès le début du processus (voir Gauthier 2018). Non seulement les savoirs sur les réalités des personnes trans sont-ils produits par des personnes trans, mais ils le sont au sein d’une équipe de travail « mixte », ce qui contribue à les décloisonner, à forcer des discussions entre les parties, à créer des « savoirs engagés » (Dorais 2020), et même à faire changer, de l’interne, l’institution du musée. Comme l’explique Levin (2020 : 9) : « Lorsque celleux qui ont été objectifié.es en tant que sujets d’ethnographie ou de critique esthétique ont la possibilité d’exprimer leurs propres positions dans des expositions, les inégalités de pouvoir commencent à se transformer » (notre traduction).
En tant qu’institutions détenant une légitimité et une autorité certaines, les musées ont été critiqués pour leur rôle et leur complicité dans la reproduction de structures de pouvoir coloniales, classistes, racistes et sexistes (Sanders 2008 ; Steorn 2012). Toutefois, la « complicité » de ces derniers dans le maintien de l’hétérocisnormativité a longtemps été ignorée (Sanders 2008 : 17 ; Levin 2010). Or, ce que l’exemple du processus d’élaboration de l’exposition « Unique en son genre » nous montre, c’est la capacité des « nouveaux » musées à ébranler le statu quo, à résister aux impulsions conservatrices en déstabilisant — de façon très pédagogique et avec beaucoup de précautions — les systèmes normatifs en place dans la société québécoise. Malgré les quelques commentaires courroucés observés en ligne, il est clair que cette initiative institutionnelle et grand public s’inscrit dans une mouvance vers une plus grande inclusivité de la diversité de genre dans le monde muséal sur le plan des représentations, mais aussi, de la méthodologie et de l’éthique même des pratiques muséales.
Est-ce que la place donnée à la diversité de genre dans les politiques gouvernementales et les institutions culturelles sont un signe d’une mouvance vers une transformation durable des normes de genre ? Est-ce que ces conversations et mesures concrètes concernent toutes les couches de la société ou se concentrent-elles davantage dans les milieux universitaires et des arts ? Comment les populations LGBTQ+ sont-elles impactées par cette « représentativité » accrue ? Ces questions restent en suspens. Il n’en demeure pas moins que les catégories de genre se diversifient et se transforment dans la société québécoise. Il reste à voir comment les publics répondront à cette exposition. Les réactions constitueront autant de signes du degré d’engagement de la société québécoise pour une ouverture des normes de genre et une redéfinition des possibilités.
Parties annexes
Notes
- [1]
-
[2]
D’après Conlan et Levin (2010), le mouvement autoréflexif en muséologie s’est graduellement imposé après la parution d’un essai intitulé « The New Museology », par Vergo (1989). Cette approche « s’écarte des préoccupations traditionnelles des musées en matière de collections et de classification et met l’accent sur les relations sociales enchâssées et mises en oeuvre dans le musée » (Conlan et Levin 2010 : 299-300, notre traduction). Les politiques de reconnaissance des groupes minorisés deviennent alors centrales aux nouvelles orientations proposées par les critiques de la muséologie traditionnelle (Macdonald 2006).
-
[3]
Le concept de transitude est défini ici de façon inclusive et ne réfère pas qu’aux personnes trans dites binaires qui ont recours à des soins médicaux. C’est une modalité de genre qui inclut toute modalité non cis. Selon le guide du MCQ, trans « est un terme parapluie qui englobe les personnes dont l’identité de genre ne correspond pas au genre assigné à la naissance. Ce terme inclut les hommes trans et les femmes trans, les personnes non binaires, les personnes de genre fluide (genderfluid), de genre créatif, genderqueer, etc. ».
-
[4]
Dans cet article, nous utilisons un langage inclusif et non genré. Les déterminants « iel » et « celleux » sont proposés afin de ne pas présumer de l’identité de genre des personnes référées.
-
[5]
Par exemple, nous pouvons penser aux écrits de Pascale Bérubé, Gabrielle Boulianne-Tremblay, Laurence Caron, Pascale Cormier, Sébastien Émond, Loup Gauthier.
- [6]
-
[7]
Notons le cas de Lou (iel/accords neutres) de la série Sans rendez-vous ; l’un des rares cas où le personnage utilise le pronom « iel » et exprime clairement son désir d’être désigné ainsi.
-
[8]
La majorité des travaux cités parlent de systèmes « hétéronormatifs ». Nous tenons à ajouter le « cis » pour souligner que la cisnormativité va souvent de pair avec l’hétéronormativité.
- [9]
- [10]
-
[11]
Voir https://konmuseum.dk/english/about-kon-gender-museum-denmark/.
-
[12]
Voir https://icom.museum/fr/news/licom-approuve-une-nouvelle-definition-de-musee/.
-
[13]
Document disponible à l’adresse suivante : https://museums.ca/uploaded/web/docs/Introduction_LGBTQ2_FR.pdf.
-
[14]
Le terme queer, ici francisé, est utilisé à la façon dont l’entend Levin (2020 : 15) : « Queer est souvent utilisé comme verbe ; c’est une action, un engagement, un désir même, de surmonter la tendance à catégoriser les humains d’une manière qui limite leur potentialité. Queer exprime une impulsion militante et rebelle de plus en plus apparente dans les processus de conservation [dans les musées] » (notre traduction).
- [15]
-
[16]
Amélia a rejoint Phillie dans l’équipe de scénarisation à titre de chercheuse étudiant les représentations de la transitude, pour produire un document de recherche synthétique au sujet des représentations trans à la télévision et dans la littérature du Québec. Elle a été rassurée par le fait qu’une autre personne trans soit impliquée dans ce projet. Dans son travail, elle a priorisé un angle positif, se concentrant sur les apports sociaux des représentations trans plutôt que sur la seule violence et ses conséquences, sachant que trop de personnes trans sont familières avec ses impacts délétères.
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