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L’ouvrage soumet au lecteur des regards pluridisciplinaires sur la place qu’occupe l’espace domestique dans les approches en sciences sociales. Il renseigne sur la grande diversité des aires culturelles (Europe, France, Inde, Japon, Afrique, Canada) et des « entrées » possibles pour l’espace domestique. Les contributions des auteurs, anthropologues, architectes, géographes, sociologues et autres spécialistes mettent l’accent sur les logiques plurielles et les dynamiques constantes à l’origine de la formation de l’espace domestique. Elles confirment par là même l’affirmation principale de l’ouvrage selon laquelle l’espace domestique relève bien de l’ordre du social. Au même titre que l’espace public, objet privilégié des chercheurs aujourd’hui, l’espace domestique renseigne sur divers aspects de la vie sociale à un niveau structurel tels que les rapports de couple, les relations entre générations, les changements sociaux et les normes sociales spécifiques. Si aujourd’hui l’intérêt est porté sur l’individu en tant qu’acteur social, l’espace domestique demeure le premier cadre de son rôle social. La prise en compte de l’individu en tant qu’acteur dans la vie sociale engagé dans des rôles sociaux et l’émergence de la question du genre apparaissent comme deux aspects structurants de la vie quotidienne qui se déroulent dans la sphère domestique. Le niveau d’analyse micro-social met en évidence l’importance de l’ordinaire et du routinier dans la compréhension des phénomènes sociaux. C’est ainsi que l’espace domestique comme « territoire premier, anthropique, différencié […] joue un rôle de premier plan dans de multiples champs » (p. 4), les rapports hommes-femmes, l’établissement de normes de comportement, la construction de l’identité individuelle et collective, les rapports à la dimension du pur et de l’impur, du propre et du sale, etc. L’articulation constante de l’espace domestique avec d’autres types d’espace se situe à des échelles variées : la rue, le quartier, la ville, etc.
Structuré autour de cinq thématiques, l’ouvrage expose au travers de la diversité des contributions la complexité et la richesse de la réflexion théorique sur l’espace domestique : « Mise en place du domestique » (4 contributions), « Produire et s’approprier l’espace domestique » (8 contributions), « Normes domestiques, normes sociales » (7 contributions), « Cycles de vie et espaces domestiques » (7 contributions), « Mise en texte du domestique » (5 contributions). Il en résulte une convergence des idées qui confirment que l’espace domestique ne peut se réduire à « un contenant délimité par les murs ». Car il est aussi et peut-être surtout « un espace contenu où la projection de l’être, en chair, construit un monde où sa sécurité ontologique est maximum » (p. 33). Le lecteur est convié à l’argumentation d’une « ré-interprétation géographique » du concept de monde ambiant développé par Heidegger. Dans la perspective phénoménologique, l’espace domestique est abordé comme un lieu où l’investissement de l’imaginaire est remarquable, un lieu poétique, un lieu que l’on peut s’approprier, marqué par une temporalité longue, la pluralité des acteurs et les conditions spécifiques de sa production. Toute approche réductrice cantonnant l’espace domestique à un « espace de fermeture » est fortement récusée, car des formes inattendues, comme par exemple « la rue domestiquée » à travers l’expérience des SDF confirme le caractère multidimensionnel de la notion d’habiter. Cet « espace d’ouverture » disent les auteurs, en tant que « construit social, culturel et idéologique » (p. 20), donne du sens à la relation dedans-dehors et aux « figures du seuil. Chargé de sens, l’espace domestique contient des valeurs individuelles et familiales inscrites dans un champ plus large, celui du social. En réalité, il apparaît clairement que dans l’espace domestique se rencontrent des référents sociaux multiples et complexes mettant en lumière des pratiques quotidiennes et des rituels dictés par la distinction intérieur-extérieur. Reste à savoir si l’analyse de l’espace domestique par opposition à l’espace public où s’exercent des enjeux sociaux, culturels, économiques et politiques spécifiques, est la posture de recherche la plus convaincante.
Enfin, cet ouvrage collectif regroupe des interventions présentées au colloque international sur les espaces domestiques qui s’est déroulé les 17 et 20 septembre 2002 à l’Institut de Géographie de Paris. La moitié des auteurs sont des géographes ayant un intérêt pour les micro-espaces et l’analyse des comportements individuels en géographie. L’autre moitié est constituée par des spécialistes de ce domaine, anthropologues, architectes et sociologues. La transdisciplinarité affirmée renvoie à la recherche d’une légitimité géographique dans des problématiques liées à la dimension spatiale d’un fait social et à la mise en oeuvre d’une « géographie de l’intime ». Au-delà de l’intérêt de chacune des contributions, on se prend alors à regretter qu’aucune définition de l’espace domestique n’ait été proposée.