Résumés
Résumé
Les enjeux de la diversité sexuelle et de genre sont absents de la recherche sur l’enseignement du français en milieu scolaire. De plus, aucune étude n’a exploré l’expérience des enseignant·e·s de français 2ELGBTQI+ qui s’engagent à intégrer l’équité, la diversité et l’inclusion (ÉDI) dans leur classe. Cet article vise donc à répondre à deux questions, à savoir (1) quels sont les obstacles ou défis rencontrés par les enseignant·e·s de français 2ELGBTQI+ qui adoptent une approche antioppressive dans leur classe ? (2) Quelles sont les conditions propices à l’élaboration d’un curriculum de français équitable et inclusif porté par les enseignant·e·s 2ELGBTQI+ ? Neuf enseignant·e·s 2ELGBTQI+ oeuvrant au sein du programme d’immersion, du programme français de base et du programme francophone au primaire, à l’intermédiaire et au secondaire au Canada ont participé à une entrevue semi-dirigée de vingt minutes. Les résultats de l’analyse thématique ont montré que les enseignant·e·s de français 2ELGBTQI+ sont confronté·e·s à de multiples obstacles, notamment la résistance à l’enseignement des enjeux 2ELGBTQI+, la charge émotionnelle de gérer des postures conflictuelles (personnelle, « professionnelle » et antioppressive) et le manque de ressources et de formation en français liées au contenu de l’ÉDI. Des suggestions en vue d’appuyer les enseignant·e·s de français 2ELGBTQI+ sont enfin proposées.
Mots-clés :
- équité, diversité et inclusion (ÉDI),
- enseignement du français,
- enseignant·e·s de français 2ELGBTQI+,
- charge émotionnelle,
- diversité sexuelle et de genre
Abstract
Considerations for sexual and gender diversity are absent from research on K-12 French education. Moreover, no study has explored the experience of 2SLGBTQI+ French teachers who endeavour to integrate equity, diversity, and inclusion (EDI) into their classroom. This paper addresses two questions: (1) What are the obstacles or challenges encountered by 2SLGBTQI+ French teachers who adopt an anti-oppressive approach in their classroom? (2) What conditions are necessary for 2SLGBTQI+ teachers to deliver an equitable and inclusive French curriculum? Nine K-12 minoritized teachers from the French Immersion, Core French, and Francophone programs at the elementary, intermediate, and secondary levels in Canada participated in a 20-minute semi-structured interview. The results of the thematic analysis showed that 2SLGBTQI+ French teachers face multiple barriers, including pushback when teaching 2SLGBTQI+ issues, the emotion labor of managing conflicting positions (personal, “professional”, and anti-oppressive), and the lack of French-language resources and teacher training related to EDI content. Suggestions for supporting 2SLGBTQI+ French teachers are offered.
Keywords:
- equity, diversity and inclusion (EDI),
- French education,
- K-12 2SLGBTQI+ French teachers,
- emotion labor,
- sexual and gender diversity
Corps de l’article
1. Introduction
Les enseignant·e·s jouent un rôle incontournable dans le processus de lutte contre toutes les formes de discrimination systémique. Cependant, les enseignant·e·s de français[1] ne sont pas souvent équipé·e·s pour aller au-delà d’une « pédagogie de la tolérance » (Richard 2019 : 116) dans l’enseignement de la langue, contribuant ainsi à maintenir le statu quo aux dépens des populations étudiantes marginalisées et vulnérables, notamment 2ELGBTQI+[2]. Qui plus est, nous constatons dans les programmes de formation des enseignant·e·s un degré élevé de résistance à l’éducation LGBTQ et aux valeurs antioppressives (Robinson et Ferfolja 2002, 2008 ; Jennings et Sherwin 2008 ; DiAngelo et Sensoy 2009 ; Wright-Maley et al. 2016). Cela n’est pas étonnant, car bien que ces programmes offrent des cours de base (parfois obligatoires) sur la diversité, ces cours sont typiquement relégués à un statut marginal dans l’ensemble du programme (Kelly et Minnes Brandes 2010). Par exemple, en ce qui concerne les enjeux de la diversité sexuelle et de genre, James (2019) a constaté que moins de 0,5 % du temps au premier cycle dans le programme « Language and Literacy Education » a été consacré à des contenus LGBTQ à l’Université de la Colombie-Britannique. De plus, Le et Matias ont montré la manière dont la diversité et l’inclusion dans la formation des enseignant·e·s tend à mettre l’accent sur un « safe multiculturalism » (2019 : 18) qui néglige de nommer des oppressions particulières et de réfléchir de manière critique à la complicité des institutions dans le renforcement et le maintien de ces oppressions. Cette approche conservatrice (et surtout hypocrite) a pour effet de réduire au silence les enseignant·e·s minorisé·e·s (Amos 2016 ; Sleeter 2016 ; Le et Matias 2019)[3].
Ces omissions sur les plans curriculaire et institutionnel ont des incidences sur les pratiques et les choix pédagogiques des enseignant·e·s. Dans une étude qui a sondé les perceptions de 3 400 enseignant·e·s du primaire et du secondaire au Canada, Campbell et al. (2021) ont constaté que le manque de proactivité en matière d’enseignement des enjeux 2ELGBTQ+ par les éducateur·rice·s pouvait être attribué à une lacune liée à la formation et aux ressources ainsi qu’à la crainte générale de diverses formes d’opposition. Cependant, les éducateur·rice·s qui se sentaient soutenu·e·s par leur administration étaient moins susceptibles d’invoquer ces raisons pour justifier leur inaction. D’ailleurs, le rapport final du projet Chaque prof sur l’éducation inclusive des personnes LGBTQ dans les écoles de la maternelle à la douzième année au Canada – sur lequel est basée la recherche de Campbell et al. (2021) – confirme ces résultats. En ce qui concerne l’éducation LGBTQ, les enseignant·e·s ont identifié un manque de formation, de développement professionnel et de couverture dans les programmes de formation (à savoir, le baccalauréat en éducation) ainsi qu’un manque de soutien de la part des commissions scolaires et des ministères de l’éducation (Taylor et al. 2015).
Comme notre étude porte en particulier sur l’expérience des enseignant·e·s de français 2ELGBTQI+ en Alberta, en Colombie-Britannique et en Ontario (dont certain·e·s ont des identités en intersection avec la race et le handicap), il est important de souligner que dans une synthèse des recherches publiées entre 2000 et 2017 sur les tendances actuelles dans l’enseignement du français langue seconde (FLS) en milieu scolaire au Canada, le terme « justice sociale » est apparu une seule fois lors du codage des mots clés dans les 181 articles analysés (Arnott et al. 2019). Cela suggère que les enjeux d’équité, de diversité et d’inclusion (ÉDI) ont été historiquement négligés dans l’enseignement du FLS. En fait, l’enseignement du français (que ce soit dans le cadre du français de base/Core French ou de l’immersion) continue d’être relativement traditionnel, en cela que l’on apprend le français pour le français, c’est-à-dire que l’apprentissage de la langue est une fin en soi et semble très rarement utilisé comme tremplin pour développer la pensée critique et la conscience sociale des élèves[4]. Bien que des ressources dans le cadre du programme SOGI (« Sexual Orientation and Gender Identity ») aient été développées pour les enseignant·e·s en Alberta et en Colombie-Britannique afin de rendre les écoles plus inclusives de la diversité 2ELGBTQI+[5], cette initiative reste insuffisante (Hakeem 2020) pour combler les lacunes dans les programmes d’études scolaires qui n’exigent pas l’intégration de la diversité sexuelle et de genre à tous les niveaux et dans toutes les matières (recommandation pourtant élaborée dans le rapport du projet Chaque prof publié en 2015). En ce sens, comment répondre à ce manque en tant qu’enseignant·e de français véritablement concerné·e par les enjeux de la diversité sexuelle et de genre ?
S’il existe plusieurs travaux sur les futur·e·s enseignant·e·s minorisé·e·s au Canada (Mujawamariya 2006 ; Mujawamariya et Moldoveanu 2006 ; Mulatris et Skogen 2012), aucune étude ne semble avoir été effectuée sur l’expérience des enseignant·e·s de français 2ELGBTQI+. Cette recherche explorera, au moyen d’entretiens individuels, les expériences et les difficultés rencontrées par neuf enseignant·e·s de français 2ELGBTQI+ en milieu scolaire au Canada. En prêtant attention plus particulièrement à la manière dont leur identité (intersectionnelle) influence leurs pratiques antioppressives, leur liberté de parole et leur sentiment de légitimité, notre étude qualitative sera guidée par les questions de recherche suivantes :
-
Quels sont les obstacles ou défis rencontrés par les enseignant·e·s de français 2ELGBTQI+ qui adoptent une approche antioppressive dans leur classe ?
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Quelles sont les conditions propices à l’élaboration d’un curriculum de français équitable et inclusif porté par les enseignant·e·s 2ELGBTQI+ ?
2. Méthodologie
2.1. Participant·e·s
Étant donné que l’objectif initial de cette recherche qualitative était de mieux comprendre les expériences et les difficultés rencontrées par des enseignant·e·s de français minorisé·e·s en milieu scolaire, les enseignant·e·s visé·e·s par cette recherche devaient, pour être admissibles, s’identifier comme faisant partie d’au moins l’un des groupes suivants : 2ELGBTQI+, handicapé ou personne de couleur. Une fois la demande d’autorisation de la recherche obtenue auprès de The University of Calgary Conjoint Faculties Research Ethics Board, les participant·e·s ont été recruté·e·s à l’aide d’une affiche publicitaire diffusée sur divers réseaux sociaux, notamment Facebook, Twitter et Linkedin. En procédant à un échantillonnage en boule de neige, nous avons également demandé aux enseignant·e·s intéressé·e·s de bien vouloir faire circuler la description de l’étude et le lien du sondage auprès de leurs connaissances et de leur réseau professionnel.
Au total, dix enseignant·e·s âgé·e·s entre 27 et 40 ans oeuvrant au sein du programme d’immersion, du programme français de base et du programme francophone au primaire, à l’intermédiaire et au secondaire en Ontario, en Colombie-Britannique et en Alberta ont participé à une entrevue semi-dirigée de vingt minutes. Bien que le recrutement initial ait visé des personnes faisant partie d’au moins un des groupes mentionnés, il convient de souligner que parmi les participant·e·s qui ont manifesté un intérêt pour l’étude, neuf sur dix s’identifiaient comme 2ELGBTQI+[6]. En conséquence, nous avons décidé, dans le cadre de cet article, d’écarter une participante afin de nous concentrer sur les enjeux de la diversité sexuelle et de genre (tableau 1). Précisons néanmoins que, dans une optique intersectionnelle (Collins et Bilge 2020), d’autres aspects de l’identité des participant·e·s 2ELGBTQI+ – notamment la race, le statut de locuteur·rice L2 et la situation de handicap – ont été pris en compte dans l’analyse, le cas échéant. Ceci est dû au fait que parmi les neuf participant·e·s 2ELGBTQI+, trois sont des personnes de couleur et une a un handicap. Enfin, quatre se sont identifié·e·s comme hommes, trois comme femmes, un·e comme non binaire et un·e comme « gender melancholic[7] ».
2.2. Instrument de collecte de données
Les données ont été recueillies par un sondage en ligne suivi d’entrevues semi-dirigées d’une durée de vingt minutes chacune. Le sondage avait principalement pour but de recueillir des informations sociodémographiques sur les enseignant·e·s : âge, identité minorisée, province et programme de français dans lequel ils·elles enseignaient. À l’origine, nous avons aussi voulu recueillir sur une échelle de Likert à cinq points les expériences d’une grande quantité d’enseignant·e·s de français minorisé·e·s, mais étant donné le faible taux de réponse, nous avons opté uniquement pour des entrevues semi-dirigées. Les entrevues ont été menées et enregistrées en audio sur la plateforme Zoom entre février et mai 2023, et réalisées en anglais conformément à la préférence des répondant·e·s dont seulement une avait le français comme langue première.
2.3. Méthode d’analyse des données
Les entrevues semi-dirigées ont été transcrites dans un document numérique afin de faciliter l’analyse qualitative. Nous avons ensuite procédé à une analyse thématique inductive (Braun et Clarke 2006), ce qui veut dire que les données ont fait l’objet d’un codage ouvert et que l’analyse s’est basée (a posteriori) sur le contenu des entrevues. Un certain degré d’analyse déductive a toutefois été employé afin de s’assurer que le codage ouvert contribuait à produire des thèmes pertinents aux questions de recherche et en lien avec la littérature scientifique. De plus, en adoptant une approche épistémologique constructiviste et interprétative (Braun et Clarke 2022), nous accordons une importance particulière au sens construit et communiqué par les participant·e·s ainsi qu’à notre interprétation de ces données en tant que chercheur.
Il convient de préciser que malgré la faible taille de l’échantillon, la méthode des entrevues permet d’étudier en profondeur les expériences des enseignant·e·s 2ELGBTQI+ d’une manière qu’une étude purement quantitative ne serait pas en mesure de réaliser. Les entrevues ont permis aux participant·e·s de raconter leurs histoires en soulevant les problèmes qu’ils·elles avaient rencontrés en adoptant une posture antioppressive dans leur classe. Ce qui nous intéresse particulièrement, c’est la manière dont les participant·e·s donnent sens à leurs expériences et à leurs défis en tant qu’enseignant·e·s de français 2ELGBTQI+ minorisé·e·s.
3. Résultats
Dans cette partie, nous présentons les résultats de notre enquête sur les défis rencontrés par les enseignant·e·s de français 2ELGBTQI+. Trois défis principaux ressortent de l’analyse thématique des données : (1) une résistance à l’enseignement des enjeux de la diversité sexuelle et de genre ; (2) la charge émotionnelle découlant de la gestion de sa position sociale minorisée et de sa posture pédagogique antioppressive ; et (3) l’absence de ressources et de formation en matière d’équité, de diversité et d’inclusion, et la nécessité de mise en place de réseaux de collaboration pour pallier ce manque. D’autres solutions pour remédier aux problèmes soulevés sont abordées dans la discussion.
Les extraits retenus dans la présentation des résultats servent à illustrer les arguments avancés pour chaque thème et ont été choisis en fonction de leur pertinence vis-à-vis des questions de recherche. Afin d’aller au-delà du sens littéral des propos des participant·e·s, les extraits sont présentés de manière analytique, donc contextualisés par rapport à la littérature scientifique et/ou à des notions théoriques pertinentes (Braun et Clarke 2013).
3.1. Résistance à l’enseignement des enjeux de la diversité sexuelle et de genre : effets sur la liberté de parole et le sentiment de légitimité des enseignant·e·s 2ELGBTQI+
Le défi le plus souvent évoqué par les enseignant·e·s de français 2ELGBTQI+ est la résistance à l’enseignement des enjeux de la diversité sexuelle et de genre. Cette résistance, provenant de diverses sources (les parents, les collègues, les élèves, l’administration), prenait la forme de manifestations ouvertes d’homophobie, d’interventions parentales entraînant l’exemption de leurs enfants dans l’apprentissage de contenus 2ELGBTQI+, d’accusations de prosélytisme, d’appels au ralentissement (slow down) et de plaintes auprès du Bureau de la réglementation de l’enseignement. De plus, quatre participant·e·s ont indiqué que le fait d’enseigner dans des contextes culturellement diversifiés constituait un obstacle à la sensibilisation aux réalités 2ELGBTQI+. Deux participants ont précisé que les plaintes à ce sujet venaient principalement de parents et d’élèves issu·e·s de communautés musulmanes. Que ce soit au niveau primaire, intermédiaire ou secondaire, les enseignant·e·s LGBTQ sont plus susceptibles de recevoir de telles plaintes (Taylor et al. 2015).
Les données révèlent également que cette résistance a des incidences sur la liberté de parole des enseignant·e·s de français 2ELGBTQI+. Comme l’explique la participante 8, bien qu’elle soit consciente que le partage de son vécu en tant que personne 2ELGBTQI+ et handicapée enrichirait l’expérience d’apprentissage de ses élèves, elle se sent obligée de se censurer pour éviter le conflit et la résistance :
It’s a very fine line to navigate between not giving too much about myself away because I’m unfortunately not super comfortable with sharing all those aspects of my identity at my workplace, in particular with my students and especially because we’ve had so much sort of blowback from parents with some things before […] And I would hope that down the line, I am. But I just think that there is quite a bit of stigma against the autism in particular at this moment, so it’s kind of hard to have those conversations in a genuine fashion with my students and I kind of feel I have to hold back some of the things that would be really beneficial to our conversations.
Entretien 8
Il est intéressant de noter que malgré le soutien administratif (indiqué ailleurs par cette participante), la résistance a un effet disciplinaire : elle façonne le niveau d’authenticité de cette enseignante qui doit ménager son identité, son approche et ses choix pédagogiques en fonction des susceptibilités des parties prenantes au sein de l’écosystème scolaire, notamment les parents et les élèves hétéronormé·e·s. D’ailleurs, la recherche montre que l’opposition parentale ou administrative est un facteur de dissuasion important qui décourage les enseignant·e·s à aborder les enjeux 2ELGBTQI+ (Taylor et al. 2015 ; Campbell et al. 2021).
En revanche, bien que le participant 3 ait l’impression de pouvoir enseigner librement, son « authenticité » est prudente :
There are ways in which I can discuss things authentically about my own experiences, for example, that tends not to ruffle feathers. Right? I can introduce EDI-themed conversations in a more authentic way without making it a curricular focus too. I think you just have to be more strategic with respect to when and where you discuss certain things.
Entretien 3
L’authenticité, voire la liberté de parole qu’évoque le participant 3, est paradoxale, car elle existe seulement dans les limites du statu quo et du confort de la communauté scolaire hétéronormative. Autrement dit, l’enseignement des réalités 2ELGBTQI+ est seulement acceptable s’il demeure un contenu à part et ne perturbe pas l’ordre établi. Bien que cela ne soit pas l’intention, l’effet pervers de cette posture consensuelle (qui est, bien sûr, le résultat d’un conditionnement social) est que les décisions curriculaires autour de l’intégration des enjeux 2ELGBTQI+ sont prises en fonction de l’intérêt général des populations privilégiées et dominantes, et non selon le besoin des élèves concerné·e·s par ces enjeux. Il convient néanmoins de situer la perspective de ce participant (qui enseigne en Alberta) dans un contexte sociopolitique particulièrement hostile aux populations minorisées :
Maybe just when we look at the broader political situation too, the broader political context. Not even just within this province, but I think that we have to be mindful on where things are headed on a sociopolitical level as well. And I think to be in the demographic that I am, I see the possibility, I feel like we’re living in a world that is radically shifting towards more conservative, less accepting of minority groups of people.
Entretien 3
Il faut rappeler que la Première ministre de l’Alberta, Danielle Smith, a proposé le 31 janvier 2024 une série de politiques qui, entre autres, limiteraient l’accès à des soins médicaux pour les jeunes trans et exigeraient l’autorisation des parents avant chaque leçon portant sur l’identité de genre, l’orientation sexuelle et la sexualité (Smith et Tait 2024). Le conservatisme radical en Alberta et ailleurs qui se renforce actuellement semble donc influencer la décision du participant 3 d’adopter une approche prudente quant à la discussion des enjeux 2ELGBTQI+.
Si la résistance ambiante et le contexte sociopolitique poussent certain·e·s enseignant·e·s 2ELGBTQI+ à adopter une « pédagogie de la tolérance » (Richard 2019 : 116) plutôt qu’une approche véritablement antioppressive, elle engendre chez d’autres un sentiment d’illégitimité. Par exemple, la participante 7 explique qu’au moment d’enseigner le pronom iel en français, ses collègues ont cru qu’elle l’avait inventé, attribuant ainsi son enseignement du pronom neutre à un soi-disant manque de connaissance de la langue française :
It’s how you become perceived by the rest of the staff. In my experience, I found that people would then kind of question my knowledge of French in general. Like, “Ok well you’re an Asian person, so obviously French is not your first language”. And so, they would kind of test me or they would kind of bring up, “Oh, do you really even know French that well?” type thing. “Is that why you’re teaching all these different things instead of the actual language?” type thing.
Entretien 7
Ancré dans l’idéologie du locuteur natif (Pennycook 1994 ; Holliday et al. 2015), le processus de remise en question de la compétence linguistique de cette participante correspond davantage à une forme de « gaslighting[8] » ou de résistance passive, car il sert à la faire douter de sa légitimité en tant qu’enseignante de français ainsi que de sa manière d’enseigner la langue. Ce modèle idéologique est alimenté par un préjugé racial et linguistique fondé sur une construction discursive de ce qui constitue un locuteur·rice légitime francophone (Bourdieu 1977 ; Arrighi et Boudreau 2016 ; Dalley et Tcheumtchoua Nzali 2022). Qui plus est, bien qu’il existe de nombreuses recherches et d’études sur le français non binaire et ses usages (Baril 2017 ; Ashley 2019 ; Kosnick 2019 ; Knisely 2020 ; Spiegelman 2022), les collègues de cette participante tentent de la décrédibiliser sous prétexte qu’elle n’est pas bien placée – en tant que locutrice asiatique soi-disant non francophone – pour enseigner le français. Ces discours dévalorisants, en plus d’entraîner un sentiment d’insécurité, d’illégitimité et d’inadéquation, s’inscrivent dans un racisme linguistique bien établi au Canada (Wernicke 2023, voir aussi Boudreau 2019). Comme le résume le participant 6 :
I tend to find that as POCs or as marginalized groups, we tend to have to prove ourselves a bit more within FSL education because it’s seen as a language that is steeped within French Canadian culture … So I find as minority teachers, we have to try to show that we know French, versus others who maybe don’t receive that same kind of light, and similarly that does present a challenge when we are presenting certain things because there’s that added pressure of trying to be what people assume is the perfect French.
Entretien 6
Ce participant ressent la nécessité de prouver sa compétence en français afin de correspondre à une conception monolithique, homogène et surtout blanche du locuteur francophone[9]. Il est donc intéressant de constater la manière dont la compétence linguistique est invoquée, voire instrumentalisée pour justifier une idéologie binaire de la langue et de l’enseignement[10].
3.2. Gérer la tension entre son identité minorisée et sa posture antioppressive : la charge émotionnelle des enseignant·e·s 2ELGBTQI+
Il ressort également de l’étude que la gestion des émotions s’avère particulièrement difficile pour les enseignant·e·s de français 2ELGBTQI+ qui s’engagent à intégrer les enjeux d’ÉDI dans leur classe. Les participant·e·s ont indiqué avoir été soumis·e·s à une pression en termes de travail émotionnel, c’est-à-dire à une charge qui les force à contrôler leurs émotions tout en gérant à la fois leur identité, la résistance à leur posture pédagogique ainsi que le bien-être de leurs élèves (surtout minorisé·e·s). Selon Hochschild (2012), le travail émotionnel correspond à des feeling rules, voire des conventions émotionnelles (souvent implicites) socialement construites qui dictent aux individus la façon dont ils doivent se comporter et performer certaines émotions dans un contexte particulier. Dans cette optique, les émotions ne constituent pas des états psychologiques individuels, mais des performances sociales régies et façonnées par les rapports de pouvoir (Ahmed 2004 ; Benesch 2018). Comme l’explique Benesch, « the ways in which humans perceive and refer to emotions is a discursive process » (2018 : 61) impliquant des normes tacites qui spécifient ce que nous devons ressentir (et comment) dans une situation particulière. L’expression des émotions doit donc être comprise et interprétée en fonction des relations entre les individus et les dynamiques de pouvoir qui les sous-tendent (Piwoni 2020).
Étant donné le lien indissociable entre émotions et pouvoir, la charge émotionnelle prend de l’ampleur lorsque les enseignant·e·s minorisé·e·s doivent répondre à des cas de discrimination en classe qui touchent à leur expérience personnelle. Le participant 5 détaille un tel incident dans un atelier avec un groupe d’élèves (dont certain·e·s qu’il ne connaissait pas) où il a dû gérer un cas d’homophobie :
P5 : I had a drag performer’s name and photo up. And one of the kids starting mincing, like putting their wrists limp. And I just had no idea with a perfect stranger in front of me, it was more, yeah, it’s more of a challenge as a minoritized person.
Entretien 5
Intervieweur : I assume that made you uncomfortable?
P5: Yeah. And when you’re teaching a group of strangers that you’ve never seen before, right? And trying to represent for the queer kids that are in front of you while also addressing the potential violence of an act like that, right?
L’enseignant explique ne pas savoir comment réagir face à ce garçon qui agissait de manière efféminée pour se moquer d’une drag queen. Bien que cet enseignant queer reconnaisse la violence de cet acte homophobe qui le concerne personnellement, il doit gérer ses émotions tout en demeurant un modèle pour ses élèves queer envers qui il souhaite montrer sa solidarité. Comme l’explique l’enseignant plus loin dans son entrevue, dans un souci de « professionnalisme » (nous y reviendrons dans la discussion), il est amené à adopter un comportement qui ne correspond pas nécessairement à son état d’esprit et à comment il se sent réellement. Ce sont donc les émotions des autres qui priment au détriment de son propre bien-être. D’ailleurs, la participante 8 décrit la retenue émotionnelle et la discipline personnelle requises lors de discussions en classe liées à son handicap invisible, surtout lorsque ce dernier est tourné en ridicule :
I get nervous when talking about things that I relate to because I want students to be able to talk about these things and share their opinions honestly, but I am always kind of reserved and worried that someone is going to say something that they don’t mean it to be offensive, but it is going to be offensive. And not only do I have to try to steer the conversation in a positive direction to model it for the class, but at the same time I’m also trying on the inside to not negatively react because I do personally feel a little bit hurt by some of things that might be said. Just as an example to pull from. I taught a X course a few years ago and used an example from an X and a student made kind of a hurtful comment to their friends and I overheard about that person’s disability. I then have to have a conversation with that student about how that’s not the right thing to say and how that can be hurtful. And I have to do that without showing that I take a lot of offense to that, if that makes sense. So I’m kind of always on guard when I am talking about things in my classroom that are related to my identity[11].
Entretien 8
Cette enseignante ressent la nécessité de se maîtriser devant ses élèves afin de ne pas réagir négativement à un commentaire blessant. À l’instar du participant 5, elle doit réorienter la discussion de manière positive sans montrer qu’elle est perturbée émotionnellement par la remarque de l’élève qui la concerne sur le plan personnel. Dans le but de se protéger, cette enseignante se sent obligée (répétition de l’expression I have to…) de se surveiller, de se censurer et d’enseigner d’une manière qui n’est pas toujours en phase avec son vrai état émotionnel. Comme le souligne Hochschild (2012), cette gestion des émotions – qui oblige les individus à feindre leurs émotions ou à les contenir volontairement – peut engendrer des sentiments d’isolement et d’aliénation dans le milieu de travail. Bien qu’implicite, le fait d’enseigner et d’interagir avec des élèves tout en demeurant dans un état constant de préoccupation (I am always kind of reserved and worried) et de vigilance (I’m kind of always on guard) peut également être stressant et fatigant psychologiquement, surtout dans le cas de cette participante qui leur dissimule son identité 2ELGBTQI+ et autiste. Rappelons que la performance des émotions ainsi que les choix pédagogiques et professionnels des enseignant·e·s (voir le participant 3) sont le produit de la discipline sociale qu’ils·elles intériorisent dans leur contexte immédiat. Ayant déjà été témoin de l’opposition parentale à l’enseignement de contenu 2ELGBTQI+, la participante 8 semble avoir appris à gérer ses émotions, son identité et son approche antioppressive en fonction du climat social du milieu scolaire.
D’après notre enquête, nous pouvons considérer que les enseignant·e·s 2ELGBTQI+ souffrent d’une forme de dissonance émotionnelle : ils·elles doivent non seulement changer leur manière d’enseigner, mais aussi s’aligner aux normes émotives (feeling rules) dominantes afin d’éviter de se placer dans une position perçue comme compromettante d’un point de vue personnel et soi-disant professionnel. Selon Airton et Martin (2022), cette perception est le produit de l’intériorisation des normes de professionnalisme transmises de façon banale aux enseignant·e·s dans les programmes de formation. Autrement dit, la décision d’atténuer leur identité, leurs émotions ou leur enseignement par crainte de heurter la susceptibilité de certaines personnes ne constitue pas une obligation professionnelle, mais c’est pourtant ce que plusieurs participant·e·s à notre étude ont entrepris de faire.
3.3. Du manque de ressources et de formation à la mise en place de réseaux de collaboration en matière d’ÉDI
Sans grande surprise, tou·te· s les participant·e·s à l’étude ont souligné le manque de ressources en français en matière d’ÉDI qui sont à jour, pertinentes et adaptées à l’âge et au niveau scolaire des élèves :
Probably the largest struggle for us is just finding resources because it seems that we’re not provided with very much through any of the general avenues that you would get resources from. Like it seems that any of the professional development opportunities provided by our school board are a little bit behind where we want to be in terms of promoting equity in our French classes. And so, we have to do a lot of searching ourselves, which is very time consuming and quite exhausting to be honest and it often feels like we’re sort of scouring the depths of the internet to find some of the resources that I have mentioned, books that are age-appropriate, level-appropriate and representative of our students as well.
Entretien 8
Comme le résume la participante 8, cette lacune demande aux enseignant·e·s un temps et une énergie supplémentaires en dehors des heures de travail pour développer des ressources qui sont représentatives de la diversité identitaire de leurs étudiant·e·s. Afin de remédier à cette situation, plusieurs participant·e·s ont insisté sur l’importance de financer des réseaux collaboratifs d’enseignant·e·s de français afin de promouvoir le partage des ressources et des savoirs quant à l’enseignement des contenus ÉDI. En voici quelques propos :
I think it would be really nice if we had a community of teachers that are interested and willing to engage with EDI content. We could connect, collaborate, and share our own experiences and resources that we’re doing together.
Entretien 9
It feels that the more we do together as a front, the more confident I would kind of be in how my students might be receiving that and how parents might be receiving that.
Entretien 8
And that in particular means putting funding towards creating groups that develop material for whatever grades are needed, so maybe K-12, where there is a focus.
Entretien 6
The stuff that you bring up in class, they’re 100% going to carry it throughout the day and mention it to their other teacher. And so, it would help if other teachers were kind of on the same page.
Entretien 7
La collaboration a donc une fonction à la fois pratique, thérapeutique et stratégique. Elle permet aux enseignant·e·s de français 2ELGBTQI+ de développer des ressources en équipe, de les partager au sein d’un réseau et d’échanger sur leurs approches pédagogiques dans un espace convivial et solidaire. Ces résultats rejoignent ceux de Wernicke et al. sur le rôle important que joue la collaboration dans « l’établissement de solides relations professionnelles entre collègues » (2022 : 10), notamment dans le contexte du FLS. De plus, la collaboration sous la forme de soutien et de participation collégiale contribue à renforcer la confiance (et le niveau d’aisance) des enseignant·e·s 2ELGBTQI+ et à légitimer leurs efforts pour rendre plus équitables et inclusifs les curriculums de français, surtout quand il s’agit de faire face à des résistances étudiantes ou parentales. Comme les propos de nos participant·e·s le démontrent, ce « professionnalisme collaboratif » (Hargreaves et O’Connor 2018, voir aussi Jacquet et Dagenais 2010 ; Wernicke 2022) est d’autant plus important pour les enseignant·e·s minorisé·e·s qui ont plus tendance à se sentir aliéné·e·s et isolé·e·s de leur communauté enseignante (Harris et Gray 2014). Ajoutons que les réseaux de collaboration (que ce soit pour la formation professionnelle ou le développement de ressources pédagogiques) doivent être financés par les commissions scolaires, car l’équité sociale est une responsabilité partagée, mais souvent assumée de façon bénévole par les enseignant·e·s minorisé·e·s.
Quant à la formation des enseignant·e·s, la participante 8 insiste non seulement sur le fait que celle-ci doit être dispensée par un organisme réputé, mais elle doit également être conçue en fonction des besoins et des défis particuliers des enseignant·e·s de français :
I would say that teachers in general need training on, need anti-oppression/anti-racism training from an authentic organization. And then I would also say that French teachers specifically, in my case Core French teachers, need a little extra session or extra workshops in general about how to use resources or how to gather resources, create resources related to teaching different EDI-related subjects.
Entretien 7
Étant donné le manque de ressources disponibles à tous les niveaux, cette participante suggère des formations spécialisées pour les enseignant·e·s de français sur la manière de compiler, de développer et d’adapter des ressources en français dans le but de pouvoir enseigner sur une gamme de sujets liés aux enjeux d’ÉDI. Ce serait en effet une manière d’aller au-delà des gestes superficiels afin de promouvoir l’engagement du corps enseignant et de la direction en faveur de la justice sociale :
One thing I understand from colleagues, they are committed to EDI but they hate the notion of silos and perfunctory gestures. And I think there’s a concern that when we do, if we talk about women’s history for a day or Black history for a week or pronouns for a day, that there’s a sense that these are token gestures rather than things that are integrated across the whole year.
Entretien 4
Cette participante dénonce implicitement la performance institutionnelle de l’ÉDI : une position paradoxale dans laquelle les commissions et les administrations scolaires – dans le but de véhiculer une image progressiste – mettent de l’avant un discours favorable à l’équité, à la diversité et à l’inclusion, mais demeurent passives lorsqu’il s’agit de prendre des mesures concrètes pour véritablement défendre ces valeurs au profit des personnes marginalisées. En équipant les enseignant·e·s de français avec les outils nécessaires à intégrer ces enjeux de manière transversale dans le curriculum, les commissions scolaires et les programmes de formation montreraient que l’ÉDI n’est pas seulement une thématique parmi d’autres ou une question de mode, mais un élément fondamental de l’éducation des jeunes.
L’importance d’une posture véritablement antioppressive est surtout importante en ce qui a trait à l’éducation 2ELGBTQI+. Rappelons que tou·te· s les participant·e·s à notre étude déplorant l’absence de ressources ou de formation s’identifient à la communauté 2ELGBTQI+. Le sondage de Taylor et al. (2015) a montré que cette absence constitue le facteur le plus important qui empêche les enseignant·e·s 2ELGBTQI+ d’aborder les enjeux de la diversité sexuelle et de genre. De plus, « près des deux tiers des participants qui ont obtenu leur B. Éd. au cours des cinq années précédant le sondage déclarent qu’ils n’ont pas du tout reçu de préparation sur la diversité sexuelle et de genre pendant leurs études » (Taylor et al. 2015 : 28). Nous reconnaissons que depuis la publication de ce sondage en 2015, plusieurs programmes de formation au Canada (notamment en Ontario, en Alberta et en Colombie-Britannique) ont évolué en matière d’intégration de contenu 2ELGBTQI+, mais il reste à savoir jusqu’à quel point les recommandations formulées dans le rapport final de ce sondage (Taylor et al. 2015 : 191-197) ont été mises en oeuvre par les commissions scolaires, les ministères d’éducation et les responsables des programmes de formation. Une telle recherche se situe à l’écart des questions posées dans cette étude, mais pourrait faire l’objet d’une enquête future.
4. Discussion
Malgré la création de politiques au niveau provincial et fédéral au Canada visant à prévenir la discrimination anti-2ELGBTQI+ et à promouvoir l’équité sociale dans les écoles, notre étude vient montrer que les enseignant·e·s de français issue·e·s de la communauté 2ELGBTQI+ ont besoin de plus de soutien pour faire face à la résistance disproportionnée à l’enseignement de la diversité sexuelle et de genre. Rappelons que les écoles demeurent l’un des milieux qui progressent le plus lentement en matière de sécurité et d’acceptation des jeunes LGBTQ (Ryan 2003). Cela est confirmé par le dernier sondage national sur l’homophobie, la biphobie et la transphobie dans les écoles canadiennes dans lequel 62 % des répondant·e·s 2ELGBTQ ont signalé ne pas se sentir en sécurité à l’école (Peter et al. 2021). Ce climat hostile envers la diversité sexuelle et de genre a également des incidences sur le bien-être des enseignant·e·s 2ELGBTQI+ dont certain·e·s continuent de subir la discrimination en milieu scolaire contraire à la Charte canadienne des droits et libertés (Tompkins et. al 2019). Ajoutons que le contexte de FLS n’est pas historiquement connu comme un milieu où ces enjeux (et même ceux liés à la justice sociale en général) sont discutés ouvertement (Arnott et al. 2019)[12]. Bien que le contexte politique et social ne soit pas toujours propice à de telles discussions, les participantes 1 et 4 ont souligné la nécessité de politiques et de programmes d’études qui nomment et intègrent explicitement la diversité sexuelle et de genre. Ces documents officiels peuvent être utilisés par les enseignant·e·s 2ELGBTQI+ – que l’on accuse parfois de prosélytisme – pour répondre à d’éventuelles résistances à leur posture antioppressive.
Il est également important de nommer l’instrumentalisation de la diversité culturelle et religieuse pour justifier le rejet de l’enseignement des enjeux 2ELGBTQI+. Ce genre de résistance, surtout quand il est mené par des groupes qui sont eux-mêmes victimes de discrimination, ne contribue qu’à nuire aux efforts plus larges pour avancer l’équité et la justice sociales. Si nous considérons que l’identité est intersectionnelle et complexe (Collins et Bilge 2020), la lutte contre l’homophobie, le capacitisme, le racisme ou l’islamophobie ne devrait pas être traitée comme une bataille mutuellement exclusive.
Notre enquête a aussi montré que la charge émotionnelle est un défi particulier pour les enseignant·e·s 2ELGBTQI+ qui doivent naviguer entre des postures qui semblent conflictuelles : d’abord personnelle (en tant que personne marginalisée), puis antioppressive (leur rôle de pédagogue) et enfin « professionnelle » (selon les « codes de conduite » régis par leur profession). En fait, au moins trois participant·e·s ont cité le professionnalisme comme raison de maintenir l’ordre et le décorum, même en cas de résistance, voire de discrimination. Cependant, comme l’explique Keenan (2017), les normes de professionnalisme sont pensées en fonction d’enseignant·e·s blanc·he·s, hétérosexuel·le·s, cisgenres et conformes au genre. Les enseignant·e·s 2ELGBTQI+ sont donc plus vulnérables à l’instrumentalisation des discours de professionnalisme (Mizzi 2016 ; Airton et Martin 2022). Comme les personnes privilégiées par le système social dominant sont d’emblée perçues comme étant neutres, objectives et rationnelles dans leur enseignement, elles sont moins susceptibles d’être remises en question sur le plan professionnel ou réduites de manière essentialiste à leur identité.
Les participant·e·s à notre étude ont systématiquement déploré l’absence de ressources, de formation et d’opportunités structurées de collaboration pour avancer l’équité, la diversité et l’inclusion, des valeurs qui sont pourtant de plus en plus valorisées en milieu scolaire (que ce soit en Alberta, en Ontario ou en Colombie-Britannique). Étant donné cette situation paradoxale, des recherches futures pourraient analyser les discours institutionnels ainsi que les initiatives des commissions scolaires, des ministères d’éducation et des programmes de formation à travers le Canada afin de déterminer dans quelle mesure ces initiatives et ces discours en faveur de l’ÉDI sont performatifs vis-à-vis de la réalité vécue des enseignant·e·s 2ELGBTQI+ et minorisé·e·s. Comme notre étude le suggère, le soutien des commissions et des directions scolaires doit être indéfectible non seulement quand cela sert leurs intérêts, mais surtout lorsque les valeurs de l’ÉDI sont menacées et remises en question. C’est notamment cette posture engagée (et non performative) qui contribuera à rassurer les enseignant·e·s de français minorisé·e·s dans leur liberté de parole et leur sentiment de légitimité.
Il convient enfin de revenir sur les limites de notre recherche. Compte tenu de la taille restreinte de notre échantillon, la portée des conclusions de cette étude est limitée. Cela dit, nous avons néanmoins pu étudier en profondeur les défis rencontrés et les solutions envisagées par des enseignant·e·s 2ELGBTQI+ dont la perspective et l’expérience personnelle autour de l’ÉDI ne figurent que trop rarement dans les priorités de recherche de l’enseignement du français. Nous espérons donc que cette étude ouvrira la porte non seulement à de nouvelles recherches (à plus grande échelle), mais aussi à des engagements concrets en faveur de la diversité sexuelle et de genre en éducation. Par exemple, les ministères d’éducation pourraient financer des équipes d’élaboration de ressources 2ELGBTQI+ en français en fonction des différents niveaux scolaires. De plus, étant donné le manque de formation liée à l’enseignement de la diversité sexuelle et de genre (Dejean 2010 ; Taylor et al. 2015 ; Meyer et Leonardi 2017), il nous semble impératif d’intégrer un programme de sensibilisation aux enjeux 2ELGBTQI+ dans les cours obligatoires de base menant au baccalauréat en éducation[13].
Dans une optique de justice sociale, il ne suffit pas de recruter des enseignant·e·s minorisé·e·s pour se penser à l’avant-garde des politiques ÉDI en éducation. Il faut créer les vraies conditions pour que les enseignant·e·s minorisé·e·s puissent – par l’entremise de leur propre enseignement – défendre les valeurs de l’équité, de la diversité et de l’inclusion dans la classe de français sans avoir à se contrôler par souci de « professionalisme » ou par crainte de rétributions institutionnelles ou parentales. Afin de pouvoir assumer ce rôle, « educators need to feel safe and accepted to provide the best education for their students » (Wright et Smith 2005 : 395). Dans un monde de plus en plus polarisé en ce qui a trait à l’éducation 2ELGBTQI+, c’est à travers une sensibilisation au niveau provincial comme national que les enseignant·e·s 2ELGBTQI+ pourront réconcilier leur tâche d’enseignement avec leur identité non-normative, condition sine qua non à l’élaboration d’un curriculum qui amènera les élèves à appréhender la complexité de la langue française, des cultures francophones et des enjeux de la diversité sexuelle et de genre qui influencent leur identité et construisent leur rapport à l’autre.
Parties annexes
Notes
-
[1]
Dans cet article, ce terme englobe les enseignant·e·s de français langue seconde, étrangère et première.
-
[2]
Sigle utilisé par le gouvernement du Canada pour faire référence aux personnes bispirituelles, lesbiennes, gays, bisexuelles, trans, queer, en questionnement, intersexuées et autres. Si nous employons un autre sigle, c’est pour référer à des recherches qui utilisent un sigle raccourci ou légèrement modifié.
-
[3]
Nous employons le terme minorisé·e pour faire référence à toute personne dont l’identité est construite comme minoritaire ou subordonnée à un groupe dominant. Ce terme (contrairement à celui de minorité) met l’accent sur le processus actif de minorisation, voire d’oppression systémique.
-
[4]
Pour approfondir ce sujet, voir Hakeem (2022).
-
[5]
En Alberta, voir https://ab.sogieducation.org/. En Colombie-Britannique, voir https://bc.sogieducation.org/.
-
[6]
Cela pourrait suggérer que les enseignant·e·s 2ELGBTQI+ ressentent davantage le besoin de partager leurs expériences et leurs défis quant aux enjeux d’enseignement liés à l’équité, à la diversité et à l’inclusion.
-
[7]
La participante (elle/iel) explique dans son entrevue que cette identification est liée à un sentiment de tristesse vis-à-vis de l’inconfort de ses collègues depuis son coming out en tant que personne gender fluid.
-
[8]
Voir MacKenzie et al. (2023) pour une illustration concrète de la façon avec laquelle les institutions universitaires mobilisent ce phénomène afin de résister à l’intégration de pratiques susceptibles de démanteler les inégalités structurelles et systémiques.
-
[9]
Deux études qualitatives publiées par la Education Trust aux États-Unis ont constaté que les enseignant·e·s noir·e·s et latino·a·s avaient le sentiment constant de devoir prouver leur valeur en tant qu’éducateur·e·s (Griffin et Tackie 2016 ; Griffin 2018).
-
[10]
Flores et Rosa ont d’ailleurs problématisé la notion de compétence linguistique dans la mesure où elle est « rooted in a genre of the human that overrepresents whiteness and linguistic homogeneity as idealized norms, which results in the perpetual positioning of racialized populations and practices as inherently deficient » (2023 : 285).
-
[11]
Les informations personnelles identifiables ont été supprimées afin de protéger l’anonymat de la participante.
-
[12]
Par exemple, l’enseignement des pronoms non binaires ne fait toujours pas l’unanimité auprès des enseignant·e·s de français au Canada. Deux participant·e·s (5 et 7) à notre étude évoquent la résistance de leurs collègues à l’écriture inclusive et à l’idée d’enseigner les pronoms non-binaires dans leur classe de français.
-
[13]
Voir Mitton et al. (2021) pour un exemple d’un tel programme et ses effets positifs sur l’expérience, le bien-être et la préparation des futur·e·s enseignant·e·s LGBTQ+.
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