Corps de l’article

1. Introduction

La rétroaction corrective écrite (RCE) a été amplement étudiée par des chercheurs du domaine de l’acquisition d’une L2 (Lira-Gonzales et Nassaji, 2020). L'existence d'un consensus sur les bénéfices de la RCE pour l’apprentissage d’une langue étrangère/L2 a été bien documentée (p. ex., Bitchener et Knoch, 2008; Chandler, 2003; Ferris, 2006). Cependant, très peu de recherches se sont penchées sur la façon dont les apprenants analysent cognitivement les divers types de rétroaction. L’étude de Kim et Bowles (2019) est une des rares études qui a examiné la façon dont les apprenants d’anglais L2 ont analysé deux types de rétroaction : reformulation et rétroaction directe.

Kim et Bowles (2019) ont utilisé la réflexion à haute voix pour (1) comparer comment les apprenants ont analysé deux types de rétroaction et (2) examiner la relation entre le type de rétroaction, le type d’erreur (morphologique, syntaxique, orthographique, lexicale, de ponctuation) et la PdT.

Notre recherche est basée sur celle de Kim et Bowles (2019), mais diffère de celle‑ci en raison des types de rétroaction proposés et de la langue cible des apprenants. En effet, nous avons choisi la RC directe et indirecte (avec des codes) et le FLE était la langue cible des apprenants. Ainsi, les résultats obtenus dans notre étude contribueront à mieux comprendre les facteurs (c.-à-d. le type d’erreur, le type de RC) qui interviennent au moment de traiter en profondeur les différents types de RCE en FLE.

De plus, nous voulions présenter à des enseignants de FLE une recherche basée sur des données authentiques, liées au programme d’études en FLE (à la différence d’une étude en laboratoire). Les résultats de cette étude sont donc écologiquement valides et, en conséquence, les enseignants pourront facilement associer ces résultats à leurs programmes d'enseignement de FLE.

1.1. Rétroaction corrective

La RC est définie comme toute indication pour informer l’apprenant que la production cible est incorrecte (Nassaji et Kartchava, 2017). Dans la production écrite, la RC porte sur toute production grammaticale ou lexicale incorrecte de la langue cible (Lira-Gonzales et Nassaji, 2019). Il faut noter que la RC ne touche pas uniquement la forme (grammaire, orthographe, etc.); elle peut aussi toucher le contenu (cohérence, cohésion, choix de mots, organisation, etc.) (Hyland, 2003). La présente étude s’intéresse à la RC qui porte à la fois sur la forme et le contenu.

La RCE peut être fournie à partir de diverses stratégies. Par exemple, la rétroaction directe propose à l’élève la forme ou la structure correcte. Les rétroactions directes peuvent avoir des formes diverses, à savoir (1) le biffage d’un morphème, d’un mot ou d’une phrase inutile, (2) l’insertion d’un morphème, d’un mot ou d’une phrase indispensable ou (3) la suppression d’un morphème, d’un mot ou d’une phrase. Ce type de rétroaction peut être fait en écrivant la formulation correcte au-dessus ou près de celle qui a été utilisée de façon erronée (traduction libre de Bitchener et Ferris, 2012, p.65). Les stratégies de rétroaction indirecte, quant à elles, incitent l’apprenant à s’autocorriger, notamment à l’aide du soulignement, de l’encerclement, du codage arbitraire (p. ex., les codes de couleurs) ou du codage linguistique (p. ex., S pour syntaxe) sans que l’enseignant n’ait à proposer la forme correcte (Ammar et coll., 2016; Ferris, 2006). Lorsqu’une rétroaction est accompagnée d’une brève explication grammaticale, qu’elle soit directe ou indirecte, on fait alors référence à la rétroaction métalinguistique (Bitchener et Ferris, 2012; Ellis, 2009).

Les enseignants de L2 emploient en général tant la rétroaction directe que la rétroaction indirecte (Chong, 2019). Par exemple, Lira-Gonzales et Nassaji (2020) ont trouvé que les enseignants d’anglais L2 utilisaient très souvent la rétroaction directe lorsqu’ils corrigeaient les productions écrites des élèves dans trois contextes d’instruction, à savoir primaire, secondaire et universitaire. Dans la même recherche, ils ont signalé que les enseignants d’anglais L2 employaient différentes stratégies de rétroaction indirecte comme le soulignement de l’erreur, le dénombrement d’erreurs dans la marge, ainsi que l’utilisation de codes ou de couleurs indiquant le type d’erreur.

Les conclusions obtenues dans les recherches comparant les effets de ces types de rétroaction ont mené à des résultats contradictoires (Chong, 2019). Certaines recherches ont démontré que la RC directe était plus efficace, car elle indiquait clairement l’erreur et proposait sa correction (Bitchener, 2008; Sheen, 2007). D’autres recherches ont plutôt trouvé que la RC indirecte avait des effets plus positifs, car elle demandait aux apprenants de découvrir la forme correcte et, en conséquence, les menait à traiter en profondeur l’erreur (Ferris et Kurzer, 2019; La Russa, 2021).

Ces résultats variés suggèrent que la RCE est une pratique multidimensionnelle, influencée par divers facteurs, à savoir la catégorie de l’erreur, qu’elle soit syntaxique, orthographique ou lexicale, la nature de la rétroaction, et les caractéristiques des apprenants, comme la motivation, l’attitude, le niveau de compétence linguistique, les troubles d’apprentissages et l’âge (Lira-Gonzales et Nassaji, 2020). Une autre variable importante et peu explorée peut être la PdT que les apprenants de L2/étrangère font des différents types de rétroaction.

1.2. Profondeur de traitement

La PdT est un concept attribué à Craik et Lockhart (1972) pour développer les niveaux (superficiel ou structural, phonologique ou lexical et profond ou sémantique) de traitement de la langue première (L1). Elle décrit l’idée que le stockage des informations dépendrait de la PdT opérée, c’est-à-dire que lorsqu’un individu perçoit un stimulus, il subit une suite d’opérations appelées traitements, analyses ou encodages, et ces traitements se suivent dans un ordre hiérarchique de manière continue (Adrada-Rafael, 2017). Le concept de PdT fait référence à l’encodage conceptuel ou sémantique (p. ex., traitement en profondeur) et à l’encodage perceptuel (p. ex., traitement superficiel) d’un item lexical (Craik et Lockhart, 1972). Selon Craik et Lockhart (1972), plus un individu fait appel aux informations à retenir, meilleures seront ses performances. En d’autres mots, les informations reçues sont retenues par les individus s’il y a un effort cognitif pendant le traitement de l’information.

Les résultats des recherches menées dans le domaine de la psychologie cognitive ont appuyé la thèse de Craik et Lockhart (1972) sur les niveaux du traitement des informations, tout particulièrement en apprentissage du lexique et sa mémorisation (Konstantinou et Gardiner, 2005; Rajaram, 1993).

Dans le domaine de l’acquisition d’une L2, Laufer et Hulstijn (2001) ont développé l’hypothèse de la charge d’implication pour l’apprentissage du lexique en L2. Cette hypothèse comprenait trois composantes : besoin, recherche et évaluation. Le besoin fait référence à la composante motivationnelle, tandis que la recherche se réfère à la manière dont l’apprenant emploie des stratégies pour identifier le sens d’un mot inconnu dans une L2. L’évaluation cherche quant à elle à comparer un mot proposé à d’autres mots. La combinaison des trois et leur degré d’importance constituent la charge d’implication pour encoder les nouveaux mots. Ainsi, si l’apprenant a une implication majeure, il aura une meilleure rétention. Selon Laufer et Hulstijn (2001), une charge majeure d'implication équivaudrait à une plus grande PdT des informations.

Martínez-Fernández (2008) a utilisé dans sa recherche l’hypothèse de charge d’implication de Laufer et Hulstijn (2001). Contrairement aux prédictions de cette hypothèse, les résultats de son étude ont révélé que ce n’était pas la combinaison de trois composantes (besoin, recherche et évaluation), mais de deux (besoin et évaluation) qui permettait de constater un développement plus efficace du vocabulaire sur les posttests immédiat et différé, ainsi qu’une conscience plus élevée.

Le concept de la PdT est compris dans l’acquisition d’une L2 comme « le niveau d’effort cognitif, le niveau d’analyse, l’élaboration de la saisie[1] avec l’utilisation des connaissances, les tests d’hypothèse et la règle de formation employée dans le décodage et l’encodage de quelques formes grammaticales et lexicales dans l’input » (traduction libre de Leow and Mercer, 2015, p. 204).

Le modèle du traitement de l’acquisition d’une L2 de Leow (2015) postule qu’il existe trois étapes de traitement pour apprendre une L2, à savoir l’étape du traitement de l’input (de l’input à la saisie), l’étape du traitement de la saisie (de la saisie au développement du système de la L2 de l’apprenant) et l’étape du traitement de la connaissance (du développement du système de la L2 de l’apprenant à l’output). Cela démontre qu’une capacité attentionnelle limitée n’est pas responsable de toute interruption potentielle du traitement d’une L2 (pendant les étapes du traitement de l’input, de la saisie et de la connaissance), mais que la capacité d’encodage des apprenants et la PdT jouent un rôle essentiel pour chacune des trois étapes (Leow et Mercer, 2015).

Comme nous l’avons évoqué, la PdT des différents types de rétroaction par les apprenants de L2/étrangère constitue une variable peu explorée dans la littérature de la RC. Afin de mieux comprendre comment les apprenants de FLE analysent cognitivement deux types de rétroaction, nous avons utilisé les questions de recherche suivantes pour guider cette étude : (1) Les types de rétroaction peuvent-ils influencer la PdT de la RC de l’apprenant ? (2) Les types d’erreurs peuvent-ils influencer la PdT de la RC de l’apprenant ?

2. Méthode

2.1. Contexte de la recherche

Cette recherche s’est déroulée dans une classe d’étudiants hispanophones de niveau avancé de FLE d’une université publique à San José, au Costa Rica. Cette université a développé deux programmes pour les étudiants voulant obtenir un diplôme universitaire, à savoir le baccalauréat en français langue étrangère (BFLE) ou le baccalauréat en enseignement du français langue étrangère (BEFLE). Chacun des programmes compte quatre ans de formation et certains cours sont communs aux deux programmes, par exemple, grammaire française, expression orale et écrite, littérature française, culture et théorie de la langue.

La durée de chacun des cours des programmes est de 6 à 8 heures de formation et de 4 à 6 heures de travail autonome par semaine pour 18 semaines par semestre. Cependant, pendant la pandémie de COVID-19, au cours de laquelle cette recherche s’est déroulée, cette université s’est servie de l’application Zoom pour tenir des séances de cours synchrones, et de la plateforme Moodle pour les activités asynchrones.

Cette recherche s’est déroulée dans le cadre du cours de théorie de la langue donné par un des cochercheurs de cette étude. Pendant les sessions virtuelles synchrones, les étudiants pouvaient interagir avec leurs pairs et leur professeur, en utilisant, par exemple, le tableau interactif, les vidéos, les temps d’interaction dans les salles de répartition, etc. Pendant les sessions asynchrones, les étudiants travaillaient sur les activités proposées par le professeur dans la plateforme Moodle, à savoir des questionnaires, des forums, des cartes conceptuelles, des compositions collaboratives dans le wiki ou individuelles dans le blogue.

2.2. Participants

Seize étudiants hispanophones ont accepté de participer à cette recherche. Il s’agissait d’un échantillon par convenance selon les critères d’inclusion établis : apprenants du FLE de quatrième année d’études universitaires, ayant appris le français à l’université et ayant l’espagnol comme langue première. Les participants étaient âgés de 20 à 38 ans. Au total, 75 % (12 participants) ont mentionné qu’ils maîtrisaient l’anglais comme langue étrangère, 18,8 % (trois participants) avaient visité un pays francophone, et 50 % suivaient le programme de BEFLE. Le tableau 1 illustre les caractéristiques sociodémographiques des participants.

Tableau 1

Les caractéristiques sociodémographiques des participants

Les caractéristiques sociodémographiques des participants

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2.3. Instruments et procédés

Les instruments et procédés de cette recherche proviennent d’un devis mixte, car nous avons collecté et analysé des données quantitatives et qualitatives pour répondre à nos questions de recherche (Creswell et Creswell, 2017). Les participants ont rédigé deux textes argumentatifs comme travail pour leur cours de français. Après avoir rédigé le texte à partir du thème proposé par leur professeur, ils ont reçu sa rétroaction au bout d’une semaine. Les apprenants ont reçu de la RC indirecte (des codes) pour le premier texte, et de la RC directe (reformulation sans autre indice) pour le deuxième. À partir de chaque rétroaction, les apprenants devaient faire une réflexion à haute voix. Nous avons pris en considération les données des participants ayant accompli toutes les tâches et ayant suivi les consignes établies. Du groupe initial de 27 participants, nous n’en avons gardé que 16.

Les tâches d’écriture. Chaque participant a rédigé deux textes argumentatifs, puis a reçu une rétroaction de type indirect avec des codes pour le premier cas et, pour le deuxième cas, une rétroaction directe. Comme dans la recherche de Kim et Bowles (2019), l’ordre d’apparition de deux types de rétroaction et les consignes pour les deux textes ont été neutralisés afin de contrôler les effets de la tâche et des instructions. Les thèmes de chaque texte ont été choisis par le professeur qui était aussi cochercheur de cette étude. Les étudiants devaient rédiger une composition de 500 mots sans prendre en considération la bibliographie. Ils avaient une heure et demie pour le faire. Les thèmes des textes sont les suivants :

Tâche A : L’oral est plus difficile que l’écrit

Tâche B : Le langage humain et la communication animale sont aussi complexes

La réflexion à haute voix. Après avoir accompli la tâche d’écriture, les étudiants l’ont envoyée au professeur. Celui-ci a corrigé les textes et leur a proposé de la rétroaction une semaine plus tard. Rappelons-nous que les apprenants ont reçu de la RC indirecte (des codes) pour le premier texte, et de la RC directe pour le deuxième. Puis, chaque participant devait faire la révision et la correction selon les consignes proposées et devait aussi faire une réflexion à haute voix soit en espagnol, soit en français. Comme proposé dans la recherche de Kim et Bowles (2019), les étudiants ont fait une réflexion à haute voix comme exercice d’échauffement avant de commencer la tâche. Pendant cet exercice, le professeur leur a demandé de comparer la version originale de leur composition à la version corrigée ou reformulée. Ils pouvaient utiliser leur L2 (français) ou leur L1 (espagnol) pour exprimer leurs pensées pendant la réflexion et ils n’étaient pas non plus obligés d’employer une seule langue, c’est-à-dire qu’ils pouvaient mélanger les deux langues pendant l’exercice afin qu’ils se sentent plus à l’aise.

Après avoir complété l’exercice d’échauffement, les participants ont reçu une version numérique de leur texte original et une version de leur texte avec la rétroaction (soit la RC avec des codes, soit la RC directe). Ils devaient faire une réflexion à haute voix en comparant le texte original à celui avec la rétroaction, comme ils faisaient d’habitude dans leurs cours. Comme l’avait suggéré Bowles (2010), le professeur les accompagnait (sur Zoom) pendant la réflexion à haute voix afin de contrôler l’enregistrement et les encourager à parler lorsqu’ils restaient silencieux.

2.4. Codification

Erreurs. Afin de maintenir la validité écologique de la recherche, la codification des erreurs était la même que celle employée par le professeur dans son cours. Ainsi, les différents types d’erreurs étaient les suivants : (1) orthographe, (2) accord des groupes nominaux, (3) accord des groupes verbaux, (4) déterminants, (5) ponctuation, (6) vocabulaire, (7) structure de la phrase, (8) organisation des paragraphes, (9) style.

Le professeur a fourni la RCE sur les textes (dans un document Microsoft Word) pour la RC directe et indirecte. Pour la RC directe, les erreurs des étudiants ont été raturées et la forme correcte était écrite à côté de l’erreur. Pour la RC indirecte, les codes ont été utilisés, comme « D » pour l’utilisation des déterminants dans l’exemple ci-dessous.

Exemple :

Rétroaction directe :

Les experts se posent des questions par rapport à la fonction et lesaux caractéristiques de l’expression orale et écrite dans la langue.

Rétroaction indirecte :

Les experts se posent des questions par rapport à la fonction et les [D] caractéristiques de l’expression orale et écrite dans la langue.

La réflexion à haute voix. Toutes les réflexions (en français et en espagnol) ont été transcrites par le professeur cochercheur dont la langue maternelle est l’espagnol et par l’assistant de recherche dont la L1 est le français.

La profondeur de traitement. Afin d’examiner si les types de RC influent le PdT de la RC par l’apprenant, les commentaires de chaque apprenant ont été classés selon les catégories employées par Kim et Bowles (2019). Ainsi, les commentaires des participants avec un niveau élevé de PdT ont été codés de la façon suivante : (1) formulation d’une hypothèse pour l’élément ciblé (si l’hypothèse était précise), (2) identification de la règle ciblée, (3) application de la règle ciblée pour interpréter la rétroaction, (4) démonstration de grand niveau cognitif pour aborder ou comprendre l’élément corrigé.

Exemple (niveau élevé de PdT) :

Extrait d’un texte : L’interaction sociale n’est pas la même dans le texte écrite écrit.

Bon, dans le premier paragraphe, j’ai mis « social », au masculin et c’est féminin parce que c’est « l’interaction ». Donc, oui, bien sûr il y a une faute d’accord. Et c’est le même cas avec « écrite », c’est « écrit », masculin.

À l’opposé, les commentaires des participants avec un faible niveau de PdT ont été codés de la manière suivante : ils (1) ont reconnu la rétroaction avec des mots tels que « oui, c’est exact, oh ou je vois », (2) ont fait des observations ou des commentaires démontrant une faible analyse de l’élément ciblé, (3) ont démontré un effort cognitif faible pour aborder ou comprendre la correction, (4) n’ont pas pu arriver à la règle ciblée, ou (5) ont repéré ou répété l’élément ciblé sans comprendre la correction.

Exemple (niveau faible de PdT) :

Extrait d’un texte : Cependant, beaucoup ont considéré la partie orale plus facile que la partie écrite, oubliant (V) ainsi l’essentiel de l’écriture à l’intérieur d’une langue.

Ici, je vois un verbe « oubliant », je ne sais pas bien ce que je dois changer, peut-être je dois reformuler, parce que je sais pas.

3. Résultats et discussion

Pour proposer le contexte de l’analyse des données, nous présentons tout d’abord un tableau avec les conditions de correction selon chaque rétroaction et le type d’erreur (Tableau 2).

Tableau 2

La fréquence d’erreurs corrigées selon chaque condition de rétroaction

La fréquence d’erreurs corrigées selon chaque condition de rétroaction

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Un test-t apparié (voir tableau 3) a démontré que la moyenne du nombre d’erreurs corrigées avec des codes [22,6 (10,6)] et du nombre d’erreurs corrigées directement [20,4 (11,0)] était statistiquement similaire (t(15) = 1,277, p = 0,221).

Tableau 3

Nombre d’erreurs corrigées selon la condition de la rétroaction

Nombre d’erreurs corrigées selon la condition de la rétroaction

Note : ÉT = écart-type, * T-test apparié

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3.1. Question de recherche 1 :Les types de rétroaction peuvent-ils influencer la PdT de la RC de l’apprenant ?

La première question de recherche a voulu identifier s’il existait des différences entre la PdT des participants et le type de rétroaction reçue, soit directe, soit indirecte (avec des codes). Le tableau 4 démontre que pour la rétroaction directe, 15,5 % (n = 33) des erreurs corrigées ont été traitées avec une PdT élevée et 84,5 % (n = 180), avec une PdT faible. Cependant, pour la rétroaction indirecte (avec des codes), 15,4 % (n = 47) des erreurs corrigées ont été traitées avec une PdT élevée et 84,6 % (n = 258), avec une PdT faible. Les résultats du test du khi carré de Pearson ont démontré qu’il n’y avait pas de relation statistique significative entre le type de rétroaction et la PdT (p =  0,979).

Tableau 4

Le tableau de contingence du type de rétroaction et de la profondeur de traitement

Le tableau de contingence du type de rétroaction et de la profondeur de traitement

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Nos résultats démontrent que le type de rétroaction n’influe pas sur la PdT des apprenants. Ces résultats diffèrent de ceux de Kim et Bowles (2019), qui ont trouvé que les reformulations permettaient aux apprenants de mieux encoder les erreurs que la correction directe. Leow et coll. (2022) ont aussi trouvé une PdT élevée pour la RCE métalinguistique en comparant les résultats à ceux de la RCE directe.

Les résultats de notre étude étaient inattendus, car la RCE directe était considérée comme un obstacle pour la PdT des structures déterminées. Comme elle proposait de manière explicite la forme correcte de l’erreur, les apprenants n’avaient pas besoin de traiter la correction en profondeur. La RCE métalinguistique promouvait quant à elle la PdT des informations puisqu’elle permettait aux élèves de résoudre les problèmes seuls.

La divergence des résultats de notre recherche par rapport aux précédentes peut être expliquée par le fait que les autres études ont employé la rétroaction focalisée, alors que la nôtre a utilisé la rétroaction globale. Cela veut dire que ce n’était pas le type de rétroaction, mais le type d’erreur qui influait sur la PdT. Nous discuterons de ce sujet dans la section suivante.

3.2. La question de recherche 2. Les types d'erreurs peuvent-ils influencer la PdT de la RC de l’apprenant ?

La deuxième question de recherche se posait si le type d’erreur avait des liens avec la PdT des participants (fort vs faible). Nos résultats démontrent que les types d’erreurs ont un lien avec la PdT des apprenants. La ponctuation, le choix de mots et les temps verbaux étaient liés à une PdT faible, tandis que la structure de la phrase et l’organisation étaient associées à une PdT élevée (voir tableau 5).

Tableau 5

Type d’erreurs corrigées et de profondeur de traitement

Type d’erreurs corrigées et de profondeur de traitement

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Nos résultats rejoignent ceux de Kim et Bowles (2019), qui ont aussi trouvé des relations significatives entre la PdT et certains types d’erreurs (ponctuation, temps verbaux, choix de mots, structure de la phrase et organisation).

Ils rejoignent également ceux de Leow et coll. (2022), qui avaient exploré les processus cognitifs et la PdT chez des apprenants adultes en L2 ayant reçu les deux types de rétroaction (la rétroaction directe et la rétroaction métalinguistique) pour des erreurs morphologiques et syntaxiques. Ils ont identifié deux niveaux de complexité (1 et 3) du verbe en espagnol gustar (aimer) selon le nombre d’étapes dont les apprenants avaient besoin pour traiter ou produire chaque niveau. Ils ont trouvé que les participants avaient traité les erreurs morphologiques (les accords) de la même manière que celles de la syntaxe (niveau 1 du verbe gustar), mais avaient traité beaucoup mieux l’accord, c’est-à-dire avec un niveau supérieur du verbe gustar (niveau 3).

4. Conclusion

Cette recherche visait à examiner si les types de rétroaction pouvaient influencer la PdT des informations de l’apprenant et si les types d'erreurs pouvaient influencer la PdT de l’information.

Nos résultats démontrent que le type de rétroaction n’influe pas sur la PdT de l’information des apprenants, mais que les types d’erreurs influent sur la PdT de l’information des apprenants.

Selon ces résultats, les enseignants devraient prendre en considération le fait que certains types de RCE seraient plus efficaces pour certains types d’erreurs que pour d’autres. Par exemple, les erreurs de ponctuation qui requièrent une faible PdT peuvent être corrigées par la rétroaction directe, mais la rétroaction indirecte avec des codes peut être utilisée pour les erreurs de structure de la phrase qui demandent une forte PdT. Cela pourrait rendre plus efficace le type de rétroaction qui promeut l’autoréflexion, l’attention et le repérage des erreurs. De plus, le fait que les données collectées étaient authentiques, car elles étaient en lien avec un programme de langue et un cours spécifique, attribue de la validité écologique aux résultats, permettant ainsi aux enseignants de les associer facilement et pertinemment aux résultats d’apprentissage du programme d’étude qui les concernent.

Finalement, nous avons des limites à mentionner et des perspectives de recherche à proposer. Cette recherche a été conçue avec un nombre limité de participants (N = 16). Pour les futures recherches, il serait donc intéressant d’avoir un échantillon plus vaste de participants pour pouvoir généraliser les résultats. De plus, cette recherche n’a pris en considération que deux types de rétroaction écrite (directe et indirecte avec des codes) proposés par l’enseignant, d’autres types de rétroaction et la rétroaction par les pairs pourraient donc être considérées dans de futures recherches.