Corps de l’article
People act in the world in terms of the social beings they are, and it should not be forgotten that from their quotidian point of view it is the global system that is peripheral, not them.
Sahlins 1999 : 412
If we want to imagine emergent forms of resistance, new possibilities and the messiness through which the best laid plans may not yet destroy all hope, we need to attune ourselves to the heterogeneity and open-endedness of the world.
Tsing 2000 : 352
Ce numéro présente quelques réflexions autour du concept de « culture », de la redéfinition contemporaine des mondes culturels et de la difficile négociation de la reconnaissance et de la co-existence. Il y est question de réorganisation et de repositionnement des rapports sociaux et des trajectoires identitaires, ainsi que de sensibilités et de consciences culturelles, de contestation et de négociation de sens, mais aussi de circulation et d’échanges, enfin de thèmes anthropologiques et de pratiques signifiantes qui ont toujours été au coeur des mondes culturels et des relations interculturelles, mais lesquels se posent aujourd’hui de manière encore plus aiguë face aux forces de la mondialisation et du capitalisme global, d’une part, et aux volontés de revendications et d’affirmation identitaires et culturelles, d’autre part. Le titre que nous avons choisi nous semble évocateur de certaines réalités contemporaines autour du concept de culture sans prétendre toutefois les aborder toutes.
L’époque où les anthropologues discutaient et débattaient du concept de « culture » à l’intérieur essentiellement des limites de la discipline est révolue. Dans les années 1980, alors que la discipline traversait une crise de représentation et que les anthropologues doutaient de leur « invention », des disciplines connexes se sont approprié le concept de culture ; on assista aussi à l’avènement et à l’essor des cultural studies. De plus, chez eux et sur le terrain, les anthropologues sont témoins depuis une quinzaine d’années de la présence croissante de la « culture » tantôt comme objet rhétorique – dans une forme souvent essentialiste – tantôt comme outil politique et objet de revendication et de réaffirmation identitaire. Ces processus d’objecti-vation de la culture et usages contemporains du concept présentent une double facette de politisation et de dépolitisation. Ce sont de tels processus que les auteurs du numéro explorent et interrogent en prenant appui sur des réalités empiriques locales.
La culture
S’interroger sur la culture, et les anthropologues l’ont compris depuis longtemps, c’est s’interroger sur sa prégnance, comme processus vécu et comme expérience partagée, mais aussi sur la pluralité des mondes culturels et la complexité de leurs interrelations. Pierre angulaire de la discipline anthropologique, le concept de culture a pourtant été depuis les années 1980 plutôt malmené, tout à la fois nié et revisité, contesté et déconstruit, mais il a gagné néanmoins en complexité et en sophistication. Après les critiques postmodernes et déconstructionistes, la crise de représentation qui a traversé la discipline, et dans la mouvance de la mondialisation et du capitalisme global, on peut en effet se demander : Mais que reste-t-il de la culture? S’est-elle dissoute et fragmentée au point de n’être plus repérable, ni dans les êtres, ni dans leurs productions et leurs pratiques, ou dans leurs relations entre eux? Les mondes culturels seraient-ils devenus des arrangements transitoires et fragmentaires, essentiellement hybrides et en constante recomposition? Sans tomber dans ces extrêmes, il est évident toutefois qu’il nous fallait repenser nos façons d’appréhender les mondes culturels, mais aussi la question des différences et des espaces interculturels. Non seulement les « posties » et le paradigme déconstructionniste n’auront pas été vains, mais ils gardent toute leur pertinence au sein de la discipline, ne serait-ce que par le regard critique et réflexif qui les caractérise ; un regard dont la discipline ne saurait se passer dorénavant [1].
Comme théorie et comme pratique, l’anthropologie est portée par un nouveau souffle, plus mature, qui lui est inspiré à la fois de l’intérieur de la discipline, mais surtout, dirions-nous, par la force, la créativité, la plurivocalité, la persistance et la redéfinition des mondes culturels aux prises très souvent avec des dilemmes, des contraintes, des souffrances jusque là inégalés. C’est dire aussi que les réalités des mondes locaux et régionaux ne peuvent plus être conceptualisés sans considérer les relations dialectiques et dialogiques entre le global et le local, mais sans pour autant tomber dans le piège de ne considérer le local que comme une expression du global. La contemporanéité des mondes culturels et la rencontre (ou la co-existence) de régimes de valeurs et de principes ontologiques souvent radicalement différents – et à l’intérieur de rapports de pouvoir inégaux – sont portées par des dynamiques de négociation et de contestation de sens, tout en donnant lieu à de nouvelles subjectivités et configurations identitaires, à de nouvelles formes culturelles, ou encore à de nouveaux espaces d’expression, de résistance et d’autonomie.
Aux questions, « Qu’est-ce que la culture? », ou « Comment étudier les relations entre les cultures? », un accord général semble donc se profiler selon lequel les forces de la mondialisation (et les valeurs et les phénomènes de la modernité dont elles sont souvent porteuses), loin de déboucher sur l’homogénéisation culturelle, donnent lieu plutôt à de nouvelles configurations culturelles à travers lesquelles se redéfinissent les subjectivités et les relations sociales (Moore 1999). Tout en maintenant son intérêt de toujours pour les différences culturelles, l’anthropologie a su, d’une certaine façon, sophistiquer ses outils conceptuels et méthodologiques afin d’interroger la nature des réponses, des résistances et des reconfigurations locales, dans une perspective diachronique, et face, entre autres, aux formes de pouvoir et de contrôle, révélant dès lors la complexité et la dynamique des politiques de la culture et des politiques identitaires. Sans nier la pertinence d’explorer ce que certains nomment l’indigénisation de la modernité ou l’apparition de modernités alternatives[2], il nous faut poursuivre l’interrogation des notions et des formes locales (mais aussi diasporiques) d’agencéité et d’historicité sans lesquelles il n’y aurait pas d’ordre culturel. La culture et l’histoire, à la fois comme constructions académiques et comme processus vécus, sont irrémédiablement entrelacées (Lambek et Boddy 1997 : 14 ; voir aussi Friedman, ce numéro) ; c’est dire aussi que dans les deux cas, ils sont partagés, négociés, contestés et donc transformés.
Politisation et dépolitisation de la culture
Dans les contextes néo-coloniaux et postcoloniaux actuels, le mot « culture » est sur toutes les lèvres (Sahlins 1993). Même les Aborigènes australiens qui ignoraient jusqu’à tout récemment avoir une « culture » sont maintenant fréquemment invités à donner des « prestations culturelles » lors d’événements nationaux et internationaux (voir aussi Dussart, dans ce numéro). La « culture » est devenue un des fers de lance des revendications des groupes minoritaires et autochtones ; elle est devenue un outil politique, ainsi qu’un objet et un moyen de revendication. Les « cultures » locales (ou traditions) que l’époque coloniale avait si fortement condamnées comme un frein au développement des sociétés sont devenues une ressource afin de négocier la co-existence avec la société dominante et faire reconnaître ses droits et sa spécificité (Wright 1998).
Ainsi, face aux revendications politiques et identitaires des groupes minoritaires ou marginalisés, mais aussi dans la mouvance de la rhétorique et des politiques sur le multiculturalisme, l’interculturel et la reconnaissance, la « culture » est devenue une variable intéressante et digne d’attention pour les politiciens, les juristes, les décideurs, ou encore les organismes de développement internationaux. Devant ces processus d’objectivation de la « culture », Susan Wright soulève la question suivante : « Comment les anthropologues peuvent-ils utiliser leurs nouvelles approches théoriques de la “culture” pour explorer et révéler les effets des usages courants de ce concept dans les politiques contemporaines »? (ibid. : 7).
Ainsi objectivée dans le cadre des politiques nationales ou internationales, la « culture » est utilisée comme outil politique mais à partir généralement d’une définition classique, positiviste et a-historique du concept, inspirée certes d’une certaine anthropologie, mais devenue depuis désuète au sein même de la discipline. Pour les mondes occidentaux et les démocraties libérales, ce nouvel outil rhétorique n’en est pas moins un outil d’intervention et de contrôle, et où les différences culturelles semblent pouvoir être simplement “accommodées”, sans pouvoir être pleinement reconnues et exprimées. Dans les politiques et les rhétoriques dites multiculturelles, la « culture » est tantôt réduite à une série d’expressions et de manifestations tolérées et tolérables, tantôt enchâssée dans un ensemble de « droits » ; les aspects dialectiques des cultures et des relations interculturelles, mais aussi les principes ontologiques des unes et des autres n’y sont pas présents. La notion d’« accommodation des différences », chère aux politiques de la reconnaissance et du multiculturalisme, apparaît parfois bien faible face aux défis, aux compromis et aux transformations institutionnelles qu’implique la négociation d’une co-existence. Dans cette ère de globalisation et de modernité avancée, le discours néo-libéral sur le multiculturalisme et l’accommodation des différences donne en effet l’impression de reconnaître et de célébrer les différences. Mais les différences culturelles qui sont reconnues sont souvent superficielles ; ce sont celles qui sont présentables et acceptables selon les codes moraux de la société dominante, celles qui offrent la stimulation de la différence mais sans déranger et sans causer d’anxiété. En d’autres termes, des différences qui ne remettent pas en question l’ordre social et moral dominant, ni les principes ontologiques et épistémologiques dominants. L’expression de la différence est dès lors inhibée et contrôlée à l’intérieur de balises prédéfinies. Parfois la rhétorique de la reconnaissance de la différence et du droit à la différence est en cela quelque peu trompeuse (Povinelli 2001). Sous couvert d’une ouverture à l’Autre, elle tend à réduire l’altérité à son expression la plus simple ou du moins la moins compromettante pour les institutions en place.
Dans cette rhétorique politique de la « culture », celle-ci est abordée comme une « chose » plutôt que comme processus historique[3]. Elle est en outre perçue comme un objet que l’acteur social possède, et non pas comme constitutive de la personne elle-même ; la culture est présentée comme quelque chose que l’acteur social a le droit d’avoir. En mettant l’accent sur l’avoir culturel plutôt que sur l’être culturel, les questions de la différence et de l’altérité restent entières. Ce sont aussi les aspects ontologiques qui sont occultés (Cowan et al. 2001). Considérant que ces aspects sont parmi les principaux obstacles aux relations interculturelles (Clammer et al. 2004), leur mise en veilleuse ou leur négation ne fait que retarder la reconnaissance pleine et entière de l’Autre culturel. Pour certains, le rapport de l’Unesco sur la diversité culturelle (Our Creative Diversity) est un exemple éloquent de cette tendance (Eriksen 2001). La culture et la diversité culturelle y sont certes reconnues et valorisées, mais davantage pour leur valeur esthétique, alors que leurs aspects moraux et ontologiques sont passés sous silence. Ce qui donne lieu à une position paradoxale, soit une valorisation de la différence culturelle et de la pluralité, et en même temps une emphase sur la nécessité d’une éthique globale. Comme si la culture n’était concernée ni par l’éthique, ni par la morale.
Ces processus d’objectivation extrême de la « culture » hors des corporéités, des pratiques et des consciences individuelles, et hors de l’histoire et de la redéfinition des rapports sociaux, des rapports de pouvoir inégaux et des politiques de l’identité tendent à une banalisation des différences culturelles, à une « culturali-sation » de l’Autre, et où la « culture » est souvent réduite à des considérations d’ordre esthétique, occultant ses valeurs morales et ses aspects dialectiques. Nous pourrions dire en cela qu’un étrange glissement semble s’être produit depuis les Lumières. Lors des premiers contacts, et au sein du discours dominant, on se rappellera que les « sauvages » étaient classés du côté de la « nature », et qu’il était alors du devoir des Européens, fidèles à leur mission civilisatrice, de les faire cheminer du côté de la « culture ». Les mondes occidentaux et les démocraties libérales reconnaissent aujourd’hui la « culture » des Autres, mais se réservent le droit de l’enchâsser au sein de discours globaux, de déclarations et de constitutions, lesquels – par quelque magie dont seule l’hégémonie moderniste connaît le secret – auraient transcendé tout ancrage ou toute influence culturelle. Comme si la modernité occidentale n’était pas aussi une construction sociale, culturelle et historique! Comme si la modernité n’était pas aussi inscrite dans « une » tradition (Friedman 2002).
On ne saurait passer sous silence une autre tendance autour du concept de culture qui prend de plus en plus d’ampleur et qui se trouve davantage véhiculée au sein d’une classe intellectuelle cosmopolite, à savoir celle qui tourne autour des notions d’hybridité, de métissage ou encore de créolisation (Werbner et Modood 1997 ; Friedman 1997 et ce numéro). Alors qu’on ne saurait nier le pouvoir de séduction de ces notions et leur force d’évocation face à certaines réalités actuelles, quelques mises en garde méritent toutefois d’être évoquées. D’une part, depuis Boas, en passant par Lévi-Strauss et plusieurs autres, l’anthropologie a su reconnaître – bien que parfois du bout des lèvres – le caractère fondamentalement hybride de toutes les cultures, lesquelles se sont toujours construites et déployées sur un fond de contacts, d’emprunts et d’échanges culturels. Les mondes culturels sont indubitablement hybrides puisqu’ils sont des créations historiquement négociées de mondes symboliques et sociaux plus ou moins cohérents (Werbner 1997 : 15 ; Friedman 1997). Les processus d’hybridation et de créolisation sont intrinsèques à l’histoire des contacts interculturels et se produisent, sur fond de créativité et de résistance culturelles, avec plus ou moins de contrainte et de violence selon les périodes historiques. Ce ne sont donc pas des phénomènes nouveaux ; ou alors nous apparaissent-ils plus répandus, plus présents et prégnants dans cette ère de mondialisation? Qu’en disent les mondes autrefois colonisés, ceux qui n’en finissent plus de se redéfinir, de se recomposer et de se reconfigurer face à l’hégémonie moderniste occidentale ou face aux forces et valeurs du capitalisme global? Les concepts d’hybridité et de métissage sont-ils vraiment pertinents lorsqu’il s’agit justement d’étudier ces phénomènes d’articulation interculturelle, les processus d’appropriation et de réinterprétation locales de la modernité, de ses valeurs, de ses objets ou de ses idéologies, ainsi que les stratégies politiques identitaires à l’oeuvre derrière ces créations culturelles? Les nouveaux arrangements sociaux et culturels qui découlent de tels processus d’hybridation sont imprévisibles, ils ne peuvent être formulés ou pressentis d’avance. Nous pourrions dire aussi que l’hybridité n’a plus de secret pour les mondes postcoloniaux, et pourtant ils revendiquent, plus que jamais, leur différence, leur identité, voire leur « authenticité », et la spécificité de leur être-au-monde. Est-il nécessaire de rappeler enfin que parmi les productions culturelles créoles les mieux connues, le pidgin est né de la résistance des mélanésiens face aux colonisateurs, comme vecteur d’identité et de différenciation dans un contexte de rapports de pouvoir inégaux ; il en va de même pour le métissage des dieux dans le Brésil colonial et contemporain.
L’être hybride cosmopolite – si un tel être devait exister – n’est-il pas un être utopique, son identité n’ayant d’ancrage que le monde at large? Il se distingue en cela de l’être biculturel, le passeur de frontières, celui ou celle qui tente le rapprochement entre deux mondes et vise une co-existence négociée, dans le respect des ontologies et des spécificités des uns et des autres et tout en cherchant à créer de nouveaux espaces interculturels (Smith 1999 ; Schwimmer 2004). Une autre mise en garde, soulignée par Friedman (ce numéro), est le fait que « l’hybridation » complète présuppose son contraire, l’homogénéisation, puisque tous les « blocs » culturels constitués précédemment atteignent le même degré de « mélange ». C’est dans ce sens aussi que certains usages actuels des notions d’hybridité et de créolisation rappellent étrangement le concept classique d’« acculturation » et son caractère apolitique en niant la réalité et les effets des rapports de pouvoir inégaux dans les contacts interculturels, d’une part, et, d’autre part, les stratégies sociales – identitaires, mimétiques ou de résistance[4]. Toutes les différences ne se valent pas : toutes ne sont pas également négociables et « métissables ».
Si l’hybridité et la créolisation, comme le souligne Bibeau (2000), se conçoivent et se pratiquent assez facilement lorsqu’il est question de cuisine, de musique ou de vêtement, il en va autrement lorsqu’il est question de droit, d’éthique ou de religion. Justement parce que nous touchons alors des questions d’ordre ontologique, celles de l’être-au-monde, des façons différentes d’appréhender le réel, de concevoir la place de l’humain dans le cosmos et dans ses relations avec les Autres, y compris avec les non-humains. À ces niveaux, la tolérance et une rhétorique d’ouverture à l’Autre sont loin d’être suffisants, encore faut-il vouloir ou pouvoir valoriser une logique relationnelle, et penser ontologiquement (mais aussi épistémo-logiquement) le multiple et la multiplicité, ainsi que la fluidité et la perméabilité des frontières. Sur ces aspects, les mondes contemporains non occidentaux, nous dirions ceux de traditions polythéistes et animistes, sont, en règle générale, beaucoup plus à l’aise que les modernes (et les monothéistes) à penser et à établir des relations, à penser le multiple, la multiplicité et le composite, ou encore la fluidité et la perméabilité des frontières. Les mondes culturels postcoloniaux sont passés maîtres dans l’art de résister ou de se replier, dans l’art de cohabiter, à défaut d’une co-existence négociée, afin de pouvoir exister en leurs propres termes.
Le numéro
La question de la politisation et de la dépolitisation de la culture, dans un contexte de revendications identitaires ainsi que d’une rhétorique de la reconnaissance, doit être abordée à partir d’angles multiples aptes à révéler ses divers effets et manifestations. Les auteurs du numéro soulignent, chacun à sa façon, la difficulté de théoriser et de problématiser à la fois les différences culturelles ainsi que les espaces interculturels. Ils nous rappellent que même si les mondes culturels et les réalités locales contemporaines ont été irrémédiablement transformés au fil de l’histoire coloniale, de leurs relations avec les projets de la modernité et du capitalisme global, et qu’ils sont irrémédiablement insérés dans le système-monde, ils n’en continuent pas moins de revendiquer des espaces d’expression et d’autonomie, d’être porteurs et créateurs d’agencéités, de sensibilités, et de modes d’être-au-monde, de pratiques signifiantes, de motivations et de rêves que l’anthropologue-ethnographe aspire à mieux comprendre.
En s’appuyant sur une démarche résolument critique et réflexive, Friedman soulève plusieurs questions d’intérêt crucial pour l’anthropologie contemporaine, à la fois comme théorie et comme pratique. Il établit de manière convaincante un parallèle entre l’histoire du concept de culture, au sein de la discipline anthropologique et dans ses usages contemporains, et celle des politiques de l’identité culturelle dans le monde réel, depuis l’époque coloniale jusqu’au contexte actuel à la fois de revendications identitaires et de globalisation. Il met en relation les différentes acceptions du concept de « culture », à la fois comme constructions analytiques au sein de l’académie, comme outil de revendication identitaire par les groupes minoritaires ou autochtones, et enfin comme processus vécu, soit « l’expérience partagée de la production culturelle ».
Pour Friedman, le paradoxe actuel autour de la politisation et de la dépolitisation de la culture est le reflet d’un autre paradoxe qui a trait aux phénomènes d’exclusion et d’inclusion auxquels on assiste sur la scène mondiale ; chacun de ces phénomènes étant porteur de ses propres formes de violence. Les phénomènes d’exclusion sont ceux qui découlent de la montée des revendications identitaires, la résurgence des identités nationales et de l’ethnicisation, autant de phénomènes qu’il attribue davantage à l’échec des projets modernistes et au déclin hégémonique de l’Occident qu’à la mondialisation en tant que telle. À ce processus de fragmentation et de revendications identitaires et nationalitaires où domine l’exclusion, s’ajoute le phénomène d’inclusion qu’exercent les politiques de la reconnaissance et du multiculturalisme, ainsi que l’apparition d’une élite intellectuelle cosmopolite. Dans les rhétoriques et les politiques du multiculturalisme, mais aussi avec les concepts qui leur sont jumelés (ceux d’hybridité, de métissage et de créolisation), les différences profondes sont niées ou, comme le dit Friedman, « les différences ne diffèrent plus ». C’est en ce sens que les phénomènes d’inclusion sont aussi porteurs de leur propre forme de violence. Parlant de la rhétorique du multiculturalisme ou de l’identité « hybride » de l’élite cosmopolite, et qu’il associe à une certaine anthropologie globalisante (ou mondialisante), il écrit : « Transparaît ici une composante essentielle du multiculturalisme qui, au contraire des politiques de la différence, est une appropriation de l’altérité comme partie de l’identité des élites. C’est une identité fondée sur l’inclusion de la différence dans le soi, et donc une forme d’hybridité, une simple juxtaposition d’objets culturellement disparates à l’intérieur d’un même espace identitaire […]. Des différences de ce genre ne présentent pas de danger pour ceux qui se les approprient. Elles sont digérées, intégrées dans les espaces de vie cosmopolites ».
Pour Friedman, comme pour les autres auteurs du numéro, les recherches sur le terrain et les données ethnographiques demeurent essentielles pour pouvoir théoriser et problématiser les différences culturelles et les politiques de la culture, appréhender la culture comme processus vécu, mieux comprendre les contextes sociaux mais aussi les motivations qui constituent et orientent les processus de continuité et de transformation culturelles. Alors seulement serons-nous en mesure de rendre compte des mondes et des gens réels, mais aussi « des stratégies sociales, de modes radicalement différents d’appréhender le monde, de formes divergentes d’intention-nalité ». Les articles de Rethmann, Dussart et Brunois offrent des exemples éloquents d’analyse de contextes sociaux de production culturelle sur la base d’expériences partagées.
Rethmann s’appuie ici sur l’exemple d’un groupe autochtone de la péninsule de Tchoukotka, et sur une compréhension des contextes présoviétique, soviétique et postsoviétique, afin d’interroger le lien complexe entre l’imaginaire social et les politiques de l’identité culturelle. L’anthropologie que propose Rethmann, soit « une anthropologie critique qui dépasse les discours sur les droits et le salut et une anthropologie qui n’écarte pas l’étude des possibles politiques, de la créativité et de l’imaginaire », met l’accent sur les stratégies sociales et les pratiques signifiantes, sur les expériences et les sensibilités partagées, sur un rêve de justice sociale.
Depuis la chute du régime soviétique, la démocratisation et l’avènement de la loi du marché, le climat général qu’elle décrit pour cette région située sur la côte nord-est de la Russie, révèle davantage de dépendance et d’oppression que d’ouverture et de justice, du moins pour les groupes autochtones. Aux histoires de détérioration, de perte et d’extinction culturelle pour les autochtones, Rethmann choisit d’opposer d’autres histoires, celles qui misent sur l’espoir, « sur les stratégies et les actions mises en oeuvre pour rassembler, raconter et stimuler la mémoire et la connaissance », celles qui puisent à l’imaginaire social, porteur d’inspiration et d’un projet social et politique fondé sur une autonomie retrouvée.
Portés par des hommes et des femmes Tchouktches, l’élan et l’imaginaire d’Ionto dont il est question ici s’inscrivent dans un mouvement autochtone d’affirmation culturelle plus large qui a pris naissance dans la région au milieu des années 1990. Sans avoir pour le moment l’ampleur d’un véritable mouvement social, l’initiative Ionto se présente comme un ensemble de pratiques sociales et d’idées partagées, porteur d’un désir de justice sociale et politique. L’imaginaire d’Ionto convoque un passé autochtone puissant, une époque présoviétique où les Tchouktches étaient autonomes, à la fois éleveurs de rennes et commerçants compétents, participants actifs dans des réseaux complexes d’échanges interrégionaux. Une des initiatives du groupe fut d’ailleurs de recréer en 1998 une de ces foires de rencontres et d’échanges commerciaux ; elle connut un vif succès. La vision d’Ionto ne relève pas d’une « ethnostalgie » d’un passé révolu, mais puise aux compétences et aux images, aux réalités d’autonomie de ce passé pour se définir dans le présent et se projeter dans l’avenir. L’imaginaire d’Ionto leur permet de se penser autrement que comme victimes ou bénéficiaires passifs ; ils s’y perçoivent comme des acteurs actifs dans les processus de changements sociaux et d’autodétermination.
Rethmann écorche au passage une « démocratie postsoviétique manquée faite de reconnaissance, de paternalisme et de droits […] une économie basée sur l’“assistance, l’“aide humanitaire” et la dette », lesquelles ne laissent que peu ou pas de place au dialogue, à la négociation et à l’appui politique. L’imaginaire d’Ionto y oppose un idéal d’autosuffisance et d’échange équitable, et propose un projet social et politique où les Tchouktches seraient à nouveau autonomes.
Se situant dans une communauté aborigène du désert central australien (Yuendumu), l’article de Dussart présente aussi un projet social et politique. Porté principalement par des leaders rituels féminins Warlpiri et leurs familles, le projet vise à la fois l’entretien et la reproduction de l’ordre cosmologique (Tjukurrpa ou Dreaming), ainsi que la (re)configuration d’une identité sociale aborigène sur la scène néocoloniale australienne. Le projet ainsi que les stratégies sociales et l’espace de manoeuvre de ces femmes s’expriment majoritairement dans le champ rituel comme espace politique par excellence chez les Aborigènes australiens. Dussart retrace certaines des transformations orchestrées dans le champ rituel – particulièrement en ce qui concerne les prestations rituelles dites publiques des Warlpiri de Yuendumu depuis les débuts de la sédentarisation dans les années 1940 jusqu’au contexte contemporain. Parmi ces transformations, les femmes ont graduellement investi l’espace des rituels publics, dans ses dimensions communautaires, intraculturelles et inter-culturelles.
C’est d’abord dans le cadre des revendications territoriales, et donc comme « instruments politiques », que les Warlpiri de Yuendumu, hommes et femmes, ont choisi, à partir des années 1980, de présenter certaines prestations rituelles à un public non aborigène. L’investissement rituel des Warlpiri dans ces espaces intercul-turels s’est poursuivi et même accentué et diversifié dans les années 1990, alors qu’ils furent fréquemment invités à présenter à des auditoires non aborigènes des « prestations culturelles ». Les Warlpiri réalisèrent assez rapidement que les Blancs étaient certes sensibles à la valeur esthétique de leurs performances rituelles, mais trop peu à leur caractère politique. Leurs performances rituelles étaient prises à la légère par le public blanc trop souvent insouciant ou inconscient de leur potentiel et de leur pouvoir sacré lié aux ancêtres, à la terre et à la cosmologie, mais aussi des motivations et des subjectivités des exécutants rituels. Il s’agit donc d’un excellent exemple d’esthétisation et de dépolitisation de la culture. Face à cette indifférence susceptible de diluer l’efficacité du rituel et sa charge politique et identitaire, les leaders rituels féminins warlpiri ont choisi de diminuer leur investissement à ce niveau et de se tourner plutôt vers des voies plus prometteuses[5].
Dussart expose comment, dans les années 1990, ces leaders rituels féminins ont investi une autre possibilité, intraculturelle celle-ci, qui leur permet de mettre en scène les drames cosmologiques du Dreaming et de remplir leurs responsabilités rituelles, mais sans toutes les contraintes et les obligations traditionnelles. Ces femmes warlpiri participent maintenant activement aux nouveaux regroupements interrégionaux de femmes aborigènes, où chaque groupe présente ses corpus rituels, et où la présence des non-autochtones est réduite au minimum. Ces espaces de rencontres et de performances rituelles partagées entre groupes géographiquement éloignés favorisent la création de réseaux interrégionaux de solidarité, l’émergence de nouvelles socialités et d’une aboriginalité basée sur des liens d’amitié plutôt que sur la parenté ainsi que le renforcement d’une identité pan-aborigène. Dussart analyse, avec sagacité, les transformations et les reconfigurations importantes orchestrées sur le plan des politiques identitaires par le biais des productions et des réseaux rituels.
Des parallèles se dégagent des contributions ethnographiques de Rethmann et de Dussart. Toutes deux explorent les espaces de manoeuvre, les initiatives et les stratégies sociales et politiques de groupes autochtones vers la recherche d’une plus grande souveraineté, entendue ici dans son sens large. Dans les deux cas, on note un investissement et un engagement dans la création ou la revitalisation (dans le cas des Tchouktches) de réseaux de socialité et de solidarité interrégionaux, comme force politique et identitaire. Le potentiel de contestation et d’affirmation de ces initiatives est renforcé par le fait qu’elles échappent au contrôle et au regard de l’État et de la société dominante[6]. D’une certaine manière, ces initiatives se définissent « contre l’État » et puisent à des pratiques signifiantes, des formes d’agencéités, de subjectivités et de socialités potentiellement ou radicalement autres.
Brunois nous rappelle, avec justesse d’ailleurs, que si l’on veut parler de « culture » on ne peut omettre ce qui constitue, du moins dans la pensée et l’épistémologie modernistes, son revers, la « nature ». L’anthropologie ne s’est-elle pas d’ailleurs développée sur le fond de cette dichotomie nature-culture? Brunois aborde donc la question de la dépolitisation de la culture en empruntant une voix très prometteuse, celle de la dépolitisation de la nature. En s’appuyant sur l’exemple des Kasua, habitants des forêts de Nouvelle-Guinée, Brunois pose d’emblée la question des différences ontologiques et de la pluralité des mondes, et de leur négation par les divers représentants de l’hégémonie moderniste. La forêt kasua, que Brunois définit comme un « cosmos forestier », représente le théâtre d’une socialité subtile, un monde où se déploient et se négocient des relations de réciprocité entre les humains, les non-humains et les êtres invisibles. En cela, le monde Kasua répond à une logique relationnelle où la socialité est inclusive de tous les êtres de la forêt, humains et non-humains, visibles et invisibles, considérés comme sujets agissants. Cette logique relationnelle des mondes non modernes (Latour) est aussi évoquée par Rethmann pour les Tchouktches et le rapport étroit qu’ils entretiennent avec le renne, et par Dussart et les relations intimes que les Warlpiri entretiennent avec les ancêtres mythiques et les lieux auxquels ils sont associés.
Or, ces théories cosmocentriques du monde – qui suggèrent des modes d’être-au-monde différents des théories anthropocentriques sont rarement prises au sérieux ou considérées à leur juste valeur dans les espaces interculturels où domine généralement la vision moderniste, instrumentaliste et utilitariste du monde et de la nature. Cette vision que partagent les missionnaires, les représentants de l’industrie forestière et des groupes environnementalistes, tous présents en même temps sur le territoire des Kasua, ne laisse évidemment aucune place pour les êtres invisibles, et que très peu de place aux Kasua eux-mêmes. Chacun à sa façon, ces intervenants, comme l’explique Brunois, cherchent à « culturaliser » l’univers kasua en culturalisant la forêt cosmique. Pour les Kasua, cela signifie qu’il faut apprendre à coexister ou à composer avec un monde où seuls les humains sont des êtres agissants et relationnels, soit des sujets à part entière. Il leur faut apprendre à concevoir un espace forestier dépouillé de toute subjectivité, de toute intentionnalité.
Chez les Kasua comme ailleurs dans le monde, l’histoire coloniale, celle de la rencontre (ou plutôt de la non-rencontre) entre les Kasua et les forces évangélisatrices et colonisatrices, révèle une rupture. La rupture ontologique, sociale et physique instaurée pas les missionnaires sera poursuivie par les compagnies forestières, et plus récemment par les écologistes. De tous ces groupes d’intérêt, aucun n’a cherché à établir une relation de réciprocité et d’échange équitable avec les Kasua. Il est ironique de constater que chaque nouveau groupe voulant « négocier » avec les Kasua et engager un « contrat » avec eux, nie des composantes de leur monde initial. Tant et si bien que depuis bientôt deux décennies, explique Brunois, les Kasua ont été tantôt invités tantôt forcés à s’absenter socialement, politiquement, juridiquement et écologiquement de la forêt – de leur « cosmos forestier ». Face aux discours globaux (par exemple la biodiversité) et aux idéologies dominantes (par exemple le développement), les codes moraux et les principes ontologiques des Kasua, mais aussi leurs savoirs et leurs pratiques signifiantes, leur culture en somme, pèsent peu dans la balance. Leur théorie du monde est jugée inadéquate et donc niée par les forces hégémoniques ; elle dérange, et la considérer à sa juste valeur imposerait une reformulation et une transformation importante de la théorie du monde dont sont porteurs les non-Kasua. Brunois souligne aussi, et en cela elle rejoint les travaux de Latour (1999), les limites des conceptions contemporaines d’une diversité culturelle qui se déploierait sur un fond de « nature » unique. Enfin, pour les Kasua, comme pour les Warlpiri et les Tchouktches, l’absence de réciprocité et d’échange équitable dans les relations interculturelles est un bon indicateur que les politiques « globales » de la reconnaissance de la diversité culturelle demeurent de l’ordre de la rhétorique.
Goulet interroge un espace interculturel en émergence, celui de l’énoncé de politique des trois Conseils de recherche du Canada et les discussions qui ont cours actuellement pour élaborer un chapitre portant sur l’éthique de la recherche avec les peuples autochtones. Il y voit une bonne opportunité d’ouverture et pour mettre en place une politique de recherche véritablement interculturelle qui reconnaîtrait à leur juste valeur les présupposés ontologiques et épistémologiques des peuples amérindiens. Concernant l’éthique et l’élaboration d’une politique « nationale » de la recherche, il nous rappelle que certaines questions fondamentales, telles que la nature du réel et de la vérité, doivent être posées en termes émiques afin de laisser leur juste place aux catégories, valeurs et codes moraux amérindiens. À l’instar des autres auteurs du numéro, Goulet a une longue, intime et profonde expérience de terrain et de recherche en milieu autochtone. Il interroge, dans un premier temps, la nature de la rencontre et de la communication entre l’anthropologue et ceux dont il veut comprendre le monde, et présente l’expérience anthropologique comme « un recours conscient et consenti à la participation radicale dans le monde d’autrui ». Les autochtones, ajoute-t-il, « s’attendent de plus en plus à ce que nous écrivions de manière à respecter leurs valeurs morales et leur épistémologie ». Goulet en appelle aussi à la décolonisation des méthodologies de recherche, comme le suggère l’intellectuelle mâori, Linda Tuhiwai Smith (1999).
La force et l’originalité de l’argumentation de Goulet reposent sur le fait qu’il expose ici diverses situations où des Amérindiens défunts (ou des ancêtres) sont intervenus dans le déroulement de la recherche et se sont adressés à l’anthropologue par le truchement du rêve. On peut donc se demander quel statut l’épistémologie moderniste est prête à accorder à des informations, autorisations ou interdictions (de divulgation ou de publication) communiquées à l’anthropologue (ou à ses interlocuteurs) par le biais de l’expérience onirique. Dans les mondes amérindiens, les expériences oniriques et les esprits des parents défunts sont des éléments intégrants du réel, et donc susceptibles d’intervenir dans le monde des humains. Dans ces mondes culturels, l’expérience et le champ oniriques ont un statut épistémologique que leur refuse l’épistémologie moderniste ; de même, on concède aux ancêtres et aux parents défunts une intentionnalité et donc le pouvoir d’agir sur l’ordre culturel et les rapports sociaux. Comment reconnaître et insérer pleinement de telles différences au sein d’un énoncé « national » d’éthique de la recherche avec des êtres humains? Dans quelle mesure un message, ou une autorisation, reçu en rêve par un ancêtre ou un parent défunt représente-t-il une différence dérangeante ou compromettante qui dépasse les limites nationales de l’intelligibilité et de la tolérance? Est-il possible d’éviter l’hégémonie d’une approche éthique qui ne refléterait que les présupposés modernistes? Avec l’énoncé dont il est question, est-il possible d’envisager la création d’un véritable espace interculturel qui refléterait une co-existence négociée entre différents principes épistémologiques et ontologiques? Ces questions évoquent des défis de taille mais qui n’en relèvent pas moins de l’ordre des possibles. Imaginer ces possibles, c’est déjà leur prêter vie.
Parties annexes
Notes
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[1]
Il n’est pas nécessaire de rappeler ici que ces questionnements et reformulations théoriques et paradigmatiques ont été inspirés par les mouvements de décolonisation et les revendications identitaires et politiques des groupes (colonisés) au contact desquels les anthropologues avaient construit leur savoir.
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[2]
On entend par indigénisation de la modernité l’appropriation et la relecture d’éléments de la modernité au sein des systèmes symboliques et des systèmes de valeurs locaux (Sahlins 1993, 1999). Le concept de modernités alternatives désigne cet espace social et discursif au sein duquel sont négociées et configurées les relations entre tradition et modernité (Knauft 2002). Sur ces deux concepts, voir aussi Appadurai (2001). Cette distinction, chère aux modernes, entre tradition et modernité a d’ailleurs été adaptée par les peuples autrefois colonisés, autochtones et autres, tant et si bien que l’on trouve dans plusieurs communautés actuelles des dissensions et des tensions entre les « traditionalistes » et les « modernistes » (voir, entre autres, Goulet dans ce numéro ; Clifford 1988 : 338 ; dans un contexte africain, Muller 2000).
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[3]
Le concept de « culture » a aussi fait son entrée dans la sphère juridique, notamment en ce qui concerne les revendications et les droits des Autochtones. Pour une discussion stimulante sur cet usage du concept, voir Niezen (2003).
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[4]
Voici la définition qu’Herskovits avait offerte en son temps : « Ces phénomènes qui résultent de ce que des groupes d’individus ayant des cultures différentes viennent en contact direct et continu, avec des changements subséquents dans les modèles culturels originaux de chacun de ces groupes » (Herskovits et al. 1936 : 149). Niant l’idéologie coloniale, cette définition tendait à faire croire que les rapports coloniaux étaient fondés sur la réciprocité.
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[5]
Alors que les tentatives et les stratégies de création d’un espace interculturel ont en quelque sorte échoué à ce niveau, dans d’autres domaines, notamment la peinture, de telles stratégies ont donné des résultats probants (Myers 2002).
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[6]
Dans un tel cas, ces initiatives risqueraient d’être récupérées, et donc banalisées et dépolitisées. Ce n’est d’ailleurs pas sans raison que les femmes aborigènes tentent de minimiser la présence des non-autochtones sur les lieux de tels rassemblements rituels. On remarque un phénomène similaire parmi les groupes amérindiens du Québec et du Canada. Des Nations amérindiennes ont négocié et créé entre elles de nouveaux espaces et réseaux d’échanges rituels dont les non-autochtones (incluant les anthropologues) sont généralement exclus. Par ailleurs, des membres de ces mêmes Nations participent activement à la mise en oeuvre d’espaces interculturels (de pratiques de « guérison » et de « spiritualité ») où se côtoient participants autochtones et non autochtones.
Références
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