Corps de l’article

1. Introduction

Le renouvellement des contenus de cours soulève des questions générales de méthode et d’objectifs (Lupinacci 2019)[1]. Dans le domaine de l’éducation, le renouvellement de ces contenus a longtemps peiné à intégrer les perspectives d’équité, de diversité et d’inclusion, notamment du côté des identités plurielles du genre (Richard 2019). Aujourd’hui, des ouvrages récents (Meyer et Hoft-March 2021 ; Bouamer et Bourdeau 2022) montrent le chemin et offrent un cadre théorique pour mettre en valeur l’agentivité de toutes les identités de genre dans l’enseignement du français langue seconde, hors de la vision binaire et patriarcale prônée par une grammaire non-inclusive. Les marches de protestation contre les curriculums OSIG[2], The 1 Million March 4 Kids, qui ont eu lieu le 20 septembre 2023 sur les campus universitaires nord-américains et canadiens montrent bien que les logiques de résistance de la pensée hétéronormatives, blanches et cisgenres sont réelles (MacLeod 2019), notamment en ce qui concerne l’ouverture des curriculums aux différentes identités de genre (Idier 2023). Au niveau de l’éducation, il faut agir sur les contenus de cours pour ouvrir les esprits et pour combattre les stéréotypes reliés aux identités de genre[3]. Dans un cours de langue, cela passe par le questionnement sur la langue elle-même.

Dans cet article, nous proposons de contribuer aux problématiques de l’ouverture des contenus de cours aux questions d’orientation sexuelle et d’identité de genre (OSIG) dans le curriculum universitaire par le biais d’une forme innovante de partenariat qui consiste à ouvrir le processus de renouvellement des contenus de cours aux étudiant·e·s, envisagés comme co-créateur·rice·s (Healey et al. 2014) notamment sur la question de l’exposition à l’écriture inclusive. De nombreuses institutions ont récemment pris le virage de cette forme de partenariat (Suart et al. 2023). À l’université de la Colombie-Britannique, l’initiative Students as Partners est financée depuis 2022 par le bureau du doyen et gérée par une équipe d’expert·e·s en pédagogie du design[4]. Le projet que nous présentons fait partie de la première cohorte de financement et s’intitule « Enhancing reading/writing skills in French Beginners’ courses (FREN 101-102) ». À UBC, le FREN 101 et le FREN 102 sont deux cours de trois crédits ouverts aux débutant·e·s souhaitant commencer leur apprentissage du français à l’université. Comme le curriculum canadien pré-universitaire intègre l’enseignement du français obligatoire en tant que langue officielle du Canada, le public de ces cours est principalement composé d’étudiant·e·s internationaux·ales, ce qui offre une grande diversité identitaire et culturelle dans la salle de classe. C’est le cas des deux étudiant·e·s partenaires à ce projet de renouvellement des contenus des cours de français débutant.

Dans cet article, nous présentons l’activité de synthèse que nous avons conçue pour un module complémentaire aux cours débutant FREN 101-102 (A1). Il s’agit de la création d’une ressource intitulée Le voyage d’Alex (Diwan et Mudadeniya 2023) qui consiste en une histoire brève qui raconte la transition d’Alex vers une identité non binaire et comment cette transition peut être exprimée dans la langue française. C’est une identification plus ou moins fidèle à la propre histoire d’une des deux étudiant·e·s partenaires depuis son arrivée à UBC. Du point de vue des contenus d’apprentissage OSIG, la ressource Le voyage d’Alex permet d’introduire le pronom non binaire « iel » au même titre que l’introduction des pronoms personnels sujet afin de développer l’agentivité et la légitimité de toutes les personnes s’exprimant en français. Du point de vue des apprentissages généraux, l’histoire est écrite en peu de mots avec un support visuel pour respecter l’échelle de compétences du Cadre Européen Commun de Référence pour les Langues (CECRL) en termes de compréhension écrite de niveau A1 ou de niveau débutant[5]. Elle offre une ressource authentique à exploiter en classe qui favorise l’approche actionnelle conseillée par le Volume complémentaire du Cadre (2021) et par ses consultant·e·s Enrica Piccardo et Brian North (2019a, 2019b)[6].

Afin de présenter le contenu de cette activité (ou tâche), nous proposons tout d’abord de discuter de l’importance d’inclure les pronoms non binaires dans le renouvellement du curriculum dès le niveau débutant, afin de reconnaître toutes les identités de genre, au même titre que les pronoms (je, tu, elle, il, on, nous, vous pluriel/singulier, elles, ils) auxquels les personnes peuvent s’identifier et doivent s’identifier par défaut si d’autres options d’identification ne sont pas enseignées. Nous proposons ainsi une alternative à la règle grammaticale politiquement biaisée (Kincheloe 2008) du masculin l’emporte sur le féminin (Vaugelas 1647) qui est traditionnellement enseignée pour expliquer les accords de genre en français en allant au-delà d’une perspective binaire du masculin/féminin. Pour cela, la deuxième partie de notre article montre l’importance de la queerisation des matériaux pédagogiques afin que toutes les personnes trouvent leur agentivité dans leur cours de français. Dans une troisième partie, l’accent est mis sur la manière dont la collaboration avec les étudiant·e·s permet de répondre efficacement à ces enjeux. Enfin, nous présentons l’aboutissement de notre projet qui a consisté à créer une ressource authentique intitulée Le voyage d’Alex (Diwan et Mudadeniya 2023), pour introduire le pronom non binaire « iel » selon une pédagogie queer dite du conflit (Mouffe 2016) ou de l’inconfort (Richard 2019) avant de conclure sur l’évaluation et la portée de notre projet.

2. La queerisation des contenus de cours et le climat de classe

Dans Surveiller et punir (1975), Foucault montre que « toute institution, que ce soit l’école, l’hôpital ou la prison, est un appareil disciplinaire qui sert à conditionner un individu, à le définir, à lui imposer une identité et finalement à le faire fonctionner à partir de cette identité » (Hakeem 2018 : 167). Dans son étude « Pour une valorisation de la diversité sexuelle dans la salle de classe : de l’hétéronormativité au conflit queer » (2018), Hakeem en déduit que l’objectif derrière la répression de tout ce qui n’est pas pensée binaire est avant tout « pour [que ces corps soumis et dociles] opèrent comme on veut (162) ». C’est le contrôle par l’effet de ce que Richard (2019) appelle la « normalisation ». À son tour, dans Hétéro, l’école ? Plaidoyer pour une éducation antioppressive à la sexualité, Richard montre que la pédagogie inclusive ou « pédagogie de la tolérance » poursuit l’objectif « d’inclure dans les normes les personnes qui en sont d’ordinaire exclues (2019 : 113) » mais que cela génère le plus souvent des discours de banalisation et/ou de victimisation qui « n’engendrent pas chez les élèves de réflexion approfondie » (2019 : 135). Richard indique que la pédagogie de la tolérance est pourtant l’approche actuellement dominante en milieu scolaire :

Elle implique un rapport de pouvoir entre les personnes qui tolèrent (et qui sont dès lors détentrices du pouvoir de le faire ou non) et celles qui sont tolérées (et dont la légitimité relève du bon vouloir des premières). […] Si la pédagogie inclusive se déploie depuis le discours selon lequel tout le monde est égal, elle ne constitue qu’une première étape dans la démarche égalitariste.

2019 : 116

D’une certaine manière, la pédagogie inclusive ou tolérante « [maintient] en place les structures sociales problématiques en ne cherchant qu’à intégrer – superficiellement – tout le monde dans la norme » (Richard 2019 : 117). Dans sa critique de l’école contemporaine, Richard rejoint l’idée foucaldienne de normalisation à combattre. Comment faire différemment ? En s’attaquant à la norme elle-même. Les concepts proposés par Richard sont ceux de « pédagogie critique des normes […], pédagogie queer […], pédagogie antiopressive » (2019 : 119). Ce que Richard préconise est un changement de la tolérance et de ce que Foucault appelait la normalisation. Richard fait donc le pont entre ces deux tendances pédagogiques qui échouent là où elles prétendent agir. En effet, pour Richard, ce qu’il faut c’est « ne [plus travailler] sur les groupes marginalisés, mais sur ceux qui constituent ces modèles. [Ne plus s’intéresser] aux discriminations, mais aux rapports de pouvoir » (2019 : 117). Autrement dit, changer l’angle d’approche pédagogique afin de parler de questionnement queer en mettant l’accent sur les personnes non queers. En tant qu’enseignant·e, cela signifie de préparer des contenus qui génèrent de « l’inconfort » (Richard 2019 : 123) et de concevoir cet inconfort comme un « outil à mobiliser, comme une porte d’entrée privilégiée permettant l’accès à des apprentissages considérées comme difficiles ou sensibles » (Richard 2019 : 124). Cet argument se retrouve dans L’illusion du consensus (Mouffe 2016) sous la formule de la « pédagogie du conflit » :

Niant la dimension conflictuelle de la vie sociale, une société de consensus nous permet de vivre ensemble en faisant semblant d’ignorer nos différences, c’est-à-dire en les cachant, en les masquant et en les censurant. C’est précisément la raison pour laquelle il y a une grande tension entre le fait, d’une part, de s’engager à faire entrer dans la salle de classe une diversité d’identités sexuelles et genrées et, d’autre part, les risques, les dangers, les obstacles, les peurs de le faire, parce que nous savons que nous serons confrontés à toutes sortes de réactions alimentées par de nombreux préjugés renforcés par l’illusion du consensus qu’il est interdit de briser. Ainsi, le consensus s’inscrit dans la logique patriarcale, hétéronormative et binaire dans la mesure où il sert à normaliser, uniformiser et hiérarchiser les individus et les populations.

Hakeem 2018 : 169

Dans la lignée de Hakeem et Mouffe, notre projet s’inscrit dans la pédagogie queer au niveau de la question de la norme véhiculée dans la langue française aux niveaux des identités de genre. Selon la pédagogie nord-américaine anglophone s’intéressant au « classroom climate », le phénomène discriminatoire le plus important dans la salle de classe sont les identités de genre (Hall 1982 ; Hall et Sandler 1984 ; Sandler et Hall 1986 ; Ambrose et al. 2010 ; Romero 2018). Ce concept se définit comme :

The intellectual, social, emotional, and physical environments in which our students learn. Climate is determined by a constellation of interacting factors that include faculty-student interaction, the tone instructors set, instances of stereotyping or tokenism, the course demographics (for example, relative size of racial and other social groups enrolled in the course), student-student interaction, and the range of perspectives represented in the course content and materials. All of these factors can operate outside as well as inside the classroom.

Ambrose et al. 2010 : 170

L’impact de ce concept est donc un facteur clé du sentiment d’appartenance des étudiant·e·s à une communauté de classe plutôt que de s’y sentir comme un·e individu·e isolé·e. Selon Romero :

Students with a sense of belonging in school feel socially connected, supported, and respected. They trust their teachers and their peers, and they feel a sense of fit at school. They are not worried about being treated as a stereotype and are confident that they are seen as a person of value.

2018 : 1

Ainsi, cela favorise l’inclusion plutôt que l’exclusion, ce qui augmente les chances de succès de tous·tes les apprenant·s.

En contexte d’enseignement, il convient donc d’avoir à l’esprit que toute innovation appartenant à une « pédagogie active » (Delabre 2023) doit se concentrer sur les manières d’améliorer le climat de classe, par exemple en recueillant de la rétroaction sous forme de sondage, en s’appuyant sur des formes de collaboration entre pair·e·s, en mesurant notamment la diversité des profils d’apprentissage et la diversité des réactions au climat de classe. L’autre point que confirme l’étude d’Ambrose est le fait que les étudiant·e·s contribuent eux·elles-mêmes au climat de classe par leurs propres comportements : « It is important to remember that climate can be experienced differentially by different students » (Ambrose et al. 2010 : 172). Ainsi, d’une part, il est important de diversifier les contenus pour intéresser le plus d’apprenant·e·s possibles et, d’autre part, il est important de collaborer avec les apprenant·e·s pour apprendre de leurs besoins et de leurs envies en termes de contenus d’enseignement. Enfin, il est important de rester à l’écoute en toute flexibilité puisque le climat de classe est forcément quelque chose en constante évolution. Pour notre projet, nous nous sommes concentré·e ·s sur la collaboration entre l’enseignante et les étudiant·e·s afin de rendre un contenu de cours plus aligné sur un modèle OSIG de manière à ce que le climat de classe ait un impact sur chacun·e, et donc du plus grand nombre.

3. Le partenariat avec les étudiant·e·s pour renouveler les contenus de cours

Selon une étude récente, le concept de partenariat dans la co-création des contenus d’apprentissage vient du concept plus large de l’apprentissage actif et se concentre sur le processus d’acquisition plutôt que sur l’élément à acquérir :

We recognise that there are qualitatively different forms of student engagement and not all involve partnership; our focus is on when institutions go beyond listening to the student voice and engage students as co-learners, co-researchers, co-inquirers, co-developers, and co-designers. Partnership is a specific form of student engagement, with very high levels of active student participation. Partnership is a way of doing things, rather than an outcome in itself.

Suart et al. 2023 : 178

L’inclusion des apprenant·e·s dans le processus de création des contenus de cours est bien un des éléments-clés de la réussite en termes de responsabilisation des apprenants[7]. Pourtant, certaines études concluent que, si la recherche didactique menée sous l’entité Scholarship of Teaching and Learning (SoTL) sur le continent nord-américain se préoccupe bien de faire évoluer ses pratiques d’enseignement (Hutchings et al. 2013), la question de l’impact de ces changements sur la qualité des apprentissages demeure un maillon faible de la recherche : « There is very little empirical evidence that the teachers who engage with SoTL are also improving their students’ learning, or even teaching in a way that is associated with higher quality learning, yet this is clearly the purpose of SoTL » (Trigwell 2013 : 97). Dans la réalité de nos institutions, les pôles d’enseignement (Teaching) et d’apprentissage (Learning) sont souvent séparés selon le modèle hiérarchique dit du top down dans lequel les apprenant·e·s sont souvent considéré·e·s en bout de chaîne.

Figure 1

L’approche Top-down et Bottom-up correspondant au modèle universitaire (Wang et al. 2020)

L’approche Top-down et Bottom-up correspondant au modèle universitaire (Wang et al. 2020)

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Toutefois, une pensée créative au sein d’un système « holistique » (Piccardo et North 2019a) ouvre la voie à des innovations qui s’enrichissent de ce qui semble contraignant de manière à combiner différents éléments les uns aux autres au lieu de les envisager séparément (Lebrec 2020). Dans le modèle de partenariat Students as Partners, le système fonctionne sur plusieurs niveaux qui mettent les éléments à égalité : « Contrasted with traditional academic hierarchies, these partnerships are predicated on mutual respect, shared decision-making, and reciprocity of responsibility » (Suart et al. 2023 : 65). Tout d’abord, l’institution sélectionne, finance et soutient les projets innovants. De leurs côtés, le pôle enseignant collabore avec le pôle étudiant pour renouveler les contenus de cours. Cette collaboration est holistique puisque chaque pôle s’enrichit de l’autre. Dans un système contraint, la somme de ses éléments permet d’accéder à des solutions plus performantes (Lebrec 2020). La figure 2 montre un modèle alternatif à celui montré en figure 1, celui qui répond au concept de « communautés d’apprentissage ».

Figure 2

Un partenariat holistique (Healey et al. 2014 : 25)

Un partenariat holistique (Healey et al. 2014 : 25)

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Pour Healey et ses collègues, la solution est de créer des communautés d’apprentissage constituées par les trois pôles de la figure 1 où chacun s’enrichit de la présence de l’autre. Pour eux·elles·iels, l’initiative Students as Partners permet de s’enrichir réciproquement par une collaboration qui s’appuie sur le concept du partage des pouvoirs :

Students as partners is a concept and practice whose time has come. Co-creating, co-producing, co-learning, co-designing, co-developing, co-researching, and co-inquiring involve sharing power and an openness to new ways of working and learning together and, hence, challenges traditional models of [Higher Education] relationships.

Healey et al. 2016 : 16

Pour que ce transfert de rôle puisse se faire entre le modèle de la figure 1 et celui de la figure 2, un recours au concept de « médiation » doit faciliter le processus collaboratif afin de mettre en place un « questionnement réciproque » (Piccardo et North 2019b). L’apprentissage de la médiation en est donc la première étape. La médiation est un des concepts clés du CECRL dans sa version de 2021 :

In mediation, in contrast to production and interaction, language is not just a means of expression; it is primarily a vehicle to access the ‘other,’ the new, the unknown – or to help other people to do so. Thus, mediation can be cognitive—in school or a training course; it can be relational—establishing the relationships, the space, time and conditions for successful communication; it can be cross-linguistic and/or cross-cultural.

Piccardo et North 2019b : 21

Ainsi, dans le processus de co-création de contenus, le modèle du partenariat entre enseignant·e·s et apprenant·e·s correspond à une collaboration active, réciproque et non-hiérarchique comme le montre la figure 3.

Figure 3

L’échelle des niveaux de participation active des étudiant·e·s dans les modèles de partenariat (Bovill et Bulley 2011 : 181)

L’échelle des niveaux de participation active des étudiant·e·s dans les modèles de partenariat (Bovill et Bulley 2011 : 181)

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Selon Bovill et Bulley, le partenariat qui inclut activement l’étudiant·e à la création de contenus offre un partage des responsabilités. Le renouvellement du curriculum devient alors un consensus négocié – voire créé ensemble. Au lieu d’être un simple élément de réception en bout de la chaine de création des contenus d’apprentissage, l’apprenant·e devient un véritable agent dans l’acquisition de savoirs nouveaux, ce qui s’aligne avec les objectifs du CECRL.

4. La création de la ressource authentique Le voyage d’Alex grâce au projet Students as Partners

Suivant l’objectif de renforcer les acquis linguistiques et langagiers du niveau A1 du CECRL en termes de réception écrite (lecture), de grammaire en contexte authentique et de compétence interculturelle, le projet vise à renouveler les méthodes traditionnelles d’enseignement de la grammaire par l’introduction de l’écriture inclusive dans la salle de classe et par la collaboration professorat/étudiant·e pour en faire un tremplin d’introduction à la pédagogie queer dans le curriculum des cours débutant, afin que les apprenant·e·s d’une nouvelle langue utilisent des mots en pleine conscience de leur sens et de leur impact sur soi et sur l’autre.

4.1. Le choix du pronom non binaire « iel »

Pour un cours de français débutant, l’activité sur laquelle nous avons choisi de nous concentrer est l’introduction du pronom inclusif et non binaire français « iel » au moment de présenter les pronoms sujet en classe dont l’objectif est de savoir se présenter (« je ») et présenter quelqu’un (« il-elle-iel »). Révéler ses pronoms non binaires en classe est une situation qui peut créer un conflit et faire surgir des modes de résistance entre pair·e·s, à l’encontre donc d’un climat d’appartenance, d’inclusion et d’un espace où la prise de parole est en sécurité. Il est pourtant important de ne pas éviter le conflit au nom d’une approche tolérante. Le faire dès le début des apprentissages au niveau A1 du CECRL permet de transmettre des concepts queers durables qui sont d’emblée ancrés dans la pédagogie critique, sans avoir à passer par une phase de désapprentissage dans le cas où il s’agirait d’un cours plus avancé[8].

L’enseignement des pronoms non binaires ne fait traditionnellement pas partie d’un contenu de cours de français (Gomolka 2021). L’ajouter est une manière de queeriser le contenu (Neto 2018), d’appliquer une pédagogie critique qui expose une vision queer de la langue. Si l’enseignant·e choisit d’introduire seulement les pronoms « il/elle », l’approche pédagogique dénote une vision hétéronormative de la langue qui présente une pensée binaire, soit celle du masculin et du féminin, échouant ainsi à inclure les identités de genre dans la salle de classe qui ne s’alignent pas sur la pensée binaire. Si le choix pédagogique est d’enseigner la règle du masculin l’importe sur le féminin en cas d’accord de genre pour un groupe, l’approche pédagogique est non seulement de type hétéronormatif mais aussi patriarcal puisque le genre féminin est alors absorbé par le genre masculin qui vaut, selon cette approche, pour tous les autres genres. C’est depuis des années l’approche dans la salle de classe lorsqu’on enseigne la grammaire de la langue française. Ne pas questionner la logique de pouvoir ou le privilège dans la règle de grammaire du « masculin l’emporte sur le féminin » (Vaugelas 1647) portée par les grammairiens de l’Académie française est une manière d’éviter le curriculum OSIG. Ne pas ouvrir cette règle au-delà de la pensée binaire est une manière de tolérer le privilège, donc d’en faire prendre conscience sans le changer comme Richard le montre pour la pédagogie de la tolérance (2019). Certes, il n’est pas évident de changer les habitudes quand elles sont reliées à des schémas de privilège (Sensoy et DiAngelo 2017), surtout lorsque les apprenants font partie de ces catégories privilégiées. Le cycle se perpétue alors de laisser les marges dans les marges et les privilégiés dominer, même au sein de la salle de classe et de son climat où tout le monde ne se sent ni en sécurité ni en droit de visibilité (Taylor et al. 2011). Les logiques de pouvoir ne sont pas questionnées. C’est pourquoi, dans son étude sur les liens entre les ressources queer et la bande dessinée (2018), Hakeem prône très justement de porter l’attention sur les modèles dominants tandis que Neto (2018) met l’accent sur la visibilité des personnes queer. Les deux sont complémentaires mais Hakeem s’aligne plus sur le concept de Richard (2019) qui est de questionner les logiques de pouvoir. En se focalisant sur la manière dont les groupes privilégiés reçoivent l’information queer, cela questionne les normes portées par le modèle dominant et entraine une logique de résistance au privilège.

4.2. Le choix du support : la bande-dessinée

Afin de présenter une approche critique et queer dans la salle de classe, il est nécessaire d’utiliser des ressources authentiques qui prônent une approche queer, à partir de multiples supports, par exemple sous forme de vidéos (Baril 2017 ; Adeline 2024[9]), de blogs (Genre ! 2017) ou de textes à la fois imprimés et illustrés (Obom 2014 ; Getty 2020). Pour notre démarche de partenariat dans la préparation de nouveaux contenus de cours, nous avons dans un premier temps consulté·e·s ces différentes ressources pendant les réunions d’équipe. Le choix des deux étudiant·e·s partenaires s’est porté sur le texte imprimé de l’autrice abénakise et francophone Obom, de son nom Diane Obomsawin[10].

Le contenu de J’aime les filles (Obom 2014) fait une mise au point sur la communauté lesbienne qui présente plusieurs tableaux de coming out dans la salle de classe ou aussi en famille. Les dix scénarios s’appuient sur des réactions tantôt inclusives et tantôt exclusives sans jamais faire de la sexualité lesbienne un enjeu comme Hakeem a pu le constater en exploitant la version du court-métrage de J’aime les filles dans la salle de classe (Hakeem 2021). Dans cette bande-dessinée lesbienne et queer, il s’agit plutôt de rendre visible l’invisible : l’éveil à la sexualité lesbienne des jeunes en âge d’école secondaire. Cette ressource nous a permis de constater l’efficacité de présenter des scénarios avec des allié·e·s en alternance avec des scénarios sans allié·e·s. Toutes les autres ressources consultées ont révélé qu’il manquait de ressources en français qui éduquaient sur la manière d’utiliser les pronoms inclusifs et non binaires dans la salle de classe (Lebrec et al. 2024).

Comme nous cherchions à développer une seule activité de synthèse pour un public de cours de français débutant, nous avons décidé de nous limiter à un seul scénario dans lequel serait présent une situation de conflit créée par l’utilisation du pronom « iel » dans la salle de classe par un personnage non binaire, entouré d’allié·e·s et de pair·e·s montrant chacun une réflexion venant d’une position privilégiée. Notre objectif est d’exemplifier dans le scénario comment passer d’un conflit à sa résolution.

Le format du modèle J’aime les filles est celui de la bande-dessinée mais cette ressource a l’avantage d’exister aussi sous forme d’un court-métrage illustré[11]. Ainsi la pluralité des médiums texte/image rendent son utilisation plus efficace d’un point de vue pédagogique (Akcanca 2020 ; Raux 2023), notamment en ce qui concerne les thèmes queer dans la salle de classe (Hakeem 2018). En effet, les illustrations peuvent aider à visualiser les identités de genre qui s’éloignent de la norme privilégiée. Pour notre projet, nous nous sommes mis·e·s d’accord que l’alternance de textes courts et d’illustrations apportaient également un soutien important à la lecture pour des étudiant·e·s débutant·e·s dans leur apprentissage de la langue française. Comme nous cherchions à développer une seule activité de synthèse pour un public de français débutant, l’équipe a fait le choix de se limiter à un seul scénario dans lequel serait présent une situation de conflit autour de l’utilisation du pronom « iel » dans la salle de classe, de la présence d’allié·e·s et de pair·e·s montrant des formes de résistance.

4.3. Le voyage d’Alex (Diwan et Mudaneiya 2023)

Reproduites dans la section suivante, la ressource de quatre pages montre un scénario de conflit quand une personne non binaire se présente sous le pronom « iel » auprès de ses pair·e·s dans la salle de classe. Nous présentons cette ressource car elle a été l’incarnation de la meilleure forme de partenariat possible entre les deux étudiant·e·s, l’enseignante et le soutien pédagogique offert dans le cadre des fonds attribués par le bureau du doyen à UBC. Poussant au maximum l’idée d’un partenariat qui s’éloigne d’une position hiérarchique, les deux étudiant·e·s partenaires ont souhaité prendre l’initiative sur ce projet et se répartir entièrement les tâches du script (Shreya Diwan) et des illustrations (Savindya Mudadeniya), tandis que l’enseignante partenaire s’est occupée de la relecture du script et du développement de l’activité pédagogique reliée à la ressource.

4.3.1. Le script écrit par Shreya Diwan

L’histoire d’Alex est partiellement inspirée de celle de Shreya, étudiant·e international·e à l’Université de la Colombie-Britannique, alumni des cours débutant FREN 101-102, inscrit·e dans une majeure en mathématiques et une mineure en français. Shreya s’identifie aux pronoms « they/iel » et est membre d’une minorité raciale visible. Son engagement dans le cours de français FREN 101 a commencé dès la première rencontre en classe lorsque l’enseignante (participante par la suite au projet Students as Partners) a introduit les manières de se présenter en français en exposant les étudiant·e·s aux différents pronoms sujets de la langue française, y compris le pronom inclusif et non binaire « iel ». Shreya a alors demandé si utiliser le pronom « iel » équivalait à utiliser le pronom « they » en anglais pour exprimer la non binarité. L’enseignante a alors expliqué la symbolique binaire du « iel » qui réunissait le « il » et le « elle » mais qui, en les réunissant, allait au-delà de la binarité et pouvait donc être utilisé comme le pronom neutre anglais tout en éveillant sur le fait que l’expression de soi par un pronom neutre comportait ces propres défis et limites. L’enseignante a aussi indiqué qu’il existait d’autres pronoms en français qui s’éloignait de la binarité et qu’elle enverrait des ressources par email à qui était intéressé·e par la question. L’intérêt de Shreya de participer à ce projet était de renouveler le contenu de cours selon une perspective OSIG.

Le parcours d’Alex raconte l’histoire d’une personne non binaire au lycée qui explore son identité. Iel fait d’abord face à l’épreuve du miroir puis trouve des vêtements et une coiffure qui l’aident à mieux s’exprimer. Iel trouve aussi le courage de partager ses pronoms avec sa classe et son enseignante. Au début, il y a des étudiant·e·s qui ne le·la comprennent pas et qui désignent Alex par un genre différent de celui qu’Alex a présenté. Cela illustre l’épreuve du mégenre[12]. En conséquence, Alex se sent seul·e et éprouve une dysphorie de genre. Cependant, quelques étudiant·e·s étaient très content·e·s pour Alex et lui montrent leur soutien en intervenant auprès des étudiant·e·s qui montrent de la résistance à l’utilisation d’un nouveau pronom. La médiation par les pair·e·s se termine par une solution de solidarité autour d’Alex. Ceci est vraiment important, car le fardeau d’éduquer les autres ne devrait pas reposer sur les communautés marginalisées. À la fin de l’histoire, Alex trouve sa communauté, y compris parmi les non-allié·e·s du départ. Le conflit est résolu. La dernière image est celle du sourire.

4.3.2. Les illustrations créées par Savindya Mudadeniya

Savindya Mudadeniya est une des deux étudiant·e·s partenaires à l’Université de la Colombie-Britannique, alumni des cours débutant FREN 101-102, inscrite dans une majeure en histoire. Savindya s’identifie aux pronoms « she/elle » et est membre d’une minorité raciale visible. Son engagement dans le cours de français FREN 102 a commencé au bout de quelques séances où elle est venue demander à l’enseignante (participante par la suite au projet Students as Partners) des ressources supplémentaires de lecture. L’intérêt de Savindya à ce projet était de renouveler le contenu de cours selon une perspective de renforcement des compétences écrites.

Pour le choix des illustrations, l’attention s’est portée sur l’utilisation de la couleur. Afin de soutenir visuellement la prise de conscience des différentes identités de genre sur le continuum queer et d’exploiter les possibilités sémantiques reliées à la combinaison du texte et de l’image, la gamme de couleurs utilisée dans Le voyage d’Alex suit un ensemble spécifique de nuances inspirées des drapeaux de fierté de la communauté 2ELGBTQIA+ et de sa symbolique arc-en-ciel[13]. Dans un premier temps, les couleurs ont été pensées pour représenter les émotions d’Alex. Ainsi, les nuances de bleu et de gris ont été favorisées au début de la ressource pour représenter le malheur d’Alex avant sa transition vers l’identité non binaire ou selon le rejet de ses pair·e·s. Vers la fin de la bande-dessinée, le passage à des couleurs plus vives et plus chaudes signifie le nouvel espoir et l’amélioration de l’estime de soi qu’Alex ressent. Dans un second temps, la décision a été prise d’utiliser une couleur pour chaque catégorie de personnage, afin de les identifier visuellement comme étant un·e allié·e ou non dans la quête linguistique et identitaire du personnage principal qui exprime pour la première fois sa non binarité en français. Le concept d’allié·e est une adaptation terminologique queer offrant une alternative au concept d’actant adjuvant/opposant de Greimas dans sa Sémantique structurale (1986) souvent appliquée en classe pour enseigner les composantes d’un récit (Tochon 2014).

4.3.3. La ressource authentique et inédite : Le voyage d’Alex (Diwan et Mudadeniya, 2023)

Le voyage d’Alex comporte quatre pages qui montre l’histoire d’Alex pendant sa transition de genre, la révélation de sa nouvelle identité de genre dans la classe de français, le rôle de l’enseignante, les réactions de ses pair·e·s et les concepts de dysphorie du genre et de mégenrage que nous avons déjà introduits dans cette étude.

Comme on le voit à la figure 4, la page de couverture met l’accent sur le concept de dysphorie de genre avec la ligne médiane qui traverse le corps d’Alex, comme pour symboliser la coexistence de la non binarité dans son corps et dans son cerveau. Pour renforcer cela, les deux côtés de la ligne médiane montrent deux représentations d’Alex, l’une avec les cheveux longs et l’autre avec les cheveux courts. Le titre identifie le nom épicène du personnage qui évite l’identification binaire au genre masculin ou féminin, ainsi que le thème de la bande-dessinée qui est de faire un voyage symbolique et réel au niveau de l’identité de genre. Le terme voyage correspond ici au terme anglais « journey » et non « travel », tandis que la langue française n’offre qu’un même mot pour ces deux concepts. Le sous-titre « jaune blanc violet noir » identifie l’identité de genre non binaire d’Alex par rapport aux couleurs du drapeau de la fierté non binaire.

Figure 4

La page de couverture et la page 1

Diwan et Mudadeniya, 2023

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Quant à elle, la page 1 montre une utilisation astucieuse des possibilités offertes par la bande-dessinée puisque la planche reproduit différents formats de vignette entre la vignette 1 dans laquelle Alex se regarde dans le miroir et les vignettes 2-5 où Alex commence sa quête de la non binarité. Celle-ci passe par un questionnement qui se fait de manière progressive : de la phase du miroir (vignette 1) à une recherche en ligne (vignette 2) suivi d’une compréhension de son identité de genre (vignette 3) et d’un passage à l’action symbolique pour la communauté queer de modifier sa coupe de cheveux (vignette 3). La vignette 4 permet de faire un effet de suspens avec un focus sur les cheveux coupés, avant de révéler en vignette 5 la nouvelle apparence d’Alex.

Ensuite, les pages 2 à 5 du Voyage d’Alex (Diwan et Mudadeniya 2023) exposent Alex aux réactions de ses pair·e·s. La page 2 (figure 5) commence par une indication spatio-temporelle « Le jour suivant, à l’école ». Les vignettes 1 et 3 montre Alex dans la classe avec son enseignante. Elles illustrent la pédagogie de la tolérance, puisque l’enseignante demande d’« écouter attentivement » Alex et parle de « responsabilité ». La vignette 2 montre la réaction plurielle des pairs, avec deux personnes qui sont sceptiques et deux qui sont des allié·e·s. La classe est donc divisée dans ses réactions, générant une situation d’inconfort ou de conflit. La page 3 (figure 5) commence par une indication temporelle « Après les cours », autrement dit la situation d’inconfort et de conflit va être traitée en dehors de la salle de classe. Alex, présent·e dans les vignettes 1 et 2, est perplexe (vignette 1) puis dévasté·e (vignette 2) par la situation de mégenrage qui consiste à ne pas désigner une personne par son pronom, ici le pronom « elle » (vignette 1) au lieu du pronom « iel » qu’Alex a utilisé à la page 2. La typographie en italique marque l’effet de mégenrage. La vignette 3 vient apporter une solution avec l’intervention d’un allié qui va prendre en charge la situation d’inconfort et de conflit.

Figure 5

Les pages 2 et 3

Diwan et Mudadeniya 2023

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La dernière page (figure 6) présente trois vignettes avec des couleurs plus chaudes qui symbolisent la résolution du conflit, ce que marque la dernière vignette dans laquelle tout le monde sourit : Alex aux côtés de ses allié·e·s et des personnes qui ont été convaincues d’écouter et de respecter les pronoms et la nouvelle identité d’Alex. La vignette 1 montre que c’est le principal allié qui revient vers Alex pour l’inclure dans un repas commun, tandis que la vignette 2 se focalise sur les excuses présentées par les personnes qui ont créé la situation de mégenrage.

Le voyage d’Alex présente donc une résolution de conflit qui a été réalisée par les pair·e·s et non dans la salle de classe. Si l’enseignante avait pratiqué une pédagogie queer au lieu d’une pédagogie de la tolérance, le conflit aurait pu être résolu dans la salle de classe, alors envisagée comme un lieu sécuritaire pour révéler son identité de genre et non seulement un lieu de la tolérance.

Figure 6

Page 4

Diwan et Mudadeniya 2023

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Enfin, la quatrième de couverture – non reproduite ici – présente les remerciements à la fois pour le travail en équipe et pour le financement du fonds « Student as Partners » offert par le bureau du doyen de UBC ayant permis de dédier du temps à la création de cette ressource.

5. Discussion et conclusion

Suite à la création de la ressource Le voyage d’Alex (Diwan et Mudadeniya 2023), la bande-dessinée a été transformée en activité pédagogique à partir du logiciel H5P et a été intégré à un module d’apprentissage sur la plate-forme numérique d’enseignement Canvas (Learning System Management) utilisée à UBC. Le format est partageable à partir d’un espace Canvas Commons qui permet donc à tout·e instructeur·trice des cours FREN 101-102 d’utiliser cette ressource dans son cours. Un sondage de satisfaction a été ajouté au module demandant aux étudiant·e·s de partager leur expérience d’interaction avec les activités proposées. Malheureusement, à ce jour, l’activité d’apprentissage reliée à l’utilisation de la ressource n’a pas encore pu être pilotée dans les cours FREN 101 et FREN 102. Faute de retour des étudiant·e·s inscrit·e·s dans ces cours, nous avons tout de même bénéficié du retour de collègues présent·e·s au forum SaP et dans une conférence portant sur le thème de la pédagogie queer. Ces retours ont validé la ressource avec enthousiasme et ont ouvert deux nouvelles pistes. Tout d’abord, des collègues de UBC est venu le désir de traduire la ressource dans les différentes langues enseignées à UBC, afin que les collègues puissent l’enseigner dans leurs cours de langue autres que le français. Ensuite, des collègues de l’Association des Professeur·e·s de français des Universités et Collègues Canadien·ne·s participant à l’atelier « Au-delà de l’inclusion : pour une pédagogie critique, intersectionnelle et décolonisante » est venue l’idée de créer d’autres ressources, par exemple pour expliquer les différents pronoms non binaires qui auraient pu être choisies au lieu du « iel » et les spécificités représentées par chacun de ses pronoms pour les identités non binaires.

Aujourd’hui le projet se poursuit grâce à l’obtention d’une nouvelle bourse « Global Fund » offerte à UBC pour les étudiant·e·s désireux·ses de créer des ponts entre l’université et les communautés locales. Leader du projet, Shreya Diwan poursuit le projet de créer une série aux aventures d’Alex, avec d’autres épisodes parlant de différents aspects de la transition (le point de vue de la chirurgie, la salle de classe utilisée comme espace queer pour gérer le conflit en éduquant sur les différents types de pronoms non binaires possibles et ce qu’ils représentent, etc.). De son côté, Savindya Mudadeniya se concentre sur la création d’un site internet pour faciliter le partage de la ressource auprès des collègues de UBC et des membres de la communauté francophone locale, tandis que l’enseignante, Caroline Lebrec, développe un partenariat avec une association locale de Vancouver (Griottes polyglottes) qui présente des ateliers de lutte contre la discrimination dans les écoles secondaires de la province[14]. Le thème de l’atelier sera adapté à celui de la lutte contre le mégenrage, à raison de quatre ateliers présentés en octobre 2024. Il restera ensuite à développer la possibilité de traduire la ressource dans les langues offertes à UBC. Une première phase de cet aspect du projet est en cours avec la participation de l’enseignante au programme de UBC Green College Leading Scholars Program, afin de commencer le réseautage des collègues allié·e·s et interessé·e·s à UBC pour établir un recensement des langues dans lesquelles la ressource pourrait être traduite.

La collaboration par le partenariat entre professeure et étudiant·e·s a donc abouti à la création de la ressource Le voyage d’Alex (Diwan et Mudadeniya 2023) qui a été créée en format libre-accès afin de pouvoir être réutilisée dans les cours de langue enseignés à UBC. Le partenariat avec les étudiant·e·s a permis un renouvellement du curriculum selon les questions OSIG reliées à l’introduction des pronoms non binaires dans la salle de classe d’une manière qui préconise la pédagogie queer plutôt que la seule tolérance. De son côté, Le format de la bande-dessinée a offert la possibilité d’envisager un renforcement des contenus écrits en mettant l’emphase sur l’apprentissage visuel afin de faciliter la compréhension du texte au niveau débutant (A1) et des enjeux OSIG dont traite la ressource.